W. I. PATTERSON, 1865-1954

Industrialist, Civic Leader, Philanthropist

Founder, Steel City Electric Company, 19O4

Established W. I. Patterson Charitable Foundation

(EUVRES

DE

HENRI POINCARE

PUBLIEES

SOUS LES AUSPICES DE L'ACADEMIE DES SCIENCES

PAR

LA SECTION DE GEOMETR1E

TOME XI

PUBLIE AVEG LA COLLABORATION

DE

GERARD PETIAU

MA.ITRE DE RECHBACHES

MEMOIRES DIVERS - HOMMAGES A HENRI POINCARfi

LIVRE DU CENTENAIRE DE LA NAISSANCE D'HENRI POINCARE (1854-1954)

PARIS GAUTHIER-VILLARS, EDITEUR-IMPRIMEUR-LIBRAIRE

Quai des Grands-Augustins, 55

1956

MEMOIRES DIVERS

SUR

LES POINTS SINGULIERS

DES EQUATIONS DIFFERENTIELLES

Comptes rendus de I'Academie des Sciences, t. 94, p. 4*6~4iS (i3 fevrier 1882).

comme une

J'envisage deux Equations diflferentielles simultan£es

\ dx __ dy __ dz

(1) y - Y - T'

ou X, Y, Z sont des polynomes entiers en #, y, s. Si je regarde a?, y, * uuj les coordonn^es d'un point dans 1'espace, ces deux Equations d^fmissent infinite de courbes gauches que j'appelle caracteristiques.

Par chaque point de 1'espace passe une caractdristique et une seule. Les seuls points qui ne satisfont pas a cette r&gle sont les points singuliers, c'est- a-dire les points d'intersection des trois surfaces

(2) X = o, Y = o, Z = o.

En g£n6ral, ces'trois surfaces ne se couperont pas suivant une courbe, et les point singuliers seront isol6s. Pour les classer, on envisagera 1'^quation en S,

(3)

Nous supposerons que cette Equation n'a pas de racine multiple,- ni de

«^X

dX.

dX

dx

dy

~d~z

dY

dY

dY

dx

~dy ~~

d^

dl

dZ

dZ c

§

dx

Ty

dz

4 SUR LES POINTS SINGULIERS.

racine nulle, ce qui arrivera en g&i&ral. II y aura alors quatre sorles de points singuliers :

Les nceuds. Liquation (3) a toutes ses racines r^elles et de m6me signe. Toutes les caract&ristiques qui p£n£trent dans une petite sphere d^crite autour du point singulier viennent converger en ce point : exemple, liquation

dx __ dy __ dz

x ~~~ y ~~ z

dont 1'inttSgrale g^nerale s't^crit

a b c

a, b, c dtant les constantes d'int^gration.

2U Les cols. Liquation (3) a toutes ses racines r^elles, mais non de m£me signe. Une infinite de caract^ristiques, dont Fensemble forme une surface, viennent converger au point singulier; en dehors de cette surface, il existe encore une autre caract^ristique qui vient passer par le point singulier; les autres restent constamment a une distance finie de ce point : exemple,

1'^quation

dx __ dy __ dz j •**

dont I'int^grale g£n£rale s'^crit

Une infinite de caract^ristiques,

£ =y ^=0

a b ** '

situ^es toutes sur la surface z = o, viennent passer par 1'origine. II en est de m6me de la caract^ristique

x =y = o.

Les autres restent a une distance finie de 1'origine.

Les foyers. L'gquatiori (3) a une racine r6elle et deux racines imaginaires conjugu^es, dont la somme est de rn6me signe que la racine r£elle. Une carac- t^ristique, et une seule, passe par le foyer; les autres tournent autour de ce foyer, en s'en rapprochant asymptotiquement, en forme de spirales et de tire- bouchons.

SUR LES POINTS SINGULIERS. 5

Les cols-foyers. Liquation (3) a une racine r£elle et deux racines ima- ginaires conjugue'es, dont la somme n'est pas de merne signe que la racine re"elle. Une caracte'ristique, et une seule, passe par le point singulier; une infi- nite' d'autres, dont Fensemble forme une surface, tournent autour de ce point en s'en rapprochant asymptotiquement; les autres restent a une distance finie de ce point.

CJn cas particulier inte'ressant est celui ou les trois surfaces (2) se coupeiit suivant une m&me courbe, qui est alors une ligne singuliere.

Conside'rons un point de cette ligne singuliere. En ce point, 1'equation (3) a une racine nulle. Tl y a toujours une caracte'ristique qui passe par le point singulier, et c'est la ligne singuliere elle-m6me.

Les points d'une iigne singuliere sont d'ailleurs de trois sortes :

Les nceuds. L'e'quation (3) a une racine nulle et deux racines re'elles et de m&me signe. Dans le voisinage de ces points, une infinite' de caracl(3ristiques, dont 1'ensemble forme une surface, viennent converger en chaque point de la ligne singuliere.

Les cols. L'e'quation (3) a une racine nulle et deux racines r^elles et de signe contraire. Par chaque point de la ligne singuliere passent deux caracte"- ristiques (outre la ligne singuliere elle-m&me) ; les autres restent a distance finie de cette ligne.

Les foyers. L'e'quation (3) a une racine nulle et les deux autres imagi- naires conjugue"es. Toutes les caracte'ristiques se rapprochent alors asymptoti- quement de la ligne singuliere.

On trouverait des singularite's d'ordre plus elev<3 aux points qui se'parent les arcs de la ligne singuliere, dont tous les points sont des noeuds, des arcs dont tous les points sont des cols etde ceux dont tous les points sont des foyers.

SUR

LA GENERALISATION DTN THEOREME D'EULER RELATIF AUX POLYEDRES

Comptes rendus de C Academic des Sciences, t. 117, p. i44~r45 (17 juillet iSg3).

On sait qu'Euler a d6montr6 que, dans un poly&dre convexe, le nombre des sommets, plus celui des faces, moms celui des aretes, est 6gal a 2; si done on design e par a0? a2 et «1? ces trois nombres, on aura

Ce r£sultal s'^tend a tous les poly&dres simplement connexes; on sait que si Pordre de connexion est £gal a PI, la formule doit s'^crire

a0— a!-h a2= 3 —Pi.

II peut toe int&ressant, au point de vue de V Analysis situs et de ses appli- cations, de voir ce que devient ce thtfor&me pour un poly&dre situ6 dans Pespace a plus de trois dimensions. Consid^rons done un poly&dre situ6 dans Pespace a n+ i dimensions, et soit a0 le nombre des sommets, at le nombre des aretes, c'est-a-dire des gtements a une dimension, a2 celui des 6l6ments a deux dimensions, etc.; et enfm zn celui des 6l^ments a n dimensions. On trouve ais^ment

«o «i -+- «a «a H- . . ± <x« = const.

Mais, ce qu'il y a de remarquable, c'est que la constante du second membre depend de Pordre de connexion si n est pair, et qu'elle est toujours nulle si n est impair.

GENERALISATION D'UN THEOREME D'EULER. 7

On peut s'en rendre compte de diverses manieres ; par exemple si nous d£si- gnons par

PI? Pa? 3 P/z— ij

les ordres de connexion du polyedre de'finis par Riemann et Betti, on voit qu'on a

a0 at -4- a2 .H- aft= 3 -- PI H- P2 . . .— Pn-i,

si 71 est pair et

oc0 «! -h a2 . . . a/t = PI -+- P2 . •-!- P«— i)

si H, est impair.

Comme les nombres de Betti Pq et Pn—q sont 6gaux, on voit que, dans le second cas, le second membre est nul, ainsi que je 1'avais annonc^.

Ces re'sultats supposent que tous les elements du poljedre sont simplement connexes. S'il n'en e"tait pas ainsi, on serait conduit a une formule analogue, mais plus complique"e.

H. P. - XI.

SUR

LA GENERALISATION

D'UN THEOREME ELEMENTAIRE

DE GEOMETRIE

Comptes rendus de UAcademie des Sciences, t. 140, p. 113-117 (16 Janvier 1906).

La somme des angles d'un triangle est <5gale a deuxdroits; mais nous n'avons aucun th6or&me analogue pour le t£tra&dre.

La surface d'un triangle sph6rique est proporlionnelle a l'exc£s sph^rique; mais nous n'avons aucun th£or6me analogue pour le t6tra£dre hypersph6rique trac6 sur 1'hypersph^re de 1'espace a quatre dimensions.

On peut done se demander si les lh£or&mes en question sont susceptibles d'etre 6tendus aux espaces a plus de trois dimensions. Ainsi que nous allons le voir, le premier de ces th£or&mes peut £tre g^n^ralis6 dans tout espace d'un nombre pair de dimensions, mais non dans les espaces d'un nombre impair de dimensions. Le second th6or&me peut &tre 6tendu auxhypersph&res des espaces a un nombre pair de dimensions, mais non aus. hypersph^res des espaces a un nombre pair de dimensions.

Flagons-nous dans 1'espace a n dimensions, et soient £1, £2, , £n les coor- donn6es d'un point dans cet espace et

(0 ?! + ?! + ..-4-^ = 1

liquation d'une hypersph&re. Soient

(2) X! = o? Xs=o, ..., X^=o

GENERALISATION D'UN THEOREMS. 9

les Equations de n plans passant par Porigine. Alors X1? X2, . . . , Xn sont des polynomes lineaires et homogenes en £1? £2, . . ., %n. Nous pouvons toujours supposer qu'on a identiquement

(3)

En effet, quels que soient ces polynomes, on pourra trouver n constantes Xi, A2, . . . , \n telles que JKA/Xf= ^; mais comme nous pouvons aussi bien ecrire

les Equations des plans A/X/ = o, an lieu de X/= o, nous ne restreignons pas la generalite en supposant que ces constantes sont e'gales a i .

Ces n plans (2) divisentla surface de 1'hypersphere (i) en a/l regions, qui se distinguent entre elles par les signes des polynomes X. L'une de ces regions sera le tetraedre hyperspherique que nous voulons etudier et que j'appelle T; ce sera par exemple celle pour laquelle tous les polynomes X sont positifs.

Mais ce n'est pas tout a fait comme cela que nous opererons; nous com- mencerons par diviser 1'hypersphere en deux hemispheres par le plan £ra— o, et nous envisagerons seulement I'he'misphere £n!>o; la surface de cet hemi- sphere sera partagee en 2n i regions seulement; car, en vertu de liqua- tion (3), tous les X ne peuvent &tre n(§gatifs si leur somme ^n est positive.

Pour distinguer ces regions les unes des autres, nous d^signerons chacune d'elles par les indices de ecus: des polynomos X qui sont positifs a 1'int^rieur de cette region. Ainsi la region ou les polynomes X2, XA, X3 sont positifs et tous les autres n^gatifs sera la region 245. Nous appellerons regions Rp celles OUJD de nos polynomes seront positifs et qui seront de'signe'es par consequent

n \ par^> indices. Le nombre total des regions Rp est 6videmment ? £- f-

II n'y a qa'une seule region Rn qui est le t^traedre T, il n'y a pas de region R0. La surface des diverses regions sera evalue"e en prenant pour unite la surface de 1'hemisphere.

Gela pos6, il nous faut definir les angles du tetraedre; et distinguer parmi eux les angles diedres ou angles Aa, les angles triedres ou angles Aa, et plus generalement les angles Ap limites par p plans.

Un angle A^ sera done Fensemble des regions ou les p polynomes X corres- pondant aux plans limites de Tangle sont tous positifs, ou tous negatifs. Ce sera la somme des surfaces de ces regions qui sera la mesure de Tangle Ap. Cela revient, pour les angles diedres par exemple, a prendre n pour unite d'angle.

10 GENERALISATION D'UN THEOREMS.

Les regions Rr/ faisant partie d'un angie A^ seront celles ou les p polynomes X correspondanl aux plans limites seront tous positifs ainsi que q p autres, et celles ou ces p polynomes seront tous ne'gatifs ainsi que n q p autres.

11 y aura done

ti p ! n p !

_ i _ _|_ _ f _ ,

n q ! q p \ q\ n p q\

regions R,y dans Tangle A^. Soil alors pp la somme des angles A^; nous voyons que chaque re'gion Kq figurera

q />!/>! ri p <7 ! fois dans cette somrne ; d'ou

= n

q \ n q \

? repr^sentant la somme des surfaces de toutes les regions Rr/. Posons alors

avec

B<7=22R? pour 3=^' II r^sulte de cette definition que

B<7= ¥>n-(f, Brt=B0=T,

liquation (4) peut alors s'e'crire :

•B,.

Dans cette Equation, Tindice p peut prendre les valeurs 2, 37 . . . , n i ; nous comple'terons done le tableau des Equations (5) en posant

(p.0=B0-f- Bi-+-...-f- Bn=2, |ii = Bi •+- 2B2-+-... 4- ^B^= n, ^=Bn=T.

Toutes ces formules (5) et (6) peuvent se r^sumer dans I'ldentite"

(7)

GENERALISATION D'UN THEOREME.

Gomme on a B9— R;z_9, on aura

ou

(8)

ou, en egalant les coefficients de #/%

_X^ n q \

(9) 1^=7

l ^ ^ -' , p _ q{ n_ pi

Ces relations peuvent d'ailleurs se mettre sous une autre forme. Posons

la relation (9) deviendra

(") >•/»

Ces relations sont etablies pour p ^/i; mais si p^>n^ p.p devient nul et n p ! infini, de sorte que ^p est inde'termine'. Rien n'emp&che alors de sup- poser que ces relations de'finissent encore Ap pour/? >> n. On remarquera que ces relations (i i) sont inde'pendantes de n. Elles peuvent d'ailleurs s'e'crire :

(12) cp(^) = cp(— a;)ex,

d'ou Ton tire

6(^72) e'tant une se'rie quelconque proc^dant suivant les puissances de #2. La relation (i3) permet de calculer les "kp et par consequent les p.^.

Reprenons I'e'quation (9) et faisons-j p = n. Dans le premier membre, le coefficient de p.tl est i et, dans le second membre, 4- 1 si n est pair et i si n est impair, de sorte que les termes en \t.n se d^truisent dans le premier cas et ii6 se de'truisent pas dans le second.

Si done n est impair, c'est-a-dire dans un espace d'un nombrc impair de dimensions, il y a une relation line'aire entre : fx,j, qui repr^sente la surface du te"traedre hypersphe"rique T; (xw_i, j^n-a, - - - , f^a qu^ repr^sentent les sommes de ses angles des diffe'rents ordres; ^ et JULO, qui sont e'gaux a n et a 2. C'est la generalisation du theoreme sur le triangle spherique.

LETTRES DE HENRI POINCARE A L. FUCHS (')

Acta Mathematica^ t. 38, p. 175-184 et 185-187 (1921).

Caen, le 29 mai 1880. MONSIEUR LE PROFESSEUR,

J'ai lu avec le plus grand int6r6l le remarquable M^moire que vous avez fait insurer dans la derni&re livraison du Journal de Crelle (2) et qui a pour titre r Ueber die Verallgemeinerung des Umkehr problems. Veuillez me permettre, Monsieur, de vous demander au sujet de ce travail, quelques t^claircissements.

Vous d^montrez, page i5g que la fonction z est fonction m^romorphe de £, toutes les fois que £ prend une valeur correspondant a une valeur donn£e de z: que cette valeur de z soil un point ordinaire ou un point singulier, qu'elle soit finie ou infinie. Vous d^monlrez ensuite, page 160 que cela est encore vrai pour £~oc et comme conclusion vous dites :

«. . .so ist die durch die Gleichung (H) definirte Function z von £ fur alle Werthe von £ meromorph. »

II s'agit ici de toutes les valeurs de £ finies et infinies ; cet £nonc£ ferait done entendre que z est fonction m^romorphe dans toute fetendue de la sphere et par consequent fonction rationnelle de £; on en conclurait que liquation (A) est toujours int^grable alg^briquement ce qui n'est pas exact comme vous le faites voir un peu plus loin page 168.

( 1 ) Les lettres que nous publions ici sont d'importance pour 1'histoire de la th£orie des fonc- tions fuchsiennes. Ce sont en effet ces lettres dont parle L. Fuchs dans les Nachrichten von der Konigl. Gesellschaft der Wissenschaften und der G.-A.-Universitdt, Gottingen, 1882, p. 83; Gesammelte Mathematische Werke^ Band II, p. 286.

(2) T. 89, 1880, p. i5i-i6g.

I^ CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS.

A quoi tienL cette contradiction ? G'est a ce que les valours de £ sont de trois sortes :

Celles qu'on peut faire atteindre a la fonction -—^ en faisant decrire a la n r <p(s)

variable z surla sphere un certain contour fmi unnombre^/ de fois.

Celles qu'on peut faire atteindre a cette fonction en faisant decrire a z un contour infini ou bien un contour Jini un nombre injini de fois.

Celles qu'on ne peut jamais faire atteindre a la fonction '^T~} quel que soit le contour decrit par z sur la sphere.

Rien ne prouve en effet a priori qu'il n'j ait pas des valeurs de ces trois sortes et me"me, en ge"ne"ral, on est certain qu'il y en a de la deuxieme ou de la troisieme sorte, sans quoi, je le re'pete, liquation (A) serait int^grable alge'- briquement.

Mais alors il me semble qu'il faudrait encore d^montrer que z reste me'ro- morphe quand £ prend une valeur de la deuxi&me ou de la troisieme sorte, et que la demonstration que vous avez donn^e dans votre Memoire ne s'applique qu'a celles de la premiere sorte.

On peut en effet faire plusieurs hypotheses :

on peut supposer que 1'on n'a que des valeurs de la premiere sorte et alors z est rationnel en £;

on peut supposer que 1'on a des valeurs de la premiere et de la deuxieme sorte et que z reste monodrorne quand £ prend une des valeurs de la deuxieme sorte. Dans cette hypothese votre the'oreme trouverait encore son application;

3*} on peut supposer que 1'on a des valeurs de la premiere et de la deuxieme sorte, mais que z ne revienne pas a la m£me valeur, quand £ decrit un contour infiniment petit autour d'une des valeurs de la deuxieme sorte;

on peut encore imaginer que Ton ait des valeurs des trois sortes; que les valeurs de la premiere sorte rcmplissent la region du plan que je couvre de

CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS. 1 5

hachures sur la figure, que le p^rim^tre de catte region soil forme de valeurs de la deuxi&me sorte; enfin que les parlies ext^rieures a ce p6rim£tre corres- pondent a des valeurs de la troisi&me sorte. Alorsla fonction z rfexiste plus quand £ sort de ce perim&tre, et ne peut prendre qu'une seule valeur quand £ reste dans ce p£rim£tre. Alors z n'est pas, a proprement parler fonction analy- tique de £; mais elle est eindeutig-en £, ce qui vous suffit pour les consequences que vous en tirez;

on peut imaginer que Ton ait des valeurs des trois sortes, disposes comme dans la figure ci-dessous, ou la region occupee par des valeurs de la premiere sorte est couverte de hachures. Alors z pourrait ne pas revenir a la m6me valeur quand £ d£crirait un contour tel que HHHH.

Enfin on pourrait encore faire miile autres hypotheses.

Je dois avouer, Monsieur, que ces reflexions m'ont inspire quelques doutes sur la generalite du r6sultat que vous annoncez, et j'ai pris la liberty de vous en parler, dans 1'esperance que vous n'auriez pas de peine a les eclaircir.

Mon adresse est : Henri Poincare, Professeur a la Faculty des Sciences de Caen (Calvados).

Veuillez agr^er, Monsieur le Professeur, 1'assurance de ma consideration respectueuse.

Heidelberg 5 Juni 1880. GEEHRTESTER HERR COLLEGA !

Da ich aus Ihrem geschatzten Briefe ersehe, dass Sie deutsche Abhandlungen mit so tiefem Yerstandniss zu lesen in der Lage sind, so erlaube ich mir bei der Beant- wortung Ihres Briefes mich auch dieser Sprache zu bedienen, weil ich hoffen darf, mich auf diese Weise klarer ausdriicken zu konnen.

Empfangen Sie, geehrtester Herr, vor alien Dingen meinen besten Dank nicht nur ftir das Interesse, welches Sie die Gute haben meiner jiingsten Arbeit entgegenzu-

!6 CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS.

bringen, sondern auch dafttr, dass Sie mich durch Ihren Brief darauf aufmerksam gemacht haben, dass der Satz I p. 161 meiner Abhandlung nicht mit gentigender Precision ausgesprochen 1st.

Wenn Sie in der That das Resume vergleichen, welches ich, vor dem Erscheinen meiner Arbeit im Borchardtschen Journal, von meinen Resultaten in den Nachrichten der Gesellschaft der Wissenschaften zu Gottingen (Februar 1880, p. 170-176) gegeben habe, so werden Sie daselbst p. 178 finden, dass ich dort denselben Satz in der Weise ausgedruckt habe, dass unter den tiber die Wurzeln der zu den verschie- denen singularen Punkten gehorigen determinirenden Fundamental gleichungen gemachten Yoraussetzungen durch die Gleichung

<-•

z als eindeutige Function von £ definirt werde.

Gestatten Sie niir nun mit wenigen Worten auf die Bedeutung des Satzes einzu- gehen.

Aus den Entwickelungen meiner Arbeit in Borchardtfs Journal (p. i58-i6o) ergiebt sich Folgendes : Berechnet man fur jeden Werth von z die zugehorigen Werthe von f , indem man z alle moglichen Umlaufe machen lasst gleichgiiltig ob eine endliche oder eine unendliche Anzahl mal, so erhalt £ von z abhangige Werthe, so lange die Umlaufe nicht so bes chaff en sind, dass dadurchf(z] undy (z) identisch das heisst fur jeden Werth von z unendlich werden.

Die Werthe von £ fur welche nicht f(z) und cp(js) identisch unendlich werden, erfullen in der £-Ebene eine einfach zusammenhangende Flache, welche ich mit S bezeichnen will. Diese Flache bedeckt die £-Ebene nur einfach und an ihre Begren- zung liegen diejenigen Werthe von f fur welche f(z) und cp(js) identisch unendlich werden. Innerhalb der Flache S ist z fiber all eine meromorphe Function von £. Dieses ist der Sinn des Satzes I p. 161, und ein Weiteres brauche ich fur dieAnwen- dungen, welche ich von demselben mache, nicht.

Ich hoffe, dass Ihnen diese Worte zur Aufklarung uber den Sinn, welchen ich dem Satze I p. 161 beilege, genugen werden, um so mehr als ich aus Ihrem Briefe ersehe, dass Sie sich der Ergriindung der vorliegenden analytischen Frage bereits mit so grossem Scharfsinn gewidmet haben.

Genehmigen Sie, Hochgeehrter Herr, die Versicherung meiner ausgezeichnetsten Hochachtung. .

L. FUCHS.

Caen, le 12 juin 1880. Tn£s~HONORfi MONSIEUR,

Je vous demande pardon, d'avoir tant tardg i r^pondre & votre aimable lettre; mais j'^tais absent de Caen, lorsqu'elle est arriv^e a son adresse; je Fai

CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS. 17

regue ce matin seulement et je 1'ai lue avec le plus grand int£r£t. Je vous remercie beaucoup des ^claircissements que vous avez bien voulu me donner et qui m'ouvrent des vues nouvelles sur cette question. Cependant, si je ne craignais d'abuser de votre obligeance, je prendrais la liberty d'appeler encore votre attention sur quelques points de detail, qui me semblenl encore un peu obscurs.

Je suppose que sur le plan des z, je joigne tous les points singuliers au point oo par des coupures, puis quo je fasse mouvoir z dans son plan de telle sorte qu'il ne francliisse aucune des coupures. f va alors erfiillend&ns son plan une cerlaine surface FQ qui sera e"videmment zusammenhangejid. Faisons main tenant mouvoir z dans son plan de telle sorte qu'il ne puisse franchir les di verses coupures plus demfois; £ varestercompris dans une nouvelle surface Fm qui sera toujours zusammenhangencL Quand in augmentera, la region Fm va s'6tendre de plus en plus et la surface que vous appelez F n'est autre chose que la limite Fm pour m = oo. Dire *que cette surface F ne recouvre le plan que einfach) c'est dire que, quelque grand que soit /n, Fni ne recouvrira le plan que einfach.

Or cela est-il une consequence n^cessaire de votre demonstration? II me semble qu'il faudrait pour le faire voir ajouter quelques explications. En effet, comment, lorsque m grandit, la region Fm peut-elle arriver a se rccouvrir elle- m6me? Ellc peut y arriver de deux manieres ainsi que 1'indique la figure suivante ou le trait plein represents le contour de la region Fm et ou cette region est recouverte d'une couche de hachures pendant que les parties duplan OIL F,n se recouvre elle-meme sont couvertes d'une double couche de hachures.

maniere.

Votre demonstration, Monsieur, me parait faire voir de la fa^on la plus claire, que la region Fm ne peut se recouvrir elle-m^me de la premiere maniere ; mais non pas qu'elle ne peut se recouvrir elle-m&me de la deuxieme maniere. H. P. XI 3

1 8 CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS.

Je vois bien que cela est vrai lorsqu'il n'y a que deux points singuliers a distance finie. Dans ce cas j'arrive en effet, par des considerations un peu diiferentes a d6monlrer que F/n ne pout se recouvrir elle-m^mc ni de la premiere ni de la deuxi£me manure. Alors la fonction z reste eindeutig dans Tint^riear de la surface F qui est ici un cerclc.

Mais il ne me parait pas evident qu'il en soit de mOme dans le cas g&igral, de sorte que je me demande si le th£or<jme est encore vrai quand il j a plus de deux points singuliers a distance finie.

Dans le cas ou ces points singuliers ne sont qu'au nombre de deux je trouve que la fonction que vous avez d^flnie jouit de proprieties fort remarquables et comme j'ai 1'intention de publier les r^sultats que j'ai obtenus, je vous deman- derai la permission de lui donner le nom de fonction fuchsienne puisque c'est vous qui 1'avez dtscouverte.

Je vous demanderai aussi la permission de communiquer votre lettre a M. Hermite qui s'int^resse a la question.

Veuillez agr^er, tr&s honors Monsieur, 1'assurance de ma consideration respectueuse.

POINCAR&.

Heidelberg 16 Juni 1880. GEEHRTER HERR COLLEGA !

Empfangen Sie den herzlichsten Dank fur Ihr freundliches Schreiben vom 12 Juni, wodurch Sie von Neuem ein so tief eingehendes Interesse fiir meine Arbeit kundzugeben die Giite gehabt haben.

Es wiirde mir ein besonderes Vergniigen bereiten in die Discussion der von Ihnen aufgestellten Frage einzutreten. Jedoch wiirde ich dadurch Ihre Geduld zum Ueber- fluss in Ansprucli nehmen. Denn eine Arbeit, welche ich schon vor der Veroflentli- chung meiner Resultate in den Gottinger Nachrichten vom Februar dieses Jahres in Angriff genommen, seitdem aber well mich Anderes beschaftigte liegen gelassen hatte, habe ich nun mehr zu Ende gefiihrt. Diese Arbeit (*) enthalt unter Anderem das Tableau aller DifFerenzialgleichungen zweiter Ordnung, welche ausser den iibrigen in meiner Abhandlung angegebenen Eigenschaften noch die auf p. 161 derselben

Abhandlung geforderte Eigenschaft besitzt, dass die Gleichung ^ ^ =

C1) Ueber die Functionen, welche durch Umkehrung der Integrate von Ldsungen der linearen Differentialgleichungen entstehen (Nachrichten von der Kdnigl, Gesellschaft der Wissenschaften und der G.-A.-Universitat, Gottingen, 1880, Sitzung am 3. juli, p. 445-453).

CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS. 19

erfullt wird durch ;;2— ^5 natiirlich so lange /^ ttberhaupt einen bestimmten

Werth hat, d. h. so lange nicht f(z) und cp(s) identisch unendlich werden. Die Arbeit enthalt ausserdem die Integrate aller DifTerenzialgleichungen des Tableau's, und fiir jede derselben den analytischen Ausdruck von z als Function von £,

Sie sehen also, geehrter Herr, dass diese Arbeit jede weitere Discussiontiberfliissig macht. Ich hoffe die Resultate im Laufe der nachslen Wochen zu veroffentlichen, und werde mich beehren Ihnen einen Abzug zu schicken.

Es machte mir grosses Vergniigen in Ihrera Brief e zu lesen, dass Sie in Bezug auf die von mir definirten Functionen wichtiche Resultate gefunden haben, welche Sie zu veroffentlichen beabsichtigen. Dass Sie die Giite liaben \vollen, die genannten Functionen, mil meinen Namen zu bezeichnen, ist fiir mich sehr ehrenvoll und macht mich Ihnen zu Dank verpflichtet.

Es ist selbstverstandlich, dass ich mil Ihrem Wunsche mein Schreiben dem Herrn Hermite mitzutheilen einverstanden bin.

Gereicht mir ja das Interesse, welches dieser grosse Mathemat&er an meinen Arbeiten nimmt, nur zur grossten Genugthuung.

Empfangen Sie, geehrter Herr, die Versicherung meiner ausgezeichnetsten

Hochachtung.

L. FUCHS.

Caen, le 19 juin 1880. MONSIEUR ET CHER COLLEGUE,

Je ne saurais vous dire combien je suis satisfait d'apprendre que vous avez completement r^solu le probleme qui fait 1'objet de notre correspondance et combien je suis de"sireux de recevoir 1'extrait que vous avez bien \oulu me promettre et dont je vous suis bien reconnaissant d'avance.

Les conditions que vous aviez pose'es dans votre Me"moire, pour que z fut eindeutig en ?, 6taient, si je me rappelle bien, les suivantes :

i 2 35

, 52 = H Oil Si = - 5 $2 = -

n n 22

Or voici d'abord ce que je trouve au sujet des Equations qui satisfont a ces conditions. Si on les re'duit a la forme canonique, de fagon a faire disparattre

le terme en c-~-^ les points singuliers situe's a distance finie et tels que la diffe"- rence des racines de I'e'quation fondamentale soit i disparaissent.

20 CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS.

II pent arriver alors que Ton ait

$i = O, 52— I.

Dans ce cas on posera

z a = t-i,

si a est un des points singuliers a distance finie; puis on ramenera de nouveau 1'equation a la forme canonique; le point singulier t = o qui correspondrait an point singulier z GO disparail. Quand toutes ces operations sont effectuees :

Pour tous les points singuliers, soit a distance finie, soit a distance infmie, la difference des racincs de 1'equation determinante est une partie aliquote de 1'unite et est diile'rente de i .

Le nombre des points singuliers a distance finie (qui n'ont pas disparu dans les operations pr6c6dentes) ne pent £tre plus grand que 3.

II reste alors a considerer qualre cas.

Premier cas. Le nombre des points singuliers finis est plus petit que 2. Alors z est rationnel en £.

Deuxieme cas. Le nombre des points singuliers est e'gal as; et si p1} pa, p:i sont les differences des racines des Equations fondamentales determinates relatives a ces deux points et a z = oo, on a

Alors z est encore rationnel en ^.

Troisieme cas. Le nombre des points singuliers est 2 rnais

pt-4- p2-t- P3=I-

Alors z est une fonction doublement p6riodique de £.

Quatrieme cas. -— Le nombre des points singuliers est 3 et il faut alors que la difference des racines de toutes les equations determinantes soit i- C'est sur

ce dernier cas que je prendrai la liberte d'attirer votre attention. On peut en effet former liquation differentielle correspondante de la fagon suivante : soit A(u) une fonction doublement periodique de u defmie par 1'equation differentielle

CORRESPONDANCE AVEC L, FUCHS.

H £tant un poljnome du troisieme degre en A. Posons

on aura

<:/w I cl-u 2 P'

et TI satisfera a liquation differenticlle

. _ _ P"

dz^ [

ou

(0

L'autre inte'grale sera

d'ou

/0 [iHH"-lH;2-+-a2Hl

d*t\ _ 4 ib

u^ - T| L FP J '

Pour que £, c'est-a-dire A fut eindeutig en ^, il faudrait que la fonction A(&) admit la p^riode ce cjui n^a pas lieu en general. Et pourtant si 1'on pose

rj^TuH"^

Y)i se trouve lie' a ^ par une Equation diffe'rentielle line'aire (2).

L'e'quation (2) admet trois points singuliers a distance finie et 1'un aFinfini. Les racines de liquation d^terminante sont :

pour les points a distance finie

I I 2

=— i-h- et o = i-h-;

O. 9 'i

pour le point a 1'infini

i 2

- et a = n

L'e'quation satisfait done aux conditions

i 2

a = n et r2 = n ?

! = i H et s% == n

22 CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS.

et pourtant z rfest pas eindeutig en £, de sorte que dans ce cas particulier votre th^ortsme me semble en defaut.

Mais ce n'est pas tout, et, si je ne craignais d'abuser de votre patience, je vous ferais part de quelques reflexions que m'a suggerees I'tHude de celie question.

Les conditions que vous avez poshes :

o = I H

n

vous les avez trouvees en cherchant a satisfaire a deux hypotheses : z devait 6tre eindeutig en £; toute fonction rationnelle et symetrique de et de ^2 devait 6tre eindeutig en et en &2-

Mais si Ton ne fait que la premiere hypoth^se (z eindeutig en £) ces conditions ne sont plus necessaires. Si en effet 1'objection dont je vous ai parle dans ma derni^re lettre n'existait pas, les conditions que 1'on trouverait (en raisonnant tout a fait comme vous 1'avez fait dans votre Memoire) seraient les suivantes : que pour tous les points singuliers la difference des racines des equations determinates fut une partie aliquote de Punite. On aurait ainsi 'une classe d'^quations baucoup plus etendue que celle dont vous vous 6tes occupe et auxquelles votre th6or^me s'appliquerait. Malheureusernent 1'objection que j'ai soulev^e exige une etude plus approfondie de la question; et cette etude, je n'ai pu la faire que dans le cas ou il n'y a que deux points singuliers a distance finie.

Soient p1? p2, p3 les differences des racines des trois equations determinantes. Si Ton a

Pl

z est rationnel en £. Si 1'on a

z est doublement periodique en J. %

Ces proprietes, je les ai deja enoncees plus haul et d'ailleurs vous les aviez

sans doute deja decouvertes. Tant que Ton suppose

i = I H -- » Sj> = H -- OU

CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS. 23

on ne peut avoir

piH- p2-H pn<I.

Mais si Ton se borne a la premiere Jiypotfiese (z eindeutig en £) pi, p2, p3 ne sont plus assujetlis qu'a 6tre des parlies aliquotes de I'unite', et Ton pent avoir

Alors z n'est plus rationnel, ni doublement pdriodique en £, mais je de"montre que mon objection peut 6tre leve'e et que z reste eindeutig en £. C'est cette fonction nouvelle que j'ai appel6e fonction fuchsienne et a 1'aide de cette trans- cendante nouvelle et d'une autre qui s'y rattache j'integre 1'^quation diffe"ren- tielle du deuxieme ordrc a deux, points singuliers finis, non seulement quand pi, p2, pa sont parties aliquotes de 1'unite; mais quand pi, p2, pft sont des quantite's commensurables quelconques.

La fonction fuchsienne a beaucoup d'analogies avec les fonctions elliptiques ; elle n'existe que dans l'inl,6rieur d'un certain cercle et reste me"romorphe a 1'int^rieur de ce cercle. Elle s'exprime par le quotient de deux series conver- gentes dans tout ce cercle.

Je ne sais rien au contraire sur les Equations difie'rentielles quand il y a plus de deux points singuliers a distance fmie.

Permettez-moi, Monsieur, de vous remercier de votre complaisance, de remercier aussi les Equations lin^aires auxquelles je dois le plaisir d'etre entr£ en correspondance avec vous.

Veuillez excuser la longueur de ma lettre et agre"ez 1'assurance de ma respectueuse consideration.

PoiNCARfi.

Caen, le 3o juillet 1880.

MONSIEUR,

Je vous remercie beaucoup de Penvoi que vous avez bien voulu me faire de votre petit opuscule (1). Le tableau que vous donnez des inte'grales de toutes les Equations diffe'rentielles leve completement tous les doutes.

C1) FbirlanoteC1), p. 18,

24 CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS.

C'est dans les cas III (i) et IV (r) que s'appliquait mon objeclion; vous envisagez en efFet 1'^quation

dz* 2 dz dz i>2 R

CO = O,

pour laquelle votre th^or&me est ^videmment vrai; mais si aii lieu de ^- vous

aviez pris un coefficient nume'rique quelconque a, le the'oreme se serait trouve' en de'faut, quoique les conditions que vous aviez e'nonce'es primitivement et qui sont relatives aux racines des equations de'terminantes eussent continue a <Hre remplies. Comme vous aviez n£glig6 d'e'noncer cette condition supple'mentnire, relative a la valeur du coefficient numerique de ^j je m'y 6tais laisse' tromper

et vous voudrez bien m'en excuser.

Permettez-moi d'insister sur les fonctions auxquelles j'ai donnd votre nom et que j'ai rencontre'es dans ces recherches.

Ces fonctions pre'senlent avec les fonctions elliptiques les plus grandes analogies et sont susceptibles d'etre repre'sente'es par le quotient de deux series convergentes, et cela d'une infinite' de manieres. Parmi ces series, il y en a qui sont des series entieres et qui jouent le role de fonction Tlie'ta.

Elles sont convergentes dans toute I'e'tendue d'un certain cercle et, en dehors de ce cercle elles cessent d'exister, ainsi que la fonction fuchsienne elle-m£me.

En dehors de ces fonctions, il en est d'autres qui jouent le me'me role que les fonctions Ze'ta dans la the'orie des fonctions elliptiques et grace auxquelles j 'integre toutes les Equations diffe'rcntielles line'aires d'ordre quelconque a coefficients rationnels toutes les fois qu'il n'y a que deux points singuliers a distance finie et que les racines des trois Equations d(5terminantes sont commensurablcs. J'ai imagine' aussi des fonctions qui sont aux fonctions fuchsiennes ce que les fonctions abeliennes sont aux fonctions elliptiques et grace auxquelles j'espere inte"grer toutes les Equations line'aires quand les racines des Equations d£ter- minantes seront commensurables.

Enfin des fonctions tout §. fait analogues aux fonctions fuchsiennes me donneront, je crois, les inte'grales d'un grand nombre d'6quations i coefficients irrationxiels.

Veuillez, Monsieur, agre'er encore une fois mes remerciements, ainsi que 1'assurance de ma consideration la plus distingue'e.

POINCARJ&.

CORRESPONDANCE AVEC L. FUCHS. 25

Caen, le 20 mars 1881.

MONSIEUR,

Je vous remercie beaucoup du Me'moire que vous avez eu la bonte de m'envoyer et que j'ai lu avec le plus grand inte're't.

J'ai continue a m'occuper des fonclions auxquelles j'ai donn6 votre nom et j'espere publier procliainement mes re'sultats. Ces fonctions comprennent comme cas parliculier les fonclions elliptiques d'une part, et d'autre part la fonction modulaire. Ces fonctions et d'antres que j'ai appelees z^tafuchsiennes permettent d'inte'grer :

Toules les Equations diff^rcntielles line"aires a coefficients rationnels qui ne pre'sentent que trois points singuliers, deux a distance finie et 1'un a Finfini. Toules les Equations du deuxieme ordre a coefficients rationnels. Un grand nombre d'6quations de divers ordres a coefficients algebriques.

Veuillez agr^er, Monsieur, 1'assurance de ma consideration la plus distingue'e.

H.P. XI.

CORRESPONDANCE DE HENRI POINCARE ET DE FELIX KLEIN

Acta Mathematica^ t. 39, p. g4-i32 ( 1923).

La Correspondance que nous publierons ici interessera tous les geometres comme un document humain. On eprouve un sentiment de reconfort a suivre la lutte, a armes courtoises, dont parlera Poincare dans une de ses lettres. Dans redition allemande de V Encyclopedic des Sciences mathematiques on vient de tracer 1'histoire de la theorie des fonctions automorphes. Les pages suivantes sont de nature a y ajouter quelque chose. Elles retraceront le developpement de cette belle theorie d'une maniere plus intime qu'on ne peut le faire dans une Encyclopedic.

Dans quelques pages emouvantes Henri Poincare a raconte la genese de la decou- verte qui est son plus beau titre de gloire. Cette decouverte date de 1'annee 1880 et comme elle fut 1'origine de la Correspondance suivante nous nous permettons de reproduire ces pages (1).

Depuis quinze jours, je m'efforcais de demontrer qu'il ne pouvait exister aucime fonclion analogue a ce que j'ai appele depuis, les fonctions fuchsiennes; j'etais alors fort ignorant. Tous les jours, je m'asseyais a ma table de travail, j'y passais une heure ou deux : j'essayais un grand nombre de combinaisons et je n'arrivais a aucun re'sultat. Un soir, je pris du cafe noir, contrairement a mon habitude; je ne pus m'endormir, les ide'es surgissaient en foule; je les sentais comme se heurter, jusqu'a ce que deux d'entre elles s'accrochassent, pour ainsi dire, pour former une combinaison stable. Le matin, j'avais elabli I'existence d'une classe de fonctions fuchsiennes, celles qui derivent de la se'rie hyperge'ometrique. Je n'eus plus qu'a re'diger les resultats, ce qui ne me prit que quelques heures.

Je voulus ensuite representer ces fonctions par le quotient de deux series; cette idee fut parfaitement consciente et re'tle'chie; Tanalogie avec Jes fonctions elliptiques me guidait. Je me demandai quelles devaient etre les proprietes de ces series, si elles existaient, et j'arrivai sans difficulte ^ former les series que j'ai appele'es thetafuchsicnnes.

A ce moment, je quittai Caen, ou j'habitais alors, pour prendre part k une course geologique entreprise par 1'Ecole des Mines. Les peripeties du voyage me firent oublier

(OH. POINCAR&, Science et Methode, Paris, 1909, p. 5o-53. Voir aussi CEuvres de Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. 67-58.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 27

mes travaux mathematiques; arrives a Coutances, nous montames dans un omnibus pour je ne sais quelle promenade. Au moment ou je mettais le pied sur le marchepied, 1'idee me vint, sans que rien dans mes pensees anterieures parut m'y avoir prepare, que les transformations dont j'avais fait usage pour definir les fonctions fuchsiennes etaient identiques a celles de la geometric non euclidienne. Je ne fis pas la verification, je n'en aurais pas eu le temps, puisque, a peine assis dans 1'omnibus, je repris la conversation commencee, mais j'eus tout de suite une entiere certitude. De retour a Caen, je verifiai le resultat & tete reposee pour Facquil de ma conscience.

Je me mis alors a etudier des questions d'arithmetique sans grand resultat apparent et sans soupgonner que cela put avoir le moindre rapport avec mes recherches anterieures. Degoute de mon insucces, j'allai passer quelques jours au bord de la mer et je pensai a tout aulre chose. Un jour, en me promenant sur la falaise, 1'idee me vint, toujours avec les memes caracteres de brievete, de soudainete et de certitude immediate, que les trans- formations ariihmetiques des formes quadratiques ternaires indefinies e'taient identiques a celles de la geometric non euclidienne.

Etant revenu a Caen, je reflechis sur ce resultat, et j'en tirai les consequences; 1'exemple des formes quadratiques me montrait qu'il y avail des groupes fuchsiens autres que ceux qui correspondent a la serie hypergeometrique; je vis que je pouvais leur appliquer la theorie des series thetafuchsiennes, et que, par consequent, il existait des fonctions fuchsiennes autres que celles qui derivent de la serie hypergeometrique, les seules que je connusse jusqu'alors. Je me proposal naturellement de former toutes ces fonctions; j'en fis un siege systematise et j'enlevai, Tun apres 1'autre, tous les ouvrages avances; il y en avail un cependant qui tenait encore et dont la chute devait entralner celle du corps de place. Mais tous mes efforts ne servirenl d'abord qu'a me mieux faire connaitre la difficulte, ce qui etait deja quelque chose. Tout ce travail fut parfaitement conscient.

La-dessus, je partis pour le Mont Valerien, ou je devais faire mon service militaire; j'eus done des preoccupations tres differentes. Un jour, en traversant le boulevard, la solution de la difficulte qui m'avait arrete m'apparut tout a coup. Je ne cherchai pas & 1'approfondir immediatementj et ce fut seulement apres mon service que je repris la question. J'avais tous les elements, je n'avais qu'a les rassembler et a les ordonner. Je redigeai done mon Memoire defmitif d'un trait et sans aucune peine.

D'autre part, dans un Cours professe a TUniversite de Gottingen pendant 1'annee universitaire 1915-1916, M. Klein a fait un recit de sa decouverte du Zentral- theo7*em dont il sera question dans les lettres XY1II et XIX. Nous nous permettons egalement de reproduire ce recit (1).

Den Herbst 1881 verbrachte ich zu meiner Erholung an der Nordsee (in Borkum), wo ich die Schrift (2) iiber Riemann schrieb und das Fundamentaltheorem (Pt) von Bd. 19 fand (das ich dann aber erst in den Weilmachtsferien niederschrieb). Entspre- chend der damaligen Anschauung der Arzte fasste ich den Entschluss, Ostern 1882 wieder an die Nordsee zu gehen und zwar nach Norderney. Ich wollte dort in Ruhe einen 2.

(:) F. KLEIN, Die Entwicklung der Mathematik im 19. Jahrhundert (Dritter Teil, Funk- twnentheorie von i85o bis ca. 1900).

( 2 ) F. KLEIN, Ueber Riemanrts Theorie der algebraischen Functionen und ihrer Integrate, Leipzig, 1882; Ges. math. Abh^ Berlin, t. 3, 1928, 99, p. 499-^78.

(3) Ueber eindeutige Functionen mit linearen Transformationen in sich Das Riickkehr- schnitt-theorem ») (Math. Annalen, t, 19, 1882, p. 565-568); F. KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin, t. 3, 1928, 101, p. 622-626.

2g CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

Teil meiner Schrift liber Riemann schreiben, namlich die Existenzbeweise fur die algebraischen Funktionen auf g-egebeaen Riemannschen Flachen in neuer Form ausar- beiten. Teh habe es dort aber nur 8 Tage ausgehaken, denn die Existenz war zu kiimmerlich, da heftige Stiirrae jedes Ausgehen unmoglich machten und sich bei mir starkes Asthma einslellte. Ich beschloss, schleunigst in meine Ileimat Diisseldorf iiberzusiedeln. In der letzten Nacht vom 22. zum 23. Marz, die ich wegen Asthma auf dem Sofa sitfcend zubrachte, stand plotzlich um 2 Va Uhr das Zentrallheorem, wie es durch die Figur des 14-Ecks in Bd. XIV dcr Mathematischen Annalen ja eigerillich schon vorgebildet war, vor mir. Am folgenden Vormittag in dem Postwagen, der damals von Norden bis Emden fuhr, durchdachte ich das, was ich gefunden hatte, nocli einraal bis in alle Einzelheiten. Jetzt wusstc ich, dass ich ein grosses Theorem hatte. In Diisseldorf angekommen, schrieb ich es gleich zusammen(1)3 datierte es vom 27. Marz, schickte es an Teubner und liess Abziige der Korrekturen an Poincare und Schwarz und beispielsweise Hurwitz gehen.

Wie Poiacare am 10. April in den Comptes rendus reagierie (2), habe ich er/.ahlt. Mir selbst aber schrieb cr : ,, Les resultats que vous enoncey, m'intercsscnt beaucoup, voici pourquoi ; je Jes avais trouves il y a deja quelque temps . . , ". Wie so und wie lange er es kannte, hat er nie geiiussert. Es ist begreiflick, dass die Beziehung zwischen uns eine gewisse Spannung annahm. Schwarz hinwieder war infolge mangelhafter Konstan- tenzahlung zunachst der Meinung, das Theorem miisse falsch sein; er hat dann aber spater zu neuen Beweismethoden wesentliche Grundgedanken geliefert.

Mit dem Beweise lag es in der Tat sehr schwierig. Ich benutzte die sogenannte Kontinuitatsmethode^ welche die Mannigfaltigkeit der Riemannschen Fliichen eines gegebenen p der entsprechenden Mannigfaltigkeit automorpher Gruppcn mit Grenzkrcis gegeniiberstellt. Ich habe nie gezweifelt, dass die Beweismethode richtig sei, aber ich stiess iiberall zuf Unferligkeiten meiner funktionentheoretischen Kenntnisse bezw. der Funktionentheorie uberhaupt, deren Erledigung ich vorlaufig nur postuliercn konnlc, und die in der Tat erst 3o Jahre spater (1912) durch Koebe voll erledigt worden sind.

Dies konnte mich nicht abhalten, im Sommer 1883 noch allgemeinere Fundamental- iheoreme aufzustellen, welche Bd. 19 und Bd. 20 gemeinsam umfassen, und die Ausar- beitung der g-anzen Konzeption zunachst durch Seminarvorlrage vorzubereiten, die Study damals niederschrieb. Ich habe die grosse Mehrzahl meiaer Arbeiten in der Weise fertiggestellt, dass ich zunachst bez. Vorlesungen hielt und in den Ferien dann die Redaktion folgen liess. In den Herbstferien. 1882 in Tabarz (Thuringen) ist dann die Abhandlung des Bandes 21 entstanden und am 2. Oktober 1882 abgeschlossen worden (:5j. So unvollkommen und unerledigt dort auch manches ist, die Koristruktion des Gedan- kenganges im Grossen ist geblieben und auch durch die zunachst folgenden Abhandlungen Poincares in den Banden 1, 3, 45 o der eben damals gegriindeten Acta Mathematical nicht verschobea worden.

Nous ferons suivre maintenant la Correspondance qui commence ail mois de juin 1881; elle s'est poursuivie pendant quinze mois et elle fut interrompue par une

(1) Gedruckt in Math. Annalen, t, 20, 1882, p. 4g-5i; F. KLEIN, Ges. math. Abh.^ Berlin, t. 3, 1923, 11° 102, p. 627629 Das Grenzkreistheorem »).

(2) Sur les fonctions fuchsiennes (C. JR. Acad. Sc., t. 94, 1882, p. io38-io4o); OEwres de Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. 4i-/|3.

(3) Neue Beitrage zur Riemannschen Fuiictionentheorie (Math. Annalen, t. 21, i882-i8S37 p. i4i-ai8); (F. KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin, U 3, 1928, 103, p. 680-710 Das allgemeine Fiiadameataltheorem » stelit daselbst in Abschnitt IV).

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 29

maladie de M. KLEIN. Nous avons ajoute quelques notes qui faciliteront aux lecteurs de trouver rapidement les Ouvrages dont il sera question dans les lettres.

N. E. NORLUND.

Leipzig- 12. Juni 1881. SUHII GEEHRTEU HEUR !

Ihre 3 Noten in den Complex rendus : Sur les f auctions fncksiennes ([), die ich erst gesteni, and auch da nur iluchtig kennen lernte, stehen in so engem Zusam- menhange mil den Ucberlegungen und Bestrebungen, mil denen icli mich in den letzten Jahren beschaftigte, dass ich Ihnen deshalb schreiben muss. Icb rnochte mich zuniicbst auf die verschiedenen Avbeiten beziehen, die ich in den Banden XIV (-), XV (3), XVII (*) der Mathematischen Annalen iiber elJiptische Funktionen verofTentlichte. Es handelt sich bei den elliptischen Modulfanktionen natiirlich nur um einen speziellen Fall der von Ihnen betrachteten Abhangigkeilsverhallnisse; aber ein naherer Vergleich wird Ihnen zeigen, dass ich sehr wohl allgemeine Gesicht- spunkte hatte. Ich niochte Sie in dieser Ilinsicht auf einige besondere Punkte aufmerksam machen :

Bd. XIV p. 128 handelt von denjenigen alg, Funktionen, die sich durch Modul- funktionen darstellen lassen, ohne mil den doppeltperiodischen Funktionen zusam- naenzuhangen. Dann folgt, zunachst am speziellen Falle, die wichtige Theorie der Fundamentalpoljgone .

Bd. XIV p. 1 59-160 ist davon die Rede, dass man alle hjpergeometrischen Reihen als eindeutige Funktionen geeigneter Modulfunktionen darstellen kann.

Zu Bd. XIV p. 4^8 fF. gehort eine Tafel, welche die Aneinanderlagerung von

7T 7T 71

Kreisbogendreiecken mit den Winkeln j ^ erlautert [was also ein Beispiel der

7 <5 2

von Halphen (s) betrachteten partikularen Funktionenklasse ist], wobei ich inzwis-

(') C. It. Acad. So., t. 92, 1881, p. 333-335 (i4 f evrier), p. 3g5-3g6 (21 jevrier} et p. 869-861 (4 avril); OEuvres de Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. i-io.

(2) Ueber die Transformation der elliptischen Functional und die Auflvsung der Gleichungen fun/ten Grades (Math. Annalen, t, 14, 1879, p. 111-172; Ueber die Erniedrigung der Modulargleichungen (ibid., p. 417-427); Ueber die Transformation siebenter Ordnung der elliptischen Functionen (ibid., p. 428-471),* F. KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin, t. 3, 1928, 82, p. 13-76, 83, p. 76-89, 84, p. go-i35.

(3) Ueber Multiplicatorgleichungen (Math. Annalen, t. 15, 1879, p. 86-88); Ueber die Trans- formation elfter Ordnung der elliptischen Functionen (ibid., p. 533-555); F. KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin, t. 3, 1923, 85, p. 187-139, 86, p. i4o-i65.

(*) Zur Theorie der elliptischen Modulfunctionen (Math. Annalen, t. 17, 1880, p. 62-70); F. KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin, t. 3, 1923, 87, p. 169-178.

(5) Sur des fonctions qui proviennent de V equation de Gauss (C. R. Acad, Sc., t. 92, 1881, p. 856-858); CEuvres de G. H. Halphen, Paris, t. 2, 1918, p.

3o CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

chen bemerken muss, dass schon in Crelle's Journal Bd. LXXY Fir. Schwarz (!)

den Fall -> T? ^ erlauterte. 244

Bel. XVII p. 62 jfT. bringe ich sodann in knapper Uebersicht die gereifteren Anschau- ungen, mil denen ich mir in der Zwischenzeit die Tlieorie der elliptischen Modulfunk- tionen zurecht gelegt batte.

Diese Anschauungen selbst habe ich nicht publiziert, ich habe sie aber im Somnier 1879 am Munchener Polytechnikum vorgetragen. Mein Gedankengang, der mit dem jetzt von Ihnen eingeschlagenen nun vielfach zusammentrifTl, war damals dieser :

1. Periodische und doppeltperiodische Funktionen sind nur Beispiele fur- ein- deutige Funktionen mit linearen Transformationen in sicli. Es ist Aufgabe der modernen Analysis, alle diesen Funktionen zu bestimmen.

"2. Die Anzabl dieser Transformationen kann eine endliche sein ; dies gibt die Gleichungen des Ikosaeder's, Oktaeder's . . . die ich friiber betrachtete (Math. Annalen, IX (2), XII (:!) und von denen ich bei Bildung dieses ganzen Ideenkreises ausging.

3. Gruppen von unendlich vielen linearen Transformationen, die zu brauchbaren Funktionen Anlass geben (groupe discontinu nach Ihrer Bezeichnung) erhalt man zum Beispiel, wenn man von einem Kreisbogenpolygon ausgeht, dessen Kreise einen festen Kreis rechtwinkelig schneiden und dessen Winkel genaue Theile von TT sind.

4. Man sollte sich mit alien solchen Funktionen beschaftigen (wie Sie das in der That jetzt beginnen), um aber konkrete Ziele zu erreichen, beschranken wir uns auf Kreisbogendreiecke und insbesondere auf elliptische Modulfunktionen.

Ich habe mich seitdem vielfach, auch in Gesprachen mit anderen Mathematikern, mit diesen Fragen beschaftigt, aber abgesehen davon, dass ich noch zu keinem definitiven Resultate gekommen bin, gehort das am Ende nicht hierher. Ich will mich auf das beschranken, was ich publizirtoder vorgetragen habe. Vielleichthatte ich mich schon fruher mit Ihnen oder einem Ihrer Freunde, wie z. B. Herrn Picard (*), in Verbindung setzen sollen. Denn der Ideenkreis, in welchem sich Ihre Arbeiten seit 2-3 Jahren bewegen, ist mit dem meinigen in der That ausserst enge verwandt. So wird mich freuen, weun dieser mein erster Brief Anlass zu einer fortgesetzten Korrespondenz geben sollte. Ich bin freilich im Augenblicke dutch andere Verpflichtungen von diesen Arbeiten abgedrangt, aber babe um so mehr Anlass,

(J) Ueber diejenigen Fdlle, in welchen die Gaussische hyper geometrische JReihe eine algebraische Function ihres vierten Elementes darstellt (J. reine angew. Math., t. 75, 1878, p. 202-335); H. A. SCHWARZ, Ges. math. Abh., Berlin, t. 2, 1890, p. 211-259.

(3) Ueber bindre Formen mit linearen Transformationen in sich selbst (Math. Annalen, t, 9, 1876, p. 183-208); F. KLEIN, Ges. math. Abh, Berlin, t. 2, 1922, n(> 51, p. 275-801.

(3) Ueber lineare Differentialgleichungen (Math. Annalen, t. 12, 1877, p. 167-179); Weitere Untersuchungen uber das Ikosaeder (ibid., p. 5o3-56o); F. KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin,

, t. 2, 1922, 52, p. 307-820 et 3ai-384.

( 4 ) Wiirden Sie Herrn Picard obgleich es ein uatergeordneter Pankt ist, vielleicht gclegentlich auf Annalen, t. 14, p. 122, § 8 aufmerksam machen!

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 3 1

in einigen Monalen zu denselben zuriickzukehren, als ich fur nachsten Winter eine Vorlesung uber Differentialgleichungen angezelgt habe.

Herrn Hermite wollen Sie mich bestens empfehlen. Ich dachte lange daran, mil ihm briefliche Verbindung zu suchen, und wtirde das, wie ich nicht zweifele zu meinem grossten Vortheile, schon langst ausgefiihrt haben, wenn ich nicht in der Sprache ein gewisses Hemmniss gefunden hatte. Ich bin, wie Sie vielleicht wissen, lange genug in Paris gewesen, um franzosisch sprechen und schreiben zu sollen ; in der Zwischenzeit aber ist letztere Fahigkeit durch Nichtgebrauch nur zu sehr verktimmert.

Hochachtungsvoll

Prof. Dr. F. KLEIN. Adresse : Leipzig, Sophienstrasse 10/11.

MONSIEUR,

II.

1 5 juin.

Votre lettre me prouve que vous aviez apercu avant moi quelques-uns des r^sultats que j'ai obtenus dans la th^orie des fonctions fuchsiennes. Je n'en suis nullement £tonn6; car je sais cornbien vous £tes verse dans la connaissance de la g6om6trie non euclidienne qui est la clef veritable du probl^me qui nous occupe.

Je vous rendrai justice a cet 6gard quand je publierai mes rgsullats; j'esp&re pouvoir me procurer d'ici la les tomes 14, 15 et 17 des Mathema- tische Annalen qui n'existent pas a la bibliothkque universitaire de Caen. Quant a la communication que vous avez faite au Polytechnicum de Munich, je vous demanderai de vouloir bien me donner quelques details a ce sujet, afin que je puisse ajouter a mon M6moire une note vous rendantpleine justice; car sans doute, je ne pourrai me procurer directement votre travail.

Comme je ne pourrai sans doute me procurer immediatement les Mathe- matische Annalen, je vous prierais aussi de vouloir bien me donner quelques explications sur quelques points de votre leltre. Vous parlez de die elliptischen Mo d u Ifunktionen .

Pourquoi ce pluriel? Si la fonction modulaire est le carr^ du module exprim<§ en fonction du rapport des p^riodes, il n'y en a qu'une; il faut done entendre autrement 1'expression Modulfunktionen.

32 CORRESPONDANCE AVEC F. KVEIN.

Que voulez-vous dire par ces fonctions alg^briques qui sont susceptibles d'etre repr6sent£es par des fonctions modulaires ? Qu'est-ce aussi que la Theorie der Fundament alpoly gone ?

Je vous demanderai aussi de m'^clairer sur les points suivants : Avez vous trouv(5 tous les Kreisbogenpolygone qui donncnt naissance a un groupe discontinu?

Avez-vous dtjmonlr^ 1'existence des fonctions qui correspondent a chaque groupe discontinu?

J'ai ecrit a M. Picard pour lui commimiquer votre remarque.

Je me felicite, Monsieur, de 1'occasion qui me met en rapport avec vous, j'ai pris la liberte de vous ecrire en frangais ; car vous me dites que vous connaissez cette langue.

Veuillez agr^er, Monsieur, 1'assurance de ma respectueuse consideration,

POINCARE.

GEEHRTER HERR !

III.

Leipzig 19. Juni 1881.

Als ich gestern Ihren willkornmenen Brief erhielt, sandte ich Ihnen umgehend Separatabziige von denjenigen auf unser Thema beziiglichen Arbeiten zu, von denen ich solche iiberhaupt noch besitze. Lassen Sie mich heute diese Sendung durch einige Zeilen erlautern. Mit dem einen Briefe wird es freilich nicht abgelhan sein, sondern wir werden viel korrespondieren miissen, bis wirwechselseitig voile Fuhlung gewonnen haben. Ich mochte heute folgende Punkte hervorheben :

1. Unter den iibersandten Arbeiten fehlen die 3 wichtigsten aus dem 14. Bande der Annalen, desgleichen meine Untersuchungen uber das Ikosaeder in Bd. 9 und 12, sowie meine zweite Arbeit uber lineare DifTerentialgleichungen (die auch Urn. Picard unbekannt scheint) ebenfalls in Bd. 12. Ich bitte Sie, sich dieselben irdendwo zu verschaffen. Separatabziige sandte ich verschiedene nach Paris, z. B. an llermite.

2. An meine eigenen Arbeiten schliessen sich die meiner Schiller Djck und Gierster. Ich benachrichtige beide, Ihnen Separatabziige zuzustellen. Eine auf dieselben Theorien beztigliche Doktordissertation von Hrn. Hurwitz (1) wird eben gedruckt und Ihnen in einigen Wochen zukommen.

3. Seit vorigem Herbst ist einer Ihrer Landsleute hier, dessen Namen Sie

(*) Grundlagen einer independenten Theorie der elliptischen Modulfunktionen und Theorie der Multiplikatorgleichungen, 1. Stufe, Leipzig, 1881 ; Math. Annalen, t. 18, 1881, p. 628-592.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 33

vermuthlich kennen, da er zusammen mil Picard und Appell studirte : Mr. Brunei (Adr. Liebigstrasse 38/2). Vielleicht interessirt es Sie, auch mil ihm in Korre- spondenz zu treten; er wird Ihnen von den hiesigen Seminareinrichlungen und von der Rolle, welche eben dort die eindeutigen Functionen mil linearen Trans for- mationen in sich gespielt haben, besser erzahlen konnen, als ich selbst.

4. Ich habe Sommersemester 1879 von Hrn. Gierster ein Heft meiner Vorlesung ausarbeiten lassen. Im Augenblicke ist dasselbe verliehen, doch werde ich dasselbe nachster Tage zuruckbekommen und mit Hrn. Brunei zusammen durchgehen, worauf wir Ihnen Bericht erstatten.

5. Die Benennung fonctions fuchsiennes tc weise ich zuriick, so gut ich verstehe, dass Sie durch Fuchs'sche Arbeilen zu diesen Ideen mit veranlasst wurden. Im Grunde basiren alle solche Untersuchungen auf Riemann. Fur meine eigene Entwickelung war die eng venvandte Belrachtung von Schwarz in Bd. 75 des BorcharcWschen Journals (die ich Ihnen dringend empfehle, wenn Sie dieselbe noch nicht kennen solten) von massgebender Bedeutung. Die Arbeit von Hrn. Dedekind (l) fiber elliptische Modulfunktionen in Bor char d? s Journal^. 83 erschien erst, als ich mir fiber die geonielrische Representation der Modulfunktionen bereits klar war (Herbst, 1877). Zu diesen Arbeiten stehen die von Fuchs vermoge ilirer ungeometrischen Form in be\\usstem Gegensatze. Ich bestreite nicht die grossen Verdienste, welche Hr. Fuchs um andere Theile der Lehre von den Diffe- rentialgleichungen hat, aber gerade hier lassen seine Arbeiten um so mehr im Stich, als ihni das einzige Mai, wo er in einem Briefe an Hermite die elliptischen Modul- funktionen erlauterte(-), ein fundamentaler Fehler unterlief, den dann Dedekind I.e. nur zu sanft monirte.

6. Man kann eine Funktion mit linearen Transformationen in sich insbesondere so definiren, dass man die Hatbebene auf ein Kreisbogenpolygon, welches beliebig vorgegeben ist, abbildet. Dies ist dann freilich ein nur spezieller Fall der allgemeinen (ich weiss im Augenblicke nicht, ob Sie sich nicht nur auf diesen speziellen Fall beschranken). Die Gruppe der linearen Transformationen ist dann dadurch parti- kularisirt, dass sie in einer doppelt so grossen Gruppe von Operationen enthalten ist, welche neben linearen Transformationen auch Spiegelungen (Transformationen durch reziproke Radien) umfasst. In diesem Falle ist die Existenz der Funktion durch altere Arbeiten von Schwarz, resp. Weierstrass, sicher gestellt, sofern man nicht auf die allgemeinen Riemann'schen Prinzipien rekurriren will. Siehe Schwarz (y) in Borchardt Bd. 70, Abbildung der Halbebene auf Kreisbogenpolygone.

7. Auch in diesem speziellen Falle habe ich bislang durchaus nicht allegro upes

f1) Sckrelben an Herrn Borchardt uber die T/ieorie der elLiptischen Modul-Functionen (J. reine angew. Math., t. 83, 1877, p. 266-292).

(2) Sur quelques proprietes des integrates des equations dijferentielles, auxquelles satisfont les modules de periodicite des integrates elliptiques des deux premieres especes (J. reine angew. Math., t. 83, 1877, p. 13-87); L- FUCHS, Ges. math. Werke, Berlin, t. 2, 1906, p. 85-m. Voir aussi la Note'de M. SUHLESINGER. loc. cit., p. na-ii^j.

(3) Ueber eitiige Abbildungsaufgaben (J. reine angew. Math., t. 70, 1869, p. io5-iao); H. A. SGHWARZ, Ges. math. Abh., Berlin, t. 2, 1890, p. 65-83.

H, P. - XL 5

34 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

discontinus aufgestellt; ich habe nur gesehen, dass es sehr viele gibt, bei denen kein fester Grundkreis existirt, bei denen also die Analogic mil der nicht-euklidischen Geometrie (die mir ubrigens in der That sehr gelaufig ist) nicht zutrifft. Nehmen Sie z. B. ein beliebiges Polygon, begranzt von irgend welchen sich bertihrenden Kreisen, so \\ird die Vervielfaltigung durch Symmetric ebenfalls zu einer groupe discon tin u f u h re n .

8. Die ubrigen Fragen Ihres Briefes finden wo hi schon durch die ubersandten Arbeiten ihre BeanLwortung, insbesondere die nach dern Pluralis der ,,Moclul~ funktionen cc und in der Hauptsache auch die nach den ,, Fundamentalpolygonen u.

In der Hoffnung recht bald wieder von Ihnen zu horen.

Ihr ganz ergebener

F. KLEIN.

IV.

Caen, le 22 juin 1881.

MONSIEUR,

Je n'ai pas encore regu les envois que vous m'annoncez et que je ne tardcrai sans doute pas a voir arrivcr £ leur adresse. Mais je ne veux pas atlendre ce moment pour vous remercier de vos promesses, ainsi que de votre letire que j'ai lue avec le plus grand mtdr6t. Aussitot apres 1'avoir recue, j'ax couru a la biblioth^que pour y demander le 70° volume de Borchardt; malheureusement ce volume tStait pr6t6 et je n'ai pu y lire le M6moire de M. Schwarz. Mais je crois pouvoir le reconstituer d?apr^s ce que vous m'en dites et y reconnaitre certains r^sultats que j'avais trouvc^s sans me douter qu'ils avaient fait Tobjet de recherches ante'rieures. Je crois done comprendre que les fonctions fuchsiermes que les recherches de M. Schwarz et les votres permettent de d(5finir sont celles dont je me suis occup^ plus particulieremeixt dans ma Note

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 3')

du 28 mai (x). Le groupe particulier dont vous me parlez dans votre derniere lettre me semble fort inte"ressant et je vous demanderai la permission de citer ce passage de votre lettre dans une communication (2) que je ferai prochainement a I'Acade'mie et ou je chercherai a ge'ne'raliser volre re'sultat.

Quant a la denomination de fonctions fuchsiennes, je ne la changerai pas. Les e'gards que je dois a M. Fuchs ne me le permettent pas. D'nilleurs, s'il est vrai que le point de vue du savant g6ometre d'Heidelberg est completement different du votre et du mien, il est certain aussi que ses travaux ont servi de point de depart et de fondement a tout ce qui s'est fait depuis dans cette the'orie, II n'est done que juste que son nom reste attache' a ces fonctions qui y jouent un role si important.

Veuillez agre"er, Monsieur, 1'assurance de ma respectueuse consideration,

POINCARE.

GEEHRTER HERR !

V.

Leipzig 20. Juni 1881.

Schreiben Sie mir doch bitte umgehend eine Karte, ob meine Sendung von Sepa- ratabziigen auch jetzt noch nicht eingetroffen ist; ich brachte sie selbst heute vor 8 Tagen auf die Post. Ueber F. wiirden Sie sich anders ausdriicken, wenn Sie die Literatur vollig kennten. Die Lehre von der Abbildung der Kreisbogenpolygone stelit vollig unabhangig von der F. Arbeit (:{) in t. 66, das Gemeinsame ist nur, class beide Betrachtungsweisen durch Riemann angeregt sind.

Hoch achtungs voll

Prof. Dr. F. KLEIN.

VI.

Caen7 le 27 juin 1 88 1 . MONSIEUR,

Au moment ou j'ai recu votre carte, j'allais pre'cise'ment vous ^crire pour vous remercier de votre envoi et vous en annoncer 1'arrive'e. S'il a e'te' retarde'

(a) Sur les Jonctiojis fuchsiennes (C. ft. Acad. Sc., t. 92, 1881, p. 1198-1300); QEuvres de

Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. i2-i5.

(3) C. R. Acad. Sc., t. 92, 1881, p. 1484-1487; OEuvres de Henri Poincare, t. 2, p. 19-22, (3) Zur T/ieorie der linear en Differentialgleichungen mit veraiiderlichen Coefficienten

(J. reine angew. Math., t.' 66, 1866, p. 121-160); L. Fucus, Ges. math. Werke, Berlin, t. 1,

1904, p. 159-204.

36 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

c'est par suite d'une erreur de la poste qui l'a envoye" d'abord a la Sorbonne, puis au College de France, bien que 1'adresse eut <§td parfaitement bien mise. En ce qui concerne M, Fuchs et la denomination de fonctions fuchsieimes, il est clair que j'aurais pris une aulre denomination si j'avais connu le travail de M. Schwarz; mais je ne 1'ai connu que par votre lettre, apres la publication de mes resultats de sorte que je ne peux plus changer maintenant le nom que j'ai donn6 a ces fonctions sans manquer d'6gards a M. FUGHS. J'ai commence la lecture de vos brochures qui in'ontvivenient interesse', principalement celle qui a pour litre Ueber elliptische Modulfunktionen. C'est au sujet de cette der- niere que je vous demanderai la permission de vous adresser quelques questions.

Avez-vous determine les Fundamentalpolygone de tons les Unter- gnippen que vous appelez Kongruenzgruppen et en particulier dc ceux-ci :

as=3==l7 p === Y == o (modn).

Dans mon M^moire sur les fonctions fuchsiennes, j'ai portage" les groupes fuchsiens d'apr&s divers principes de classification et entre autres d'apres un nombre que j'appelle leur genre. De m$me vous partagez les Vntergruppen d'apres un nombre que vous appellez leur Geschlecht. Le genre (id. que je 1'entends) et le Geschlecht sont-ils un seul et m6me nombre? Je n'ai pu le savoir, par ce que je ne sais pas ce que c'est que le Geschlecht im Sinne der Analysis situs. Je voissculemenLque ces nombres s'annulent a la fois. Auriez- vous done 1'obligeance de me dire ce que c'est que ce Geschlecht im Sinne der Analysis situs ou, si cette definition est trop longue pour £tre donnee clans une lettre, dans quel Ouvrage je pourrais la trouver ?Dans votre derniere lettre, vous me demandiez si je ne suis renferme dans le cas particulier ou a Die Gruppe der linearen Transformationen ist dadurch partikularisirt, dass sie in einer doppelt so grossen Gruppe von Operationen enthalten ist, welche neben linearen Transformationen auch Spiegelungen umfasst ». Je ne me suis pas renferme' dans ce cas, mais j'ai suppose" que toutes les transformations Iin6airos conservaient un certain cercle fondamental. Je pense d'ailleurs pouvoir aborder par une me'thode analogue le cas le plus ge'ne'raL

A ce propos, il me semble que tous les Untergruppen relatifs aux fonctions modulaires ne rentrent pas dans ce cas special.

Au sujet de ce groupe discontinu dont vous me parlez et qu'on obtient par des Spiegelungen et par la Vervielfaltigung d'un polynome limite' par des arcs de cercle se touchant deux a. deux il me semble qu'il y a une condition

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

supple'mentaire dont vous n'avez pas parle" bien qu'elle ne vous ail sans doute pas e'chappe; deux arcs de cercle quelconques prolonges, ne doivent pas se couper. Serait-ce abuser de volre complaisance que de vous poser encore une question.

Fig. i.

Vous dites : « in diesem Falle isl die Existenz der Funktion durch Arbeiten von Schwarz sichergestellt », el vous ajoutez : « so fern man nicht auf die allgemeinen Riemajirfschen Principien rekurriren will ». Qu'entendez-vous par la ?

J'ai e"crit dernierement a M. Hermite; je lui ai fait part succinctement du contenu de vos lettres, et je lui ai envoye" les compliments dont vous m'aviez charge" pour lui.

Veaillez agr^er, Monsieur, 1'assurance de ma reconnaissance et de mon respect.

PoiNCARfi.

VII.

Leipzig den 2. Juli 1881.

GEEHRTER HERR !

Lassen Sie mich die verschiedenen Fragen, die Sie in Ihrem wilkommenen Briefe vom 27. Juni stellen, so gut es gehen will, umgehend beantworten.

1. Die Fundamentalpolygone der Koiigruenzgruppen a = § = i , (3^y^o (mod;i) habe ich bei n •=. 5 (wo durch Zusammenbiegen der Kanten das Ikosaeder entsteht) und bei n j im 1/4. Bande (a) ausfiihrlich beschrieben. Der allgemeine

(!) Ueber die Transformation der elliptischen Functionen und die An/losung der Glei- chungen fun/ten Grades (Math. Annalen, t. 14, 18-78-1879, p. 111-170); Ueber die Transfor- mation siebenter Qrdnung der elliptischen Functionen (ibid., p. 428-471); F. KLEIN, Ges. math, .j Berlin, t. 3, 1928, 82, p. 18-75 el 84, p. go-i35.

38 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

Fall // = Priimahl bilclet tleu Gegensland einer Arbeit von Djck ('), die eben im Druck ist. Wenn'// eine zusaunnengeselzte Zalil ist, Iiabe ich die Sache nicht erledigt.

2. ,, Geschlecht im Sinne der Analysis situs u wird jeder geschlossenen Flache beigelegt. Dasselbe ist gleich der Maximalzahl soldier in sich zuriickkeh render Sclinitte der Flache, die man ausfiihren kann, ohne die Flache zu zersliicken. Wenu jelzt die betrefieude Flache als Bild der Werthsysteme tv, - einer algebraischen Gleichuttg/(vv, s) o betrachtet werden kann, so ist ihr Geschlecht eben auclrdas Geschlecht der Gleichung. Ihr genre und mein ,, Geschlecht u sind also materiell dieselben Zahlen, es liegt bei mir nur vermuthlich eine freiere Auffassung der Riemann'schen Flache und der auf sie gegriindeten Definition von/? zu Grunde.

3. Es gibt innerhalb der Gruppe der Modulfunkdonen allerdings Unlergruppen, welche ein unsymmetrisches Fundamentalpolygon besitzen, dahin gehoren, wie ich in Bd, Jk nachwies (2), insbesondere diejenigen Untergruppen, welche den singularen Resolventen cler Modulargleichung fur n = 7 und n = 11 entsprechen.

4. Dass sich bei dem Polygon die Kreise riickwarts verlangert nicht schneiden diirfen, wenn eine eindeutige Funktion entstehen soil, ist mir in der That wo hi bekannt. Gerade auf diesenPunkt muss man ineines Erachiens die Aufmerksamkeit

Fig. i.

richten, wenn man beweisen will, dass sich die Koordinaten vv, 3 des Punkles einer beliebigen algebraischen Kurve als eindeutige Funktionen mit linearen Transforma- tionen in sich angeben lassen. Ich werde Ihnen angeben, wie weit ich in dieser Frage gekommen bin. Nach den Arbeiten von Schwarz, resp. Weierstrass, kann man die Halbebene immer so auf ein Kreisbogenpolygon abbilden, dass die Punkte I, II, III, IV, V, welche den 1, 2, 3, 4, 5, auf der Begranzung der Halbebene entspre- chen, beliebige Lage haben, Nun seien I, II, III, IV, V, , . . die Verzweigungspunktc einer algebraischen Funktion w(5); und diese algebraische Funktion mage keine anderen Verzweigungspunkte besitzen. Dann sind offenbar w und 5 eindeutige Funktionen der gewollten Art' von denjenigen Halfsvariabeln, in deren Ebene das gezeichnete Polygon liegt. Wenn also alle Verzweigungspunkte einer algebrai-

(>) Versuch' einer ubersichtlichen Darstellung der Riemanrischen Flache, welche der Galois schen, Resolvent* der Modular gUichung fw Primzahltransfrrmationm der elliptischen FunGtionen eritspricht (Math. Annalen, t. 18, 1881, p, 507^627),

(*}Vet>erdieErniedrigwgder Modulargleichwigtn (Math. Anmlsn, t. u, 1879, p. 417. 27); F. KLEIN Get. math. Abh., Berlin, t, 3, 1928, n" 83, p. 76^89.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 89

schen Function w(z) auf einem Kreise der z-Ebene liegen, so ist die Frage ohne weiteres zu bejahen. Wie aber, wenn das nicht der Fall ist? Da komme ich unter Umstanden auf solche Polygone, wie ich sie das vorige Mai nannte. Findel keinerlei

Symmetric statL, so komme ich wenigstens durch Aufstellun^ zuerehori^er Differen-

.-/// 3 / r>t \ 2 ~|

tialgleichungen des von mir behandelten Typus -~ ( 1} R(a) au^ einen

analog gestalteten Fundamentalraum, dessen Kanten unter Winkeln Null zusam- menstossen und iibrigens paarweise durch gewisse lineare Substitutionen zusammen- gehoren. Aber ich kann nicht beweisen, doss dieser Fandamentalraum mil seinen Wiederholungen zusammen nur einen Theil der komplexen Ebene iiberdeckt. Und an dieser Schwierigkeit ilnde ich mich nun schon lange aufgehalten.

T 2

Fig. 3.

5. Uebrigens bekommt man merkwiirdige andere Beispiele von diskontinuirlichen Gruppen, wenn man beliebig viele einander nicht schneidende Kreise annimmt und nun an ihnen durch reziproke Radien spiegelt. Ich habe dabei den Theil der Ebene, der gleichzeitig ausserhalb aller Kreise liegt, und der also das halbe Funda- mentalpolygon vorstellt, der Deutlichkeit halber schraffirt. Diese Gruppen werden gelegentlich von Schottky betrachtet (Borchard1 ts Journal, t. 83, p. 3oo-35i), ohne dass dort ihre prinzipielle Bedeutung hervorgehoben wtirde (1).

6. Riemann's Prinzipien geben zunachst keinen Weg, urn eine Funktion, deren Existenz man erschliesst, wirklich zu bilden. Man ist daher geneigt, sie als unsicher zu betrachten, so gewiss es auch sein mag, dass die Resultate, welch e aus ihnen

(a) Vgl. hiei'zu die Note von SGHOTTKY, Ueber eindeutige Funktionen mit linearen Trans- formationen in sich (Math. Annalen, t. 20, 1882, p. 299-300),

{o CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

foliien, richliii Miid. Oemgeyeniiber haben Weierstrass und Schwarz bei der von mil1 beru'hrten Fniiie der Abbilduni" von Kreisbo^enpolv^onen wirkliclie Bestim- inuu^en der in IJelracht koimnenden Konstanten durch konver^enle Prozesse gegeberi. Will man Uiemamfsche Prinzipien gobrauchen, so kann man folgenden ' sehr all^iMiieinen SaU anMellen. Es sei ein Polygon geyeben, mil einer oder auch melireren getrennlen Peripherien. Das Polygon kann ein mehrbliiUriges sein, dessen Bla'Uer dnreh \ erzwei^unijspmikte verbunden sind. Jede Peripherie besteht aus einer Anzahl von Stricken; jedes Stiick ijehe durch eine bestimmte lineare Substi- tution in eiiL^ <ier iibri^en fiber. Dann kann man immer eineFunktion konstruiren, uelche. im Inneren des Polygons beliebige vorgeschriebene Unsletigkeiten liat, und deren reeller Theil ge\\isbe vorgegebene Periodizitalsmoduln erhall, \venn man von einem Slfickc der Begranzung durch das Innere des Polygons zum zugeborigen Stiicke fibergeht. I'nter diesen Fuuktionen sind insbesondere solche, welch e im Inneren des Pohgons durchweg eindeutig sind und auf je z\vei entsprechenden Punkten des Kandes deriselben Werth aufueisen (1). Der Beweis lasst sicli genau demjenigen nachbilden, den Rieuiann (-) in paragraph 12 des ersten Theils seiner Abelschen Funktioneu fur das besondere Polygon gegeben hat, das aus p tibereinander geschichteteti Parallelograiumen besteht, die durcb o,p 2 Verzweigungspunkte verbunden sind. Dieser Satz, den ich mir iibrigens erst in den letzten Ta^en vollie:

a o o

zurechllegte, schliesst, so viel ich selie, alle die Existenzbeweise, von denen Sie in Ihren INoten sprechen, als spezielle Falle oder leichte Folgerungen ein. Uebrigens ist ntein Satz, \vie manches, was icli lieute schreibe, noch ungenau formuliert; ich musste zu ausfuhrlich sein, wenn ich das vermeiden \rollte; Sie werden leicht meine Meinung erkennen.

7. Lassen Sie mich noch eine Bemerkung iiber eine andere Hirer VerofTent- lichungen hinzufiigen. Sie sprechen davon, dass die 0-Funktionen, die aus der I mkehr der algebraiscben Integrale an Kurven vom Geschlecbte p entstehen, nicht die allgemeinen ihrer Art sind. Dass eben diese Ueberlegungen in Deutschland allgemein gekannt sind, konnen Sie nicht wissen : eine ganze AnzahljungererMathe- matiker arbeitet daran, die Bedingungen zu fmden, durch welch e sich die sogenannten Riemann'schen 0-s von den allgemeinen unterscheiden. Dagegen wunderte mich, dass Sie die Konstantenzahl der Riemann'schen 6 gleich (\p -h 2 angeben, wabrend es doch 3p 3 sein muss. Haben Sie Riemann, die betr. Entwickelungen, nicht gelesen ? Und ist Ihnen die ganze Diskussion, welche Brill und Neither im 7. Bande der Math. Annalen (p. 300-807) zum Abschluss bringen, unbekannt?

{^Pour que ce th6oreme soit vrai il faut encore ajouter une condition; cf. Ueber den Begriff des /unttionentheoretischen Fundamental ereichs (Math. Annalen, t. 40, 1892, p. i3i). F. KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin, t.-3, 192$, 104, p. 711-720. Poincar<§ fait allusion & cettre lettre dans son Memoire sur les fonctions z^tafuchsiennes (Acta Math., t. 5, :884, p. an; QEuvres, Paris, t. 2, 1916, p. 4o4), ou il s'exprime comme il suit : « J'avais, il est vrai, dans ks Afathematiscke Annalen, 6nonce un reSsultat particulier sur ces Equations irregulieres, mats ee r^sultat est inexact; J'avais £t£ tromp^ par une fausse interpretation d'un theoreme de M. Klein dont je tie connaissais pas la demonstration.

(a) Tteorie der AbePschen Functioned (/. reine angew. Math., t. 54, 1867, p. i33-i36)- B. RiKtANN, Ges. math. Werke, Leipzig, 1892, p. 119-122.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. fl

In der IIofFnung, bald \\ieder von Ilinen zu lioren, bin irh Ihr hochacliluni^\o!l drgebener.

F. KLEIN.

Caen, ,"> juillet 1881. MONSIEUR,

J'ai recu votre lettre quo j'ai lue avec le plus vif int&rel. Je vous demande mille pardons de la question que je vous ai pose"e au sujet du GescitlecJtt itn Si7Uie der Analysis Situs. J'aurais pu NOUS evitcr la peinc de ni'y rtfpondre, puisque je Irouvais Fexplicalion a la page suivanLc de volre Memoire. Vous vous rappelez sans doute que dans ime de ines dernieres leltres, je vous deman- dais Pautorisation d'en ciler une phrase dans une communication ou je me pro- posals de ge'ne'raliser vos r6sultats. Vous ne m'avez pas repondu a ce sujet el j'ai pris votre silence pour un acquiescement. J'ai fait cette communication (l) en deux fois, dans les stances du 2j juin et du 4 juillet.

Vous trouverez que nous nous somracs rencontres sur quelqties points. Mais la citation que j'ai faite de votre phrase vous sera, je pense, une garanlie suffisante.

Permettez-moi, Monsieur, encore une question; ou trouverai-je les travaux de MM. Schwarz.et Weierstrass dont vous me parlez; d'abord au sujet de ce theorem e que :

« Man kann immer die Halbebene so auf ein Rreisbogenpoljgon abbilden, dass die Punkte I, II, III, IV, V, welche den 1, 2, 3, -4, 5 auf der Begranzung der Halbebene entsprechen, beliebige Lage haben ». Ge the"oreme ne m'6tait pas inconnu, car je Pai d^montre' dans ma communication (-) du 28 mai. Mais ou le trouverai-je dans les travaux de mes devanciers? Est-ce au tome 70 de Crelle? Ou trouverai-je aussi les de'veloppements dont vous me parlez dans la phrase suivante : « Demgegenliber haben Weierstrass und Schwarz bei der

(l] Sur les fonctionsfuchsiennes(C. R. Acad. Sc., t, 92, 1881, p. ilfik-i^-]}; Sur les groupes kleineens (ibid., t. 93, 1881, p. 44-46); CEuvres de Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. 19-26,

(2) Sur les fonctions fitchsiennes (C. /?. Acad. Sc., t. 9'2, i88r, p. 1198-1200; GEuvres, t. 2, 1916, p. i2-i5.

H. P. - XL

/J2 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

von mir beruhrten Frago cler Abbildung von Kreisbogenpolygonen wirkliche Beslimmungen der in BetracliL kommenden Konstanten durch konvcrgenle Prozesse eeircben » ?

o ~

Le th^oreme que vous me dites avoir d^couvert m'a beaucoup int6ress<5. II est clair que, comme vous me le dites, votre re"sultat contient comme cas parti- CLilier, alle meine Existenzbeweise. Mais il arrive apres.

J'arrive a votre remarque relative aus. fonctions abeliennes. Quand j'ai parlc'; de 4/>H-2 constantes, il ne s'agissait pas du nombre des modules. J'ai dit ceci : Une relation alge'brique de genre p peut toujours £tre ramcnije an degr<3 p 4- i. Une relation de degrd p -+- i et de genre p depend de [\p -f- a parametres; car une relation generale de degree p + r depend de

^ parametres.

Mais il y a

p(p i)

p points doubles.

Ilresle done 4/? + a parametres ind^pendants. J'ai ainsi, non le nombre des modules, mais une limite supe'rieure de ce nombre, ce qui me suffisuit pour mon objet.

Veuillez agr^er, Monsieur, 1'assurance de ma respectueuse consideration.

PoiNCARfi.

IX.

Leipzig 9. Juli 1 88 1. GEEHRTER HERR ?

In vor)au%er Beantwortung Ihres Briefes habe ich etwa folgendes zu sagen : 1. Es ist mir ganz recht, dass Sie jene Stelle aus meinem Briefe zitirt habea

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. /j3

Bislang besitze icli nur erst Hire Note vom 27 Juni. Ueber die Benennung, die Sie dieser Funktionenklasse ertheilthaben, war ich einigerrnassen erstaunt; denn ich habe ja nichts weiter gethan als die Existenz dieser Gruppen beraerkt. Was mich angeht. so werde ich wedervon ,, fuchsiennes " noch von ,, kleineennes iL Gebrauch machen, sondern bei meinen ,, Funktionen mil linearen Transformationen in sich tc bleiben.

2. Was ich iiber den Werth der Riemann'schen Prinzipien sagte, war nicht scharf genug. Es ist kein Zweifel, dass das ,, Dirichlet'sche Prinzip tc, als iiber- haupt nicht konklusiv, verlassen werden muss. Man kann es aber vollstandig durch strengere Beweisfiihrung ersetzen. Sie finden das naher ausgefiihrt in einer Arbeit von Schwarz, die icli eben erst in diesen Tagen (zwecks in einer Vorlesung) genauer ansah und in der Sie auch die Angaben fiber Konstantenbestimmungen finden, die in B or char s Journal (an Arbeiten in Borchardtfs Journal mussen Sie jedenfalls Bd. 70, 74, 75 ansehen) nur angedeutet sind; dieselbe steht in den Berliner Monatsberichten, 1870, p. 767-795 (1).

3. Der allgemeine Existenzbeweis, von dem ich das vorige Mai sprach, gilt naturlich auch fiir Gruppen, die aus irgendwelchen analytisclien (nicht notlnvendig linearen) Substitutionen zusammengesetzt sind. Es ist merkwiirdig, dass in diesem Sinne jede Opera tionsgruppe Funktionen definirt, die bei ihr ungeiindert bleiben. Die ,, groupes discontinus u haben nur das voraus, dass bei ihnen zugehorige eindeutige Funktionen existiren, was allerdings sehr wesentlich ist. Wtirde man die hoheren Falle durch eindeutige Funktionen von mehrereii Veranderlichen beherrschen konnen, wie man es in dem besonderen bei Riemann in paragraph 12 behandelten Falle vermoge des Jacobi'schen Umkehrproblems zu thun pflegt?

So viel fiir heute. Ich habe mittlererweile mil Herrn Brunei meine alteren Sachen, namentlich auch die Yorlesungshefte von 1877-1878 und 1878-1879 (die ich damals habe umarbeiten lassen) durchgegangen und wird Hr. Brunei Ihnen dem- nachst dariiber schreiben.

Hochachtungsvoll Ihr ergebener

Prof. Dr. F. KLEIN.

X.

Leipzig 4- Dez. 1881. Sophienstrass 10/11. SEHR GKEHRTER HERR !

Nachdem ich lange ttber die uns gemeinsam interessirenden Fragen nur beilaufig nachgedacht habe, habe ich heute fruh Gelegenheit genommen, die verschiedenen

(») H. A. SCHWARZ, Ges. math, Abh., Berlin, t. 2, 1890, p. 144-171.

/{/j - CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

iMHUieilungen, wie Sie sie der Reihe nach in den Comptes rendus veroffentlichl Iiaben, im Zusammeuhange zu lesen. Ich sehe, dass Sie nun wirklich zu einem Beweise gekommen sind (8. August) : que toute equation differenlielle lineaire a coefficients algebriques s'integre par les fonctions zetafuchsiemies " und " que les coordonnees des points d'une courbe algebrique quelconque s'expriment par des fonctions fuclisiennes d'une variable auxiliaire <c (1). Indera ich Ihnen dazu gratuliere, dass Sie soweit gekommen sind, mochte ich Ihnen einen Vorschlag inachen, der Ihren und meinen Interessen auf gleiche Weise gerecht wird. Ich mOchie Sie bitten, mir fur die Mathematischen Annalen einen kurzen oder einen langeren Aufsatz zu schicken, oder, wenn Sie keine Zeit zur Ausarbeitung eines solclien finden, mir einen Brief zu schicken, in welchem Sie in grossen Zugen Hire Gesichtspunkte und Resultate angeben. Ich selbst wtirde dann diesen Brief mit einer Anmerkung begleiten, in welcher ich darlegte, wie sich von mir aus die ganze Saclie stellt, und wie gerade das Programm, welches Sie jetzt ausfuhren, als hodegetisches Prinzip meinen Arbeiten iiber Modulfunktionen zu Grund lag. Natiirlich wtirde ich diese Amrnerkung Ihnen vor dem Druck zur Begutachtung zustellen. Eine solche Publikation wurde Zweierlei erreichen : einmal wiirde, was Ihnen vermuthlich erwiinscht ist, das Leserpublikum der Mathematischen Annalen auf Ihre Arbeiten mit Entschiedenheit aufmerksam gemacht werden; andererseits warden, auch dem allgemeineren Publikum gegeniiber, Ihre Arbeiten in derjenigen Verbindung mit den meinigen stehen, die nun einmal thatsachlich vorhanden ist. Sie werden zwar, wie Sie mir schreiben, diese Beziehungen in Ihrem ausfuhrUchen Memoire auseinandersetzen ; aber bis dahin vergeht viele Zeit, und es liegt mir daran, dass es auch in den Annalen gesagt wird.

Ich selbst habe mittlerweile eine kieine Schrift (-) iiber ,, Riemanns Theorie tc fertig gestellt, die Ihnen vielleicht interessant ist, weil sie diejenige Konzeption der Riemann'schen Flache gibt, mit der R. selbst meines Erachtens eigentlich gearbeitet hat. Vielleicht hat Ihnen Hr. Brunei davon erzahlt. Ich habe mich sodann in letzter Zeit mit den verschiedenen Existenzbeweisen beschaftigt, welche man an Stelle des Dirichlet'schen Prinzip's gesetzt hat, und babe mich iiberzeugt, dass die Methoden von Schwarz in den Berliner Monatsberichten, 1870, p. 767 IT. allerdings "vollkommen ausreichen, um z. B. den allgemeinsten Satz zu beweisen, von dem ich gelegentlich im Sommer schrieb.

Hochachtungsvoll

F. KLEIN.

(1) Sur les /auctions fuchsiennes ( C. R, Acad. Sc., t. 93, iSSi, p. 3oi-3o3)j OEuvres de Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. 29-8 1.

(2) F. KLEIN, Ueber Riemanns Theorie der algebraischen Funktionen und ihrer Integrate, Leipzig, 1882; Ges. math, Abh., Berlin, t. 3, 1923, 99, p. 499-673.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 45

XI.

8 dgcembre 1881

Paris

rue Gay-Lussac, 66. MONSIEUR,

Je vous remcrcie infiniment de 1'offrc obligeante que vous voulcz bien me faire et je suis tout dispos^ a en proflter. Je vous enverrai prochainemeixt la lettre que vous me demandez; je vous prierai pouriant de me dire quell e place vous po uver lui consacrer dans les Annales. Je sais que la clientele de votre journal est nombreuse et que 1'etendue que vous pouvez permettre a chaque travail est force'ment limite et je ne voudrais pas abuser de votre bienveillance. Quand je saurai quelle longueur je puis donner a ma lettre, je vous 1'e'crirai imme'diatement.

J'aurai prochainement 1'honneur de vous envoyer diverses notes relatives a la th6orie ge'ne'rale des fonclions, si vous voulez bicn les accepter.

J'ai lu dernierement le Me'moire de Schwarz dans les Monatsberichte et ses demonstrations m'ont paru rigoureuses.

Veuillez agre'er, Monsieur, mes remerciments et 1' expression de ma grande consideration,

POIKCARE.

XII.

Leipzig 10. Dez. 1881. SEHR GEEHRTER HERR !

Es freut mich, dass meiue Auflbrderung Ihnen angenehm war : voila une loi de reciprocite. Was nun Ihre Anfrage angeht, so will ich vor alien Dingen antworten, dass mir Ihr Aufsatz um so gelegener kommt, je rascker er kommt. Triflt er noch bis zum 20. dss. ein, so bringe ich ihn noch in das L\. Heft des eben erschei- nenden 19. Annalenbandes; er wird dann bis Anfang Marz (spatestens) publiziert sein. Was nun dem Umfang angeht, so will ich, da Sie es wunschen, etwa einen Druckbogen (16 Seiten) in Vorschlag bringen. Das ist Raum genug, um das Wesentliche deutlich zu sagen, und doch wieder auch fur den fluchtigen Leser nicht

46 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

zu viel. Lch mochte Sie dann bitten, namentlich auch tiber die Methoden Ihrer Beweise die erforderlichen Angaben /u machen, also uber die Art, wie Sie die in Belracht komrnenden Funktionen wirklich bilden, usw. Doch alles das beurtheilen Sie besser, als ich es hier vorschreiben konnte.

INoch Eins ! 1st Hire Adresse jetzt dauernd in Paris? Und wie ist die gegen- wartige Adresse von Picard? Ich wurde gliicklich sein, wenn ich auch vom letzteren einen Beitrag fur die Annalen haben konnte.

Ilochachtungsvoll Ihr ergebener

F. KLEIN

XIII.

Paris, le 17 decembre 1881 rue Gay-Lussac, 66.

MONSIEUR,

J'ai 1'honneur dc vous adresser le petit travail en question (*); je n'ai pas, comme vous me le demandiez, expos^ succinctement mes me'thodes de demon- stration. Je n'aurais pu le faire sans depasser de beaucoup les limites que vous m'aviez fixees. Je sais bien que ces limites n'avaient rien d'absolu. Mais d'un autre cote je ne crois pas qu'une demonstration puisse e" tre re'sume'e ; on ne peut en retrancher sans lui enlever sa rigueur et une demonstration sans rigueur n'est pas une demonstration. Je prefererais done vous adresser de temps en temps une se'rie de courtes lettres ou je de~montrerais successivement les r^sultats e'nonce's ou du moins les principaux. Ces lettres, vous en feriez ce que bon vous semblerait.

J'habite en effet Paris, je suis Maitre de Conferences a la Faculte des Sciences.

Voici Fadresse de Picard : Professeur Suppliant a la Faculte des Sciences, rue Michelet, z3, Paris.

<*) Sur les fonctions uniformes qui se reproduisent par des substitutions lineaires (Math Annalen, t. 19, 1882, p. 553-564); CEwres de ttenri Poincare, Paris, t. 2r 1916, p. 92-xo5.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 47

Je vous donne par la m£me occasion celle d'Appell :

Maitre de Conferences a TEcole Normale Sup^rieure, rue Soufflot 22, Paris.

Veuillez agr^er, Monsieur, Passurance de ma consideration la plus dis- tingu^e,

PoiNCiRE.

XIV.

Leipzig i3. Jan. 1882. SEHR GEEHRTER HERR !

Ich habe Ihnen noch nicht personlich fiir die Uebersendunglhrer Arbeit gedankt, mit der Sie mich in der Tat in hohem Grade verpflichtet haben. Wir sind jetzt so weit, dass in den allernachsten Tagen gedruckt wird. Sie werden eine Korrektur bekommen, die ich Sie bitte nach Durchsicht :

,, An die Teubner'sche Buchdruckerei, Leipzig u zuruckzuschicken. Wollen Sie dabei insbesondere auch die kurze Erklarung (1)

(*) Die vorstehend abgedruckte Arbeit des Herrn Poincare resumirt gewisse Resultate, welche der Verfasser in einer Reihe aufeinanderfolgender Artikel in den Comptes rendus dieses Jahres mitgeteilt hat. Es wird kaum noting sein dicselben der Beachtung der Mathematiker noch, besonders zu empfehlen. Handelt es sich doch um Funktionen, welche geeignet scheinen, in der Lehre von den algebraischen Irrationalitaten den Abel'schen Funktionen erfolgreichen Konkurrenz zu machen, und die iiberdies einen ganz neuen Einblick in diejenigen Abhangigkeiten gewalxren, wclche durch lineare Differentialgleichungen mit algebraischen Koeffizienten bestimmt sind. Indem ich Herrn Poincare im Namen der Annalenredaktion den besonderen Dank dafiir ausspreche, dass er uns vorstehenden Aufsatz hat iiberlassen wollen, glaube ich ihm nur in dem Punkte engegen- treten zu sollen, dass ich die von ihm vorgeschlagene Benennung der in Betracht kommenden Funktionen als verfruht bezeichne. Einmal namlich bewegen sich alle die Untersuchungen, welche Hr. Schwarz und ich in der betreffenden Richtung bislang veroffentlicht haben, auf dem Gebiete der fonctions Juchsiennesy iiber die Hr. Fuchs selbst nirgends publiziert hat. Andererseits habe ich iibcr die allgemeineren Funktionen, welche Hr. Poincare mit meinem Namen in Verbindung bringt, von mir aus bisher nichts drucken lassen; ich habe nur gelegentlich Herrn Poincare auf die Existenz dieser Funktionen aufmerksam gemacht ( siehe Comptes retidus t. 92, 1881, p. i484)- Letztcrer Umstand ist aber um so irrelevanter, als sich ein spezieller Fall jener allgemeineren Funktionen bereits anderwarts bei Gelegenheit in Betracht gezogen findet, na'mlich in der Arbeit von Hrn. Schottky im 83. Bande von Borchardi, '5 Journal. Es werden dort (p. 346 iT. ) Funk- tionen besprochen, welche sich symmetrisch reproduzieren, wenn man einen ebenen Bereich, der von lauter getrennten Kreislinien begrenzt ist, an eben diesen Kreislinien spiegelt. Uebrigens rno'chtc ich auch auf die Dyck'schen Arbeiten im 17. und 18. Bande dieser Annaleu sowie insbe- sondere auf dessen demuachst (in Bd. XX) crscheinende Habiiitationssehrift vervveisen, wo Gebietseinteilungen der allgcmeinsten hier in Betracht kommenden Art zu gruppentheoretischen Zwecken verwandt werden. Vielleicht ist es gut, diesen kleinen Bemerkungen nach eine allge-

^ CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

durchhehen, \velche icli Hirer Arbeit in clem friiher bereits bezeichneten Sinne hinzugefflgt babe, und in der ich, so viel an mir ist, gegen die beiden Benen- nungen fuchsiennes t; and kleineennes "• protestire, beztiglich lezterer Schottky xitiere und ubrigens Riemann als denjenigen bezeichne, auf den alle diese Unter- suchungen zurtickgehen. Ich habe mich bemiiht, diese Erklarung so massvoll als moglich zu halten, bitte Sie aber, mir umgehend zu sclireiben, wenn Sie nocb eine Abanderung minschen. Dem Verdienste Ihrer Untersuchungen trete ich damit in keiner Weise zu nahe. Hieruber hinaus habe ich nun aber noch eine eigene kleine Arbeit (*) redigirt, die gleich hinter der Ihrigen abgedruckt werden soil. Dieselbe bringt, auch ohne Beweis, einige auf dem betr. Gebiete liegende Resultate, vor allem dieses : doss man jede algebraische Gleichung f(w, s) = o, sob aid man auf der zugehorigenRiemanri'schenFldchep unabhdngige Riickkehr- schnitte gezogen hat, in einer und nur einer Weise durch w=cp(yj), z = &(~fi] auflosen kann, wo -r\ eine diskontinaierliche Gruppe von der Art erfdhrt, wie Sie sie damals im Anschluss an meinen Brief zur Sprache gebracJit hob en. Dieser Satz ist darum so schon, weil diese Gruppe genau 3p 3 wesentliche Parameter hat, also ebensoviele, als die Gleichungen des gegebenen/? Moduln besitzen. Hieran kniipfen sich weitere Ueberlegungen, die mir interessant scheinen. Um Ihnen dieselben moglichst vollstandig mitzuteilen, habe ich die Druckerei angewiesen, Ihnen auch von meiner Arbeit die Korrektur zuzuschicken, die Sie dann ruhig fiir sich behalten wollen.

Was die Beweise angeht, so ist das eine mtihselige Sache. Ich operire immer mil Riemann'sclien Anschauungen resp. geometria situs. Das ist schwer ganz deutlich zu redigieren. Ich werde mir alle Miihe geben, dieses mil der Zeit zu tun. Mittlerenveile wird es mir selir erwunscht sein, mil Ihnen hieriiber und auch uber Hire Beweise zu korrespondieren. Seien Sie uberzeugt, dass ich die Briefe, welch e Sie mir in dieser Hinsicht in Aussicht stellen, mit grossteni Interesse studiren und denientsprechend eingehend beantworten werde. Wenn Sie wunschen, dieselben in irgend einer Form zu publizieren, so stehen Ihnen die Annalen

selbstverstandlich zur Verfugung.

Hochachtungsvoll

F. KLEIN.

Ihr ergebener

metnerc zuzugescllen und bei'vorliegendcr GelegeuUeit zu konstuLiercn, class alle die hier in Frage kommenden Untersuchungeu, und zvvar sowohl diejenigen, welclie ein geoinctrische Geprage besitzen, als auch die mehr analylischeu, die sich auf die Lusungen linearer DifTerentialgleichungen beziehen, auf Hiemann'sche Idceubildungen zuriickgehen. Ber Zusatnmenhang ist ein so enger, dass man bchaupten kann, es liandele sich bei Untersuchungen im Sinne des Hrn. Poincare geradezu urn die weitere Durchfuhrung des allgemeinen funktionentheorelischcn Prograrnrn's, welches Riemann in seiner DoktordisserLation aufgestellt hat. Leipzig, den 3o. december 1881.

F. KLEIN.

(l) Ueber eindeutige Funktionen mit linearen Transfonnationen in sich („ Das Riick- kehrschnitt-theorem"), (Math. Annalen, t. 19, 1882, p. 565-568), F. KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin, t. 3, 1928, 101, p. 622-626.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 49

XV.

MONSIEUR,

J'ai recu les epreuves de Teubner et je vais les lui renvoyer. J'ai lii votre Note et je ne vois pas qu'il j ait lieu d'y changer quoi que ce soil. Vous me permettrez cependant de vous adresser quelques lignes pour chercher a jus- tifier mes denominations. J'attends avec impatience le theoreme que vous m'annoncez et qui me parait des plus inte'ressants.

Veuillez agreer, Monsieur, 1'assurance de ma consideration la plus distinguee,

PoiNCARfi.

XVI.

Paris, 28 mars 1882.

MONSIEUR,

Vous avez ajouie a mon travail : Sur les f auctions uniforrnes qui se repro- duisent par des substitutions lineaires, une note ou vous exposez les raisons qui vous ont fait rejeter mes denominations. Vous avez eu la bonie de m'en envoyer les epreuves imprime'es en me demandant si j'y desirais quelque changement. Je vous remercie de la delicatesse de votre procede, mais je ne pouvais en abuser pour vous demander de taire la moitie de votre pens6e.

Vous comprenez cependant que je n'e puis laisser les lecteurs des Annales sous cette impression que j'ai commis une injustice. C'est pourquoi je vous ai ecrit, vous vous le rappelez peut-£tre, que je ne vous demandais aucun change- ment a votre note, mais que je vous demanderais la permission de vous adresser quelques lignes pour jus tifier mes denominations.

Voici ces lignes (4) ; peut-£trejugerez-vous convenable de les insurer. A mon tour, je vous demanderai si vous desirez que je fasse quelque changement & la redaction de cette petite note. Je suis pr6t a faire tous ceux qui n'alt6rernient pas ma pensee.

(i) Lettre XVII.

H. P. XI. 7

50 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

Veuillez excuser mon importunity et me pardonner ce petit plaidoyer pro domo,

Veuillez agreer, Monsieur, 1'assurance de ma consideration la plus distingutSe,

PoiNCARfi.

Je vous serais oblige si vous voulez bien me dire Fadresse de M. Hur\\ilz a qui je dt^sirerais faire hommage d'un exemplaire de mon travail.

Je vous serais bien reconnaissant aussi, si vous pouvier m'indiquer los traits g6n6raux de la demonstration par laquelle vous <3tablissoz le th^oreme enonci'* dans votre dernier travail : Ueber eindeutige Funktionen mil linearvn Transfonnationen in sicJt.

XVII.

Sur les fonctions uni formes qui se reproduisent

par des substitutiojis lineaires (*).

(Extrait d'une lettre adress^e a M. F. KLEIN.)

Par H. PoiNCARfi, a Paris.

. . . .Vous avez eu derni&rement la bont6 de faire insurer aux Mttlhema- tischen Annalen (t. 14, p, 553-564) mon travail sur les fonctions unifonnes qui se reproduisent par des substitutions lineaires ct vous 1'avez fait suivre d'une note OIL vous exposez les raisons qui vous font trouver peu convertibles les nonis que j'ai donnas a ces transcendantes. Permettez-rnoi de vous adresser quelques lignes pour d^fendre mes denominations, que jc n'ai pas choisies au hasard (2).

Si j'ai cru devoir donner aux fonctions nouvelles le nom de M. Fuchs, ce n'est pas que je m^connaisse la valeur des travaux de M. Schwarz et des votres,

(1) Gette lettre a £t6 imprim^e dans les Mathernatischen, Annalen^ t, 20, 1882, p. aa-J3 ct r^imprim6e dans les GEuvres de Henri Poincart, Paris, t. 2, 1916, p. 106-107.

(2) Herrn Poincares Darlegungen habe ich zuna'chst nur die eine Bemerkung hinzuzufiigen, dass ich fiir mein Teil nach wie vor an der Auffassung festhalte, der ich auf p. 564 des |9. Annalen- bandes Ausdruck gegeben babe. Dabei will ich nicht unterlassen, ausdriicklich auf die Note atif- merksam zu machen, mlt welcher Hr. Fuchs von sich aus dem auf ihn beztigUchen Passus meioer Auseinandersetzung entgegengetreten ist (cf. Gottinger Nachrichten vom 4- MSrz 1882).

Diisseldorf, den 2. April 1882*.

F. KJUEIH.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 5l

je suis le premier au contraire, & en appr^cier la haute importance. Mais il ne m'^tait pas possible d'oublier les d^couvertes si remarquables que le savant pro- fesseur d'Heidelberg a publics dans le Journal de Crelle* Elles sont le fon- dement de la th^orie des Equations lin£aires et, sans elles, je n'aurais pu aborder l'(5tude de mes transcendantes qui se lient si directement a cette th6orie. Dans ses premiers travaux, M. Fuchs se place, il est vrai, a un point de vue un peu different du mien et ne se pr6occupe ni de la discontinuity des groupes, ni de Puniformit6 des fonctions. Mais M. Schwarz, dans ses M^moires des tomes 70 et 74 du Journal de Crelle ne s'en pr^occupe pas non plus ; il en dit quelques mots dans un cas tr&s particulier, dans leM^moiredu tome 75 que j'ai cit,6dans ma note. C'est la seulement qu'il se trouve Auf dem Gebiete der fonctions fuchsiennes. Dans vos belles recherches sur les fonc lions modulaires votre fagon d'envisager les choses diffcirait peu de la mienne, mais vous aviez plutot en vue alors l'6tude des fonctions elliptiques que celle des Equations lintjaires. Quant a M. Fuchs, dans ses M^moires (*) des tomes 83 et 89 du Journal de Crelle, il s'est 6lev<3 a un point de vue nouveau et a mis en lumi&re le lien 6troit qui unit la th<3orie des Equations diff^renli elles a colle de certaines fonc- tions uniformes. Ce fut la lecture de ces M^moires qui devint le point de depart de mes recherches (2).

En ce qui concerne les fonctions kl£in<2ennes, j'aurais cru commettre une injustice, si je leur avais donn£ un autre nom que le votre. C'est M. Schottky qui a d^couvcrt la figure qui faisait 1'objet de votre lettre, mais c'est vous qui avez ihre prinzipielle Wichtigkeit betont] comme vous dites & la fin de votre savant travail : Ueber eindeutige Funktionen mil linearen Transforrna- tionen in sich.

Quant ^, ce que vous dites de Riemann, je ne puis qu'y souscrire pleinement. G'6tait un de ces g^nies qui renouvellent si bien la face de la Science qu'ils impriment leur cachet, non seulement sur les oeuvres de leurs 6l&ves imm<3- diats, mais sur celles de to us leurs successeurs pendant une longue suite d?ann£es. Riemann a cr66 une th^orie nouvelle des fonctions, et il sera toujours

(J) Sur quelques propri&tes des integrates des Equations differ entielles auccquelles satisfont les modules de piriodizite des integrates elliptiques des deux premieres especes (J. reine angew. Math., t. 83, 1877, p. i3-37); Ueber eine Klasse von Funktionen mehrerer Variabeln, welche durch Urnkehrung der Integrate von Losungen der linearen DifferentMgleichungen mit rationalen Koeffizienten entstehen (ibid., t. 89, 1880, p. i5i-i69); L. FUCHS, Ges. math. Werke, Berlin, t. 2, 1906, p. 87-114 et 191-212.

(2) Cf. la Correspondance de PoincarS et de Fuchs (Acta Math*, t. 38, 1921, p. 176-187). Ge volume page r3-s5.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

possible d'y retrouver le germe de tout ce qui s'est fait et se fera apr&s lui en

analyse mathgmatique ....

Paris, le 3o mars 1882.

XVIII.

Dlisseldorf, 3. April 1882. Adr. Bahnstrasse i5.

SEHR GEEHRTER HERR !

Ihre Zusendung, die ich gestern uber Leipzig erhallen habe, traf mieh eben iiu Begriffe, Ihnen zu schreiben, um namlich meine neue Annalenuote ('), die als Korrektur-Exemplar nun wohl bereits in Ihre Hande gekommen ist, mit ein paar Worten zu begleiten. Zugleich erhielt ich die Note von Prof. Fuchs (-) in den Gottinger Nachrichten. Wenn ich zunachst betrefFs letzterer 2 Worte su<jen darf, so ware es diess, dass ich sie fur ganz verfehlt bezeichnen muss. Ich habe nur behauptet, dass Fuchs nirgends iiber fonctions fuchsiennes publizirt habe. Hiernach ist die zvveite der von ihm angezogenen Arbeiten (die ich mir ubrigens zwecks naheren Studiums hierher kominen lassen werde) gegenstandslos. Die erste subsumiert sich allerdings unter die fonctions fuchsiennes, insofern es sich um Modulfunktionen handelt, aber gerade den eigentlichen Charakter der let/.teren, der in der Natur der singularen Linie liegt, hat Fuchs, bei seinem Mangel an geometrischer Anschauung, nicht rich tig erkannt, wie bereits Dedekind in Bd. 83 von Borchardt hecvorgehoben hat. Was endlich die Insinuation ^'egen Schluss der Note betrifFt, als sei ich wesentlich durch Fuchs' eigene Untersuchun^i»n zu meinen veranlasst worden, so ist das historisch einfach unrichtig. Meine L'nter- suchungen beginnen in 1874 mit der Bestimmung aller endlichen Gruppen Iinean»r Transformationen einer Veranderlichen. Im Jahre 1876 zeigte icli sodann, da.ss damit das von Fuchs damals aufgeworfene Problem, alle algebraisch integrierbaren linearen DifFerentialgleichungen 2. Ordnung zu bestimmen, co ipso erledigt sei. Die Sache ist also gerade umgekehrt, wie Fuchs angibt. Nicht seiner Arbeit entnahm ich die Ideen, sondern ich zeigte, dass sein Thema mit meinen Ideen behandelt werden musse.

Mit Ihrer Darlegung bin ich, wie Sie vermuthen werden, aucl» nicht ein- verstanden.. Wenn es sich um die allgerneine Werthschatzung der Fuchs'schen Arbeiten handelt, so werde ich gerne bereit sein, irgend eine neue Funktionen- klasse, auf die noch niemand Hand gelegt hat, nach ihm zu benennen, oder aueh

( l ) Ueber eindeutige Funktioneti mit linearen Transformationen in sich ( Das kreistheorem "}(Math. Annalen, t. 20, 1882, p. 49-5 1). F. KLEIN, Ges. math. Abh.^ Berlin, t, 3, 1928, 102, p. 627-629.

(2) Ueber Funktionen, welche durch linear e Substitutionen unverandert bleiben (Nachr* Ges. Wiss. Gottingen, 1882, p. 8i-84); L. FUCHS, Ges. math. Abh., Berlinj t. 2, 1906, |>, 285^287,

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 53

z. B. die Funktionen mehrerer Variabeln, die Fuchs in Vorschlag bringt (f). Die Funktionen aber, welche Sie nach Fuchs benennen, gehorten bereits anderen, ehe Sie den Vorschlag zur Benennung machten. Ich. bin auch uberzeugt, dass Sie gerade diesen Vorschlag nicht gemacht hatten, wenn Sie damals (zu Anfang) die Literatur gekannt hatten. Sie bieten mir sodann, sozusagen zur Entschadigung, die fonctions kleineennes an. So sehr ich Ihre freunclliche Absicht ,dabei aner- kenne, so wenig kann ich dies akzeptieren, weil es eben eine historische Unwahr- heit impliziert. Wenn meine Arbeit im XIX. Bande so scheinen konnte, als hatte ich mich in der Tat jetzt besonders auf die kleineennes geworfen, so mag die neue Arbeit in Bd. XX zeigen, dass ich nach wie vor auch die fuchsiennes als meine Domaine betrachte.

Doch genug' da von. Ich habe Ihre Note umgehend in die Druckerei geschickt und nur die eine Bemerkung hinzu gefiigt, dass ich fiir mein Theil an meiner frttheren Darlegung festhalte (wobei ich zugleich das Publikum ausdrucklich auf die Note von Hrn. Fuchs aufmerksam mache). Sie werden in allernachster Zeit die Korrektur bekommen und bitte ich sodann, selbige mir hierher (wo ich mich wahrend der Osterferien aufhalte) zuzuschicken, worauf ich in der Druckerei das Nothige veranlassen werde (-). Was die Stelle tiber Schottky angeht, so mochte ich Sie auf einen nachgelassenen Aufsatz in Riemann's Werken, p. 4*3, aufmerksam machen, wo genau entsprechende Ideen entwickelt sind. Es vvird allerdings schwer sein, zu konslatieren, wie viel der Herausgeber, Hr. Prof. Weber, , da hineingetragen hat. Riemann's Werke erschienen 1876, Schottky' s Dissertation 1870, spater als Aufsatz im Borchardf schen Journal, 1877. Nun 1st aber die Dissertation von 1870 nur ein Theil derjenigen von 1877 unc^ *c^ kann aus dem Gedachtnisse nicht sagen, ob die eben hier in Betracht kommende Figur bereits in der Ausgabe von 1870 enthalten ist.

Noch muss ich hinzufiigen, dass ich nicht beabsichtige, den Streit wegen der Benennungen (nachdem ich Ihrer Erldarung die oben bemerkte Fussnote hinzugefiigt habe) von mir aus ferner fortzusetzen. Nur wenn ich erneut dazu veranlasst werden sollte, wiirde ich eine, dann allerdings sehr ausfiihrliche und sehr ofTenherzige Darstellung des ganzen Sachverhalt's geben. Lassen Sie uns lieber darin konkurrieren, wer von uns die ganze hier in Betracht kommende Theorie am meisten zu fordern geeignet ist ! Ich meine, an meinem Teile durch meine neue Note einen gewissen Fortschritt erzielt zu haben. Eine Reihe von Theoremen iiber algebraische Funktionen beweist man vermoge der neuen Yj-Funk- tion sofort, z. B. den Satz, den ich in meiner Schrift tiber Riemann nur erst als wahrscheinlich bezeichnete, dass namlich eine Flache p > o niemals unendlich viele diskrete eindeutige Transformationen in sich besitzen kann (vermoge deren sie in eine oo Zahl ,, aquivalenter Fundamentalpolygone u zerlegt erscheinen wtirde). Dann ferner den Satz, dass sich verscbiedene von Picard gegebene Siitze von p = o auf den Fall eines beliebigen p tibertragen usw.

( * ) Sind dieselben wirklich. eindeutig ? Ich verstehe nur, dass sie in jedem Wertsysteme, welches sie erreichen unverzweigt sind. Doch kann ich mich da tcLuschen. (3) Ihre Note kommt unmittelbar hinter die meinige zu stehen !

mir

5/j CORRESPONDANCE AVEC F, KLEIN.

Was die Methoden betrifft, dutch die ich meine Satze beweise so schreih. ich- davon, sobald ich dieselben noch raehr abgekiart habe. Konnen Sie mi mittlerweile nicht mitteilen, welches die Ideen sind, die Sie eben jelzt ^e^fol^en? Ich brauche kaum hinzuzufilgen, dass wir in den Mathematischen Annalen jeden Beilrag, den Sie uns geben wollen, mil Freude abdrucken werden. Es wird mir sehr viel daran liegen, mil Ihnen in regem Verkehr zu bleiben. Fiir micli i^l die lebendige Verbindung mil gleichstrehenden Matbematikern innner die Vor- bedingung zur eigenen mathematischen Produktion gewesen,

Hochachlunj»svoil Ihr ergebener

F. KLEIN.

Die Adresse von Dr. HURWITZ ist bis auf weiteres : Hildesheim, Langer Hagen,

XIX.

Paris, 4 avril 1882, MONSIEUR,

Je viens de recevoir votre lettre et je m'empresse de vous rt^pondre. Vous me dites que vous de*sirez clore un d^bat sterile pour la Science et je no puis que vous fdiciter de votre resolution. Je sais qu'elle ne doit pas vous center beaucoup puisque dans votre note ajout6e & ma derni&re lettre, c'esi vous q«i dites le dernier mot, mais je vous en sais gr£ cependant. Quant a inoi, jc n'ai ouvert ce d^bat et je n'y suis entr<3 que pour dire une fois et une seule man opinion qu'il m'^tait impossible de taire. Ce n'est pas moi qui le prolongerai, et je ne prendrais de nouveau la parole que si j'y ^tais forc6; d'ailleurs je ne vois pas trop ce qui pourrait mfy forcer.

Si j'ai donn6 votre nom aux fonctions klein^ennes, c'est pour les raisons que j'ai dites et non pas comme vous Tinsinuez, zur Entschddigung; car je n'ai a. vous d^dommager de rien; je ne reconnaitrai un droit de propri<H$ ant^« rieur au mien que quand vous m'aurez montre* qu'on a avant moi dtudi<§ la discontinuity des groupes et Tuniformit^ des fonctions dans un cas tant soil peu ge'n^ral et qu'on a donn6 de ces fonctions des d^veloppements en series. Je r6ponds a une interrogation que je trouve en note & la tin d'une page de votre lettre. Parlant des fonctions de'fimes par M. Fuchs au tome 89 de Grelle, vous

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 55

dites : « Sind diese Funktionen wirklich eindeutig? Ich versLehe nur dass sie in jedem Wertsjstem welches sie erreichen unverzweigt sind ». Voici ma r^ponse, les fonctions £tudi<3es par M. Fuchs se partagent en trois grandes classes ; celles des deux premieres sont efFectivement uniformes ; celles de la troisi&me ne sont en g<3n£ral que unverzweigt; elles ne sont uniformes que si Pon ajoute une condition a celles £nonc6es par M. Fuchs. Ces distinctions ne sont pas faites dans le premier travail de M. Fuchs; on les trouve dans deux notes additionnelles, malheureusement trop concises et ins^r^es 1'une au Journal de B or char dt: t. 90, Fautre aux Gottinger Nachrichten^ 1880 (*).

Je vous remercie beaucoup de votre derni&re note (2) que vous avez eu la bont6 de m'envojer. Les r^sultats que vous ^noncez m'int^ressent beaucoup, voici pourquoi; je les avais trouv6s il y a ddja quelques temps, mais sans les publier parce que je d<5sirais 6claircir un peu la demonstration; c'est pourquoi je d^sirerais connaitre la votre quand vous 1'aurez edaircie de votre cot£.

J'espSre que la lutte, a armes courtoises, d'ailleurs, a laquelle nous venons de nous livrer a propos d'un nom, n'all<§rera pas nos bonnes relations. Dans tons les cas, ne vous en voulant nullement pour avoir pris Poffensive, j'esp^re que vous ne m'en voudrez pas non plus de m'&tre drfendu. 11 serait ridicule d'ailleurs, de nous disputer plus longtemps pour un nom, Name ist Schall und Rauch et apr£s tout ga m'est ^gal, faites comme vous voudrez, je ferai comme je voudrai de mon cot<5.

Veuillez agr^er, Monsieur, 1'assurance de ma consideration In plus distingu^e,

PoiNCA.Rfi.

XX.

Paris, 7 avril 1882. MONSIEUR,

J'ai 1'honneur de vous renvoyer corrig^e l'6preuve de ma lettre (3). Main- tenant que ce petit d^bat est termini et je Tesp&re pour ne plus se renouveler,

(J) Voir aussi le Me"moire de Poincare". QEuvres, t. I, p. 336-373 et la Correspondance de Poincare et de Fuchs (Acta Math., t, 38, 1921, p. 176-187. Ce vol. p. i3-a5).

(2) Ueber eindeutige Funktionen mit linear en Substitutionen in sich ( ^Das Grenzkreis- theorem u) (Math. Annalen, t, 20, 1882, p. 49-5 F* KLEIN, Ges. math. Abh., Berlin", t. 3, 1923, 102, p. 627-629,

(») Lettre n* XVII.

56 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

permettez-moi de vous remercier de la courtoisie dont vous n'avez cess6 de fa ire preuve pendant tout le temps qu'il a dur£.

Veuillez agr6er, Monsieur, 1'assurance de ma consideration la plus distinctive,

PoiNCARfi.

XXI.

Leipzig, 7. Mai 1882. Sophienstrassc 10.

SEHR GEEHRTER HERR !

Vor kurzem las ich Ihre Note in den Comptes rendus vom 10. April 1882 (l). Dieselbe hat mich urn so mehr interessiert, als ich glaube, dass Ihre jetaigt* Betrachtungen mil den meinigen auch der Methode nach eng verwandt sind. Ich beweise meine Satze durch Kontinuitdt, indem ich die beiden Lemmata vorausstellc: 1. dass zu jeder groupe discontinu eine Riemann'sche Flache zugehort und 2. dass zu der einzelnen zweckmassig zerschnittenen Riemann'schen Flache immcr (<2) nur eine solche Gruppe gehoren kann (sofern ihr tiberhaupt eine Gruppe zugehort). Die Reihenentwicklungen, wie Sie dieselben aufstellen, habe ich bislang noeh gan/ ausser Betracht gelassen. Wie beweisen Sie eigentlich die Existenz der Zahl m,

fur welche "V ^-r^ absolut konvergiert ? Und haben Sie fiir dieselbt; eine

-*"• ( YZ 7] H~ Vi)

genaue oder nur eine approximative untere Grenze ?

Ich selbst habe mittlererweile den betr. Satzen wieder allgemeinere Gestalt gegeben, und da die Fertigstellung einer Annalennote im Augenblicke, wo ich sehr wenig Zeit habe, sich noch etwas hinausziehen muss, so schreibe ich Ihn^n wieder davon. Im Falle meines ersten Satzes wurde die Gesamtkugel r\ nut Ausnahme unendlich vieler Punkte von den wiedererhaltenen Reprocluktionen das Fundamentalbereiches liberdeckt. Im Falle des zweiten Satzes bleibt das Innere einer Kreisflache, aber nur einer einzigen, unbedeckt. Ich habe jetzt die Kxistenz von Darstellungen konstatiert (die ftir die einzelne Riemann'sche FI§che wieder immer und immer auch nur in einer Weise vorhanden sind), bei welclier unendlich viele Kreisflachen ausgeschlossen werden. In dieser Richtung formuliere ich hier nur den allereinfachsten Satz (bei welchem durchaus unverzweigte Darstellung der Riemann'schen Flache vorausgesetzt wird). Sei p = ^ -4- fi2 -h . . . 4- |um, wo vorab keines der //. i sein mag. So nehme man auf der Riemann'schen FlSche m Punkte Ot, . . . , Ow, und lege von d in der bekannten Weise 2^ Querschnitte AU Bi; A2, B2; ,..; A^, B^; von 022^2 Querschnitte usw. Andererseits kons- truiere man auf der TQ Kugel m auseinander liegende Kreise und innerhalb des

(x) CEubres de Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. 4i-43. (2) D. h. unter deti Beschrankuugen des jeweiligen Satzes.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 67

von letzteren gemeinsam begrenzten Raumes ein Kreisbogenpolygon, das von 4|Ui Kreisen begrenzt ist, welche auf dem ersten Fundamentalkreise senkrecht stehen, dann ferner von /j./-^ Kreisen, die auf dem zweiten Fundamentalkreise senkrecht stehen, usw. (also ein Kreisbogenpolygon, das /n-fachen Zusammenhang hat). Die begrenzenden Kreise werden paarweise in der bekannten Reihenfolge A15 Bl5 A^1, B71, Ao, B2, ... zusammengeordnet und zwar durch lineare Substi- tutionen des 73, bei denen jeweils der betrefFende Fundamentalkreis invariant bleibt. Ueberdies sei das Produkt der betreffenden linearen Substitutionen also etwa : A^Ay^^1 . . . A^B^1 allemal der Identitat gleich. Dann gibt es immer eine und nur eine analytische Funktion, welche die zerschnittene Riemanrische Fldche auf ein der art beschaffenes Kreisbogenpolygon abbildet. Der Fall, dass eines der JUL gleich i wird, unterscheidet sich nurdadurch, dass dann der zugehorige Fundamentalkreis sich auf einen Punkt zusammenzieht und die entsprechenden linearen Substitutionen in diejenigen ,, parabolischen u iibergehen, welche jenen Punkt festlassen (1). Doch genug fur heute. Ware es nicht moglich, eine vollstandige Kollektion von Separatabziigen Ihrer einschlagigen Arbeiten zu bekommen ? Wenn es an gent, beginne ich nach Pfingsten in meinem Seminare eine Reihe von Vortragen iiber eindeutige Funktionen mit linearen Transformationen in sich, und mochte dabei meinen Zuhorern eine solche Kollektion zur Verfiigung stellen.

Hochachtungsvoll

Ihr

F. KLEIN.

XXII.

Paris, 12 mai 1882.

MOMSIEUR,

J'ai bien tard6 a vous r^pondre et je vous prie dc m'en excuser, car j'ai ^te forc£ de faire une petite absence. Je crois comme vous que nos m^thodes se rapprochent beaucoup et different moins par le principe g<3n£ral que par les details. Pour les lemmes doat vous me parlez, le premier, je Fai 6tabli par les considerations des d(§veloppements en series et vous, a ce que je pense, a 1'aide du th£or£me dont vous m'avez parle" dans une de vos lettres de l'ann£e derni^re.

Pour le second lemme, il ne pr6sente pas de difficult^ et il est probable que

i

(!) VgL F. KLEIN, Neue Beitrage zur Riemannschen Funktionentheorie, Abschnitt IV, ( ,,Das allgemeine Fundamentaltheorem" ), (Math, Annalen, t. 21, 1882-1883, p, 206-212), Ges. math. Abh.% Berlin, t. 3, 1928, 103, p. 630-710.

H. P. XI. 8

58 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

nous Pe'tablissons de la m^me maniere. Une fois ces deux lemmes tHablis el, c'est en effet par la que je commence, ainsi que vous le faites vous inline, j'emploie comme vous la continuite, mais il y a bien des manieres do Templojer et il est possible que nous difFe"rions dans quelques details.

Vous me demandez comment j'etablis la convergence de la sthne ^ ^v<T|-f- 5j)'" * J'en ai deux demonstrations mais qui sont toutes deux trop longues pour lenir dans une lettre; je les publierai prochainement (*). La premiere ost fondee en principe sur ce fait que la surface du cercle fondamental est flnie. La soeomle exige la me"me hypothese, mais elle est fonde'e sur la g£ome"trie non cuclidicnno. Quelle est maintenant la limite infdrieure du nombre m? C'est m = 2. Ici si Ton suppose m entier on a une limite exacte. En ce qui concerne les series relatives aux fonctions Zetafuchsiennes, je n'ai au contraire qu'une limite approximative. Ce qui m'a le plus inte'resse' dans votre lettre c'est ce que vous me dites au sujet des fonctions qui admettent commc espaces lacunaircs une infinite' de cercles. J'ai rencontr^ aussi de semblables fonctions et j'en ai donm'* un exemple dans une ou deux de mes Notes. Mais j'y suis arrive* par une voic absolument difFe"rente de la votre. II est probable que vos fonctions el les miennes doivent avoir une e'troite parente" ; cependant il n'est nullement Evident qu'elles soient identiques. Je croirais volontiers que votre mtHhode ainsi quo la mienne est susceptible d'une generalisation tres e'tendue et qu'clles conduiraient toutes deux a une grande classe de transcendantes comprenant commc cas particuliers celles que nous avons d6ja rencontrdes.

Vous me parlez de tirages a part de mes travaux. Voulez-vous parlor de mes Notes des Comptes rendus? Je n'en ai pas fait faire de tiragos a part et il strait malheureusement difficile maintenant d'en obtenir, aumoins pour les promidrcs d'entre elles.

Je vous enverrai prochainement et des que je les aurai reciis les tirages & part de deux travaux plus re"cents ; le premier Sur les courbes d^Jinies par les Equations diff£rentielles (2). II s'agit d^tudier la forme g^omcHrique des courbes demies par les Equations diffdrentielles du premier ordre, Malheureu- sement la premiere partie de ce M^moire est seule imprime'e jusqu'ici et ne * contient que les pr6liminaires. Le second travail a pour objet les formes

(x) Memoir e sur les fonctions fuchsiennes (Acta Math., t. 1, 1882, JK 193-294 ); GEuvr-es d$ Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. 169-267.

(2) J. Math. pur es et appl., 3e s^rie, t. 7, 1881, p. 375-422 et t. 8, 1882, p, 25i-2g6 t. I, p, 3-84.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

cubiques ternaires, dont je veux faire I'&tude arithm^tique. J'ai voulu rappeler d'abord certains r^sultats alg^briques qui remplissent la premiere partie du M^moire. Cette premiere partie a seule 6t(5 imprime'e dans le 5oc cahier du Journal de VEcole Poly technique, le reste devant paraitre dans le 5ie cahier. Cette premiere partie ne vous inte'ressera done pas beaucoup. II y a cependant une £tude sur les transformations lin^aires et sur certains groupes continus contenus dans le groupe line'aire atrois et quatre variables.

A propos, je ne me souviens plus si je vous ai envoys ma these, ainsi que des travaux plus anciens sur les Equations diflferentielles et un travail sur les fonctions a espaces lacunaires.

Veuillez agrger, Monsieur, 1'assurance de ma consideration la plus distinguge.

POINCIRE.

XXIII.

Leipzig, 1 4 mai 1882.

SEHH GEEHRTER HERR!

In Beantwortung Ihres eben eintreffenden Briefes mochte ich Ihnen mit 2 Worten mitteilen, wie ich die ,, Kontinuitiit " verwende. Freilich nur ira Prinzip; denn die Ausfiihrung im Einzelnen, die bei der Redaktion viel Muhe machen wird, lasst sich jedenfalls mannigfach modifizieren. Ich will mich auf den Fall der durchaus unverzweigten yj-Funktion der zweiten Art, wie ich aie in meiner Note nannte, beschranken. Hier handelt es sich vor allem urn den Nachweis, dass die beiden zu Vergleich kommenden Mannigfaltigkeiten : die Mannigfaltigkeit der in Betracht kommenden Substitutionssysteme und andererseits die Mannigfaltigkeit der xiberhaupt existirenden Riemann'schen Flachen, nicht nur dieselbe Dimensionenzahl (6/> 6 reelle Dimensionen) besitzen, sondern dass sie auch analytische Mannigfaltigkeiten mit anafytischen Grenzen sind (im Sinne der von Weierstrass eingefuhrten Termi- nologie). Diese beiden Mannigfaltigkeiten sind nun infolge des i. in meinem vorigen Briefe angefiihrten Lemma's (i ,a;)-deutig auf einander bezogen, wo x dem 2. Lemma zufolge fur die verschiedenen Partieen der zweiten Mannigfaltigkeit nur o oder i sein kann. Nun aber erweist sich jene Beziehung als eine analytische und zwar, wie wieder aus den beiden Hulfssatzen folgt, als eine analytische von nirgends verschwindender Funktionaldeterminante. Hieraus schliesse ich, dass x durchweg i sein muss, Gabe es riamlich einen Uebergang von Gebieten mit x = o zu solchen mit^ = i, so wurden den Punkten des Uebergangsgebietes wegen des analytischen Charakters der Zuordnung bestimmte (wirklich erreichbare) Punkte der anderen Mannigfaltigkeit entsprechen und fiir diese miisste dann, dem Bemerkten zuwider,

60 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

die Funktionaldeterminante der Beziehung verschwinden. So \\eit main Beweis. Einen ganz anderen, doch auch auf KontinuitStsbetrachtungen beruhenden, teilte mir Hr. Schwarz mit, als ich ihn neulich (am n. April) in Gottingen besuchlc. Ohne gerade von ihm autorisirt zu sein, meine ich Ihnen doch auch da von schreibeu zu sollen. Schwarz denkt sich die Riemann'sche Flache in geeigneter Weise zerschnitten, soclann unendlichfach iiberdeckt und die verschiedenen Ueber- deckungen in den Querschnitten so zusammengeftigt, class eine Gesanufliirho entsteht, welche der Gesamtheit der h\ der Ebene nebeneinander zu legenden Polygone etitspricht. Diese Gesamtflache ist, sofern man von solchen Attribulon bei unendlich ausgedehnten Flachen sprechen kann (was eben erlautert werden muss), im Falle der -^-Function 3. Art (auf die sich Schwarz zuniichst beschranktc) einfach zusammenhangend und einfach berandet, und es handelt sich also nur darum, einzusehen, dass man auch eine solche einfach zusammenhSngende, einfach berandete Flache in der bekannten Weise auf das Innere eines Kreises abbilden kann. Dieser Schwarz'sche Gedankengang ist jedenfalls sehr schon.

Sie fragen wegen der Separatabztige. Ich mochte Ihnen da vor allem naturlirli nicht lastig fallen, und dies urn so weniger, als ich mir ja alle Ibre Publikatlouen, mit alleiniger Ausnahme Ihrer These, immer verschaffen kann. Aber lie.b \uirc mich freilich, eine rnoglichst vollstandige Sammlurig derselben zu haben. Wonn Sie mir also einige Sachen zuschicken konnen (ich besitze noch keino flerselbtkn), so wxrd es mir sehr angenehm sein,

Haben Sie vielleicht einmal Lie's Theorie der Transformatiorisgruppen geles^n? Lie denkt sich die in seine Gruppen eingehenden Parameter immer als kompl^x^ Grossen; es ware interessant zu sehen, wie sich seine Resuitate vervollstandigcn liessen, wenn man auch solche Gruppen in Betracht zoge, die nur durch wlfa Wiederholung gewisser oo kleiner Operationen entstehen,

Hermite schickte mir vor langerer Zeit eine Numiner seines litho^raphierUkn Coan d' Analyse, Ware es vielleicht mogiich (nattirlich gegen Bezahlung) das Ganze zu bekommen? Ich wiirde das fiir mein Seminar in Anbetracht der Zv die ich eben jetzt verfolge, mit besonderer Freude begrussen.

Wie immer

Ihr ergebenster

F- KlBIN.

XXIV.

Paris, 1 8 mai 1882.

MONSIEUR,

Je n'ai pas besoin de vous dire combien votre derniere lettre m'a h Je vois clairement maintenant que volra d^monstrauon et k mienne ne peuveat

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 6l

diflferer que par la terminologie et par des details ; ainsi il est probable que nous n'6tablissons pas de la m&me mani&re le caract&re analytique de la rela- tion qui lie les deux Mannigfaltigkeiten dont vous parlez; pour moi, je relie ce fait a la convergence de mes series, mais il est Evident qu'on peut arriver au m£me r^sultat sans passer par cette consideration.

Les id^es de M. Schwarz ont une port^e bien plus gran.de; il est clair que le th^or^me general en question, s'il (Hait demontre, aurait son application dans la thdorie d'un tres grand nombre de fonctions et en parliculier dans celle des fonctions defmies par des Equations diiKrentielles non lineaires. C'est en etudiant de pareilles Equations que j'avais 6t6 conduit de mon cot6 a chercher si une surface de Riemann a une infinite de feuillets pouvait &tre etendue sur un cercle, et j'avais 6t6 amen6 au problSme suivaiit, qui permettrait de d^montrer la possibility de cette extension :

On donne une Equation aux differences partielles

v d- u ^.r d- u ^ d- u da .T du

\ _^ _}_ X., (_ \ -^ 4_ Xv —j h X; -y- = O

dx- d.u dy dy1 d,c dy

A 0 B

Fig. 4-

et une demi-circonference AMBO, Xi, X2; Xa, X4, X5 sont des fonctions donn^es de x et de y} ces fonctions sont analytiques a 1'interieur de la demi- circonference et cessent de I'&tre sur son p6rim£tre. Peut-on trouver toujours une fonction u de x et dey satisfaisant a liquation, analytique a 1'int^rieur de la demi-circonference, tendant vers i quand le point x, y se rapproche de la demi-circonf6rence et vers z£ro quand il se rapproche du diam^tre AOB ? Tous mes efforts dans ce sens ont 6t6 jusqu'ici infruclueux, mais j'esp^re que M. Schwarz qui a si bien r<5solu le probl^me dans le cas plus simple, sera plus heureux que moi.

Je vous envoie les tirages a part de mes travaux anciens, et j'esp&re pouvoir vous adresser d'ici peu les autres M^moires plus r^cents que je vous ai annonc^s et dont je ne saurais tarder & recevoir le tirage a part.

Quant au cours lithographic de M. Hermite, il est 3dit6 chez Hermann,

62 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

Librairie des Lyce'es, rue de la Sorbonne ; le prix de Pabonnement est i a francs. Je ne crois pas que 1'editeur envoie de tirage a part a M. Hennite.

Veuillez agr<5er 1'assurance de mes sentiments les plus devoues el de mon estime sincere.

PoiISCARfi.

XXV.

Leipzig, den ly Sept. S-.i. Sophienstr. 10 II.

SEHR GEEIIRTER HERR !

Im BegrifTe, meinerseits eine langere Arbeit iiber die neuen Funktionen abzu- schliessen, habe ich soeben Ihren Aufsatz in Bel. 19 der Annalen noch einmal durchgesehen. Es ist da ein Punkt, den ich nicht verstehe. Sie sprechen an zwri Stellen (p. 558 Mitte und p. 56o unten) von fonctions fuchsienne, die uur in einrni Raume existiren, der von unendlich vielen Kreisen begrenzt ist, \velche auf deat Hauptkreise senkrecht stehen. Nun kenne ich sehr wohl solche Funktionen (\\ie ich Ihnen schon vor einem Yierteljahr schrieb), die unendlich viele Kreise als natiirliche Grenze haben. Aber an der zugehorigen Gruppe partizipieren inimer solche Substitutionen, welche nur den einzelnen, beliebig herausgegriflenen Begren- zungskreis invariant lassen. Nun defmiren Sie fuchsiennes als solche FunktiontMi, deren Substitutionen sdmmtlich reell sind (p. 552), und diese Definition \vircl durch die Verallgemeinerung auf p. 557, wo an Stelle der reellen Axe ein beliebigor Krcis tritt, nicht wesentlich modifiziert. Die von mir gekannten Funktionen fallen also nicht unter Ihre Definition der fuchsiennes. Ist da ein Missverstiindnis auf nieiiu'r Seite oder eine Ungenauigkeit des Ausdruck's auf der Ihrigeu? (!). Was ineint* Arbeit angeht, so beschranke ich mich darauf, die geoinetrische AufTahSung darzulegen, vermoge deren ich im Riemann'schen Sinne die neuen Funktionen definiert denke. Dabei sind, wie es in der Natur der Sache liegt, viele Beriihrungs- punkte auch mit Ihrer geometrischen AufFassung des Gegenstandes. Die allge- meinste Gruppe, welche ich in Betracht ziehe, erzeuge ich aus einer beliebagen Zahl ,, isolierter u Substitutionen und aus einer Anzahl von Gruppen ,, mil Hauptkrt'is ct (der reell oder imaginar sein kann oder auch in einen Punkt ausgeartet) durch ,, Ineinanderschiebung u. Die Theoreme meiner beiden Annalennoten subsuinieren sich dann als spezielle Falle unter einen allgemeinen Satz, der etwa so lautet : doss zu jeder Riemannschen Flache mit beliebig vorgegebener Verzweigung und Zerschneidung immer eine und nur eine n-Funktion des betreffenden Typm zugehort.

( a ) Cf. Ueber den Begriff des funktionentheoretischen Pundamentalber&ichs ( Math. Anualen, t. 40, 1892, p. iSo-iSg); F. KLEIN, Ges. math. Abh^ Berlin, t. 3, 192^,0° 104» p- 711-720.

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 63

Von Mittag-Leffler horte ich, dass Sie eben auch mil grosseren Ausarbeitungen (!) beschaftigt sind. Ich brauche nicht zu sagen, wie sehr es mich interessiren wird, dariiber Genaueres zu erfahren. Wenn Sie in einem Monate in Paris sind, werden Sie meinen Freund S. Lie kennen lernen, der eben ein paar Tage bei mir zu Besuch war und der, obwohl selbst bislang nicht Funktionentheoretiker, doch lebhaft sich fur die Fortschritte interessiert, die die Funktionentheorie in neuerer Zeit gemacht hat.

Hochachlungsvoll Ihr

F. KLEIN.

XXVI.

Nancy, le 22 seplembre 1882.

MONSIEUR,

Voici quelques details sur ces fonclions donL j'ai parl<$ dans ma Note des Annalen et doni la limite naiurelle esL formed d'une infinite de cercles. Pour plus de simplicity dans 1' exposition, je prendrai par exemple un cas tr&s parti- culier. Supposons quatre points a, 6, c, d sur le cercle fondamental et quatre cercles coupant orthogonalement celui-ci : le premier en a et en b, le deuxi^me en b et en c; le troisi^me en c et en d\ le quatri^me en d et en a. On obtient ainsi un quadrilatere curviligne. Considerons deux substitutions (hyperbo- liques ou paraboliques) la premiere changeant le cercle ab dans le cercle ad] la deuxi&me changeant le cercle cb dans le cercle cd. Les Wiederholungen de notre quadrilatere vont recouvrir la surface du cercle fondamental, ou une portion seulement de cette surface; mais dans tous les cas le groupe sera 6videmment discontinu. On reconnait ais6ment que le cercle fondamental ne sera reconvert tout entier que dans un seul cas; lorsque les quatre points abed seront harmoniques et que les deux substitutions (ab, ad] et (cb, cd) seront paraboliques. On a affaire alors a la fonction modulaire. Dans tousles autres cas, on trouve que les Wiederholungen en question ne recouvrent qu'un

(*) II s'agit ici des cinq M^moires suivants : Theorie des groupes fuchsiens (Ada Math., t. 1, 1882, p. 1-62); M£moire sur les functions fuchsiennes (ibid., t. 1, 1882, p. 193-294); M&moire sur les groupes klein&ens (ibid., t. 3, i883, p. 49-92); Sur les groupes des equations lineaires (ibid., t. 4, 1884, p. 2oi-3n); M&moire sur les fonctions zetafuchsiennes (ibid., t. 5, 1884, p. 209-278); OEuvres de Henri Poincare, Paris, t. 2, 1916, p. 108-462.

64 CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN.

domaine limits par une infinite de cercles. Maintenant le plan tout entier pent 6tre abgebildet sur notre quadrilatere et de telle facon que deux points corres- pondants du p^rimetre correspondent au m&me point du plan. Gette Abbildung d^finit une fonction n'existant que dans le domaine reconvert par les Wieder- holungen. Mais ici il faut faire une remarque importanle. Le groupe derive des deux substitutions (ab, ad] et (c&, cd) peut £tre consid<3r<$ connne engendre' d'une autre maniere. Considt^rons quatre cercles Cl7 Co, C;J; coupant tous quatre orthogonalement le cercle fondamental et ne se coupanl pas entre eux de fagon a e"tre ext(3rieurs les uns aux a litres. Soit deux substi- tutions changeant d en C2 et C:{ en C/(; le groupe qui en derive est tfvidem- ment discontinu eL si les quatre cercles sont convenablement choisis, ii peul £tre identique au groupe dont il a <3te* question plus haut. La portion du plan ext(5rieure aux quatre cercles est une sorte de quadrilatere qui peul tore abgebildet sur une surface de Riemann de genre 2 et qui engendre aiasi une fonction existant dans tout le plan. Voila done le mfime groupe donnant nais- sance a deux fonctions essentiellement difF^rentes. On peut se poser u ce sujtM. une foule de questions delicates que je ne puis aborder ici.

En r£sum<3, vous vojez qu'il s'agit bien de fonctions n'existant que daus uu domaine limits par une infinites de cercles et cependant de « fonctions fu<;h- siennes » puisque toutes les substitutions du groupe conservent le cercle fonda- mental. Chacun des cercles de la fronti^re est consent par une des substitutions du groupe, laquelle conserve en m£me temps le cercle fondamental. Vous save/, en effet que toute substitution hyperbolique conserve tons les cerdes (jta passent par les deux points doubles.

JPapprends avec plaisir que vous pr^parez un grand travail sur Pol>j«»t <jui nous intt5resse tous deux. Je le lirai avec le plus grand plaisir. Comme vous 1'a ditM. Mittag-Leffler je prepare moi«m6me un travail sur ce sujet; mais vu sa longueur, je Fai partagt^ en cinq M^moires :

le premier qui va paraitre cette ann^e, sur les groupes & substitutions belles (que j'ai appel^s groupes fuchsiens) ;

le deuxitoe sur les fonctions fuchsiennes; j'en acKeverai prochainement la redaction ;

le troisi&me sur les groupes et fonctions plus gto^rales que j'ai appel^es klein^ennes.

Dans le quatri^me j'aborderai un ordre de questions que j'ai laiss^as de

CORRESPONDANCE AVEC F. KLEIN. 65

dans le deuxi&me Memoire; c'est-a-dire la demonstration de Fexistence de fonctions satisfaisant a certaines conditions, par example la demonstration de ce fait qu'a toute surface de Riemann correspond une semblable fonction et la determination des constantes correspondantes.

Enfin dans le cinqui&me je parlerai des fonctions zetafuchsiennes et de I'int6- gration des equations lineaires.

Je dois retourner a Paris apr&s-demain; je serai done la au moment du passage de M. Lie. Je serais desole de perdre 1'occasion de voir ce c6l£bre geom£jtre. Vous avez du recevoir la premiere partie de mon travail sur les courbes deflnies par les equations differentielles. Je vous en enverrai prochai- nement la seconcle parlie ; je vous enverrai en m6me temps mon Memoire sur les formes cubiques.

Veuillez agnSer, Monsieur, Fassurance de rna consideration la plus distinguee.

PoiNCAttfi.

H. P. XL

LCTTRES DE HENRI POINCARE

A M. MITTAG-LEFFLER CONCERNANT LE MEMOIRE COURONNE

DU PRIX DE S. M. LE ROI OSCAR II (')

Acta Mathcmatica^ t. 38, p. jGi-i^S (1911)

1 8 avril 1 883.

J'ai lu avec un grand inl6rel la leltre de M. Wcicrs trass dual vous m'avez donned copic (-). II cst bien clair com me Ie dit M. Weirrslrass quo lus'coor- donn^es des plan&les no peuvont s'exp rimer en. series ordountios stiivant les

SiQt _ T

puissances de -^ cp1^ si 1'on est certain d'avance que les planOlcs n<4 se rtkn- contreront pas, et d'auLrc part on ne peuljamais en dire cerlain.

Aussi je n'ordonnais pas suivant les puissances de —t - mais suivani ccHes

de -- ^ est une variable auxiliaire qui jouit des propritHes suJvantes :

e*t~>r-t

c Pdf lino vnrinhlp niTviTInir/* rrm mint T!AC i e&s _+- 1

t s'exprime comme les coordonnees en stSrie ordonnee suivant les puis* sances de ^p—

Si les planfetes ne se rencontrent pas/quand^variede oo & +00, constamment de oo a +00.

(x) H. POJNCAR&, 5wr Le probleme des trois corps et les equations de la m&canique (Acta Math., t. 13; QEuvres, t. 7, p. 262-479). (2) Acta Math., t. 35, p. 35-36; cf. aussi p. 45.

CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER. 67

Si elles se rencontrent au temps £0, quand s varie de oc a -t-oo, t croit constamment dc oo a tQ. Les formnles no donnent plus rien a partir du temps (Q et c'est d'ailleurs ce qu'clles ont de mieux, a faire.

Maintenant je n'avais pas eu sp^cialement en vue le probl&mc de la M^ca- nique celeste; mon but etait de monlrer qu'on pouvait Loujours resoudre des Equations diff^renticllcs algt'ibriques par des series toujours convergenles pour toutes les valeurs replies des variables. Les solutions de ce probl&me sont en nombre infini el celle que j'ai donne^e n'est qu'un exemple. II csl clair que dans chaque cas particulier, il faut choisir la plus zweckmdssig* Or je ne crois pas que dans le cas de la Mecanique celeste celle que j'ai donn6 soil la plus zweck- massig, je crois qu'il y a mieux a trotiver (1).

Paris, 1 6 juillet 1887.

Je n'ai pas oubiie; le prix du roi Oscar et je vous dirai meme que ce prix me pr^occupe cxclusivemcnt depuis un ou doux mois*

Mon ambition e^tait de resoudre la premiere question, celle qui se rapportc au problfcme des n corps. Mais je n'ai pas arriv6 encore a des r^sultals coniplk- tement satisfaisants, au moins dans lo cas general.

J'ai loutefois obtenu quelques r6sultals qui ne sont pas sans int6r<H et dont je ne veux vous citer qu'un seul.

II s'agit du cas particulier ou des trois corps, le premier el le deuxieme ont une masse ilnie et le troisi^me une masse nulle. Lc premier et le deuxieme decrivenl une eirconfe'rence aulour de leur centre de gravity commnn ct le troisi^me se incut dans le plan de ces circonfe^rences.

Dans ce cas particulier, j'ai lrouv£ une demonstration rigoureuse de la stabi- lity et un moyen dc determiner des limites precises pour les elements du troisieme corps (tj).

Vous savez que dans ce cas particulier M. Hill avail d£ja donn^ une limite

(1) On salt quo M. K. F. Sundman a d<§montr6 r6cemment qu'on peut choisir Ja variable auxi- liaire 5 de sortc quo les series en question convergent pour toutes les valeurs de t meme s'il y a des chocs entre les corps, pourvu que les constantes des aires ne soient pas toutes nulles (cf. Acta Math,, t. 36, p. 105-179).

(2) Ou se rappelle que Poincare' a d^montre que la masse nulle repassera une infinite de fois aussi pres qu'on voudra de sa position initiale, si Ton n'est pas place1 dans certaines conditions initiales exceptionnelles dont la probability est infini meuj, petite.

£g CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER.

superieure du rayon vecteur; j'ai recu derniercment un M«5moire de M. Boblm insure* dans le tome X des Ada ou ccLte solution de M. Hill est reprise et complete. Mais, il n'y a pas de limito inferieure et de plus la limite superieure trouv<5e est trfcs c$loign6e de la limite precise. D'aillcurs possedunt cetle limilc precise, j'ai plusieurs moyeas do reprcsenter le mouvement du troisifcine corps par des series convergentes.

Maintenant, esl-ce bien la ce qu'avail trouv<5 Lcjoune-Dirielilel et inline avail-il nSelleinenl trouv<5 quolque chose, jo n'en sais rien ; mais jo sins sur mainLenant qu'onne doit pas chcrchor a iiitegrer le probleme par les fonelkms connucs on par rion qui y resscmbhi. Car les parliculariltfs inaltenducs ([ue prysenient les fonctions ou je suis conduit les eloignenl tout a fait do Unites les fonc lions connues.

J'esperc maintcnant que je pourrai aborder le cas gtfndral rt quc d'ici au ier juin j'aurai, sinon ri^solu compl^tcment la question (cela, je nc respire pus) mais trouvu des r(3sullats asscz com pl(Hs pour pouvoirftlrc envoyes au concours. Je crois me rappeler qu'on no doit envojer au concours que des Memoires inedils^ et que le-nom de rauteur doit resLer secret, etanl enfcrmtS sous un pli cachet^ qu'on ne doil ouvrir qu'au dernier moment.

Quant au mot incdit, il doit je pcnsc 6tre entendu clans un sons ahsolu, cVsl- a-clire que les rosultals n'auront pu <}tre anlerieurement <5nojic<5s et resumes dans une Note aux Comptes rendus de P Academic des Sciences.

5 fiSvricr 1889*

Merci de volre lettre; mallicureusement je ne puis pas vous dunner des ren- seigncments plus complets au sujet de la me'thode de M. Gyldcn; je ne puis d^uiontrer la divergence de ses d^veloppcments, mais je n'en puis non plus d^montrer la convergence.

Pour dtablir ccite convergence, si toutetbis elle a lieu, il me fuudrait d'ahord avoir une id^e Lout a fait nette de la fagon'dont ces ddveloppements pea vent 6tre obtenus. Or c'est ce que je ne puis faire sans avoir 6tudi£ a fond le M^moire de M, Gyld^n en commengant par la premiere ligne et fimssant par la derni^re. C'est la un travail que jo n'ai pas encore eu le temps de faire.

Vous avouerai-je que je trouve le style de M. Gyld^n un peu rehutant et qu'il me donne bcaucoup de mal a lire.

CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER. 69

J'ai 1'habitude, quand je lis un Memoire, de le parcourir d'abord rapide- mont de fagon a me donnerune idee de 1'ensemblc el dc revenir cnsuitesnr les points qui me semblent obscurs. Je trouve plus commode de refairc les demonstrations que d'approfondir celles de 1'auteur. Mes demonstrations peuvent £tre generalement beaucoup moins bonnes mais elles ont pour moi 1'avantage d'etre miennes. Or c'est ce qu'il m'est impossible de faire avec M. Gylden, ses resultats ne sont jamais assez ulersichtlich pour cela.

Tout cela soit dit pour vous expliquer comment je n'ai pas pris encore ime connaissance plus approfondle du Memoire en question. Toutefois j'cn ai vu assez pour voir qu'il obtient dans certnins ens une libration] or ce qui fait que les developpemcnts de M. Lindstedt sont cerlainement divergents c'est ceci. S'ils convergcaient il n'y aurait jamais de libration, et il j en a certainement.

Les m6mes raisons n'existent done pas pour conclure a la divergence des series de M. Gylden. Mainlenant il reste bion cntendu que, jusqu'a nouvel ordre, je regarde la divergence comme plus probable.

Une autre raison qui m'empAcho de Hen pouvoir affirmer, c'est que dans ces developpements, autant que je puis comprendre, les lermes ne se deduisent pas les uns des autres par une re-gle inflexible. A cliaque approximation il faut faire intervenir sa jugeotte (comme on dit vulgairement) pour decider dans quel sens on doit aiguiller (comme on dit dans les chemins de fer).

Or c'est la un element qu'il est difficile d'introduire dans une demonstration de convergence ou de divergence.

ier mars 1889.

Venons a ce que vous me dites de M. Gylden. M. Gjlden dit avoir demontre 1'existence des solutions asymptotiques et nous nous pretendons qu'il ne 1'a pas fait. D'ou vicnt cela ! De ce que les mots demonstration et convergence n'ont pas le m6me sens pour lui et pour nous. M. Gylden croit avoir demontre la convergence d'une serie lorsqu'il a fait voir que les premiers termcs vont en decroissant et qu'il est invraisemblable qu'un des 99 premiers termes par exemple ait une valeur plus grande.

Cela peut 6tre tr&s suffisant pour les applications astronomiques mais ne saurait contenter le

Venons au detail.

rj0 CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER.

Voici liquation e'ludie'e par M. Gylde'n :

(i) ^ =2 A sin (a£ -+- bt H- c),

A, a, & el £ tUant dcs constantes qui dans les nolations de M, Gylde'n ont um> expression nssez compliqu6e. II cxiste il est vrai d'aulres arguments £', ^ ; mais M. Gylde'n les regarde provisoiremcnl comme connus en fouctions du temps de sorle que nous pouvons les faire rcnlror dans le lenno bl. L'equalum est ainsi ramcne'e au deuxieme ordre. Tl y auraii uvidemmenl des objections a faire a celte facon de simplifier le probleme; mais il no conviimt pas d\ insister, puisqu'elles sont dc m^rne nature que celles que souleve Fiate'graiion de liquation simplifiee elle-m^me. Gonside'rons done seulement r^qualion (i) qui est de m6me forme que celles dont je me suis le plus occupo el <jui corres- pondent aux cas ou il n'y a que cleux degrees de liber 16.

M. Gyld6n commence par faire un triage parmi les Uu'ines du scron<i membre. II met a parl ceux qui lui seni blent devoir jouer un role imporlauf t*l qu'il appelle caracl^ristiques. Voila un premier oxomple de cetle inltn'veution de I'appr^ciation personnelle, de la jugeoile donl je vous parlais la dcrnifav fois qui donne aux me'thodes de M. Gylde'n une grande souplesst1 mais ae me permet pas d'aborder une demonstration cle la convergence.

M. Gyld<5n pose ensuite [p. 2i3 (d)] :

et il determine Z0, Z1? elc. par une serie d'^quations analogues a (0 <»u s'arrangeant de telle fagon que chacuno d'cllcs ne conlienno qu'un soul UTIIJI* caracte'ristique.

Quant au menu fretin des lermes non caract<§risliques il les n'tpartit entn* ces Equations d7une fagon arbiiraire; deuxi^me intervention de la jugeottc. Chacune des equations est ensuite inte'gr^e par le moyen des fonctions ellip- tiques ; mais est-elle int^gre"e de'finitivement ? Non, quand on aura integre' la premiere, puis la seconde, il faudra modifier la premiere et Pinte'grer de nou- veau et ainsi de suite. Voici en effet ce que dit £ ce sujet M. Gylde'n (p. 24^} :

« Bei dem Fortgange dieser Operationen muss man sich indcssen ermnern; dass bei derBildung der Functionen (X) Glieder entstehen kdnrxen, vondene0

(l)'_Acta Math., t. 9.

CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER. 71

ein Theil mil vorhcrgehenden charact. Gliedern zu vereinigen sind und also die Werthe der vorhergehenden Moduln etwas verandern, ...»

Ces retours en arri^re doivent, ce me semble, prodigieusement agacer les calculateurs, etj'ai cherchg avec soin a les e>iter. On les rencontre non seule- ment dans la mtSthode de M. Gyldt^n mais dans celle de Delaunaj. Vous con- cevcz sans peine qu'ils rendent impossible toute demonstration de convergence.

M. Gyldthi arrive ensuite a une s^rie (so), page ^44 donl il dit qu'elle converge parce que dil-il :

1C TC

<( Die Verbaltnisse j— > ~ ? * ujueren Annahmen Rack, . . . eine gegebene Grosse nicht fibers tei gen ».

En r6alit6, cela veuL dire que In s^rie ne converge que si Ton suppose (unseren Annalimen nach) que ces rapports restent inferieurs £ une certaine limite, et que si cela n'avait pas lieu il faudrait avoir recours a une autre m^lhode, celle qui est exposed pages 267 a 268. Mais comment pourra-t-on savoir d'avance si celte condition est remplie; puisque le module A", calculi d'abord, va Gtre incessamment modified par les retours en arriSre dont je parlais tout a 1'heure et qu'il n'est pas certain qu'il ne va pas s'approcher ind6finiment de i.

Mais ce n'est pas tout. La s^rie (20) n'est pas Pexpression complete de Z. On 1'obtient en laissant de cot<5 les termes provenant des termes non caract6- ristiques que M. Gylden considerc comme trop petits pour pouvoir alt^rer la convergence. Cela est-il l^gitime ? De ce que ces termes sont tr6s petits, il suit que leur influence ne sera pas sensible avant la 5ott approximation par exemple, mais non qu'elle ne le sera jamais, ni m£me qu'elle nc pourra pas devenir tr£s grand e.

Bornons-nous done a une des Equations qui donnent Z0, Z4, etc. c'est-a-dire a une Equation de la forme (i) ne contcnant qu'un seul terme caract^ristique.

La m^thode de M, Gylden consiste a appeler 2V Fargument de ce terme caract^ristique et a 6crire ensuite liquation sous la forme *

A est une constante, AX repr6sente 1'ensemble des termes non caracte^ristiques et A est un coefficient tr&s petit. (M. Gylden ne met pas ce coefficient en Evi- dence de cette fa9on, mais il entre dans ses termes.) Ensuite il d^veloppe V

72 CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER.

suivant les puissances croissantcs de A. Mais la encore il ne parvient pas a demontrer d'une facon satisfaisante la convergence de son precede. 11 est evident que les approximations successives introduiront de nouvoaux terines caracteristiques. II est probable quo s'il s'introduit de semblables lermos. M. Gylden en tient compte comme des premiers ot inlrbduil do nwnolles Equations de Lame, qui vont encore nous forcer a modifier noire module primitif el a retourner en arriere comme je 1'ai cxpliqutf plus haul. II mo parait impossible de fonder la-dessus aucune demonstration rigoureuso de la conver- gence.

Les solutions asjmptotiques correspondent au cas ou Tun des modules devienL egal a i. M. Gylden annonco que ce cas ne pent pas se presenter pour plus d'un module; c'est la un point important sur lequel je crois necessaire d'insister. . . . Apr6s avoir examine a fond la demonstration que donne M. Gylden de son affirmation, j'ai reconnu qu'elle est suffisanlc bicu que cela n'apparaisse pas ainsi au premier abord. II me sernble toutcfois que si M. Gylddn avait dirige son calcul comme il le fait dans le paragraphs II au lieu de le diriger comme il le fait dans le paragraphe III, il aurait pu rencontrer plusieurs modules egaux a i ; mais cela demnnderait a t^tn* examine de plus pr6s.

Voyons ce qu'il dit au sujet de la demonstration de la conve.rgenoe (cf. dans mon Memoire ire partie, chap. I, § 2, ct chap. Ill, § 13). M. (iyhh'tn dit page 261 : « Die Glieder in Vi mil dem Factor e~^ odor mil gunzon [M>sitiven Potenzen dieser Grosse multiplicirt erscheinen und also mil wachscnde.ni £ sehr rasch abnehmen. . . also schliessen wir dass die Darstollung der Inunction Vi immer convergent ist, wenn £ auf positive AVerthe bcschriinkt ble.ibt. »

Ce qui revient a admettrele principe suivant :

Toute st5rie proc6dant suivant les puissances croissantes d'une variable plus petite que i esl convergente a moms qu'on n'ait des raisons stfrieuses <!e douter de cette convergence.

Remarquons que cette s^rie n'est qu'unc premiere approximation mais que les approximations suivantes introduiraient des series qui seraient de m£me forme.

Je crois pouvoir conclure ainsi :

M. Gyld^n u'a pas demontre la convergence de ses series. Si sa demonstration est bonne pour les series dela page 261 qui convergent effectiveraent, pourquoi

CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER. 78

ne 1'est-elle pas pour les series des pages 287, 243, etc., qui sonttres probable- ment divergentes.

Le raisonnement par lequel M. Gylden croit pouvoir e'tablir P existence des solutions asymptotiques n'est ni plus rigoureux que celui par lequel Delaunay 1'e'tablissait -avant lui, ni plus ~ rigoureux que celui par lequel M. Lindsledt ddmontre qu'il n'y en a pas.

Allons bon ! voila que je suis encore une fois oblige* de relirer ce que je viens de dire, ce diable dc M. Gylden est vraiment difficile a saisir et Ton y decouvre a chaquc instant du nouveau. Je vous disais tout a Fheure que les raisons d'apres lesquelles M. Gylden e'tablit qu'un seul module pouvait 6tre egal a i mo semblaient bonnes. Je ne le crois plus maintenant. Voici pourquoi. Pieportez-vous aux pages 260 a 261 de son Memoire. Nous y trouvons la for- mnle (3a) qui donne le lerme de Vj qui correspond au terme de X qui a pour coefficient PO- Envisag<;ons le terme qui a pour coefficient Pi et qui s'ecrit

,V AI P1 Si II CO COS ( 2 )v i lit 4- 2 AI ).

Introduisons ce terme dans la formulc (3o) a la place de X nous aurons une formule analogue a (02) et dont le second terme s'(5crira (remarquez que ce terme ne se d<Hruira pas avec le premier :

p 6tant un coefficient analogue a (34. Si nous n<3gligeons les puissances supe'- rieures de e~~^ il vient

d'ou

Le diviseur d'int(3gration est aA4 et je nc vois aucune raison pour qu'il soit plus grand que a2 contrairenicnt & ce que dit M. Gyld6n page 263, ligne 13 et U.

M. Gylde'n objecterait que e~^ devient tres petit mais cela ne saurait suffire.

Encore une remarque; M. Gylden ne suppose nulle part que les/fuantite's qu'il appelle X, XL, etc. soient commensurables entre olles; or cette condition

' H. P. - XI.

74 CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER.

est n^cessaire pour qu'il y ait une solution asymptotique. G'cst la preuve quo sa demonstration est insuffisante.

En relisant ma lettre je m'apercois que j'ai Pair de vouloir d&nolir comple- ment le M^moire de M. Gykten; ce n'est ntillemenl mon intention ; JV trouve de tres belles choses; j'ai cherche" seulemenl a faire ressorlir combien les mols demonstration ct convergence ont mi sens different pour lui ot pour nous.

Le probltime n'est abord6 qu'au point cle vue de 1'astrononne purement pratique qui est peut-<Hre le plus important, mais qui n'esl, pas le mien. Jo crois que mGme a cc point de vuc, mes mc'thodes seront plus simples el paraitront telles quand je les aurai d6velopp6es suffisamment; mais pcut-Oln^ est-ce inoi qui ne comprend pas encore bien celles de M. Gyld^n.

Pardon, mon cher ami, de vous imposer la lecture d'une lettro aussi loni»m» et aussi d^cousue. Je voulais la jeter an feu ; car je vais vous en tfcrire une autn* plus pos^ment apr^s avoir approfondi le M^moire de M. Gylden. Jc vois ([tuk jt* ne le poss^de pas encore a fond puisque je trouve encore de lomps (*n temps des sujets d'^tonnement.

J'ai cru neanmoins devoir vous envoyer celle-ci de telle sorltt que vous puissiez la lire ot correspondre encore avec moi avant le i3 mars.

mars

Dans ma derni^re lettre, j'ai cherchtf a vous montrer que les d<;nioaslratK>ns de convergence de M. Gyldt^n sont insuffisantes ; il me resto a examiner si ses d^veloppements convergent effectivemont (bien qu'il ne Tail pas ddimmtre) en me bornant au cas ou il existe r^ellement des solutions asymptotiquos.

Je consid&re done 1'^quation suivante :

r/*V

-r-f -+- n*~sk sin VcosV = «

ou

h est une constante et je suppose pour ^viter quelques-unes des difficult^ que je vous signalais la derni&re fois que Xd et m sont eniiers.

CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER. 76

Que fait M. Gyld6n ? II pose

V = V0 •+• V], Vo = 2arctge-£-+- - (p. 267), £ = oc/z £ -t- c.

a csl ma coefficient qu'on se reserve de modifier a chaqae approximation. Sa valeur exacte estcependant enticement determined slJiepeut pas ne pas Vetre puisque ex n n'est autre chose que ce que j'ai appeltf 1'exposant caracttSristique. Liquation devienl alors

Y = sinVoosY-h sinVo^osVo V,(3 sin2Vo i).

M. Gyld6n donne le de'veloppementde Ysuivantles puissances de Vi5 page 286, ligne 7 (en complant les formules pour une ligne). En appelanl —X le second membre de 1'equation pr6cedente, il vient

qui ne differe pas de liquation (6) dc M. Gylde'n, page 236.

Gela pose", voici comment on fera pour inte"grer (i) par approximations suc- ccssives. On ferad'abord dans X, Vi = 0, on aura une Equation lin<3aire en Vi, on 1'inte'grera, on substiluera dans X a la place de Vi la valeur appro ch6e ainsi obtenue, on aura une nouvolle Equation lin^aire qui donnera une valeur plus approch(5e de Vi qu'on substituera de nouveau dans X et ainsi de suite.

A cliaque approximation on dispose de trois arbitraires a savoir : deux constantes d'inttSgration et a qu'on s'est r^serv6 de modifier a chaquc approxi- mation.

L'inte'gration de liquation (i) quand on y regarde X comme connu nous donne conformdmenl a la formule (3 2) de la page 261 :

•Ci

7$ CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER.

Je n'^cris pas la formule lout a fait coin me M. Gylden afin cle mettre en Evi- dence les deux constants d' integration d et C2.

Considerons d'abord les valeurs negatives de £; pourccs valours X peut 6iru developp6 suivant les puissances croissantes de e*, de V,t et suivant les sinus et

cosinus des multiples do-- Si on remplace V\ par la valour trouvee dans 1'approximation pre'cedente, X sera developpe suivant les puissances de e- et

£

les sinus des multiples de --• 1 a

Nous voulons que rapprcrx filiation suivante cle V< donuee par la formule (3:>.) soit de m£me forme. Elle ne doil done conlenir, ni termo en e~>, ni terme en \e^.

Pour qu'elle ne contienne pas de tonne en e~"*, il faul que la constant!* Ci

soit nulle.

Pour qu'elle ne conlienne pas de terme en £<?*, il fauL que X ne contienne pas de terme en e*.

Supposons done que X ne contienne pos de terme en «» et choisissons GI = o.

II nous resle deux arbitraires C2 et a; nous pourrons en disposer (il cela cVune infinite de manwres de telle facon qu'a I7approximution suhante \ ne contienne encore pas de lerme en e*.

Nous pouvons done d'une infinite de maniercs' trouver unc S(5ri(i satisfai.sant formellement a liquation (i) et developp^e suivant les puissances do (>* el les

sinus des multiples de -• Parmi ces series, en nombre infini, un*> scale peut

6 ire convergente pour les valeurs negatives de \\ en eflet j'ai dit plus haul qw la valeur de a devait <5tre enti^rement d(5termin(5e.

Gonsid6ron,s maintenant les valeurs positives de £.

Pour ces valeurs X peut ^tre d<5velopp6 suivant les puissances croissanles de e~^. Nous voulons que V4 soit de m6me forme, et ne contienne ni terme fin e*, ni terme en £e~t.

Pour qu'il ne contienne pas de terme en e^ il faut que

Pour qu'il ne contienne pas de terme en c^, il faut quo X ne coatieane pas de terme en e~^.

CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER. 77

Nous supposerons qu'il en soit ainsi et nous voulons qu'il en soit encore ainsi a Fapproximation suivante. Nous disposerons done de G3 et de a pour annuler les termes en e~*> dans 1'approximation snivante de X.

Nous pouvons le faire d'une infinite" de manieres, nous obtenons done encore une infinite de series, parmi lesquelles une seule peut converger.

Admettons, ce qui est probablement exact (je dis probablement parce que je n'ai pas entierement v6rifit5 1'identite de ces series avec les miennes) qu'il y ait effeclivement une se"ric qui converge pour les valeurs positives de Detune autre pour les valeurs negatives.

Ces deux series sont-elles la continuation analytique 1'une de 1'autre, corres- pundent-elles aux monies valeurs de GI, de C2 et de a ? M. G)lde"n ne le dit pas expressemenl mais son texte le laisse entendre et je crois que c'tUait bien la sa pcns(5e. Je sais d'ailleurs qu'il en est effeclivenient ainsi, puisque j'ai de'rnonlre'e que les surfaces asymptotiques sont des surfaces ferme'es ; mais dans les demonstrations de M. Gylde'n, je nc vois ancune bonne raison de le croire.

Pour que Ci ait la me" me valeur pour £ ne"gatif ct pour £ positif, il faut que

r*" x <&

-p = 0.

L

Pourquoi en serait-il ainsi; si je prends un des termes de X, par exemple :

\ a

je reconnais aise'ment que I'inte'grale corrcspondante qui est tres facile a cal- culer, n'est pas nulle a moins que HI ne soit nul.

Pourquoi les integrates provenant des diffe'rents termes se dt^truiraient-elles? Je n'en verrais aucune raison si je np savais d'avance que les surfaces asympto- tiques sont ferme'es (1).

Je vcux maintenant que C2 ct a aient m6me valeur pour £ positif ou ne"galif.

II faut done que je dispose de ces deux constantes de fac/m qu'a Fapproxi- mation suivante, si 1'on d^veloppe X suivant les puissances de e^^ on n'ait pas

(l) Poincar6 a reconnu plus tard que le the*oreme sur lequel il s'appuie ici n'est pas exact. Nous avons cru pourtant devoir reproduirc cette lettre parce que c'est un point de moindre impor- tance pour la question dont il s'agit.

yS CORRESPONDANCE AVEC MITTAG-LEFFLER.

do terme en e^ et si Ton delveloppe X suivant les puissances de er;, on n'ait pas de terme en e~*. II est clair que je puis le fairc, puisque j'ai deux arbitraires et deux conditions a remplir. Mais pourquoi parmi les series en nombre infini qu'on peut former, la seule serie convergent serait-elle precise"ment cellc qui correspond a ce choix parliculier de et de a.

II n'y a ici encore aucunc raison pour le croiro, a nioins qu'on ne saebe d'avance que les surfaces asymptotiques sonl ferrules.

Ce n'esl d'ailleurs pas ce choix que fait M. Gylden an inoins si Ton rap- porte a sa formule (3) de la page 2r>6.

II commence par disposer de a de facon a annuler le terme en t>; (ou f/";) dans X (X) et probablemcnl se servirait ensuite de la conslante Cu pour annuler le terme correspondant dans (X).

Ge choix doit conduire a un re"sultat divergent puisque nous venon,s do vuir que la manure d'obtenir une s(5rie convergente est unique.

En r<$sum<5, si Ton suit a la lettre les indications de M. Oyldthi en se fiant a sa formule (3), page 23^ on arrive a une sdrie divergente.

Si on laisse de cot6 cette formule a laquelle je suppose quo M. (JyltU'm no tient gu^re, on arrive a une infinite de series dont une soulc converge el Tun n'a aucun moyen de reconnaitre quelle est celle qui converge.

11 me parait probable qu'on obtiendra cette stfrie convergent o (»n choisissant les constantes de facon que la s^ric pour \ n6galif el celle pour \ positif se raccordent. Mais je ne vois dans le Memoire de M. <ijlden <uicum» boriuo raison pour cela, je n'y suis conduit que par une applicalion des resullats de moa travail couronn^ (encore faudrait-il pour en ^tre absolument sur, uu examea plus approfondi).

Un dernier mot; la dernitire fois j'ai parlel des raisonnernenls par lesquefs Delaunay^tablitl'existence des solutions asymptotiques. II faut bieu sVuitendre. Delaunay n'a 6nonc<$ nulle part un pareil re^sultat, j'ai voulu dire simplement que sa mahode appliqu^e au cas particulierlraiW par M* Gylddin 1'aurait conduit a des d^veloppements de m^me forme.

SUR

LES HYPOTHESES FONDAMENTALES

DE LA GEOMETRIE

Bulletin de La Societe tnathematique de France^ t. 15, p. 20^-^16 (seance clu i> novembre 1887).

C'est surtout en Logiquc que rien no so tire do rien; dans toute dtkmons- tration, la conclusion suppose dcs premisses. Les sciences malhe'matiqiies doivent done reposer sur un certain nombre de propositions inde'montrables. On peut discuter si Ton doit donner £ ces propositions le nom ftaxiomes, hypotheses ou &Q postulat, si 1'on doit les considerer comme des faits expe'ri- menlaux, on comme des jugements analytiques, ou encore comme des juge- ments synthdliques a priori] mais leur exislence m6me n'estpas douteuse.

Nous sommes done conduit a nous poser le probleme suivant, inte"ressant an point de vue logique : quclles sont les px^misses de la Ge'om^trie, les propo- sitions ind^montrables sur lesquelles repose cette science, en excluant, bien entendu, les propositions qui sont d6ja ne'cessaires pour fonder 1'Analyse? car nous regardons les r6sullats de 1'Algebre et de FAnalyse pure comme d6ja connus an moment ou 1'on aborde l\Hude de la G(5ome'trie. Bien que ce pro- blrjmo ait depuis longtemps preoccup6 les ge'ometres, la question ne saurait 6tre regard^c comme 6puis6e.

On a 6tabli que le postulatum d'Euclide est ind^montrable. Mais ce postulat ne peut 6tre la proposition unique sur laquelle repose toute la Ge'ome'trie; car bien des re"sultats peuvent ^tre d^montr^s sans IUK

On ne saurait se contenter non plus des propositions e'nonce'es, sous le nom tfaxiomes, au d^but des Trait^s de Ge'ome'trie. Si on les soumet & un examen s^rieux, on reconnaitra qu'aucun de ces axiomes ne doit prendre rang parmi

go SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE.

les premisses de la Geometric. Les uns sont des propositions deja necessaires pour fonder 1' Analyse, et, si cc sontdes hypotheses (ce que Ton pent contesler), ce ne sont certainement pas des hypotheses propres a la Geomeirie; lei est, par exemple, 1'axiome suivant : Deux quantltcs cgales a une meme (m's/i'/tir sont egales entre elles. D'autros axiomes ne sont quo des definitions; d'aulre* enfm ne peuvent etre regarde's comme indemontrables, tel esl, par exeutplr, le suivant : La llgne droite est le plus court chemin tVun point a un (tut re.

Mais, en dehors des axiomes explicilement enonees, il y a un j^raud nomluv d'hypotheses que Ton fait implicitemenl an debut de la demonstration des differents theoremes.

Mais ces hypotheses echappent generalement an lecteur, a inoins qu'il soit particulierement atlentif; car, bien qu'elles ne soient pas e\idenU's, an point de vue de la pure logique, elles nous semblent telles par suite d'hahitudes invetdrees de nos sens et de notre esprit.

D'ailleurs ces hypotheses explicites ou implicites ne sont pas tonics indt;jMin~ dantes les unes des autres; on pourrait se contenter d'en inlro<Iuir<k un moms grand nombre et les autres s'en deduiraient corame des consequences.

Nous sommes done amends a poser le probleme en ces tonnes : enonoer toutes les hypotheses n^cessaires el n'enoncer quo celles-la, J<' crois {JIK* ce probleme n'est pas encore resolu el je cherchc a contribuer a sa solufton.

Nous n'envisageons d'abord que la geometrie a deux dimensions, ou geometric plane.

Geometries quadr^tiqties.

Nous connaissons deja trois geometries a deux dimensions :

La geometric euclidienne, ou la somme des angles d'un triangle est t%ale, a deux droits ;

La geometric de Riemann, ou cette somme est plus grande que deux droits ;

La geometric de Lobatchevski, ou elle est plus petite que deux droits.

Ces trois geometries reposent sur les m£mes hypotheses fondamentales, si Ton excepte le postulatum d'Euclide que la premiere admet et que les deux autres rejettent. De plus, le principe, d'apres lequel deux points determiBent complement une droite, comporte une exception dans la geometric de Riemann et n'en comporte aucune dans les deux autres.

SUE LES HYPOTHESES DE LA GEOM^TRIE. . 8 1

Quand on se borne a deux dimensions, la geometric de Riemann est suscep- tible d'une interpretation tr£s simple; elle ne diflfere pas, comme on le sail, de la geometric sph£rique, pourvu qu'on convienne de donner le noni de droites aux grands cercles de la sphere.

Je vais commencer par generaliser cette interpretation de facon a pouvoir 1'etendre a la geometric de Lobatchevski.

Considerons une surface da second ordre quelconque. Nous conviendrons de donner le nom de droites aux sections planes diametrales de cette surface et le nom de cir conferences aux sections planes non diametrales.

II reste a definir ce que 1'on doit entendre par Tangle de deux droites qui se coupent ou par la longueur d'un segment de droite.

Par un point pris sur la surface faisons passer deux sections planes diam6- trales (que nous sommes convenus d'appeler droites}. Envisageons alors les tangentes a ces deux sections planes et les deux generatrices rectilignes de la surface qui passent par le point envisage. Cos quatre droites (au sens ordinaire du mot) ont un certain rapport anharmonique. L'angle que nous cherchons a defmir sera alors le logaritlime de ce rapport anharmonique si les deux g^n6- ratrices sont reelles, c'est-a-dire si la surface est un hyperboloide a une nappe; dans le cas contraire, notre angle sera ce m6me logarithme divise par \j i.

Considerons un arc de conique faisant partie d'une section plane diarnetrale (c'est ce que nous sommes convenus d'appeler un segment de droite]. Les deux extremites de 1'arc et les deux points a 1'iniini de la conique ont un certain rapport anharmonique comme tout syst^me de quatre points situes sur une conique. Nous conviendrons alors d'appeler longueur du segment consi- dere le logarithme de ce rapport si la conique est une hyperbole et ce m^me logarithme divise par \/ - i si la conique est une ellipse.

II y aura, entre les angles et les longueurs ainsi definis, un certain nombre de relations, qui constitueront un ensemble de th£or&mes analogues a ceux de la geometric plane.

Get ensemble de theor&mes peut prendre le nom de geom&trie quadratique, puisque notre point de depart a £t6 la consideration d'une quadrique ou surface du second ordre fondamentale.

II y a plusieurs geometries quadratiques, car il y a plusieurs esp^ces de surfaces du second ordre.

Si la surface fondamentale est un ellipso'ide, la geometric quadra tique ne diff&re pas de la geometrie de Riemann.

H. P. «XI. n

$2 SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE.

Si la surface fondamentale est un hyperboloide a deux nappes, la g6om£trie quadratique ne diflfere pas de celle de Lobatchevski.

Si cette surface est un paraboloi'de elliptique, la g6om6trie quadralique sc r<3duit a celle d'Euclide; c'est un cas limite des deux cas precedents.

II est clair que nous n'avons pas £puis6 la liste des ge'omtHries quadratiques; car nous n'avons considtk^, ni 1'hyperboloide a une nappe, ni ses nombreuscs

Nous pouvons done dire qu'il y a trois g^ome' tries quadra tiques principals , qui correspondent aux trois esp^ces de surfaces du second ordre a centre.

Nous devrons y ajouter d'ailleurs les g£om<3tries qui correspondent aux cas limitcs et parmi lesquelles prendra rang la ggom&rie d'Euclide.

Comment se fait-il done que la gdom6trie de 1'hyperboloide a une nappe ait jusqu'ici 6chapp6 aux th<3oriciens ? G'est qu'elle entraine les propositions suivantes :

La distance de deux points situ6s sur une m£me g6n6ratrice rcctilignc de la surface fondamentale est nulle.

11 y a deux sortes de droites corrcspondani, les premieres aux sections diam^trales elliptiques, les autres aux sections diamgtrales hypcrboliques ; il est impossible, par aucun mouvement reSel, de fairc coincider une droite de la premiere sorte avec une droite de la seconde.

11 est impossible de faire coincider une droite avec elle~m£me par une rotation re'elle autour d'un de ses points, ainsi que cela a lieu dans la g£om<Strie d'Euclide quand on fait Lourner une droite de 180° autour d'un de ses points.

Tous les ggom&tres ont implicitement suppose que cos trois propositions sont fausses, et vraiment ces trois propositions sont trop contraires aux habi- tudes de notre esprit pour qu'en les niant les fondateurs de la g^om^trie aient cru faire une hypoth&se et aient song6 a 1'^non.cer.

Applications de la th,eorie d,es groupss .

D'apr^s ce qui pr6c&de, le probUme que j^ai pos£ au d6but de ce travail se decompose en deux parties :

Quelles sont les hypotheses communes a toutes les g^om^tries quadra- tiques ?

SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE. 83

Quelles sont les hypotheses qui distinguent la g<5om£trie d'Euclide des aulres g6omt5tries quadratiques ?

La seconde partie du probl^me peut 6tre regardee commc rcSsolue; nous n'avons done £ nous occuper que de la premiere parlie.

II y a deux hypotheses que Ton est oblig6 dc faire au d<§but de toute g<3om6trie a deux dimensions el que Ton peut 6noncer ainsi :

A. Le plan a deux dimensions.

B. La position d'unc figure plane dans son plan est determine par trois conditions.

Les personnes peu families avec les iravaux r^cenls des geom^tres trou- veront extraordinaire qu'on puisse tirer de pareilles premisses des conclusions precises.

Mais ce r^sultat n'etonnera pas les mathematiciens qui onL lu les remar- quables travaux de M. Soplius Lie sur la theorie des groupes. M. Lie d6montre en effet un r^sultat, tr£s surprenant au premier abord, et qui peut se traduire ainsi dans le langage g<3om£trique :

Si la position d'une figure plane dans son plan depend d'un nombre fmi de conditions, le nombre de ces conditions ne peut surpasser huit.

Nous ferons d'ailleurs dans la suite de frequents emprunts au M6moire du savant norv^gien.

Nous allons chercher quelles consequences il est permis de tirer des deux hypotheses A et B.

Le plan ayant deux dimensions, la position d'un point dans son plan est d6termint5e par deux coordonn^es x et y. Nous ne faisons, pour le moment, aucune hypoth&se sur le choix du syst&me des coordonnte ; mais nous nous r£servons de le determiner plus completement dans la suite.

Supposons qu'une figure plane se d^place; soient a?, y les coordonn6es primitives d'un point de cette figure; et #4, y^ les coordonn^es de ce m6me point apr^s le d^placement. On aura

ou 9 et ip sont deux fonctions de x et de y, et de trois param^tres a, (3, y, il y aura trois param^tres, puisque la position de la figure depend de trois conditions.

84 SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE.

L'operation

[07,7; ?O, y, a, p, 7), <KJ7,/, a, [j, 7)]

definira Tun des mouvemenLs possibles d'une figure plane et Fensemhle de cos operations ou mouvements devra former un groupe. Ce groupe, d'apr&s le langage de M. Lie, sera continu et d'ordre 3, puisque les operations dependent de trois para metres.

Parmi les operations du groupe, on devra irouver I'opcSration identique. Par consequent, pour certaines valeurs des param^tres a, (3, y, on devra avoir

JNous pouvons toujours supposer que cela ait lieu pour

Nous appellerons alors operation infinitesimale (ou mouvcment iufinite.siinal} une operation par laquelle a, (3, y ont des valeurs infiniment pelites et qm* nous pourrons ecrire

Dans cette expression on suppose, bien entendu, que, dans les d<;rivtVs

dy r .

-f- 5 -rj ? 5 on a lait da d$

a = [j = 7 = o.

M. Lie represente une pareille operation pur la notation suivanto :

-r- da. l d$

de telle fa^on que, si 1'on pose

on ait, pour une operation infinitesimale quelconque,

S = aA -h pB-hf C.

A, B, C et S sont done des fonctions de x^ dey, de/? et de q,

Les operations A, B, C peuverit s'appeler les substitutions fondamentale$ et toute operation infinitesimale n'en est qu'une combinaison lin^aire; le choix

SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE. 85

des substitutions fondamentales reste d'ailleurs arbitraire dans une certaine mesure; car on peut remplacer ces trois operations A, B, G par trois quel- conques de leurs combinaisons lin^aires. M. Lie a fait voir que, si Ton pose

[A Bl= - -- + —— ~-^

^ ' J ~" dp dx dx dp dq dy dy dq

et si a et (3 sont deux quantit^s infiniment petites quelconques, I'op6ration

(i)

qui fait forc&nent partie du groupe, est une substitution infinit^simale du second ordre, qui peut s'ecrire

<i[A, B].

11 r^sulte de la que [A, B], [A, G] et [B, C] sonl des combinaisons lin^aires de A, B et C, et qu'on a

[A, B] = X A + jj.B-4-v C, [A, C] = VA~h|a'B~hv'C, [B, C] = X"AH-lu"BH-v"C.

Les coefficients X, /JL, v sont des constantes; mais ils ne sont pas quelconques; car on doit avoir identiquement

(2) [A, [B, G]] H- [B, [G, A]] -H [C, [A, Bj] = o.

Ce qui pr^c^de contient le point de depart de toute la discussion, mais cette discussion peut 6tre consid^rablement simplifi6e :

Par un choix convenable du syst^me des coordonn^es x ety;

Par un choix convenable des trois substitutions fondamentales A, B et C.

On peut d'abord choisir les substitutions fondamentales de telle fagon que

ou que

[A,B] = jiB.

On peut ensuite choisir le systkme de coordonnt^es, de telle sorte que A se r^duise &/>, et par consequent que 1'on ait

86 SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE.

Nous en d^duirons pour B la forme suivaiite :

Nous avons fait tout a 1'heure une hypoth&se sur le choix du syst&me des coordonn^es; mais cette hypothSse ne determine pas compl&tement ce sysieme.

Nous pouvons encore, sans que A cesse de se r^duire a /?, remplacer y par une fonction arbitraire de y et aj outer a x une fonction arbitrairc de y.

Nous pouvons faire ce nouveau changement de coordonn£es de fagon a simplifier 1'expression de B. Si 02 n'est pas mil, nous pouvons le faire de facon que 62=i, 01 = o. Si 02 est nul, il restera nul apres le changement de roor- donn^es, mais on pourra r^duire Oi soit a y, soit a i. Nous sommes done amends a 1'une des trois hypotheses suivantes :

0!=o, 62 = i ; 01==i: 02=o; Oi=j-, Oj = o. Nous pouvons distinguer deux cas :

Ou bien p. est nul, ce qui signifie que les deux subsLilutioiis A el H sont permutables. (Remarquons en passant quo I'hypoili^se qu'il exisli^ d<*ux mouvements permutables peut ^Ire rcgardde com me un des enonctls du poxtn- latum d'Euclide.) On a alors, soit

A=/?, B = <7; soit

A =/•, B = r/>.

Ou bien p. n'est pas nul. On a alors, soit

A=/>, B = ^^? soit

A=/>, B=/;^--», soit

A =p, B =/?)Y"J-*1. Examinons successivement ces cinq ens :

Premier cas :

A = />, B = y.

Les Equations (i) se rMuisent alors £

SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE. 87

Si v' et / ne sont pas nuls a la fois, les Equations ne seront compatibles que si Ton a

X ' __ p. ' _ / X' ~~ j?~ 7*

II est permis alors de supposer que

X' = |ji' = X" = IL" = Oj

d'ou

a et 6 £tant deux constantes. Le groupe

A = jo, B = #, G = ev'^+v"r(op -+- 6^)

d^finit une g^om^trie enticement nouvelle. Pourquoi Euclide ne l'a-t-il pas- rencontr^e? ou plutot quelle est 1'Iiypoth^se qu'il a faite implicitemenl el qui 1'a emp£che de rencontrer cette g^om6Lrie?

Une substitution infinit^simale quelconque a pour expression

Quels sont les points que cette substitution laisse immobiles? Ces points sont donnas par les Equations

d'ou cette conclusion : si Ton n'a pas - = TJ aucun point ne reste immobile.

Si 1'on a ~ = -T? une infinite de points demeurent immobiles. a b r

Or il est bien ais6 de se rendre compte qu'Euclide fait a chaque instant, sans l^noncer, 1'hypoth^se suivanle :

Si une figure plane ne qui tie pas son plan et si deux de ses points restent immobiles^ elle reste tout entiere immobile.

C'est cette hypoth^se qui nous forcera a rejeter la g^om^tric particuli^re qui est fondle sur la consideration du groupe dont je viens de parler. Si v'= v"= o, on trouve

G = p(\'x + X"j) - et le groupe d6riv6 de A, B et C nous conduit a la g^om^trie d'Euclide.

SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE.

Deuxieme cas :

As=^, B-/./?.

On trouve alors, dans le cas le plus gdn^ral,

a et b £tant des constantes et/(y) une fonction arbitraire de y qu'on pent d'ailleurs supposer nulle si Ton choisit convenablement le syst^me des coor- donnt^es.

Une substitution infinit^simale quelconque s'^crit

( a -h pjK 4- ay # )p -+- ( y 6 ) ^.

Ce groupe doit encore &tre rejetd en vertu de Fliypoth^se failo plus haut.

En effet, siy^n'estpas nul, aucun point ne resle immobile; siau conlruire 76 est nul, tous les points qui satisfont a 1'equation

a -i- fiy -+- a 7 x = o restent immobiles.

Troisieme cas :

A =/?, B —pye\Lt'. On trouve

Les substitutions A et C sont permutables; on est done ramem'? a 1'ua deux cas pr6c6dents.

Quatrieme cas :

On trouve encore une substitution C permutablc a A et Pen est ramenC* par consequent aux deux premiers cas.

Cinquieme cas :

A=/>, B = qepv,

On trouve ici pour C quatre formes difT^rentes :

G = e^'x[ap H- jj.(oy H- b}q\ (a, 67 et c (Slant des constantes), 20 C** 30 C =

SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOM^TRIE. 89

La premiere forme doit 6tre rejet^e parce que B et G sont permutables ; la deuxi£me parce que A et C sont permutables, la troisi&me parce que B et C sont permutables. Si Ton adoptait 1'une de ces trois formes, on serait done toujours ramen6 a Fun des deux premiers cas.

II reste la quatrieme forme, qui nous conduit aux g£om6tries quadratiques.

Le m6me r6sultat pourrait 6tre obtenu en -discutant les trois relations qui lient les neuf coefficients A, p., v et qu'on peut d^duire de Fidentit£ (2).

Conclusions.

Nous pouvons done ^noncer ainsi les hypotheses qui sont n^cessaires et suffisantes pour servir de premisses a la G6om6trie plane.

A. Le plan a deux dimensions.

B. La position d'une figure plane dans son plan est d6termin6e par trois conditions.

Ces deux premieres hypotheses nous laissent le choix entre les diverses geometries quadratiques et les deux g^omtHries caractt5ristjes par les deux groupes suivants :

Ces deux geometries sont exclues si Ton fail encore Thypoth^se suivante :

C. Quand une figure plane ne quitte pas son plan et que deux de ses points restent immobiles, la figure tout entire reste immobile.

Nous n'avons plus alors que le choix entre les diverses g6om6tries quadratiques.

Faisons encore les deux hypotheses suivantes :

D. La distance de deux points ne peut <Hre nulle que si ces deux points coincident;

E. Lorsque deux droites se coupent, on peut faire tourner Fune d'elles autour du point d'interscction de facon a. la faire co'incider avec Fautre.

Ces deux hypotheses sont H6es n6cessairernent Fune a Fautre; il suffit d'admettre Fune d'elles pour 6tre oblig^ d'admettre Fautre et d'exclure la g£om6trie de Fhyperboloi'de A une nappe.

H. P. XI. 12

go SUR LES HYPOTHESES DE LA GEOMETRIE.

Introduisons encore 1'hypoth^se suivanle :

F. Deux droites ne peuvent se couper qu'en un point, et la Geometrie sphe- rique se trouvera exclue a son tour.

II ne reste plus qu'a introduire postulatum d'Euclide :

G. La somme des angles d'un triangle est une constant?.

Nous pouvons remarquer que ce postulalum nous dispense des hypotheses D, E et F qui en sont des consequences necessaires.

Remarques diverses.

Le lecteur qui aura bien voulu me suivre jusqu'ici ne manqucru pas dh* s<» reporter au cel^bre Memoire de Riemann (Ueber die Hypothesen walclw der Geometrie zu Grundeliegeii) et de remarquer certaines differences enttv I*»s methodes et les resultats. Riemann caract6rise une geometrie par Fexpression de 1'element d'arc en fonction des coordonnees. II est ainsi conduit a un trt\s grand nombre de geometries logiquement possibles et donl je n'ai pa.s mOim* parle. Cela tient a ce que j'ai pris pour point de depart la possibility du mou- vement ou plutot Fexistence d'un groupe de mouvements qui n'ali(jniiit pas les distances.

On peut se demander maintenant ce que sont ces hypotheses. Sout-ce di*s faits exp6rimentaux, des jugements analytiques ou synthetiques d priori*! Nous devons r^pondre n6gativement a ces trois questions. Si ces hypotheses ^taient des faits exp(5rimentaux, la G^om^trie serait soumiso -\ une imuts- sante revision, ce ne serait pas une science cxacte; si elles tMaient des jugi^- ments synthetiques a priori, ou a plus forte raison cles jugements analytiques, il serait impossible de s'y soustraire et de rieii fonder sur lour negation.

On peut montrer que F Analyse repose sur un certain nomhtv de jugements synthetiques a priori; mais il n'en est pas de m6me de la Geometric.

Que devons-nous done penser des premisses de la Gt^om^tric? En quel si»ns peut-on, par exemple, dire que le postulatum d'Euclide soit vrai ?

D?apr&s ce que nous venons de voir, la Geometrie n'est autre chose que Fetude d'un groupe et, en ce sens, on pourrait dire que la veritd de la g<k>m<§~ trie d'Euclide n'est pas incompatible avec celle de la geometric do Lobatchevski, puisque Fexistence d'un groupe n'est pas incompatible avec celle d'un autre groupe.

SUE LES HYPOTHESES DE LA GE'OMETRIE. 91

Nous avons choisi, parmi tous les groupes possibles, un groupe particulier pour y rapporter les phe'nomenes physiques, comme nous choisissons trois axes de coordonne'es pour y rapporter une figure ge'ome'trique.

Maintenant, qu'est~ce qui a determine' ce choix : c'est d'abord la simplicity du groupe choisi; mais il y a une autre raison : il existe dans la nature des corps remarquables qu'on appelle les solides et F experience nous apprend que les divers mouvements possibles de ces corps sont lie's a fort peu pres par les monies relations que les diverses operations du groupe choisi.

Ainsi les hypotheses fondamentales de la Ge'ome'trie no sont pas des faits expe>imentaux; c'est cependant 1'observation de certains phe'nomenes physi- ques qui les fait choisir parmi toutes les hypotheses possibles.

D'autre part, le groupe choisi est seulement plus commode que les autres et 1'on ne peut pas plus dire que la ge'ome'trie euclidienne est vraie et la ge'ome- trie de Lobatchevski fausse, qu'on ne pourrait dire que les coordonne'es carte- siennes sont vraies et les coordonne'es polaires fausses.

Je n'insiste pas d'avantage; car le but de ce travail n'esL pas le de>eloppe- meiil de ces ye* rite's qui cornmencent a devenir banales.

LES FONDEMENTS DE Li GEOMETRIE (')

Bulletin des Sciences mathematiques, ^ serie, t. 26, p. a4{)-a72 (septembre 190").

Quels sont les principes fondamentaux de la G6om6trie; quelle en est Tori- gine, la nature et la port6e? Co soul la des questions qui onl do tout, temps pre'occupe les mathematicians et les penseurs, mais qui, il > a uu sierle environ, ont pris pour ainsi dire une figure toule nouvelle, grace aux id<;cs do Lobatchevski et de Boljai.

On s'est longtemps efforc6 de de"montrer la proposition connue sous le nom de postulatum cKEuclide, on a constamment 6choue; nous eonnaissons main- tenant la raison de ces e'checs. Lobatchevski est parvenu a conslruiiv uin';<Iili<*<* logique, aussi coherent que la Geometric d'Euclide, mais ou le celel>re postu- latum est suppos6 faux, et ou la somme des angles d'uu triangle (?st tou jours plus petite que deux droits. Riemann a imagine un autre systC'iiu* loyicjue, t'gaht- ment exempt de contradiction, et ou cette somme est au contraire toujours plus grande que deux droits. Ces deux g^omtftries, celle de Lobatchevski et celle de Riemann, sont ce qu'on appelle les geometries noji euclidiennes.

Le postulatum d'Euclide ne peut done ^tre ddmontre, et (tolle impossilnlite est aussi absolument certaine que n'importe quelle v^rite malh^matiquc, C*t qui n'empe"che pas TAcad^mie des Sciences de recevoir chaquc anuee plusitnirs demonstrations nouvelles auxquelles elle refuse naturellement Fhospitaliu* ties Comptes rendus.

On a deja beaucoup 6crit sur les gtSome'tries non euclidiennes; apr&s avoir cri6 au scandale, on s'est habitu6 & ce qu'elles ont de paradoxal; plusieurs personnes sont all6c"s jusqu'§. douter du postulatum, & se demander si Tespace

(:) Analyse et discussion de POuvrage tie Hilbert : Les fondements de la Gtomtirfr (Grundlagen der Geomelrie}.

LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE. 9$

reel es-t plan, comme le supposait Euclide, ou s'il ne presente pas ime legere courbure. Elles croyaient m£me que 1'experience pouvait leur donner une reponse a cette question. Inutile d'ajouter que c'elail la miiconnailre comple- tement la nature de la Ge'ome'trie, qui n'est pas une science experimental.

iMais pourquoi, parmi tous les axiomes do la Geometric, le postulalum serait-il le seul qu'on put nier sans dommage pour la Loglque?D'ou tiendrait-il ce privilege? On ne le voil pas tres bien el, a ce compte, bien d'autres concep- tions sonl possibles.

Gependant beaucoup de geometres contemporains ne semblent pas penser ainsi. En accordant le droit de cite aux deux geometries nouvelles, ils croienl sans doute avoir ete jusqu'au bout des concessions possibles. C'est pourquoi ils ont imagine' ce qu'ils appellent la Gcometrie generate, qui comprend comme cas parliculiers les trois systemes d'Euclide, de Lobatchevslu et de Riemann, et qui n'en comprend pas d'autres. Et cetle dpithete de gencrale signifie 6videmment5 dans leur esprit, qu'aucune aulre g^ome'trie n'est concc- vable.

Ils perdront cetLe illusion s'ils lisent TOuvrage de M. HilberL. Ils j verront e'clater de toutes parts les cadres dans lesquels ils avaient voulu nous enfermer.

Pour bien comprendre cette tentative nouvelle, il faut se rappeler quclle a 6t6 depuis cent ans Involution de la pens^e matke'matique, non seulement en Gcometrie, mais en Arithm6tique el en Analyse. La notion de nombre s'est e'claircie etpr6cis6e; en m6me temps elle a recu des generalisations diverses. La plus pre'cieuse pour les analystes est celle qui rtfsulte de 1'introduction des iinaginaires dont les math^maticiens modernes ne pourraienl plus se passer; mais on ne s'est pas arre'le' la et Ton a fait entrer dans la Science d'autres ge'ne'- ralisations du nombre, ou, comme on dit, d'autres categories de nombres complexes.

Les operations de PArithme'tique ont 6t^ de leur cote" soumises a la critique, et les quaternions de Hamilton nous ont montre" un exernple d'une operation qui prdsente une analogie presque parfaite avec la multiplication, que Ton pent appeler du m&me nom, et qui pourtant n'est pas commutative, c'est-a-dire dont le produit change quand on intervertit Tordre des facteurs. C'e~tait 14, en Arithme'tique une revolution toute pareille a cellc qu'avait faite Lobatchevski en Geometric.

Notre fagon de concevoir Tinfini s'est 6galoment modifiee. M. G. Cantor nous a appris & distinguer des degr£s dans Finfini Iui-m6me (qui n'ont

g^ LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE.

d'ailleurs rien de commun avec les infiniment petits dcs different ordres creY'S par Leibniz en vue du calcul infinitesimal ordinaire). La notion du continu, longtemps regarde~e comme primitive, a 6t£ analysed ct r6duitc a ses 6l<5menls.

Mentionnerai-je ^galement les travaux des Italians qui se sont offerees cle cre"er un symbolisme logique universel et de require le raisonnemcnl malliO- matique a des regies puremcnl me'caniques ?

II faut se rappeler tout cela si Ton veul comprendrc comment des concep- tions, qui auraient fait bondir Lobatchcvski lui-me'mc, tout re"volutiounuire qti'il fut, nous serablent aujourd'hui presque naturellcs et ont pu etre propo- se'es par M. Hilbert avec une parfaile tranquillity.

La liste des axiomes. La premiere chose a faire e"tait d'^numerer lows les axiomes de la Ge"om<Hrie. Ge n'e'tait pas si facile qu'on pourrait le croiro; il y a les axiomes que Ton voit et ccux qu'on ne voit pas, ceux qu'on intnxluit inconsciemment et sans s'en aperccvoir. Euclide Iui-m6me, que Ton croit uu logicien impeccable, en applique souvent qu'il n'<5nonce pas.

La liste de M. Hilbert est-elle definitive? II est permis de le croiro, car elle semble avoir ^te' dress^e avec soin. Le savant Profpsseur re"partit les axiouu»s en cinq groupes :

I. Axiome der Verkniipfung (je trnduirai par axiomes project! fs au lieu <le chercher une traduction litte^rale, comme par exemple axiomes de la connexion^ qui ne saurait tHre satisfaisante).

II. Axiome der Anordnung (axiomes de Fordre).

III. Axiome d'Euclide.

IV. Axiomes de la congruence ou axiomes m<Hriques.

V. Axiome d'Archimede.

Parmi les axiomes projectifs, nous distinguerons ceux du plan et ccux de Pespace; les premiers sont ceux qui de"rivent de la proposition bien conxma : par deux points passe une droite et une seule; mais je pr^fere traduire litt^- ralement afin de bien faire comprendre la pens^e de M. Hilbert*

« Imaginons trois systemes d'objets que nous appellerons points^ droites et plans. Imaginons que ces points, droites et plans soient lie's par ceriaines rela- tions que nous exprimerons par les mots &£re situ& sur, entre, etc.

« I. 1. Deux points diffe'rents A et B d^terminent toujours une droite a;

LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE. g5

ce que nous ecrirons

AB = a ou BA = a.

« Au lieu du mot deter minent nous emploierons egalement d'autres tour- nures de phrase qui seronl sjnonymes; nous dirons : A est situe sur a, A est un point de a, a passe par A, a joint A a B, etc.

« I. 2. Deux points quclconques d'une droile determinent cette droite, c'est-a-dire que si AB = a et que AC = a, et si B est different de C, on a aussi BC = a. »

Voici les reflexions que doivent nous inspirer ces enonces : les expressions, etre situe sur, passer par, etc., ne sont pas destinies a evoquer des images; elles sont simplement des synonymes du mot determiner, Les mols point, droite et plan eux-m£mes ne doivent provoquer dans 1'esprit aucune representation sensible. Us pourraient indifferemment designer des objets d'une nature quelconque, pourvu qu'on put etablir entre ces objets une corres- pondance telle qu'a tout syst&me de deux des objets appeles points corres- pondit un des objets appeles droites, et un seul. Et c'est pourquoi il devient necessaire d'ajouter (I, 2) que, si la droite qui correspond au syst&ne des deux points A et B est la meme que celle qui correspond au systeme des deux points B et C, c'est aussi la m£me qui correspond au syst&me des deux points A etC.

Ainsi M. Hilbert a, pour ainsi dire, cherche a mettre les axiomes sous une forme telle qu'ils puissent £tre appliques par quelqu'un qui n'en comprendrait pas le sens parce qu'il n'aurait jamais vu ni point, ni droite, ni plan. Les raisonnements doivent pouvoir, d'aprfes lui, se ramener a des regies purement mecaniques, et il suffit, pour faire la Geometrie, d'appliquer servilement ces regies aux axiomes, sans savoir ce qu'ils veulent dire. On pourra ainsi cons- truire toute la Geometrie, je ne dirai pas precisement sans y rien comprendre, puisqu'on saisira Fenchainement logique des propositions, mais tout au moins sans y rien voir. On pourrait confier les axiomes a une machine a raisonner, par exemple au piano raisonneur de Stanley Jevons, et Ton en verrait sortir toute la Geometrie.

C'est la m6me preoccupation qui a inspire certains savants italiens, tels que MM. Peano et Padoa, qui se sont efforces de creer une pasigraphie, c'est-a- dire une sorte d'Algebre universelle ou tous les raisonnements sont remplaces par des symboles ou des formules.

g6 LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE.

Cette preoccupation pent sembler artificielle et puerile; et il cst inutile do faire observer combien elle serait funeste dans 1'enseigncment et nuisiblc au de~veloppement des esprits ; combien elle serait desse"chante pour los chercheurs , dont elle tarirait promptement roriginalite". Mais, choz M. Hilbert, elle s'explique et se juslifie, si Ton se rappelle le but poursuivi. La lisle dos axiomes est-elle complete, ou en avons nous laiss^ e"chapper quclquos-uns quo nous appliquons inconsciemment? Voila ce qu'il faut savoir. Pour cela nous avons un critere, et nous n'en avons qu'un. II faut chercher si la Geometric est une consequence logique des axiomes explicitement enonce"s, c'est-a-dire si cos axiomes confi^s a la machine a raisonner peuvenl en faire sortir toutc la suite des propositions.

Si oui, on sera certain de n'avoir rien oublie*. Car noire machine no pout fonctionner que conformthnent aux regies de la Logique pour lesquelles olio a e"te construite; elle ignore ce vague instinct que nous appelons intuition.

Je ne m'e"tendrai pas sur les axiomes projectifs de Pespacc que Paulem* nume'rote I, 3, 4, 5, 6. Rien n'est change' aux enonce"s habituels.

Un mot seulement sur Paxiome I, 7, qui se formule ainsi :

« Sur toute droite il y a au moins deux points; sur tout plan, il y au moms trois points non en ligne droite; dans Pespace il y a au ruoins quatro points qui ne sont pas dans un m£me plan. »

Get e"nonc£ est caract6ristique. Quiconquc aurait laisse* a lTinluiti<m uno place, si petite qu'elle fiit, n'aurait pas song6 a dire que sur toule droite il y a au moins deux points, ou bien il aurait ajout6 tout de suite qu'il y en a uno infinite; car 1'intuition de la droite lui aurait r^vele" imme'cliatement et simul- tane"ment ces deux v6rit6s.

Passons au second groupe, celui des axiomes de Fordre. Voici IMnonct* dus deux premiers :

« Si trois points sont sur une m£mc droite, il y a entre eux une certaiae relation que nous exprimons en disant que Tun des points, et un seulement, est entre les deux autres. Si C est entre A et B, et si D est entre A et G, D sera aussi entre A et B, etc. »

Ici encore nous ne faisons pas intervenir Pintuition ; nous ne cherchons pas a approfondir ce que signifie le mot entre, toute relation satisfaisant aux axiomes pourrait etre designed par le m&me mot. Voik qui est biea propre ^

LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE. 97

nous e"clairer sur la nature purement formelle des definitions mathe"matiques ; mais je n'insiste pas, car je n'aurais qu'£ r6p6ter ce que j'ai dit a propos du premier groupe.

Mais une autre reflexion s'impose, Les axiomes de 1'ordre sont presented comme dependant des axiomes projectifs, et ils n'auraient plus aucun sens si Ton n'admettait pas ces derniers, puisqu'on ne saurait ce que c'est que trois points en ligne droite. Et cependant il existe une g6ome"trie particuliere, pure- ment qualitative, et qui est absolument indgpendante de la Ge'ome'trie projec- tive, qui ne suppose connues ni la notion de droite, ni celle de plan, mais seulement celles de ligne et de surface; c'est ce qu'on appelle V Analysis situs. Ne serait-il pas preferable de donner aux axiomes du deuxieme groupe une forme qui les affranchit de cette d^pendance et les s^parat completement du premier groupe? II reste a savoir si cela serait possible, en conservant a ces axiomes leur c'aractere purement logique, c'est-a-dire en fermant completement la porte a loute intuition.

Le troisieme groupe nc contient qu'un seul axiome, qui est le ce"lebre postu- latum d'Euclide; je remarquerai seulement que, contrairement £. 1'usage ordi- naire, il est pr6sent6 avant les axiomes m6triques.

Ces derniers forment le quatrieme groupe. Nous y distinguerons trois sous- groupes. Les propositions IV, 1, 2, 3 sontles axi6mes me"triques des segments : ces axiomes servent a d6finir les longueurs. On conviendra de dire qu'un segment pris sur une droite peut 6tre congruent (6gal) a un segment pris sur une autre droite; c'est P axiome IV, 1; mais cette convention n'est pas tout a fait arbitraire ; elle doit etre faite de fagon que deux segments congruents a un meme troisieme soient congruents entre eux (IV, 2); on d^finit ensuite par une convention nouvelle Paddition des segments, et cette convention, a son tour, doit &tre faite de fagon qu7en additionnant des segments 6gaux on trouve des sommes 6gales ; et c'est la Paxiome IV, 3.

Les propositions IV, 4, 5 sont les axiomes correspondants pour les angles. Mais cela ne su'ffit pas encore : aux deux sous-groupes des axiomes m^triques des segments et des angles il faut adjoindre Paxiome m6trique des triangles (que M, Hilbert num6rote IV, 6); si deux triangles ont un angle 6gal compris entre cot6s 6gaux, les autres angles de ces deux triangles sont <§gaux chacun & chacun.

On retrouve & Pun des cas connus de I'6galit6 des triangles, que Pon d^montre d'ordinaire par superposition, et qu'on doit poser en postulat si Pon H. P. —XI. :3

gg LES FONDEMENTS DE LA G^OMETRIE.

veut eViter de faire appel a 1'intuition. Quand d'ailleurs onse scrvaitde Fintui- tion, c'est-a-dire de la superposition, on voyait du m6me coup que les iroi- siemes cote's e"taient e"gaux dans les deux Iriangles, et les deux propositions e"taient unies pour ainsi dire dans une me" me aperception; ici, au contraire, nous les se"parons; de Tune d'elles nous faisons un postulat, mais nous n'eri- geons pas 1'autre en postulat, parce qu'elle pent se deduire logiquement do lu premiere.

Autre remarque : M. Hilbert dit bien que le segment AB est congruent a lui-meme, mais (et de m£me pour les angles) il devrait, semble-t-il, ajoulor qu'il est congruent au segment inverse BA. Get axiome (qui implique la syme"- trie de Fespace) n'est pas identiqtie a ceux qui sonl explicitement enonetfs. Jo ne sais s'il pourrait s'en d^duire logiquement; je crois que oui? mais, etant donne'e la marche des raisonnements de M. Hilbert, il me semble que ce pos- tulat est applique" sans 6tre e'noncd (p. 17, ligne 18).

Je regretterai aussi que, dans cet expose' des axiomes mutriques, il IHI ro.sl(» plus aucune trace d'une notion dont Helmholtz avait, le preinii'r, compris 1'importance : je veux parler du emplacement d'une figure invariabli1. On aurait pu conserver a cette notion son role naturel, sans sacrifier le caracten1 logique des axiomes. On aurait pu dire, par exernple : Je dtHlnis i»nlro lc<s figures une certaine relation que j'appelle congruence, etc.; deux figures congruentes a une meTne troisieme sonl coiigruenles entre dies; dt^ux figures congruentes sont identiques quand trois points de Pune, non on liguc droito, son! identiques aux trois points correspondants Je Paulre, etc. On aurait evite ainsi Tintroduction artificielle de cet axiome IV, 6, et les postulate aurairnt &(l rattacli^s a leur veritable origine psycliologiquo.

Le cinquieme groupe ne comprend qu'unseul axiomo, celui d'Archimcdt;.

Soient deux points quelconques A et B sur une droite D; soit a un so^mcai quelconque; construisons sur D, a partir du point A, et clans la direction AB, une se"rie de segments tousegaux entre euxettfgauxaa : AAt, AiAa,..*A,,-.i A,4; on pourra toujours prendre n assez grand pour que le point B se trouvc sur Fun de ces segments.

G'est~a,-dire que, si Fon se donne deux longueurs quelconques / et L, 00 pent toujours trouver uu nombre entier n assez grand pour que, en ajoutaat n fois & elle-m£me la loaguaur /, on obtienne une longueur totale plus grande que L.

LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE. 99

Independarice des axiomes. La listc des axiomes une fois dress^e, il faut voir si elle est exempte de contradictions. Nous savons bien que oui, puisque la G<3om6trie existe; et M. Hilbert r£pond oui 6galement, en construi- sant une g£om£trie. Mais, chose Strange, cette g£om£trie n'est pas tout a fait la notre, son espace n'est pas le notre, ou du moins ce n'en est qu'une partie. Dans Pespace de M. Hilbert, il n'y a pas tous les points qui sont dans le notre, mais ceux seulement qu'on pent, en partant de deux points donnas, construire par le moyen de la r&gle et du compas. Dans cet espace, par exemple, il n'exis- terait pas, en g6n£ral, un angle qui serait le tiers d'un angle donn<5.

Je crois bien que cette conception aurait 6te regard(5e par Euclide comme plus raisonnable que la notre. Toujours est-il que ce n'est pas le notre. Pour rctrouver notre g£om<3trie, il 1'audrait aj outer un axiom e.

<( Si, sur une droite, il j a une double infinite de points AI, Ay, . . . , A/n ..., BI, Bo, . . . , BAi, . . . , tels que B^ soit compris entre Ayj et B7_i, et A7, entre B7 et A/;_i, quels que soienty; et y, il y aura sur cette droite au moins un point C qui sera entre A.p et Bry, quels que soient/> et q* »

On doit se demander ensuite si les axiomes sont ind^pendants, c'est-a-dire si 1'on peut sacrifier Fun des cinq groupes en conservant les quatre autres et obtenir n^anmoins une g£om6trie coh6rente. G'est ainsi qu'en supprimant le groupe III (postulatum d'Euclide) on obtient la g6om6trie non eucliclienne de Lobatschevski.

On peut ^galement supprimer le groupe IV. M. Hilbert a r£ussi a conserver les groupes I, II, III et V, ainsi que les deux sous-groupes des axiomes mtHriques des segments et des angles, tout en rejetant 1'axtome m^trique des triangles, c'est-a-dire la proposition IV, 0.

Voici comment il y parvient : considerons, pour simplifier, une G^om^trie plane et soit P le plan dans lequel nous op^rons; nous conserverons aux mots points et droites leur sens habituel ; de m£me nous conserverons aux angles leurs mesures habituelles ; mais il n'en sera pas de m6me pour les longueurs. Une longueur sera mesur^e par definition par sa projection sur un plan Q different de P, cette projection conservant elle-m£me sa mesure habituelle. II est clair que tous les axiomes subsisteront, sauf les axiomes in^triques. Les axiomes m£tri<jues des angles subsisteront 6galement, puisque nous ne chan- geons rien £ la mesure des angles; ceux des segments sont vrais £galement, puisque > chaque segment du plan P est naesur<§ par un autre segment qui est

I0o LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE.

sa projection sur le plan Q, et que cc dernier segment est mesure" a la maniere habituelle. Au contraire, les theoremes sur Fegalite des triangles, tels que Faxiome IV, 6, ne sont plus vrais. Gette solution ne me satisfait qu'a. moitie ; les angles ont ete defmis independamment des longueurs, sans qu'on so soit prdoccupe de mettre les deux definitions d'accord (ou plutot en les metlant en disaccord a dessein). II suffirait de changer Vune des deux definitions pour retomber sur la Geometric classique. Je pre'fe'rerais qu'on donnat cles longueurs une definition telle qu'il devint impossible de trouver une definition des angles satisfaisant aux axiomes metriques des angles et des triangles. Cela ne serai t d'ailleurs pas difficile.

II aurait ete facile a M. Hilbert de creer une geometric ou les axiomes de Fordre seraient abandonnes, tandis que tous les autres seraient conserves. Ou plutot cette Geometric existe deja, ou plutot encore il en existe deja deux. II j a celle de Riemann, pour laquelle, il est vrai, le postulatum tFEuclide (groupe III) est abandonne egalement, puisque la somme des angles d'un triangle est plus grand e que deux droits. Pour bien faire comprendre ma pensee, je me bornerai a considerer une geometric a deux dimensions. La Geometric de Riemann a deux dimensions n'cst autrc cliose que la (.itiomt»lruk spherique, a une condition toutefois : c'est que Foil ne regarde pas comum distincts deux points diametralement opposes sur la sphere. Les elements de cette Geometric seront done les differents diametres de cettc sphere. Or, si Fuu envisage trois diametres d'une m6me sphere situes dans un mo" me plan <Uaiu<;- tralj on n'a aucune raison de dire que Fun deux est e/itre les deux suitivs. Le mot entre n'a plus de sens, et les axiomes de Fordre tombent tPeux- m^mes.

Si nous voulons maintenant une Geometric ou les axiomes <!<» Fordre nt1 subsisteront pas, et ou Fon conservera le postulatum d'Euclicle avec les autri»s, nous n'avons qu'a prendre pour elements les points et les droites imaginairvs de Fespace ordinaire. II est clair que les points imaginaires de Fespace ne nou.s sont pas donnes comme ranges dans un ordre determine. Mais il j a plus : ou peut se demander s'ils sont susceptibles d'etre ainsi ranges; cela serail sans doute possible, comme Fa montre G. Cantor la condition, bien entcndu, de ne pas toujours ranger dans le voisinage Fun de Fautre des points que 0ous regardons comme infiniment voisins, de rompre par consequent la continuity de Fespace). On pourrait bien, dis-je, les ranger, mais cela ne pourrait pas se faire de telle fagon que cet ordre ne soit pas altere par les diverges op^ratioas

LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE. IOI

de la Geometrie (perspective, translation, rotation, etc.). Les axiomes de Pordre ne sont done pas applicables a cette Geometric.

La Geometric non archimedienne. Mais la conception la plus originale de M. Hilbert, c'est celle de la Geometric non archimedienne, oh tons les axiomes restent vrais, sauf celui d'Archimede. Pour celail fallait d'abord cons- truire un systeme de nombres non ar chime diens, c'est-a-dire un syst&me d'elements entre lesquels ont put concevoir des relations d'egalite et d'ine- galite et auxquels on put appliquer des operations correspondant a 1'addition et a la multiplication arithmetiques, et cela de facon a satisfaire aux conditions suivantes :

Les regies arithmetiques de 1'addition et de la multiplication (commul.a- tivite, associativity, distributivite, etc. ; Aritmetisclie Axiome der Verknup- fung) subsistent sans changement.

Les regies du calcul eL de la transformation des inegalites (Arithme- tische Axiome der Anordnung) subsistent egalement. L'axiome d'Archimede n'est pas vrai.

On peut arrlver a ce resultat en choisissant pour element des series de la forme suivantc :

OLI m est un enlier posilif ou n^galif et ou les coefficients A sont r^els, et en convenant d'appliquer a. ces series les regies ordinaires de 1'addition et de la multiplication. 11 faut ensuite d6finir les conditions d'in<%alit£ de ces series, de facon a ranger nos elements dans un ordre determine. Nous y arriverons par la convention suivante : nous attribuerons a notre s6rie le signe de A0 et nous dirons qu'une serie est plus petite qu'une autre quand, retranch6e de celle-ci, elle donne une difference positive.

II est clair qu'avec cette convention, les regies du calcul des in£galitt$s subsistent; mais Faxiomc d'Archim^de n'est plus vrai; et, en effet, si nous prenons les deux elements i el t] le premier, additionne a Iui-m6me autant de fois qu'on le voudra, restera loujours plus petit que le second. On aura tou~ jours t >> n, quel que soit rentier n, puisquc la difference t n sera toujours positive, le coefficient du premier terme t, qui, par definition, donne son signe, restant toujours egal & i .

Nos nombres vulgaires rcntrcnt comme cas particuliers parmi ces nombres

102 LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE.

non archimediens . Les nouveaux nombres viennent s'intercaler pour ainsi dire clans la se>ie de nos nombres vulgaires, de telle facon qu'il y ait, par exemple, une infinite de nombres nouveaux plus perils qu'un nombrc vulgaire donn£ A et plus grands que tous les nombres vulgaires infe'rieurs a A.

Cela pos6, imaginons un espace a trois dimensions ou les coordonne'es d'un point seraient mesure'es, non pas par des nombres vulgaires, ma is par des nombres non archimediens, mais ou les Equations habiluelles dela droite el du plan subsisteraient, de meme que les expressions analyliques des angles et des longueurs. II est clair que dans cet espace lous les axiomcs rcsleraienl vrais, sauf celui'd'Arcliimede.

Sur une droite quelconque, entre nos points vulgaires, viendraient s'inter- caler des points nouveaux. Si, par exemple, D() est une droite vul^aire, DI la droite non archime"dienne correspondante ; si P est un point vulguire <jut*l- conque de Do, et si ce point portage D0 en deux demi-droites S et S' (j'ajouie, pour pr^ciser, que je considere P comme ne faisant partie ni de S ni dt4 S'), il y aura sur DI une infinite' de points nouveaux tant entre P et S qu'ontre P et S'. II y aura egalement sur DA une infinite de points nouveaux qui sertml a droite dc tous les points vulgaires de D0. En resume', noire espace vul^airr n'est qu'une partie de 1'espace non archimedien.

Au premier abord, Fesprit sc rc5 volte contre de pareille.s <>oiictipti{)iis. C'estque, par une vieille habitude, il chcrche une representation st»nsihle. II faut qu'il sc debarrasse de cette pre'occupation s'ii veut arriver a comprendrc, et cela est encore plus n6cessaire que poor la GtfomiHric non eucli(li<»an«». M. Hilbert ne s'est propose qu'une chose : construire un systtuue d'^nienls susceptibles de ccrtaines relations logiques, et il lui suffit de morUrer qut» <H\S relations n'impliquent pas de contradiction interne.

Qu'on remarque cependant ceci : la Geometric non euclidienne res|x»<*tail pour ainsi dire notre conception qualitative du continu g^om^lrique toot <»n bouleversant nos id6es sur la mesure de ce continu. La Ge'oiitititrte non archi- mt^dienne dtoiiit cette conception, elle disseque le continu pour y inlroduire des e'le'ments nouveaux.

Quoi qu'il en soit, M, Hilbert poursuit les consequences de ses premisses et il cherche comment on ponrrait refaire la Geom^trie sans se servir de 1'axioim! d'Archimede. Pas de difficulte' en ce qui concerne les Chapitres que les e*€oliers appellent le premier et le deuxieme Livre. Get axiome n'y iatervient nulle part.

LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE. Io3

Le troisi&me Livre traite des proportions et de la similitude. Voici, en sub- stance, la marche que suit M. Hilbert pour le reconstituer sans avoir recours a Taxiome d'Archim&de. II prend la construction habituelle de la quatri&me proportionnelle comme definition de la proportion, mais une pareille definition a besoin d'etre jus tifiee; il faut montrer d'abord que le r^sultat est le m£me, quelles que soient les lignes auxiliaires employees dans la construction, et ensuite que les regies ordinaires du calcul s'appliquent aux proportions ainsi definies. C'est celte justification que M. Hilbert nous donne d'une fagon satis- faisante.

Le quatri^me Livre traite de la mesure des aires planes; si cette mesure peut s'etablir facilement sans le secours du principe d'Archim&de, c'est parce que deux poljgones Equivalents ou bien peuvent &tre decomposes en triangles de telle facon que les triangles elementaires de 1'un et ceuxde 1'autre soient egaux chacun a chacun (ou, en d'autres termes, peuvent &tre ramenes 1'un a Fautre par le procede du casse-t6te chinois), ou bien peuvent &tre regardes comme des differences de poljgones susceptibles de ce mode de decomposition (c'est tou- jours le mtoe precede, en admcttant non settlement des triangles additifs, mais encore des triangles soustractifs). Mais nous devons observer qu'une circonstance analogue ne parait pas se retrouver pour deux poly&dres equi- valents, de sorte qu'on peut se demander si 1'on peut determiner, par exemple le volume de la pyramid e sans un appel plus ou moms deguise au calcul infini- tesimal. Tl n'est done pas certain qu'on pourrait se passer aussi facilement de 1'axiome d'Archim^de dans la mesure des volumes que dans celle des aires planes. M. Hilbert ne 1'a d'ailleurs pas tente.

Une question restait a traiter toutefois; etant donne un polygone, est-il possible de le decomposer en triangles et d'enlever 1'un des morceaux de fagon que le polygone restant soit equivalent au polygone donne, c'est-a-dire de fagon qu'en transformant ce polygone restant par le procede du casse-t6te chinois, on puisse relomber sur le polygone primilif. D'ordinaire, on se borne a dire que cela est impossible parcc que le tout est plus grand que la partie. C'est la invoquer un axiome nouveau, et, quelque evident qu'il nous paraisse, le logician serait plus satisfait si Ton pouvait Peviter. M. Schur a trouve la demonstration, il est vrai, mais en s'appuyant sur 1'axiome d'Archim&de; M. Hilbert. voulait y arriver sans se servir de cet axiome. Voici par quel artifice il y parvient; il admet que la surface du triangle est par definition le demi- produit de sa base" par sa hauteur, et il justifie cette definition en montrant que

104 LES FONDEMENTS DE LA GEOIMETKIE.

deux triangles Equivalents (au point de vue du casse-t,6le chinois) ont m£me surface (au sens de la nouvelle definition) et que la surface d'un triangle decomposable en plusieurs autres est la somme des surfaces des triangles composaats. Une fois cette justification termintSe, tout le reste suit sans diffi- cult^. C'est done toujours la m£me marclie. Pour £viter d'incessants appels a 1'intuition, qui nous fournirait sans cesse de nouveaux axiomes, on transforme ces axiomes ea definitions, el Ton justifie apres coup cos dofmilions eu montrant qu'elles sont exemples de contradictions.

La Geometric non arguesienne. Le lh<3or6me fondamenlal de la Geome- trie projective est le lh<5or£me de Desargues. Deux triangles sont dils hoinolo- gues lorsque les droites qui joignent chacun a chacun les sommets correspon- dants se coupenl en un m6me point. Desargues a dtimontre que les points d'intersection. des cotes correspondants de deux triangles homologuos sont sur une m&me ligne droite; la r(5ciproque est t^alement vraie.

Le th(5or6me de Desargues peut s'etablir de deux manures :

En se servant des axiomes projectifs du plan et des axiomes mtftrkjuus du plan ?*

En se servant des axiomes projeciifs du plan et de ceux de Fespacc.

Le tk^or^me pourrail done 6tre decouvert par un animal a deux dimensions, a qui une troisi&me dimension parai trait aussi inconeevable qu'a nous une quatri&me, qui par consequent ignorerail les axiomes projectifs do Fespactt, mais qui aurait vu se dt^placer, dans le plan qu'il habile, des figures invariahles analogues §. nos corps solides, et qui, par consequent, coniiahrait les axiomes m^triques. Le th^oreme pourrait 6tre decouvert e^alement par un animal £ trois dimensions qui connaitrait les axiomes projectifs de Fespace, mais qui, n'ayant jamais vu se d^placer de corps solides, ignorerait les axiomes

Mais pourrait-on dtablir le th^or^me do Desargues sans se servir ni des axiomes projectifs de Pespace, ni des axiomes m&riques, mais seulement des axiomes projectifs du plan? On pensait que non, mais on on n'cUait pas silr. M. Milbert a tranche la question en construisanl une gvomttrie non argu&- sienne, qui est, bieix entendu, une g&>ra#trie plane, Gonsiddrons une ellipse A Fext^rieur de cette ellipse, le mot droite conserve son sens habituel; 4 Fiut^rieur le mot droite prend un sens different et il s'applique & un arc de

LES FONDEMENTS DE LA G^OM^TRIE. 105

cercle qui, prolong^, irait passer par un point fixe P ext^rieur a 1'ellipse. Une droite qui traverse 1'ellipse E se composera done de deux parties rectilignes, au sens ordinaire du mot, raccord^es a Fint^rieur de Fellipse par un arc de cercle; tel un rayon lumineux qui serait d6vi£ de sa trajectoire rectiligne en traversant un corps rtffringent.

Les axiomes projeclifs du plan seront encore vrais si Ton suppose le point P assez 6loigu<3 de 1' ellipse E.

Placons mainlenanl deux triangles homologues en deliors de 1'ellipse E, et de telle fagon que leurs cotes no rencontrent pas E; les irois droites qui joignent deux a deux les sommets correspondanls, si on les entend au sens ordinaire du mot, iront se couper en un m6me point Q d'aprSs le th£or6me de Desargues; supposons que ce point Q soit aFinttfrieur deE. Slmaintenant nous entendons le mot droile au sejis nouveau, les trois droites qui joignent les sommets correspondents seront devices en p<5n6trant a Finterieur de 1'ellipse. Elles n'iront done plus passer en Q, elles ne seront plus concourantes. Le th£o- r&me de Desargues n'est plus vrai dans notre nouvelle g<5om6Lrie, c'est une g£om<Strie non arguesieniie.

La Geometrie non pascaliemie. M. Hilbert ne s'arr£te pas la et il intro- duit encore une nouvelle conception. Pour bien la comprendre, il nous faut d'abord retourner un instant dans le domaine de FArithm^tique. Nous avons vu plus haul s'elarglr la notion dc nombre, par FinLroduclion des no mb res 71 on archimediens. 11 nous faut une classification de ces nombres nouveaux, et pour Fobtenir nons aliens classer d'abord les axiomes de FArithmetique en quatre groupes qui seront :

Les lois d'associativit6 et de commutativiuS de Faddition, la loi d'associa- tivit6 de la multiplication, les deux lois de distributivit^ de la multiplication; ou en r6suni(§ toutes les regies de Faddition et de la multiplication, sauf la loi de commutativit6 de la multiplication;

Les axiomes de Fordre, c'est-a-dire les regies du calcul des mdgalii<5s ;

La loi de commutativit6 de la multiplication, d'apr^s laquelle on peut intervertir Fordre des facteurs sans changer le produit;

L'axiome d'Archim^de.

Les nombres qui admettront les axiomes des deux premiers groupes seront dits argu<§siens; ils pourront &tre pascaliens ou non pascallens scion qu'ils H, P, XI. *4

IO6 LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE.

satisferont ou ne satisferont pas & 1'axiome du troisi&me Croupe, ils seront archi- mediens ou non archimcdiens, suivant qu'il salisferont ou noii a Faxiome du quatri^me groupe. Nous ne tarderons pas a voir la raison de ces dchiomina-

tions.

Les nombres ordinaires sont a la fois arguesiens, pascaliens et archimtjdiens. On peut d^montrer la loi de commulativiUj en partant des axiomes des deux premiers groupes et de 1'axiome d'Archim£de; il n'y a done pas de nombres arguesiens, archim^diens et non pascaliens.

En revanche, nous avons cite" plus haul un exemple de nombres arguesiens, pascaliens et non archim^diens; c'est ce que j'appellerai les nombres du A;>',S- teme T, et je rappelle qu'a chacun de ces nombres correspond une serie de la

forme

Ao^-f- \{f">-^-h

ou les A sont des nombres r£cls ordinaires.

II est ais<5 de former, par un procede analogue, tin syslfcme do nombivs arguesiens, non pascaliens et non archim(5di(kns. Les t'il&nenls de ce sysU>me seront des series de la forme

S = T«,?«-h T,^'"1-^...,

ou s est un symbole analogue a t, n un enlier positif ou negatif, et T{)7 TI? , . . des nombres du syslcinie T; si done on romplacail les coefficients To, TI, . . . par les series en t correspondantes, on aurait une S(5rie dependant a la Ibis <lt* / et de s. On additionnera les series S d'apr^s les regies ordinaires, et d(.» m^mt* pour la multiplication de ces series on admettra les regies de distrihufivilt4 <»t et d'associativite, mais on admettra que la loi de comniutativitd n'est pas vraie et qu'au contraire st = ts.

II reste k ranger les series dans un ordre d6termine, pour salisfairt! aux axiomes de 1'ordre. Pour cela, on allribuera a la s^rie S le signe du premier coefficient T0; on dira qu'une s^rie est plus petite qu7une aulre, quand, rtilriiu- ch6e de celle~ci, elle donnera une difference positive. C'est done loujours la m6me r^gle : t est regard6 comme tr^s grand par rapport a un nombre rt^el ordinaire quelconque, et s est regard^ comme tres grand par rapport & un nombre quelconque du syst&me T.

La loi de commutativit^ n'6tant pas vraie, ce sont bien des nombres non pascaliens.

Avant d'aller plus loin, je rappelle que Hamilton a depuis longtemps iniro-

LES FONDEMENTS DE LA GEOMJZTRIE. 107

dull an systeme de nombres complexes ou la multiplication n'est pas commu- tative; ce sont les quaternions, dont les Anglais font un si frequent usage en Physique mathtSmatique. Mais, pour les quaternions, les axiomes de Fordre ne sont pas vrais; ce qu'il y a done d'original dans la conception de M. Hilbert, c'esl que ses nouveaux nombres satisfoni a ax axiomes de Fordre sans satisfaire a la regie de coinmutativite,

Revenons a la Ge'ome'trie. Admettons les axiomes des trois premiers groupes, c'est-a-dire les axiomes projectifs du, plan et de Fespace, les axiomes de Fordre etle postulat d'Euclide ; le the"oreme de Desargues s'en de'duira, pufsqu'il est une consequence des axiomes projectifs de Fespace.

Nous voulons constituer notre ge'ome'trie sans nous servir des axiomes metriques; le mot de longueur n'a done encore pour nous aucun sens; nous n'avons pas le droit de nous servir du compas ; en revanche, nous pouvons nous servir de la regie, puisque nous admettons que par deux points on peut faire passer une droite, en vertu de Fun des axiomes projectifs; nous savons egalement mener par un point une parallele a une droite don.ne'e, puisque nous admettons le postulatum d'Euclide. Voyoiis ce que nous pouvons faire avec ces ressources.

Nous pouvons de'finir F homo the' tie de deux figures ; deux triangles seront diis homothetiques quand leurs cole's seront paralleles deux a deux, et nous en conclurons (par le theoreme de Desargues que nous admetlons) que les droites qui joignent les sommcts correspondants sont concourantes. Nous nous servi- rons ensuite de FhomothiHie pour de'finir les proportions. Nous pouvons aussi de'finir Fe'galite' dans une certaine mesure.

Les deux cote's opposes d'un parallelogramme seront <5gaux par defi?iition; nous savons ainsi reconnaitre si deux segments sont 6gaux entre eux, pourvu qu'ils soient paralleles.

Grace a ces conventions, nous sommes maintenant en mesure de comparer les longueurs de deux segments; mais pourvu que ces segments soient PARABLES. La comparaison de deux longueurs donL la direction est differente n'a aucun sens, et il faudrait pour ainsi dire une unit6 de longueur diffe'rente pour chaque direction. Inutile d'ajouter que le mot angle n'a aucun sens.

Les longueurs seront ainsi exprime'es par des nombres; mais ce ne seront pas force'ment des nombres ordinaires. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que, si le the'er^me de Desargues est vrai comme nous Fadmettons, ces nom- bres appartiendront a un syst^me satisfaisant aux axiomes arithme'tiques des

I08 LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE.

deux premiers groupes, c'est-a-dire a un systeme arguesien. Inversenient, 6tant donn£ un syst&me quelconque S de nombres ^arguesiens, on peut cons- truire une g£om6trie telle que les longueurs des segments d'une droite soient justement exprime^es par ces nombres.

Voici comment peut se faire cette construction : un point de ce nouvel espace sera defini par trois nombres #, y , z du syst£me S qui s'appelleront les coordonnees de ce point. Si aux trois coordonnees des divers points d'une figure on ajoute trois constantes (qui sont, bien entendu, des nombres argu£- siens du syst&me S), on obtient une autre figure transform^ de la premiere, et de telle facon qu'a un segment quelconque de 1'une des figures corresponde dans 1'autre un segment egal et parall&le (au sens donn^ plus liaut a ce mot). Cette transformation est done une translation, de sorte que ces trois constantes dtjfinissent uue translation. Si maintenant nous multiplions les trois coor- donntses de tons les points d'une m&me figure par une m6me constante, nous obtiendrons une seconde figure qui sera homotli<3tique de la premiere.

Liquation du plan sera une Equation lin^aire comnxe dans la Gt^om^trie analytique ordinaire; mais, comme dans le syst&me S la multiplication ne sera pas commutative en general, il importe de faire une distinction et de dire que dans chacun des termes de cette Equation lin^aire ce sera la codrdonn^e qui jouera le role de multiplicande, et le coefficient constant qui jouera le r6le de multiplicateur.

Ainsi, a chaque syst&me de nombres argues iens correspondra une g£om6trie nouvelle satisfaisant aux axiomes projectifs, a ceux de 1'ordre, au theor^me de Desargues et au postulatum d'Euclide. Quelle est maintenant la signification g^ometrique de 1'axiome arithmtitique du troisi^me groupe, c'est-a-dire de la r^gle de commutativit6 de la muliiplication? La traduction geom&trique de cette regie, c'est le theorems de Pascal; je veux parler du th^or^mc sur 1'hexagone inscrit dans une conique, en supposant que cetle conique se r^duit a deux droites.

Ainsi, le th^or^me de Pascal sera vrai ou faux, selon que le syst&me S sera pascalien ou non pascalien; et, comme il y a des systemes non pascaliens, il y aura egalement des geometries non pascaliennes.

Le th£or&me de Pascal peut se d^montrer en pariant des axiomes mgtriques; il sera done vrai, si Ton admel que les figures peuvent se transformer non seulemcnt par homoth^tie et translation, comme nous venons de le faire, mais encore par rotation.

LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE. log

Le th^or^me de Pascal pent ^galement se deduire de Taxiome d'Archim^de, puisque nous venous de voir que tout syst&me de nombres argu^siens eL archimediens est en m£me temps pascalien; toute geometric non pascalienne est done en meme temps non ar chime dienne.

Le Streckeniibertr tiger. Gitons encore une autre conception de Hilbert. II (Hudie les constructions qu'on pourrait faire, non pas a 1'aide de la r£gle et du compas, mais par le nioyen de la regie et d'un instrument particulier qu'il appelle Streckenubertrager, et qui permettrait de porter sur une droite un segment ggal a un autre segment pris sur une autre droile. Le Streckenilber- tr tiger n'est pas Ftfquivalenl du compas; ce dernier instrument permettrait de construire 1'intersection de deux cercles ou d'un cercle et d'une droite quel- conque; le Streckeniibertrdger nous donnerait seulement 1'intersection d'un cercle et d'une droite passant par le centre de ce cercle. M. Hilbert cherche done quelles sont les constructions qui seront possibles avec cos deux instru- ments, et il arrive a une conclusion bien remarquable.

Les constructions qui peuvent se faire par la r^gle et le compas peuvent se faire (Sgalement par la r&gle et le Streckeniibertrdger, si ces constructions sont telles que le resultat en soit toujours reel. II est clair, en eflet, que cctte condition est necessaire; car un cercle est toujours coup6 en deux points reels par une droite men^e par son centre. Mais il (Hait difficile de pr^voir que cette condition serait 6galement suffisante.

Geometries diver ses. Je voudrais, avant de lerminer, voir quelle place occupent dans la classification de M. Hilbert les diverses geometries propos6es jusqu'ici. Et d'abord les geometries de Rieniann; je ne veux pas parler de la g6om<Hrie de Riemann que j'ai signal^e plus haul et qui est I'oppos6 de celle de Lobatchevski; je veux parler des g6om6tries relatives aux espaccs a courbure variable envisages par Riemann dans sa c6l&bre Habilitationsschrift.

Dans cette conception, on attribue par definition une longueur a une courbe quelconque, et c'est sur cette definition que tout repose. Le role des droites est jou£ par les g£od£siques, c'est-a-dire par les lignes de longueur minima menses d'un point a un autre. Les axiomes projectifs ne sont plus vrais, et il n'y a aucune raison, par exemple, pour que deux points ne puissent &tre joints que par une seule g^od^sique. Le postulat d'Euclide ne peut plus 6videmment avair aucun sens. L'axiome d'Archim^de reste vrai, ainsi que les axiomes de

HO LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE.

Pordre mutatis mutandis] Riemann n'envisage, en effet, que les systemes de nombres ordinoires. En ce qui concerne les axiomes me'triques, on voit aise'ment que ceux des segments et ceux des angles resteni vrais, tandis que Paxiome me'trique des triangles (IV, 6) est e'videmment faux.

El ici nous retrouvons 1' objection qu'on a le plus souvent faite a Riemann.

Vous parlez de longueur, lui a-t-on dit; or longueur suppose mesurc, el, pour mesurer, il faut pouvoir transporter un instrument de mesurc qui doit demeurcr invariable; d'ailleurs, vous le reconnaissez vous-mtoie. II faut done que 1'espace soit partout e"gal a Iui-m6me, qu'il soit homogene pour que la congruence j soit possible. Or, votre espace ne Test pas, puisque sa courbure est variable; il ne peut done j &tre question ni de mesurc, ni de longueur.

Riemann n'aurait pas eu de peine a r6pondre, Supposons une geometric a deux dimensions pour simplifier; nous pourrons alors nous repr6senter 1'espace de Riemann comme une surface dans 1'espace ordinaire. Nous pourrions mesurer des longueurs sur cette surface a 1'aide d'une ficelle, et cependant une figure ne pourrait pas se de"placei' en restant applique'e sur cette surface el de fagon que les longueurs de tous ses e'le'ments.demeurent invariables. Car la surface n'est pas, en ge'ne'ral, applicable sur elle-m&me.

C'est ce que M. Hilbert iraduirait en disant que les axiomes me'triques des segments sont vrais, et que celui des triangles ne Pest pas. Les premiers sonl concretises pour ainsi dire dans notre ficelle; celui des triangles supposerait le displacement d'une figure dont tous les elements auraient une longueur constante.

Quelle sera la place d'une autre ge'ome'trie que j'ai proposed autrefois et qui rentre pour ainsi dire dans la meme famille que celle de Lobatchevski el celle de Riemann? J'ai montre* qu'on peut imaginer trois geometries a deux dimen- sions, qui correspondent respectivement aux trois sortes de surfaces du second degre, Pellipsoide, Phyperbolo'ide 4 deux nappes et Phyperboloidea une nappe; la premiere est celle de Riemann, la seconde est celle de Lobatchevski, et la troisieme est la ge'ome'trie nouvelle. On trouverait de m&me quatre ge'ome' tries a trois dimensions.

Ou viendrait se ranger cette ge'ome'trie nouvelle dans la classification de M. Hilbert? II est aise" de s'en rendre compte. Comme pour celle de Riemann, tous les axiomes subsistent, saul ceux de Pordre et celui d'Euclide; mais, tandis que dans la g^ome'trie de Riemann, les axiomes sont faux sur toutes les droites, an contraire, dans la g6om^trie nouvelle, les droites se r^partissent en

LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE. Ill

deux classes, les unes sur lesquelles les axiomes de 1'ordre sont vrais, les autres sur lesquelles ils sont faux.

Conclusions. Mais ce qui est lo plus important, c'est de nous rendre coinpte de la place qu'occupent les conceptions nouvelles de M. Hilbert dans Phistoire de nos id6es sur la philosophic des Mathe"matiques.

Apr&s une premiere p6riode de naive confiance ou Ton nourrissail Pespoir de tout dtoontrer, est venu Lobatchevski, Pinventeur des g£om6tries non euclidiennes.

Mais le veritable sens de cette invention n'a pas 6t£ p£n6tr6 tout de suite; lielmholtz a montre d'abord que les propositions de la g£om6trie euclidienne n'etaient autre chose que les lois des mouvements des corps solides, tandis que celles des autres g£om6tries (Haient les lois que pourraient suivre d'autres corps analogues aux corps solides, qui sans doute n'existentpas, mais dontl'existence pourrait £tre congue sans qu'il en r^sultat la moindre contradiction, des corps que Ton pourrait fabriquer si on le voulait. Ces lois ne pouvaient, toutefois, 6tre regard^es comme exp£rimentales, puisque les solides naturels ne les suivent que grossiterement et, d'ailleurs, puisque les corps fictifs de la g£om£trie non euclidienne, n'existant pas, ne peuvent 6tre accessibles a Pexp£rience. Helmholtz, toutefois, ne s'est jamais expliqu6 sur ce point avec une parfaile netted.

Lie a pouss£ 1'analyse beaucoup plus loin. II a cherch^ de quelle manifere peuvent se combiner les divers mouvements possibles d'un systkme quelconque, ou plus g6neralement les diverses transformations possibles d'une figure. Si 1'on envisage un certain nombre de transformations et qu'on les combine ensuite de toutes les manures possibles, Fensemble de toutes ces combinaisons tbrniera ce qu'il appelle un groupe. A chaque groupe correspond une g6o~ m^trie, et la notre, qui correspond au groupe des d^placements d'un corps solide, n'est qu'un cas tr&s particulier. Mais tous les gro'upes quel'onpeutima- giner poss^deront certaines propri^t^s communes, et ce sont pr^cis^ment ces propri6t^s communes qui limitent le caprice des inventeurs de g£orn6tries ; ce sont elles, d'ailleurs, que Lie a 6tudi6es toute sa vie.

II n'^tait pourtant pas enti&rement satisfait de son oeuvre. II avail, disait-il, toujours envisage Tespace comme une Zahlenmannigfaltigkeit. II s'^tait born^ & 1'^tude des groupes continus proprement dits auxquels s'appliquent les regies de l?Analyse infinit<3simale ordinaire. Ne s'(^tait-il pas ainsi artificiellemeiit

II2 LES FONDEMENTS DE LA GEOMETRIE.

restreint? N'avait-il pas ainsi n£glig6 un des axiomes indispcnsables do la G<3oimnrie (c'est en somme de 1'axiome d'Archim&de qu'il s'agit)? Je ne sais si Ton trouverait trace de cette preoccupation dans ses oeuvrcs imprhnees, mais dans sa correspondance, ou dans sa conversation, il exprimait sans cesse ce m£me regret.

C'est pr£cis£ment la lacune qu'a comblee M. Hilbert; les g£om£tries de Lie restaient toutes assujetties aux formes de I1 Analyse et de rArilhmtflique qui semblaient intangibles. M. Hilbert a brisd ces formes ou, si Ton aime mieux, il les a 6largies. Ses espaces ne sont plus des Zalilenmannigfaltigkeiten*

Les objets qu'il appelle point, droite ou plan devicnnent ainsi des 6tres purement logiques qu'il est impossible de se represented On ne saurait s'ima- giner, sous une forme sensible, ces points qui ne sont que des systemes de trois series. Peu lui importe, il lui suffit que ce soient des individus et qu'il ait des regies stares pour distinguer ces individus les uns des autres, pour otabllr conventionnellement entre eux des relations d'<5galit6 ou d'in6galil6 et pour les transformer.

Une autre reniarque : les groupes de transformations au sens de Lie ne semblent plus jouer qu'un role secondaire. G'est du moins ce qu'il semblc quand on lit le texte m&me de M. Hilbert. Mais, si Ton y regardait de plus pr6s, on verrait que cbacune de ses g<5om6tries est encore l'6tude d'un groupe. Sa g^om^trie non archim^dienne est celle d'un groupe qui contient toutes les transformations clu groupe euclidien, correspondant aux divers d^placements d'un solide, mais qui en contient encore d'autres susceptibles de se combiner aux premieres d'apr^s des lois simples.

Lobatchevski et Riemann rejetaient le postulatum d'Euclide, mais ils conser- vaient les axiomes m6triques; dans la plupart de ses g(5om6tries, M. Hilbert fait 1'inverse. Cela revient a mettre au premier rang un groupe formtS des transformations de 1'espace par homoth^tie et par translation; et aJa base de sa g6om6trie non pascalienne, c'est un groupe analogue que nous retrouvons, comprenant non seulement les homoth^ties et les translations de 1'espace ordinaire, mais d'autres transformations analogues se combinant aux premieres djapr£s des lois simples.

M. Hilbert semble plutdt dissimuler ces rapprochements, je ne sais pourquoi. Le point de vue logique parait seul I'int6resser. fitant donn6 une suite de pro- positions, il constate que toutes se de§duisent logiquement de la premiere. Quel est le fondement de cette premiere proposition, quelle en est Torigine psycho-

LES FONDEMENTS DE LA GEOM^TRIE. Il3

logique, il ne s'en occupe pas. Et meme si nous avons, par exemple, trois propositions A, B, C, et si la logique permet, en partant de Fune quelconque d'entre elles, d'en deduire les deux aulres, il lui sera indifferent de regarder A comme un axiome et d'en tirer B et G, ou bien, au contraire, de regarder G comme un axiome, et d'en tirer A et B. Les axiomes sont pose's, on ne sait pas d'ou ils sortenl, il est done aussi facile de poser A que C.

Son oeuvre est done incomplete; mais ce n'est pas une critique que je lui adresse. Incomplet, il faul bien se re'signer a T^tro. II suffit qu'il ait fait faire a la philosophic des Math6matiques un progres considerable, comparable a ceux que Ton devait a Lobatchevski, a Riemann, a Helmholtz et a Lie.

H. P. - XI.

REFLEXIONS SUR DEUX NOTES

DE M. A. S. SCHONFLIES ET DE M. E. ZERMELO O

Acta Mathematica, t. 32, p. 196-200 (2 icvrier 1909).

Les considerations presentees par M. Schonflies au sujet de la Note de M. Richard seront lues avec intent; non qu'aucune de ses critiques puissc resister a un examen approfondi, mais par ce qu'elles peuvent suggerer d'utiles reflexions.

1. On sait que M. Richard consid^re 1' ensemble E des nombrcs qui peuvent etre defmis en un nombre fini de mots. II demontre quo cet ensemble est denombrable et c'est cette demonstration que M. Schonflies conlesle.

Et pourquoi? Parce qu'on peut, dit-il, ddfinir par une m£me formulc une infinite d'objets' mathematiques. II est evident qu'une pareille formule ne peut constituer une definition, au moins au sens ou M. Richard emploic ce mot. Et en effet ce qui caracterise precisement une definition, c'est qu'cllepermeldc distinguer 1'objet defini de tous les autres objets ; si elle s'applique a une infinite d'objets, elle ne permet pas de les disceraer les uns des autres ; elle n'en definit aucun; elle n'est plus une definition.

Ainsi pour prendre le premier exemple de M. Schonflies; quand on dit « une fonction constante », on a une formule d'un nombre fini de mots et qui s'applique a une infinite de fonctions; mais qui ne les definit pas, qui defmit

(x) Intitules : Ueber erne venneintliche Antinomie der Mengenlehre (Acta Math., t, 32, 1909, p. 177-184) et Sur les ensembles finis et le principe de V induction complete (Acta t. 32, 1909, p. 185-198).

REFLEXIONS SUR DEUX NOTES. Il5

seulement leur relation avec un certain nombre, a savoir la valeur constante de la fonction. Pour achever de de'finir une de ces fonctions, il faut definir cette valeur constante.

C'est seulement si cette valeur constante peut &tre de'fmie en un nombre fini de mots, que la fonction elle-m^me pourra 1'eHre. II n'est done pas exact de dire que cette formule de'finit en un nombre fini de mots un ensemble de fonctions qui a la puissance du conlinu, c'est-a-dire la puissance de toutes les constantes possibles ; cette formule permet de definir en un nombre fini de mots un ensemble de fonctions qui a m£me puissance que Fensemble des constantes deTmissables en un nombre fini de mots, et ce dernier, d'apres la demonstration de M. Richard est de'nombrable.

La premiere critique de M. Schonflies ne tient done pas debout; et ce queje viens de dire s'applique sans changemenl a tous ses autres exemples. Dans tous les cas qu'il cite, il de'finit un objet A comme ayant une relation B avec un autre objet C. Cette relation B ne suffit pas pour de'finir A; il faut de'finir e'galement Fobjet C; pour que A se trouve defini en un nombre fini de mots, il faut que non seulement B, mais encore C soient definis en un nombre fini de mots. Les autres critiques qui s'appuient sur la premiere, tombent evidemment du m6me coup.

2. II n'en est pas moms vrai qu'on peut faire les reflexions suivantes. II n'y a pas d'infmi actuel; ce que nous appelons 1'infini, c'est uniquemcnt la possi- bilite de cr^er sans cesse de nouveaux objets, quelque nombreux que soient les objets de'ja cre^s. Seulement ces nouveaux objets ne sont concevables eux- m£mes que s'ils sont susceptibles d'eHre de'finis en un nombre fini de mots. II en re'sulte qu'un ensemble, dont chaque element ne petit pas 6tre defini en un nombre fini de mots, est un pur ne"ant; on n'en peut rien dire, ni rien penser.

C'est bien ainsi que pense M. Richard; et je signalerai en passant une tres inte"ressante demonstration de Paxiome de Zermelo que ce savant vienl de publier dans VEnseignement Mathematique ct ou il s'exprime a ce sujet de la fagon la plus nettc.

Mais alors il n'y a pas d'autre ensemble que ceux dont tous les elements sont deTmissables en un nombre fini de mots; et comme on peut leur appliquer la demonstration de M. Richard, il semble qu'on doive conclure que tous les ensembles sont denombrables. Que signifie alors la distinction des puissances, et en quoi le continu differe-t-il de r ensemble des nombres entiers ?

Il6 REFLEXIONS SUR DEUX NOTES.

On peut demontrer cependant qu'il y a une difference et c'est en cela, au fond, que consiste 1'antinomie Richard.

II est impossible de trouver une for mule definissant en un nombre fmide mots une relation entre un nombre reel et un nombre entier et qui soit telle que tout nombre reel defaiissable en un nombre fini de mots corresponde a un nombre entier en vertu de cette for mule. Quelle que soit cette formule, on pourra toujours definir en un nombre lini de mots un nombre reel que cette formule ne fait corresponds a aucun nombre entier. Voila ce que Cantor demontre et voila ce qu'oii entend quand on dit que la puissance clu continu n'est pas celle de Pensemble des entiers.

Comment cela s'accorde-t-il avec la demonstration de M. Richard qui nous enseigne que tout ensemble dont les elements sont definissables en un nombre fini de mots est de'nombrable ? Conside'rons une formule F definissant uiie relation entre les divers entiers et divers nombres reels (qui se trouveront par la definis en un nombre fini de mots) 1'ensemble E de ces nombres reels seru de'nombrable. Nous pourrons ensuite definir d'autres nombres reels ne faisant pas partie de E; ces definitions ne contiendront qu'un nombre fini de mots mais parmi ces mots figurera le nom de 1'ensemble E. Soit E; 1'ensemble de ces nouveaux nombres re'els. La demonstration de Cantor nous apprend que 1'ensemble E' n'est pas nul et celle de Richard nous apprend que I'ensemble E + E' est de'nombrable. On pourra done trouver une formule F' definissant une relation entre les divers entiers et les divers nombres del'ensemble E + E'.

Mais alors on pourra de nouveau trouver d'autres nombres ne faisant pas partie de E-f-E' et dont on pourra donner une definition ne contenant qu'un nombre fini de mots parmi lesquels les noms des ensembles E et E'. Ici encore 1'ensemble E/; de ces nombres ne sera pas nul et il sera denombrable. Et ainsi de suite.

3. Et alors dira-t-on; tous ces nombres, ceux de E, de K', de E", ccux des ensembles suivants, sont tous definissables en un nombre fini de mots, desorte qu'en vertu de la demonstration de Richard, il devrait exister une formule d'uu nombre fini de mots qui permette de les denombrer. C'est la l'antinomie dont M. Richard donne 1'explication; on doit apres avoir forme le tableau dc tous les assemblages possibles de syllabes, rejeter ceux qui n'ont aucun sens ou qui ne definissent pas un nombre. Tant que I'ensemble E n'est pas defini, ceux de ces assemblages ou figure le nom de cet ensemble sont denues de sens et doivent

REFLEXIONS SUR DEUX NOTES. 117

£tre rejetes. Quand on a defini Fensemble E? ils prennenl un sens et il faut les reprendre. La demons Libation dc M. Richard suppose au contraire que Ton fait ce triage d'un seul coup ct sans s'y reprcndro a plusieurs fois.

Je ne puis resister a la tentation de rappeler ici un exemple curieux cite par M. Russell et ou 1'on rctrouve la mfime contradiction apparente, expliquee de la m6me manure, mais ou 1'on n'a pas a envisager Pinfini, ce qui permet pcut-£trc de mieux se rendre compte des faits. Quel est le plus petit nombre qui n'est pas susceptible d'etre defini par une phrase form6e de moins de cent mots frangais ? Ce nombre existe~t-il ?

Oui, car par une phrase form6e de moins de cent mots francais, on peut definir au plus 7iiQQ nombres, n etant le nombre des mots du dictionnaire francais. On nc peut done definir tous les nombres, et parmi ceux qui ne peuvent P6tre il y en a certainement un qui est plus petit que tous les autres et qui est par la enti&rement defini.

Non, car ce nombre s'il cxistait impliquerait contradiction; car il serait defini par une phrase de moins de cent mots, a savoir par la phrase m6me qui annonce qu'il ne peut pas Petre.

C'cst que cette phrase tantot a un sens, tantot n'en a aucun, selon que tous les autres nombres ont ete ou n'ont pas ete prealablement definis.

4. J'arrive a la derni&re objection de M. Schonflies 9). M. Richard a tort de dire d'apr&s lui que toute definition introduisant la notion de Pensemble total A doit £tre ray^e de son tableau. Et M. Schonflies cherche a le prouver par un exemple. II consid&re une s&rie de definitions d, G2, . . . etl'ensemble G de ces definitions. Aucune de ces definitions, excepte la definition G7. (ou r est un nombre impair} n'introduit la notion de 1' ensemble G. Quant a Gr? elle defmit une fraction decimale 6r en nous apprenant que la pi6rac decimale de 8r depend d'aprfcs une certaine loi de la /Jii6mo decimale de la fraction d^ definie par la definition G^> Done dans la definition Gr figure la notion du 2I6me ele- ment G2^ de Fensemble G, et par consequent la notion de Pensemble G. M. Richard la rayerait done de son tableau, et cependant elle est exempte de contradiction et de cercle vicieux.

Cette objection est sans valeur. Et en effetnous pouvons definir Pensemble G' forme par les elements d'ordre pair G2, G4, . . . .

Soit alors 8r la fraction decimale dont la p.i6rae decimale depend d'apr&s une certaine loi de la p.16mo decimale de la fraction d^ defmie par le p.^me element G^ de Pensemble G',

REFLEXIONS SUR DEUX NOTES.

Cetle phraso que je puis appeler G'r a m^me sons quo la phrase G,., mais elle n'inlroduit plus la notion de Fensemble G, mais souloment celle de Fensemble G'. Ces deux phrases figuroront dans le tableau de M. Richard; mais Gr devra 6tre offacee comme contenant la notion de G, tanclis que G',. qui est independanle de cette notion devra 6lre conserved. La fraction 3,. qui est definie aussi bien par G'r quo par G,. restera done dans noire tableau des fractions 8^. II n'y a done la aucune difficult.

5. Je vous envoie en meme temps une Note de M. Zermelo. Cette Note n'a pu me convaincre el M. Zermelo ne s'en etonnera pas; puisqu'il signale lui- mtime que la definition de Fensemble qu'il appelle M0 est de celles que je ne rogarde pas comme legitimes. Je sais que M. Zermelo doit exposer ses idt;es sur ce point dans un. Memoire plus etendu, mais ce Memoire n'ayantpas encore ete public, il convient d'cn attendre la publication pour apprecier ses raisons.

Je ne puis me faire pour le moment une idee de ces raisons que par les quelques lignes qui sont a la lin du paragraphe 3; et je vais tacher de retablir Fobjection de M. Zermelo, sans, je Fespere, m'e'carter de sa pensee.

Je veux demontrer qu'une Equation algebrique F = o a toujours une racine; pour cela je remarque que |F esl toujours positif et a par consequent une limite inferieure ou minimum, qu'une fonction continue atteint loujours son minimum, et je dtSmontre enfin que | F | nc peut avoir d'autre minimum que ze"ro ; j'en conclus qu'il y a un point pour lequel F | = o.

Dans cette demonstration on parle : de Fensemble E des valeurs do F ; de Fune de ces valeurs e qui est la plus petite de toutes celles deE; el de la valeur correspondante de x. La definition de e ou figure Fensemble E est non predicative, puisque la notion de E devrait etre a la fois anterieure a celh* de e dont la definition depend de E et posterieure a celle de e qui est un element de E. On ne pourrait done rejeter Femploi des definitions non predicatives sans rejeter une demonstration admise par tous les mathematiciens.

Cela serait grave ; heureusement il est aise de remettre la demonstration sur ses pieds sans y laisser subsister de petition de principe. Soit x la variable independante; soit y une valeur de x dont les parties reelle et imaginaire soient des nombres rationnels (je dirai pour abreger que y est une valeur rationnello de x}. Soit E' Fensemble des valeurs que peut prendre | F(j) |. Soit e la limite inferieure, ou minimum des diverges valeurs de Fensemble E'.

On demontre ensuite successivement qu'il y a une valeur de x non rationnelle en general et telle que \F(x)\ = e, et que e ne peut Stre different de zero.

REFLEXIONS SUR DEUX NOTES. Iig

La petition de principe a disparu puisque dans la definition de e figure seulement la notion de 1'cnsemble E' et que e ne fait pas en general partie de E!. Si Ton examine avec quelque attention les details de la demonstration d'ailleurs bien connue, dont nous n'avons fait que rappeler les lignes generales, on reconnaitra que e'en est bien la le veritable sens.

Plus generalement, si nous envisageons un ensemble E de nombres reels positifs, par exemple, on peut de'montrer que cet ensemble possede une limite inferieure e] cette limite inferieure est definie apres 1'ensemble E; et il n'y a pas de petition de principe puisque e ne fait pas en general partie de E. Dans certains cas particuliers, il peut arriver que e fasse partie de E. Dans ces cas particuliers, il n'y a pas non plus de petition de principe puisque e ne fait pas partie de E en vertu de sa definition, mais par suite d'une d6monstration posterieure a la fois a la definition de E et a celle de e.

La raison invoquee par M, Zermelo ne saurail done suffire pour justifier Femploi des definitions <c non predicatives », car Fassimilation qu'il fait est inexacte. M. Zermelo invoque egalement Fautorite de MM. Peano et Russell; je ferai seulement remarquer que M. Peano se borne a une affirmation qu'il ne justifie pas, et que M. Russell admet au contraire que les definitions non predicatives ne sont pas legitimes en general (c'est m£me lui qui a employe le premier le mot de non predicatif), rnais qu'elles peuvent I'&tre a certaines conditions dont je n'ai pu comprendre Fenonce.

UBER TRANSFINITE ZAHLEN

Seeks Vortrdge iiber ausgewdhlte gegenstande aits der reinen Mathematik und mathematischen P/iysiL, FiinfUT Vorlrag, p. 4'j-^iiS (-'7 avril 1909).

Meine Herren ! Ich will heute iiber den BegrifT der Lransfiniten Kardi- nalzahl vor Ihnen sprechen; und zwar will ich zumichstvoneinem scheinbareii Widerspruch reden, den dieser Begrift* enthult. Dazu schicke ich folgendes voraus : meiner Ansicht nach ist ein Gegenstand nur dann denkbar, wenn er sich mil einer endlichen Anzahl von Worten defmieren Uisst. Einen Gegen- stand, der in diesem Sinne endlich defmierbar ist, will ich zur Abki'irzung einfach ,,definierbaru nennen. Demnach ist also ein nicht definierbarer Gegenstand auch undenkbar. Desgleichen will icli ein Geselz ,,aussagbaru nennen, wenn es in einer endlichen Anzahl von Worien ausgesagt werden kann.

Herr Richard hat nun bewiescn, dass die Gesamtheit der deiinierbaren Gegenstande abzahlbar ist, d. h. dass die Kardinalzahl dieser Gesamtheit Xo ist. Der Beweis ist ganz einfach : sei a die Anzahl der Worter des Worter- buches, dann kann man mit n Wortern hochstens v.'L Gegensliinde dcfinieren. Lasst man nun n iiber alle Grenzen wachsen, so sieht man, dass man nie iiber eine abzlhlbare Gesamtheit hinauskommt, Die Machtigkeit der Menge der denkbaren Gegenstande Ware also X0* Herr Schoenflies hat gegen diesen Beweis eingewandt, dass man mit einer einzigen Definition mehrere, ja sogar unendlich viele Gegenstande definieren k6nne. Als Beispiel fiihrt er die Definition der konstanten Funktionen an, deren es offenbar unendlich viele gibt. Dieser Einwand ist deshalb unzulassig, weil durch solche Definitionen gar nicht die einzelnen Gegenstande, sondern ihre Gesamtheit, in unserem Beispiel also die Menge der konstanten Funktionen defimert wird, und diese

USER TRANSFINITE ZAHLEN. I*il

isl ein einziger Gegensiand. Der Einwand von Herrn Schocnflies 1st also nicht stichhallig.

Nun hat bekanntlich Cantor bewiesen, dass das Konlinuum nicht abzahlbar ist; dies vvidersprichl dem Beweise von Richard. Es fragt sich also, welcher von beiden Beweiscn. riclnig ist. Ich beliauptc, sie sind beide richtig, und der Widerspruch ist nur ein scheinbarer. Zur Begriindung dioser Behauptung will ich einon neuen Bevveis fur den Cantorschen Satz geben : Wir nehmen also an, es sei eine Strecke AB gegcben und ein Gesetz, durch welches jedem Punkte der Strecke eine ganze Zahl zugeordneL wird. Wir wollen der Ein- fachheit halber die Punkte durch die ihnen zugeordneten Zahlen bezeichnen. Wir teileii nun unsere Strecke durch zwei beliebige Punkle A! und A2 in drei Tfeile, die wir als Unterstrecken i. Stufe bezeichnen; diese teilen wir wieder in je drei Teile und erhalten Unterstrecken 2. Stufe; dieses Verfahren denken wir uns ins Unendliche forlgesetzt, wobei die Lilnge der Unterstrecken unter jede Grenze sinken soil. Der Punkt i gehort nun einer oder hochstens, wenn er mit At oder A2 zusammenfallt, zweien der Unterstrecken erster Stufe an, es gibt also sicher eine, der er nicht angehort. Auf dieser suchen wir den Punkt mil der niedrigsten Numrner, die nun mindestens a sein muss, auf. Unter den 3 Unterstrecken 2. Stufe, die zu derjenigen Strecke i. Stufe gehoren, aut der wir uns befinden, ist nun wieder mindestens eine, der der zuletzt betrachtete Punkt nicht angehort. Auf dieser sctzen wir das Verfahren fort und erhalten so eine Folge von Strecken, die folgende Eigenschaften hat : jede von ihnen ist in alien vorhergehenden enthalten, und eine Strecke ntcr Stufe enthalt keinen der Punkte i bis n i . Aus der ersten Eigenschaft folgt, dass es mindestens einen Punkt geben muss, der ihnen alien gemeinsam ist; aus der zweiten Eigenschaft folgt aber, dass die Nummer dieses Punktes grosser sein muss als jede endliche Zahl, d. h. es kann ihm keine Zahl zugeordnet werden.

Was haben wir nun zu diesem Beweise vorausgesetzt? Wir haben ein Gesetz vorausgeselzt, das jedem Punkte der Strecke eine gaiize Zahl zuordnet. Dann konnten wir einen Punkt defmieren, dem keine ganze Zahl zugeordnet ist. In dieser Hinsicht unterscheiden sich die verschiedenen Beweise dieses Satzes nicht. Dazu musste aber das Gesetz zuerst feststehen. Nach Richard mttsste anscheinend ein solches Gesetz existieren, aber Cantor hat das Gegenteil bewiesen. Wie kommen wir aus diesem Dilemma heraus? Fragen wir einmal nach der Bedeutung des Wortes , , defmierbar ' ' . Wir nehmen die Tafel aller endlichen Satze und streichen daraus alie diejenigen, die keinen H. P. - XI. r6

122 UBER TRANSFINITE ZAHLEN.

Punkt definieren. Die Uebrigbleibenden ordnen wir don ganzon Zahlen zii. Wenn wir jetzt die Durchmusterung der Tafel von neuem vornehmen, so wird es sich im allgemeinen zeigen, dass wir jetzt einige Siitze stehen lassen mussen, die wir vorher gestriclien haben. Denn die Satze, in welchen man von dem Zuordnungsgesetz selbst sprach, hatten fruher keine Bedeutung', da die Punkte den ganzen Zalilen noch niclu zugeordnet waren. Diese Siilze haben jetzt eine Bedeulung, und mussen in unserer Tafel bleiben. Warden wir jetzt ein neues Zuordnungsgesetz aufslellen, so wi'irde sich dieselbe Schwie- rigkeit wiederholen und so ad infinitum. Hierin liegt aber die Losung des scheinbaren Widerspruchs zwischen Cantor und Richard. Sei M0 die Menge der ganzen Zahlen, MI die Menge der nach der ersten Durchmusterung der Tafel aller endliclien Satze definierbaren Punkte unserer Strecke, GI das Gesetz der Zuordnung zwischen beiden Mengen. Durch dieses Gesetzkommt eine neue Menge M2 von Punkten als definierbar hinzu. Zu MI + Ma gehort aber ein neues Gesetz G2, dadurch entsteht eine neue Menge Ma usw. Richards Beweis lehrt nun, dass, wo ich auch das Verfahren abbreche, immer ein Gesetz existiert, wahrend Cantor beweist, dass das Verfahren beliebig weit fortgesetzt werden kann. Es besteht also kein Widerspruch zwischen beiden.

Der Schein eines solchen riihrt daher, dass dem Zuordnungsgesetz von Richard eine Eigenschaft fehlt, die ich mit einem von den englischen Philo- sophen entlehnten Ausdruck als ,, pradikativ u bezeichne, (Bei Russell, dem ich das Wort entlehne, ist eine Definition zweier Begriffe A und A; niclit prii- dikativ, wenn A in der Definition von A' und umgekehrt vorkommt). Ich verstehe darunter folgendes : Jedes Zuordnungsgesetz setzt eine bestimmlc Klassifikation voraus. Ich nenne nun eine Zuordnung pradikativ, wenn die zugehorige Rlassifikation pradikativ ist. Eine Klassifikation aber nenne ich pradikativ, wenn sie durch Einfuhrung neuer Elemente nicht verandert wird. Dies ist aber bei der Richardschen nicht der Fall, vielmehr andert die Ein- fuhrung des Zuordnungsgesetzes die Einteilung der Satze in solche, die eine Bedeutung haben, und solche, die keine haben. Was hier mit dem Wort ,, pradikativ £C gemeint ist, lasst sich am besten an einem Beispiel illustriererx : wenn ich eine Menge von Gegenstanden in eine Anzahl von Schachteln einord- nen soil, so kann zweierlei eintreten : entweder sind die bereits eingeordneten Gegenstande endgtiltig an ihrem Platze, oder ich muss jedesmal, wenn ich einen neuen Gegenstand einordne, die anderen oder wenigstens einen Teil von ihnen wieder herausnehmen. Im ersten Falle nenne ich die Klassifikation

"liBER TRANSFINITE ZAHLEN. 123

pradikativ, im zwciten nicht. Ein gates Beispiel far einc nicht pradikative Definition hat Russell gegeben : A sei die kleinste gauze Xahl, deren Defi- nition mehr als hundert deuLsclie "Worte erfordert. A muss existieren, da man mil hundert Worten jedenfalls nur eine endliche Anzahl vonZahlen definieren kann, Die Definition, die wir cben von dieser Zahl gegeben haben, enthtilt aber vveniger als hunderl Wortc. Und die Zahl A ist also definiert als undefinierbar.

Zermelo hat nun gegcn die Verwcrfung der nicht priidikativen Definitionen den Einwand erhoben, dass damit auch ein grosser Teil der Mathematik lunfallig wtirde, z. B. der Beweis ff'ir die Existenz einer Wurzel einer alge- braischen GleicKung.

Dieser Beweis laulet bekannllich folgendermassen :

Gegeben ist eine Gleichung F(#) = o. Man beweist nun, dass |F(#) | ein Minimum habcn muss; sei #0 einer der Argumentwerte, fur den das Minimum eintritt, also

Daraus folgt dann weiter, dass F(#0)~oist. Hier ist nun die Definition von F(#0) nicht pradikativ, denn dieser Wert hiingt ab von der Gesamtheit der Wertc von F(^), zu denen er sclbst gehort.

Die Berechtigung dieses Einwandes kann ich nicht zugeben. Man kann den Beweis so umformen, dass die nicht pradikative Definition daraus versch- windet. Ich belrachte zu diesem Zwecke die Gesanatheit der Argunaente von

der Form m "*" m , wo m, n^ p ganze Zahlen sind. Dann kann ich dieselben

Schlusse wie vorher ziehen, aber der Argumentwert, fur den das Minimum von | F (a?) | eintritt, gehort im allgemeinen nicht zu den betrachteten. Dadurch ist der Zirkel im Beweise vermieden. Man kann von jedem mathematischen Bevveise verlangen, dass die darin vorkommenden Definitionen usw. pradikativ sind, sonst ware der Beweis nicbt streng.

Wie steht es nun mit dem klassischen Beweise des Bernsteinschen Theo- rems ? 1st er einwandfrei? Das Theorem sagt bekanntlich aus, dass, wenn drei Mengen A, B, C gegeben sind, wo A in B und B in C enthalten isl, und wenn A Equivalent G ist, aucb A Equivalent B sein nruss. Es handeltsicb also aucb hier um ein Zuordnungsgesetz. Wenn das erste Zuordnungsgesetz (zwischen A und C pradikativ ist, so zeigt der Beweis, dass es aucli ein pradi- katives Zuordnungsgesetz zwischen A und B geben muss,

12$ UBER TRANSFINITE ZAHLEN.

Was nun die zweite transfinite Kardinalzahl Xi betrifft, so bin ich nicht ganz ttberzeugt, dass sie existiert. Man gelangt zu ihr durch Betrachtung der Gesamtheit der Ordnung'szahlen von der Miichtigkeit K0 ; es is I klar, dass diese Gesamtheit von hoherer Miichtigkeit sein muss. Es fragt sich aber, ob sie abgeschlossen ist, .ob wir also von ilirer Machtigkeil oline Widerspruch spreclien durfen. Ein aktual Unendliches gibt es jedenfalls nicht.

Was liaben wir von dem beruhmten Kontinuumproblem zu halten? Kann man die Punkte des Raumes wohlordnen ? Was meinen wir damit? Es sind hier zwei Falle moglich : entweder behauptet man, dass das Gesetz der Wohlordnung endlich aussagbar ist, dann ist diese Behauptung nicht bewiesen; auch Herr Zermelo erhebt \vohl nicht den Anspruch, ^ine solche Behauptung bewiesen zu haben. Oder aber wir lassen auch die Moglichkeit zu, dass das Gesetz nicht endlich aussagbar ist. Dann kann ich mil dieser Aussage keinen Sinn mehr verbinden, das sind fur mich nur leere Worte. Hier liegt die Schwierigkeit. Und das ist wohl auch die Ursache fiir den Streit fiber den fast genialen SaLz Zermelos. Dieser Streit ist sehr merkwiirdig : die einen verwerfen das Auswahlpostulat, halten aber den Beweis fiir richtig, die anderen nehmen das Auswahlpostulat an, erkennen aber den Beweis fiir richtig, die anderen nehmen das Auswahlpostulat an, erkennen aber den Bewreis nicht an.

Doch in konnto noch manche Stunde dariiber sprechen, ohne die Frage zu losen.

LA NOTATION DIFFERENTIELLE ET L'ENSEIGNEMENT

VEtiscignement niatMrnatiqac, t. 1, p. 106-110 (j5 mars iSyij).

Dans un article trfcs inte'ressant de M. H. Laurent (*) sur les malhe~matiques spe"ciales en France, je lis la phrase suivante. « Ce n'est pas, je pense, ici qu'il convient de montrer combien la notation diflferenliellc est plus commode que celle des de'rive'es; c'est aux gens compe'tents que je in'adresse et non a des cloves, et je pense que personne ne contestera la haute porte'e philosophique de la doctrine diffe'rentielle. ;>

Je ne clirai pas que j'ai lu cette phrase avec tHonnemcnt; car elle exprime une opinion assez re'panduc; mais, en ce qui me concerne, je conteste abso- lumcnt les avantages de la notation diflorcntielle et je crois qu'on ne doit 1'enseigner aux debutants que quand ils sont d'e'ja familiarises avec la notation des de'rive'es.

La notation de Leibniz, dit M. Laurent, est plus commode que celle de Lagrange. Pourquoi plus commode? J'en cherche les raisons et je n'en trouve que deux :

Si on emploie les accents pour repr6senter les de'rive'es, on sera prive" de cette ressource pour distinguer les unes des autres des quantite's analogues, mais diffe>entes ; on ne pourra plus dire, par example : soient #, y: z, eta?', y\ z] , deux points dans Fespace;

Pour faire connaitre la variable par rapport a laquelle on difl^rentie, il faut affecter les letlres d'indices qui peuvent devenir g^nants pour le typographe si la lettre porte d6ja d'autres indices pour une autre cause.

(*) Voir VEnseignement mathernatique, 1, p. 38.

126 LA NOTATION DIFFERENTIELLE.

Ge sont la des inconve'nienls tout mate'riels, tout exie'rieurs et qui peuvent £tre compense's par des avanlages de me'me ordre, tel que le suivant :

Je veux repre"senter la valeur que prend la de'rive'e dc /(#) pour x = o; je n'ai aucun moyen de le faire avec la notation de Leibniz ; avec celle dc Lagrange je n'ai qu'a 6crire/'(o).

Mais, dira-t-on, c'est la prendre la question par le petit cote. Que sont cos considerations purement materielles aupres de la haute portt$e philosophiquc d'une notation qui rappelle a chaque instant la definition, le sens proibnd des quantite's que Ton a a manier?

Helas, elle ne les rappelle que trop, et il vaudrait mieux les rappeler moins que de les rappeler imparfaitement. Neuf ibis sur dix, on n'e>itera les erreurs qu'en tachant d'oublier la signification primitive de ces symboles; c'est ce que je vais montrer bientot.

Quant a moi, j'emploie d'ordinaire la notation diffe'rentielle, d'abord parcc que c'est la langue que parlent la plupart de mes contemporains et ensuite a cause des petites raisons mat6rielles que j'ai expose'es plus haut. Mais si j'e'cris en diffe'rentielles , le plus souvent je pense en de'rive'cs.

J'ai dit que la notation diffe'rentielle est impartaite et nous expose a 1'erreur; c'est ce qu'il me reste a demontrer.

Tout va bien quand on se borne aux diffe'rentielles du premier ordre et quand il n'j a qu'une variable mde"pendanle. Oh alors, j'approuve sans reserve lout ce qu'on peul dire au sujet de la port6c philosophique du symbole leibnizien el de ses avantages.

Mais, des que Ton passe aux de'rivees du second ordre, on nage dans Pabsur- dit6; soit z une fonction d'une variable y qui est elle-mOmc fonction de x\ j'ecris

d'*s _ cfiz dy- dz d-y ~cLv* ~~ ~df* TUP "*~ "dy ~dx^

Dans cette formula j'e'cris deux fois d^z, et cc symbole a deux significations differentes. Dans le second membre, il signifie que si je donne a y deux accroissements successifs egaux, la fonction z subit deux accroissernents successifs dz et dz -^d^z* Dans le premier, il signifie que si je donne a x deux accroissements successifs <§gaux, d'ou re"sultent pour y deux accrois- sements successifs inegaux, la fonction z subit deux accroissements successifs dz et dz + d*z.

LA NOTATION DIFFERENTIELLE. 127

La difficult^ s'aggrave si Ton a plusieurs variables ind(5pendantes ; j'^cris

, dz , dz dz = -r- ax H dr. dx dy J

La encore nous avons trois fois le symbole dz avec trois significations diff6- rentes. La premiere fois dz repr^sente 1'accroissement subi par z quand x et y se changent en x + dx et y -+- dy ; la seconde fois 1'accroissement de z quand x ety se changent en x-\-dx ety; la troisi&me fois 1'accroissement de z quand x et y se changent en x et y -+- dy.

Que de pi^ges a £viter ! Aussi les debutants ne les <5vitent-ils pas. J'ai vu un 6l£ve intelligent et d£ja avanc£ exposer comme il suit la ihgorie de la vitesse du son, en masquant settlement par quelques artifices ce que sa demonstration avait de choquant.

Nous avons a int^grer liquation

je divise par d-z et je multiplie par d^r'2 ; j'ai

d'ou

dx

ce qui prouve que le son peut sc propager dans les deux sens avec la vitesse a.

« C'est singulier, r^pondait Fexaminateur, excellent physicien que je ne veux pas nommer; votre demonstration est bien plus simple que toutes celles que je connaissais » ; et il lui donna la note 19.

Si je voulais &tre m^chant, il ne serait pas difficile de trouver des erreurs analogues dans des livres imprimis.

L'emploi des d ronds est un palliatif insuffisant. Ce n'est pas deux formes de d qu'il faudrait, il en faudrait cinq, il en faudrait dix.

Pourquoi en somme est-on peu choqu6 de ces anomalies, pourquoi engen- drent-elles relativement peu d'erreurs? C'est parce qu'on oublie 1'origine de ces notations, qu'on ne consid^re pas -T~ comme le quotient de deux qualities d-z et dx1 envisag(jes s6par6ment, mais qu'on regarde au contraire cette frac- tion comme un bloc, comme la dt5riv£e seconde de z par rapport a x. C'est en un mot parce qu^on pense en derivees.

II faut done apprendre & penser en d^riv^es ; quand on aura pris cette habi- tude on pourra sans danger se servir de la notation leibnizienne. Ilestclairque

128 LA NOTATION DIFFERENTIELLE.

le meilleur mojcn de donner cette habitude aux eleves, c'cst clc leur enseigner d'abord la notation de Lagrange. Quand ils s'eront familiarises avec cc langagc, quaiid ils s'en seront servis dans de nombreux exercices, quand ils sauronl faire un changement de variables, on pourra sans inconvenient leur parler de la notation de Leibniz. Jusque-la on doit s'en abslenir, ou tout au moins se borner aux differentielles du premier ordre et settlement dans le cas ou il riy a gu'une variable independante.

Si au contraire des le debut on veut leur apprendre a la ire des changcments de variables avec la notation de Leibniz, ils ne sauront jamais les fairc correc- tement.

Je ne veux pas dire qu'il ne faut pas, plus tard, leur enseigner la notation diffe'rentielle ; ils faut qu'ils puissent manier ce langage qui est usite" par lout le monde, de m&mc qu'il faut savoir 1'allemand, bien que cette langue ait des regies de construction ridicules et un alphabet qui n'a pas de sens comnum, parce qu'elle est parl6e par soixante millions d'hommes dont beaucoup soul des savants.

II est un cas cependant ou la notation diffe'rentielle reprend tons ses a van- tages, ou ses inconve"nients disparaissenl, et ou Ton ne pent lui refuser une haute valeur philosophique et Educative. C'est celui ou 1'on n'envisage quo des diffe'rentielles du premier ordre et avec une seule variable inde'pendanle. II peut 6tre utile de se familiariser de bonne heure avec celte notion, d'apprendre ainsi a raisonner correctement sur les infmiment petits. On comprenclra ainsi tacilement la the'orie des petites erreurs, si importante pour la pratique.

En re'sume", en mathdmatiques spticiales, on doit employer presque exclusi- vement la notalion de Lagrange; on fera connaitre aux (Sieves les difl'drenliello.s premieres, en insistanL surtout sur le cas ou il n'j a qu'une variable indepen- dante. Si Ton aborde le cas ou il y en a plusieurs, on se servira exclusiveuiont de la notation de Lagrange pour les de'rive'es partielles ; on n'e'crira jamais

if f)f i ()/' r

d = -/- dx -+- -: - dy\ J dx dy </5

mais

clf^Jldx-*-j"ydy,

On s1 abstiendra absolument de parler des differ etitielles secondes. A Pficole polytechnique et dans les Faculty's, on enseignera la notation diffe'- rentielle et on 1'emploiera de pr6fe"rence.

LA LOGIQUE ET I/INTUITION

DANS

LA SCIENCE MATHEMATIQUE ET DANS L'ENSEIGNEMENT

L'eiiseignetnent niatkematique, t. J, p. 157-1612 ( i5 mai 1889).

Pour bien faire comprendre la question que je vais trailer et qui est a mes yeux d'une importance capilalc pour Penseignemcnt mathgmatique, il faut que jc jette un petit coup d'oeil retrospectif sur 1'histoire du de'veloppement de la science.

Si nous lisons un livre 6crit il j a cinquante ans, la plupart des raisonne- ments que nous j trouverons nous sembleronl de'pourvus de rigueur.

On admcLtait a cette 6poque qu'une fonction continue ne peut pas changer de signe sans s'annuler; on le de'nionlre aujourd'hui; on admettait que les regies ordinaircs du calcul sont applicables aux nombres incommensurables ; on le clgmontre aujourd'hui. On admeUait bien d'autrcs choses qui quelquefois etaient fausses.

Nous voyons done qu'on a marcli6 vers la rigueur; j'ajouterai qu'on Fa alteinte et que nos raisonnements ne paraitrontpas ridicules a nos descendants ; je veux parler, bien entendu, de ceux de nos raisonnements qui nous satisfont.

Mais comment a-t-on atteinl la rigueur? C'est en restreignant de plus en plus la part de 1'intuition dans la science, et en faisant plus grande celle de la logique formelle. Autrefois, on partait d'un grand nombre de notions, regard <3cs comme primitives, irre'ductibles et inluitives ; telles <5taiont celles de nombre entier, de fraction, de grandeur continue, d'espace, de point, de ligne, de surface, etc. Aujourd'hui une seule subsiste, celle du nombre entier; toutes les autres n'en sont que des combinaisons, et a ce prix on atteint la rigueur parfaite.

Nos peres inscrivaient dans une aire plane une se>ie de rectangles, et obtenaient comme limite de la somme de ces rectangles une inte'grale qui repr^-

H. P. XL 17

l3o LA LOGIQUE ET L'lNTUITION.

sentait cctte aire plane. En effet, disaient-ils, la difference entre la surface cherchee et la somme tend vers zero ; car on pent la rendre plus petite que toute quantity donne'e. Us faisaient ce raisonnement sans scrupule, parce qu'ils crojaient savoir ce que c'est qu?une surface. Nous, au contraire, ce raisonne- ment ne nous satisfait plus, parce que nous savons qu'on ne sait pas ces choses- la en naissant, qu'on ne peut savoir ce que c'est qu'une surface que quand on sait le calcul integral. Nous ne demontrons plus que la surface est e'gale a 1'integrale, mais nous considerons 1'integrale comme la definition de la surface. Cette notion de surface, autrefois fondle sur 1'intuition, ne nous parait plus legitime par elle-meme.

D'autre part, les notions mathematiques n'ont acquis cette purete parfaite qu'en s'eloignant de la realite. On peut parcourir tout le domaine mathema- tique sans rencontrer aucun des obstacles qui le herissaient autrefois ; mais ces obstacles n'ont pas disparu, ils ont seulement ete transport's a la frontiere; et 1'on aura a les vaincre de nouveau si Ton veut franchir cette frontiere pour entrer dans le domaine de la pratique.

On possedait une notion plus ou moins vague, forme'e d'elements disparates, les uns a priori, les autres fournis par la generalisation de donn6es d'expe- riences ; on croyait connaitre par intuition ses principales proprietes. Aujour- d'hui on rejette tous les elements empiriques, on ne conserve que les elements a priori; on prend 1'une des proprietes pour definition et on en deduit toutes les autres par un raisonnement rigoureux. Mais il reste a prouver que la propriete qui sert de definition appartient en effet aux objets reels, que nous connaissions par 1'experience, et d'ou nous deduisions autrefois la notion intuitive par une generalisation inconsciente. G'esl ce que M. Milhaud a fort bien mis en evidence dans la these qu'il a soutenue devant la Faculte des Lettres de Paris.

Voila dans quel sens la science a evolue depuis un demi-siecle.

C'est alors qu'on vit surgir toute une foule de fonctions bizarres qui semblaieiit s'efforcer de ressembler aussi peu que possible aux honne'tes fonctions qui servent a quelque chose. Plus de continuite, ou bien de la continuite, mais pas de derivees, etc. Bien plus, au point de vue logique, ce sont ces fonctions etranges qui sont les plus generates ; au contraire, celles qu'on rencontre sans les avoir cherchees, et qui suivent des lois simples, n'apparaissent plus que comme un cas tres particulier; il ne leur reste plus qu'un tout petit coin.

Autrefois, quand on inventait une fonction nouvelle, c'etait en vue de

LA LOGIQUE ET L'lNTUITION. l3l

quelque but pratique ; aujourd'hui, on les invente tout expr£s pour mettre en defaut les raisonnements de nos p&res, et on n'en tirera jamais que cela.

Or, si la logique doit 6tre notre seul guide dans les questions d'enseignement, c'est e>idemment par les fonctions les plus bizarres qu'il faut commencer. C'est le debutant qu'il faut d'abord familiariser avec ce mus£e t6ratologique. Faute de 1'avoir fait, on n'atteindra jamais la rigueur, ou on ne 1'atteindra que par Stapes.

Voila a quoi la logique absolue voudrail nous condamner; devons-nous lui fairc ce sacrifice? Telle est la question a laquelle, pour mon compte, je n'h^site pas u repondre non.

Sans cloute il est dur pour un maitre d'enseigner un raisonnement qui ne le satisfait pas enti&rement; et ce ne sera a ses jeux qu'un palliatif insuffisant de dire : nous admettons que, ou : il arrive souvent que, au lieu de dire : il est Evident que.

Mais la satisfaction dxi maitre n'est pas 1'unique objet de 1'enseignement, et Ton doit se prt^occuper avant tout de ce qu'est 1'esprit de l'6l£ve et de ce qu'on veut qu'il devienne.

Les zoologistes pretendent que le d^veloppement embrjonnaire d'un animal resume en un temps tr£s court toute 1'histoire de ses anc^tres des epoques g^ologiques. II semble qu'il en est de m6me du developpement des esprits. La tache de 1'educateur est de faire repasser 1'esprit de 1'enfant par ou a pass6 celui de ses p&res, en passant rapidement par certaines Stapes mais en n'en supprimant aucune. A ce compte, 1'histoire de la science doit &tre notre guide.

Quand un £l&ve commence s6rieusernent a etudier les math^matiques, il croit savoir ce que c'est qu'une fraction, ce que c'est que la continuity, ce que c'est que 1'aire d'une surface courbe ; il consid£re comme Evident, par cxemple, qu'une fonction continue ne peut changer de signe sans s'annuler. Si, sans autre preparation, vous venez lui dire- : Non, tout cela n'est pas Evident, il faut que je vous le demontre ; et si dans la demonstration vous appujez sur des premisses qui ne lui semblentpas plus ^videntes que la conclusion, que pensera ce malheureux? II pensera que la science math6matique n'est qu'un entasse- ment arbitraire de subtilit^s inutiles ; ou bien il s'en d^goutera, ou bien il s'en amusera comme d'un jeu et il arrivera a un 6tat d'esprit analogue a celui des sophistes grecs.

Au contraire, quand il sera plus avanc^, quand il se sera familiarise avec le raisonnement mathematique e! que son esprit se sera muri par cette fr£quen-

132 LA LOGIQUE ET L'lNTUITION.

tation meme, les doutes naitront d'eux-m£mes, et alors votre demonstration sera la bien venue. Elle en eveillera de nouveaux, et les questions se poseront successivement a 1'enfant, comme elles se sont poshes successivement a nos p&res, jusqu'a ce que la rigueur parfaite puisse seule le satisfaire. II ne suffit pas de douter de tout, il faut savoir pourquoi Ton doute.

Ce n'est pas tout; j'ai dit qu'au point de vue de la pure logiquo, il no resle plus qu'une notion irr6ductible, celle du nombre enlier, et que toutes les autres n'en sont que des combinaisons. Mais des combinaisons pareilles, on en pent imaginer des milliers ; pourquoi celles-la plutot que d'autres? Le choix ne s'explique que par le souvenir de la notion intuitive dont cette combinaison a pris la place; et si ce souvenir m&me fait d6faut, le choix semblera injuslifi(5. Or, pour comprendrc une th^orie, il ne suffit pas de constater que le chemin que Ton a suivi n'est pas coup<5 par un obstacle, il faut se rendre compte des raisons qui Font fait choisir. Pourra-t-on done jamais dire qu'on comprend une thcSorie si on veut lui donner <Tembl<Se sa forme definitive, cellc que la logique impeccable lui impose, sans qu'il reste aucune trace des tatonnements qui j ont conduit? Non, on ne la comprendra pas r<5ellement, on ne pourra mtime la retenir, ou on ne la retiendra qu'a force de 1'apprendre par cceur.

Le but principal dcPcnseignementmath6matique est de d^velopper certaines faculties de 1'esprit, et parmi elles 1'intuition n'est pas la moms pr6cieuse. C'cst par elle que le mondc mathemalique rcste en contact avec le monde rtfel; et quand m6me les mathtjmatiques pures pourraient s'en passer, il faudrail toujours y avoir recours pour combler 1'abime qui s(5pare le symbole dc la r£alit(3. Le praticien en aura done toujours besom, et pour un genome- tre pur il doit y avoir cent praticiens.

Mais pour le g£om&tre pur lui-m£mc, cette faculty est necessaire; c'est par la logique qu'on d^montre, mais c'est par Fintuition qu'on invente ; et il ne suffit pas d'etre & m6me de critiquer les th6or&mes des autres, il faut en inventer de nouveaux. II ne suffit pas de savoir faire des combinaisons correctes, il faut poss^der Part de choisir entre toutes les combinaisons possibles. Get art, j'ui dit plus haut pourquoi, c'est Fintuition qui nous 1'apprend. Sans elle le g^om^tre serait comme un 6crivain qui serait ferr6 sur la grammaire, mais qui n'aurait pas d'id^es.

Or, comment cette faculty sc d6velopperait-elle si d6s qu'elle se montre, on la pourchasse et on la proscrit, si on apprend a s'en d6fier avant de savoir ce qu'on en peut tirer de bon?

LA LOGIQUE ET L'lNTUITION. 1 33

Mais 1'art de raisonner juste n'est-il pas aussi une quality precieuse, que le professeur do rnath^matiques doit avant tout cultiver? Je n'ai garde de 1'oublier, et on doit s'en pntoccuper avant tout d&s le d(±but; mais^on a assez d'occasions d'exercer les £l6ves au raisonnement correct, dans les parties des math^matiques ou les inconv^nients que j'ai signals nc se pr^sentent pas. On a de longs enchainements de th<5or6mes ou la logique absolue a r6gn£ du premier coup el pour ainsi dire tout naturellement, qui ont par consequent consent la forme que les premiers gttom&tres leur avait donn^e.

Ce qu'il faut 6viter seulement, c'est de chercher la petite b6te dans 1'exposi- tion des premiers principes. Celan'emp6cliepas d'apprendre a raisonner juste, pourvu que Ton aitsoin de ne pas donneraux 6ltjves des id^es fausses, Quelque- fois il faudra pour cela beaucoup de tact de la part du maitre; souvent il lui suffira, comme je 1'expliquais plus haut, de dire : nous admettrons que, au lieu de dire : il est Evident que.

Parmi les jeunes gens qui recoivent une Education mathtoatique complete, les uns doivent devenir des ing&nieurs; ils apprennent la Geometric pour s'en servir; il faut avant tout qu'ils apprennent a bien voir et a voir vite ; c'est de 1'intuition qu'ils ont besoin d'abord. Les autres, moins nombreux, doivent a leur tour devenir des maitres ; il faut done qu'ils aillent jusqu'au fond; une connaissance approfondie et rigoureuse des premiers principes leur est avant tout indispensable. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas cultiver chez eux 1'intuition, car ils se fcraient une idee fausse de la science s'ils ne la regar- daient jamais que d'un seul cottf, et d'ailleurs ils ne pourraient d^velopper chez leurs 6l£ves une qualite qu'ils ne possdderaient pas eux-m^mes.

J'ai (5crit un bien long article sur une question bien abstraite et bien g£n£- rale. Pour que le lecteur me le pardonne, je vais (Snoncer quelques conclusions precises.

En sp6ciales et dans la premiere ann^e d'ficole Poly technique, on ne parlera pas des fonctions sans d6riv6es, on n'en parlera que pour dire : il peut y en avoir, mais nous ne nous en occuperons pas.

La premiere fois qu'on parlera aux dl&ves des int^grales, il faudra les d^fmir par les surfaces et ce n'est que quand ils auront pris beaucoup d'int^grales qu'on leur donnera la definition rigon reuse.

NOTES

Dans les tomes I a X des GEuvres de Henri Poincare a <H<3 ins<5r£ P ensemble des articles, notes, mdmoires, a caract£re scientifique et classes par Ernest Lebon dans sa Bibliographic analytique des ecrits de Henri Poincare dans les sections Analyse math^matique, M^canique analytique et M6canique celeste, Physique math^matique. Figurent reproduits ci-dessus dans la premiere partie du tome XI quelques textes parmi les plus importants des publications de Henri Poincar£ classes dans la Bibliographie d'E. Lebori dans les sections Philosophie scientifique (articles, discours, conferences), Histoire des Sciences (discours n^crologiques, articles et notices n^crologiques, discours, rapports, articles, prefaces, analyses), Publications diverses (notes, articles, confe- rences, discours, rapports, prefaces, analyses). Nous y avons ajcmUS en outre les correspondances entre Henri Poincar^ et Mittag-Leffler, L. Fuchs et F. Klein publfees dans les tomes 38 et 39 des Ada mathematica.

La Bibliographie d'Ernest Lebon mentionne done un grand nombre d'ecrits, qui ne seront pas ins(5r6s dans les ceuvres scientifiques. Parmi ceux-ci nous signalerons notamment Pimportante s6rie d'articles publics par Henri Poincare dans la Revue de Metaphysique et Morale. Toulefois ceux-ci ont pour la plupart <H6 r6ins£r6s sans modification par Henri Poincar6 dans ses Ouvrages de Philosophie scientifique. Citons : Le continu math6matique (Rev. Met. Mar., t. 1, 1898, p. 26-34) dans La Science et Vhypothese (chap. 2) ; Sur la Nature du raisonnement math&matique (ibid., t. 2, 1894, p. 371-384) dans La Science et Fhypothese (chap. 1); L'espace et la g£om£trie (ibid., t. 3, 1894, p. 63 1-646) dans La Science et Vhypothese (chap. 4) ; La mesure du temps (ibid., t. 6, 1898, p. i-i3) dans La valeur de la Science (chap. 2) ; Sur lavaleurobjectivede la Science (ibid., 1. 10, 1902, p. 263-2g3) dans La valeur de la Science (chap. 11) ; Uespace et ses trois dimensions (ibid., 1. 11, 1908, p. 28i-3oi et 4o7~4°9) dans La valeur de la Science (chap. 4) ; Les Mathg- matiques etla Logique (ibid., 1. 13, igoS, p. 8i5-835 et 1. 14, 1906, p. 17-34

NOTES. l35

et 294-317) dans Science et Methods (chap. 3) ; La logique de Vinfini (ibid., t. 17, 1909, p. 4^1-482) dans Dernieres pensees (chap. 4). De m6me la celebre conference de Henri Poincare' au Congres international des Mathe'maticiens tenu a Ziirich en 1897, Sur les rapports de V Analyse pure et de la Physique mathematique (Acta Math., t. 21, 1897, P- 33i-34i) a gte* re'inse're'e par H. Poincar£ dans La valeur de la Science (p. i36-i55) et 1'adresse de Henri Poincare' a la Section de Mathe'matiques du Congres international d'Arts et de Science de 1'Exposition universelle de Saint-Louis : L^etat actuel et V avenir de la Physique mathematique (Bull. Sc. math., 2C s(3rie, t. 28, ire partie, 1904, p. 802-824) ft cite republic^ dans La valeur de la Science (p. 170-21 1).

HOMMAGES

A HENRI POINCARE

HENRI POINCARH EN MATHEMATIQUES SPECIALES A NANCY

PAH P. APPELL

(Lettre a M. Mittag-Leffler . )

Acta Mathematica^ t. 38, p. 189-195 ( 1921 ).

Vous me demandez, mon cher ami, de vous raconter mes souvenirs de College sur Henri Poincar6. Je vais tacher de le faire, le plus simplemenl possible, avec le seul souci de la sinc£rit6 eL de la v6rit(3, sans me laisser dominer parl^motion que soul^ve en moi Invocation de ces annexes dejeunesse, & la fois si lointaines et si proches, ou naquil entre Poincar<3 et moi une amiti6 profonde, cliaque jour accrue, si cruellement brisc^e.

G'est en oclobre 1872 que je le vis pour la premiere fois.

Apr6s les fetes de Paques, ma m6re m'avait envoy 6 de Strasbourg a Nancy, pour suivre la classe pr^paratoire a 1'ficole Poly technique. Je tombai, jeune £colier inexp£riment6, dans la classe de M. Pruvost, qui voulut bien m'admettre, quoique les cours fussent tr6s avanc^s, et qui me donna des conseils dont je lui garde une grande reconnaissance. A la rentr^e d'octobre, la classe de sp6ciales fut confine a un jeune agr6g6 des plus distingu6s, Elliot (d), math^maticien de valeur qui eut la plus heureuse influence sur tous les 6l&ves.

C1) Elliot, £leve de la promotion de 1866 & PEeole Normale, agr«5g6 en 1869, docteur en 1876 apras soutenance d'une these : Determination du Jiombre des integrates abeliennes de premiere espece (Ann. tc. Norm. Sup., 2C s6rie, t. 4); collaborates des Acta; mort en 1894, £tant pro- fesseur a la Facult^ des Sciences de Besancon. Je tiens de M. le Recteur Liard le fait suivanl : pendant les vacances de Piques en 1878, Elliot, rencontrant ^ p^ris son camarade Liard, lui dit « J'ai dans ma classe un £leve qui est un monstre de math6matiques »; il parlait de Poincare" (P.A.).

l4o H. POINCARE EN MATHEMATIQUES SPECIALES.

D£s la premiere classe, un de mes camarades me dit, on montrant Poincare : « voila un type tr&s fort, il vient d'etre recu second a 1'ficole Foresti&re, il a remporte le premier prix de malh^matiques el^mentaires au concours general, il a r^solu tout seul 1'ann^e derni^re le probl^me donn^ a 1'ficole Polytech- nique ».

La pliysionomie de Poincard me frappa : il n'avail pas, a premiere vue, le type ordinaire de Thieve intelligent : il etait comme absorb** dans ses pcnsees interieures, avec des yeux en quelque sorte voiles par la reflexion : quand il parlait, ses yeux s'animaient d'une expression de bont<5, a la fois malicieuse et profonde. Je me sentis allirt} vers lui : comme nous (Hions externes tous deux, nous ediangeames quelques mots en sortant. Je fus frapp6 de sa fagon de parler un pen breve et saccad6e, entrecoup^e de longs silences.

D&s les premieres interrogations en classe, sa superiority apparut dclatante : il r(5pondait aux questions en supprimant les raisonnements intermediaires, avec une bri£vet6 et une concision telles, que le professeur lui demandait toujours de d^velopper ses r^ponses : il lui disait : « Si vous ri^pondez uinsi a Fexamen, vous risquez de n'^tre pas compris ».

Nous primes Phabitude, Poincar6 et moi, de causer en sortant de classe et bientot nous fumes tout a fait lies.

Deux de nos camarades demeuraient assez loin du Iyc6e ; 1'un nanct^ien, Henry, aujourd'bui professeur agr(5g(5 au lycue do Saint-Qucntin, habitait en ville, rue de Malzeville ; 1'autre strasbourgeois, Hartmann, aujourd'liui comman- dant d'arlillerie en relraite, chef des travaux de M^canique a IMicobi Polytecb- nique, habilaitle village de Malz6ville. Accompagner ces deux camarades devint notre promenade quolidiennc aprtis la classe de 1'aprcis-midi. Nous no prenions pas toujours le chernin le plus court. Parfois, tout en discutant un probl^me de matb^matiques, nous interrompions notre promenade : surle nmr voisin, Poin- car6 tracait du doigt une figure g£om6trique id^ale, qui nous aidait & suivre son raisonnement. Apr&s avoir traverse la grande rue Ville-Vieille, nous fran- chissions les portes de la Craffe et de la citadelle, pour arriver jusqu'a la rue de Malzeville, ou nous laissions Henry; quelquefois nous allions plus loin, mais, ordinairement, nous revenions Poincar^ et moi, seuls ou avec Hartmann, et nous allions jusqu'a la porte de Poinear<3: 6, rue Lafayette. Nous parlions des grands 6v£nements qui venaient de bouleverser notre pays, do la guerre, de la Commune, de la liberation du territoire, de FAlsace-Lorraine et de son immuable attachement a la France : puis aussi des incidents de la vie publique,

H. POINCARE EN MATHEMATIQUES SPECIALES. l4l

de Election Barodet-Re"musat, des d^bats de l'Assemblt5e nalionale, des partis politiques ....

Nancy 6tait occup£ par les vainqueurs ; la tristesse de la d<*faite, 1'annexion de FAlsace-Lorraine pesaient lourdement sur nos entretiens : mais nous avions une confiance enti&re dans 1'avenir : nous de'sirions que Thiers put fonder une Re^publique ordonn^e et active, qui nous apparaissait comme le regime le plus capable de relever la Patrie el de lui rendre sa place dans le monde. Cette opinion, qui 6tail celle de la grande majority de nos camarades, se manifesta quand Thiers fut renvers^ le 16 mai : une adresse dc sjmpatliie el de protes- tation, au President tombed, circula sur les banes, pendant une classe d'Allemand, et fut signec par tous les 6l£ves de sp^ciales, a 1'exceplion d'tm seul.

Dans nos promenades nous parlions aussi, comme on peut le penser, de nos etudes, des probl&mes pos6s par noire professeur, des generalisations qu'on pouvait leur apporter, des solutions fournies par la g6ome"trie. II nous arrivail quelquefois de philosopher : Poincar^ souriait doucement de la psychologic et de la the"odic6e naives qu'on enseignait alors en vue du baccalaur6at. Je me souviens 6galement de longues conversations, sur les raisons scientifiques et philosophiques de croire a F existence de la vie dans les autres plan&tes.

Poincar^ lisait beaucoup : il etudiait Falg6bre de J. Bertrand, Fanalyse de Duhamel, la g£om6trie superieure de Chasles, la geometric de Rouch6. Avec la plus grande simplicity et la camaraderie la plus cordiale, il donnait a ses condisciples tous les renseignements et toutes les explications qu'ils d^siraient. II avait des apercus synth^tiques des probl&mes ; ainsi, le professeur ayant demand^ le lieu g6om6trique des points d'ou 1'on voitune ellipse sous un angle donn<5, Poincar6 dit imm6diatement : la tangente de Tangle sera un rapport; au num<§raleur se trouvera le premier membre de liquation de 1'ellipse, au d^no- minateur le premier membre de liquation du cercle lieu des sommets des angles droits circonscrits : il reste a voir seulement avec quels exposants et quels facteurs constants, figureront ces polynomes. Dans les problemes de G^om(5lrie analytique il donnait des solutions g<3om£triques souvent tr6s (5l6gantes. En voici des exemples qui me reviennent a. la m^moire :

A la question de trouver analytiquement le lieu des projections, d'un point fixe, P, sur les tangentes a une parabole, Poincar6 donna imm^diatement la solution g6om6trique suivante. Soient F le foyer, AB la tangente au sommet de la parabole, TH une tangente qui rencontre AB en H, M la projection de P sur cette tangente ; projetons F sur PM en I et prenons PK. £gal et parall&le

142

H. POINCAR£ EN MATHEMATIQUES SPECIALES.

a FH, de m^me sens que FH ; le point I de"crit une circonfe'rence de diametre PF, le point K une droite DD' parallele a AB. On peut done deTmir le lieu du point M a 1'aide d'une droite et d'un cercle, de la facon suivante : on donne une circonfe'rence et une droite fixes, un point P fixe sur la circonfe'rence, on mene par P une s^cante variable PKI qui coupe la droite en K, la circonfe'rence en I, et on prend, sur cette se'cante, IM = PK, les deux segments ayant le meme sens ; trouver le lieu du point M. Partant de la, Poincare' discute la forme de la courbe suivant les positions relatives de la droite et du cercle, trouve 1'asymptote, les tangentes au point P, et reconnait les cas particuliers ou lu courbe est une cissoide ou une strophoiide.

Fig. i.

Fiff. 2.

Pour re"soudre le problfeme de Gt3ome"trie analytique, de trouver les directions de diametres conjugu^s communes £ deux coniques donne'es, Poincar6 rend les coniques concentriques en conside'rant en m^me temps les coniques conjugiuSos ; il fait varier 1'une d'elles homoth^tiquement par rapport au centre commun, jusqu'a ce qu'elles soient bitangentes (si cela est possible) : la corde des contacts AAr et la parallele aux tangentes communes en A et A' forment le syst£me cherch^; la discussion d^coule facilement de cette me"thode.

Notre professeur donnait quelquefois des devoirs sp^ciaux aux 6l^ves les plus avanc^s : un de ces exercices consistait dans 1'e'tude des fonctions

ex _j- e~ x ex -^ e—x . . , . . . ,

, : addition des arguments, division par deux et par trois.

Tandis que nous cherchions & re'soudre directement la question, Poincare' se servant de la formule d'Euler qu'il avait vue dans Duhamel, ramena imme'dia- tement le probleme aux fonctions circulaires.

H, POINCARE EN MATHiMATIQUES SPECIALES, l43

En Physique, il s'int<3ressait beaucoup au cours qui 6tait tr&s bien fait ; la Chimie par centre, enseign^e par le m£me professeur, 1'ennuyait, probablement parce qu'il etait visible que le professeur ne s'j int6ressait pas. Ce professeur, qui nous enseignait aussi la M^canique, nous donna un jour a trailer, comme exercice, F^tude du mouvemenl d'un point qui peut glisser sans frottement sur une droite tournant, dans un plan horizontal, avec une vitesse angulaire constante co, autour d'un dc ses points supposd fixe. Le professeur croyait que la trajectoire £tait toujours une spirale logarithmique. Poincar^ contesta son raisonnement, en imaginanl un observateur qui serait entrain^ avec la droite et qui observerait le mouvement relatif. II donna liquation exacte du probl&me :

/= 0)2 7'

et en conclut la veritable trajectoire. Le professeur maintint son opinion el 1'on prit comme arbitre le professeur Bach de la Faculty des Sciences, qui dut donner raison a l'6l&ve.

Au concours general de math^matiques spe'ciales, la composition de Poincar6, non seulement fut class^e la premiere sur P ensemble de Paris et des departe- menls, mais fut Lr6s remarqu^e des correcteurs.

A 1'approche des examens, notre professeur manifestait de plus en plus la crainte que Poincar6 fit des r6ponses trop elliptiques, qui pourraient paraitre obscures aux examinateurs. II arriva, en effet, qu'al'EcoleNormale Sup6rieure, un. des examinateurs, mort aujourd'hui, trouva que Poincart§ s'exprimait mal et qu'il ne serait pas un bon professeur ; aussi lui donna-t-il une note qui, a notre stupefaction g(5nc5rale, le fit recevoir cinqui&me. fitrange destin^e du g6nie qui ne pcutrentrer dans les classifications des hommes ordinaires ! Erreur moins grave pourtant que celle qui fit refuser Galois a TEcole Polytechnique, sur une question relative aux logarithmes> a la suite d'une discussion, dans laqueile il avait eu raison contre son examinateur.

A ce mfime concours de 1'Ecole Normale^ se place un incident amusant. Les candidats admissiblos, devaient fairo a Paris, au moment des examens oraux, une <5pure de G6om6trie descriptive : en voici le sujet, que je dois a Tobligeance de M. Caron, alors maitre d,e conferences de G£om<3trie descriptive a 1'ficoie.

« Intersection d'un hyperboloi'de de revolution et d'un cone de revolution dontles axes se rencontreut. Le centre de rhyperboloi'de est ie point x = o, y=: 10 cm, z= 10 cm; 1'axe est vertical; le rayon du cercle de gorge est de

1 44 H. POINCARE EN MATHEMATIQUES SPECIALES.

2 cm; enfm les generatrices font, avec Faxe, un angle de 45°. Le sommet du cone est le point # = 0,7 = 10 cm, s = 9 cm : Faxe est parall&le a la ligne de terrc et les generatrices font, avec Faxe, un angle de 45°. Solide commun ».

Poincare, qui ne voyait aucun intent mathematique a tracer des lignes de rappel et a faire un dessin minutieux qui 1'ennuyail, prefera, apr&s avoir mis Louies les donnees en place, chercher par le calcul liquation de la projection horizontal de la courbe d'inlorsection. II ironva ainsi cette courbe, avec une perfection qtie n'alteignirent pas ceux qui avaient employ^ les constructions classiques : mais, en la dessinant sur sa feuille, il eut une distraction et la placa a Fenvers, la faisant tourner dc 180°. Le correcteur fut tr6s intrigue par eetle solution, a la fois inexacle el parfaite.

Apres les examens de FEcolc Normale, nous revinmes a Nancy, faire les compositions ecrites pour FEcole Poly technique du 4 au 6 aoul 1878. Nous trouvames la ville dans Fallegresse : des drapeaux partout, a toutes les nutisons, a toutes les voitures, jusqu'aux charrettes des laitiers ou des maraichers : les troupes allemandes venaicnt de partir, et precisemcnt, pendant la. composition de lavis, Favant-garde de Farmee francaise fit son entree a Nancy. Jour do joie et de delivrance, bien melancolique pour nous, les Alsaciens, qui ne pouvions pas perdre de vue que la liberation du territoire frangais allait s'amHer, pour longlemps peut-6lre, aux Vosges. Poincare, rendu nerveux par Femotion, avait particulieremenlmalreussi son la vis, exercice uuquel iln'excellailpas d'ailleurs; il avait colle sa feuille de papier trop vile, puis il avait etendu trop rapidomonl les couches d'encrc de Chine successives, avant que les precedonlos fusscuit s^ches. II avait hate de rejoindre, a FHotel de Ville, su famille qui atlendaii Farrivec des troupes frangaises sur la place Stanislas.

Pendant que nous preparions les examens oraux de FEcole Poly technique, Poincare, pour rendre service, consentaita interroger ses camarades : il prenait les feuilles d'examens et, imitantles intonations des examinateurs, reproduisant leurs habitudes d'esprit, il poussait des colles terribles, dont il riait ensuito discrtitement. II demandait, par exemple, a un candidat, de construire la courbe

' , /

yi -h sin 2 3

de chercher Fasymptote, les points de rencontre de la courbe et de Fasymptote avec les axes, avec la bissectrice des axes . , . points qui comcidaient tous, jusqu'a ce qu'enfin le candidat decouvrit que la courbe se confondait avec son

H. POINCARE EN MATH&MATIQUES SP^CIALES. l45

asymptote. Je le vois encore disant, avec un air de pince-sans-rire, a un candidat d'un college voisin, terrifie par cette revelation, que Uexaminateur Moutard demandait les propriety du lim.ac.on de pascaloide de revolution.

Apres des examens tres brillants etun examen de G6ometrie particulierement remarquable avec Tissot, il futregu premier a Fficole Poly technique.

Nous nous retrouvames, a la rentr^e suivante, a Paris, Poincare" a 1'ficole Polytechnique, et moi a 1'Ecole Normale. Mais je dois m'arr^ter, puisque je ne parle que de Nancy.

Vous voyez, mon cher ami, que, des le lyc£e, Poincar£ etait un grand intuitif, rapide et sur, pe"n6trant et fin, un bon frangais, un ami fidele, un. camarade simple et d6vou6 : tel il 6tait alors, tel je 1'ai toujours connu, admire et aime.

Paris, le 22 decembre 1912.

H. P. - XI. rcj

LETTRE DE M. PIERRE ROUTROUX

A M. MITTAG-LEFFLER

Acta Mathematica^ t. 38, p. 197-201 ( 19?! ).

Vous voudriez avoir, cher Monsieur, quelques details sur la vie in lime de mon oncle, sur la fagon dont il travaillait, sur ses habiludes et son caracl^re? Je n'ai cependant rien d' extraordinaire a vous raconter. Les enquStes sensa- lionnelles, faites un peu bruyamment par certains psychologues modernes, lendraient a nous faire croire qu'un savant est un &tre anormal dont lous les actes doivent &lre Granges. Vous savez pourtant qu'on ne pourrait imagiuor une existence plus simple, plus exempte d'6v6nements, plus uniforme en apparence, que celle de Henri Poincar^. L'activit^ de sa pens^e lui suffisait et se suffisail. Point ne lui 6tait besoin de chercher des excitations au dehors, ou d'entretenir chez lui par des moyens artificiels cette exaltation sp<$ciale, cette fi£vre intellectuelle, sans laquelle certains inventeurs ne sauraient produire. II ne fuyait pas, il recherchait m6me, les distractions, les voyages, les plaisirs artistiques; mais c'est qu'il y £tail port<3 par un int6r£t veritable, par une curiosity naiurelle tr6s 6tendue, en m6me temps que par le besoin de se dtSlasser. C'est chez lui, en famille, c'est dans le calmede son existence journa- li&re, qu'il a accompli la plus grande partie de sa tache.

Dans son paisible cabinet de travail, rue Claude-Bernard, ou sous les ombrages de son jardin, a Loz&re, Henri Poincar<§ s'asseyait quelques heures par jour devant une main de papier ^colier r<^gl67 et Ton voyait alors les feuillets se couvrir, avec une rapidit6 et une r£gularit£ surprenantes, de son ^criture fine et anguleuse. Presque jamais une rature, tr^s rarement une tation. En quelques jours un long M&naoire se trouvait achev£, pr^t & imprim^, et mon oncle ne s'y int^ressait plus d£sormais que comme & une

LETTRE DE P. BOUTROUX. I 47

chose du passed A peine consentail-il ses £diteurs en savenl quelque chose a Jeter un rapide coup d'oeil sur les ^preuves.

Voila a quoi se bornait le travail, je veux dire le travail apparent d'Henri Poincar£. A quel labeur sa pens£e avait-elle du se livrer au pr^alable, lui seul Fa jamais su. II pensait dans la rue lorsqu'il se rendait a la Sorbonne, lorsqu'il allait assister a quelque reunion scientifique, ou lorsqu'il faisait, apr&s son dejeuner, une de ces grandes marches a pied dont il £tait coutumier. II pensait dans son antichambre, ou dans la salle des stances dc 1'Institut, lorsqu'il d<3am- bulait a petits pas, la physionomie tendue, en agitant son trousseau de clefs. II pensait a table, dans les reunions de famille, dans les salons m£mc, s'inter- rompant souvent brusquement au milieu d'une conservation, et plantant la son interlocuteur, pour saisir au passage une pens^e qui lui traversait 1'esprit. Tout le travail de d^couverte se faisait mentalement chez mon oncle, sans qu'il eiit besoin, le plus souvent, de controler ses calculs par 6crit ou de fixer ses d6monstrations sur le papier. 11 altendait que la v<5ril£ fondit sur lui comme le tonnerre, et il comptait sur son excellente memoire pour la conserver.

On a souvent remarqu6 que Henri Poincar6 gardait jalousement pour lui ses pens^es. A Finverse de certains savants, il ne croyait pas que les communi- cations orales, F^change verbal des id^es, pussent favoriserla d^couverte. Cette reserve de mon oncle me frappa sp<5cialement lorsque, passant quelques mois a Gottingen, je fus te'moin d'habitudes toutes diff^rentes. On sait quel admirable foyer de pens6e en commun et de travail collectif est la c£l&bre university allemande. La tout se passe au grand jour. A peine F^tranger est-il d6barqu6 dans la petite cit<3 hanovrienne, qu'il sait d<3ja quels sont les travaux dont s'occupent les illustrations du lieu, jusqu'ou elles sont parvenues et quelles difflcult^s les arr<Hent. Les id^es, colport^es, confront<5es, discuses, au cours des promenades dans la for6t et aux stances de la Soci^t6 math^matique, murissent d'elles-m^mes dans ce milieu fertile, ou la curiosit6 toujours alerte et la n(5omaieutique de M. Klein contribuent a entretenir un ferment in£pui- sable. Le profit que peuvent retirer les jeunes gens d'un contact aussi intime avec leurs maitres est manifeste. Ce n'est point, cependant, par accident, ou par besoin 6goi"ste de solitude, que mon oncle s'abstenait d'imiter sur ce point ses collogues allemands. Nul n'^tait plus liant que lui, nul n'6tait plus port^ a la sympathie, pour les jeunes en particulier. Mais mon oncle se faisait de la d^couverte math6matique une id^e qui excluait toute possibility de

148 LETTRE DE P. BOUTROUX.

collaboration. La recherche telle qu'il la comprenait doit £tre une lutte & deux. C'est un corps-a-corps avec la r£alite fuyante el rebelle, qu'il s'agit de frapper au co3ur. Dans un tel duel il n'y a pas de place pour des t&noins. L'intuition, par ou s'op&re la d6couverte, est une communion directe? sans intermediates possibles, de 1'esprit et de la verite. II ne convient pas, il faut se garder, de troubler ce t£te-a-t6te.

Sans doute, une fois 1'idee conquise, il peut 6tre utile de se mettre a plusieurs pour 1'exploiter. Mais c'est la une besogne, en parlie m^canique, qui n'avait qu'un intent secondaire, il faut bien le dire, aux yeux de Henri Poincare. Avez-vous 1'idee, demandait-il? Si vous ne Favez pas, je ne puis vous £lre d'aucun secours pour la decouvrir. En revanche, je suis pr£t a vous faire credit, Quoi qu'il me semble de la voie ou vous vous engages, je ne vous adresse aucune critique, aucune objection de principe. Je sais trop bien que la verite surgit souvent aux carrefours ou Ton s'attendait le moins a la rencontrer.

Je m'explique ainsi que mon oncle ait ete, a 1'egard des debutants, Tun des juges les plus bienveillants, les plus larges d'esprit, que j'aie rencontres, et, en m6me temps, 1'un des plus s6v6res. Loin de pretendre entrainer ses el6ves a sa suite et de leur dieter leur tache, il voulait laisser a chacun une initiative complete; il etait toujours dispose a s'interesser aux recherches les plus inusitees, les plus paradoxales m6mes; aucune nouveaute ne lui faisait peur. Mais, quand venait le moment d'apprecier les resultats, il se montrait extr^me- ment exigeant. Si vous ne lui apportiez que des propositions qu'il consid^rait comme acquises et, dans sa tendance a aller de 1'avant, il regardait comme virtuellement acquis tout ce dont nous nations plus s^par^s par des difficult<3s de principe si vous ne lui ouvriez pas des apergus nouveaux pour lui, on devinait qu'il avait aux l&vres Internal et d^courageant « a quoi bon? » ; non que vous eussiez, selon lui, perdu votre temps; mais vous lui aviez appris que votre m^thode sur laquelle il avait jusque-l& r6serv6 son jugement n'ofirait, en r^alit^, aucun avantage.

Ceux qui approch^rent mon oncle de pr&s ont 6t£ surpris de le voir rarement se servir de livres. II lisait peu, en effet je ne parle ici, bien entendu, que de ses lectures scientifiques , et il lisait d'une fagon tr^s particuli&re. Henri Poincar^ ne pouvait s'astreindre & suivre la longue chaine de deductions, la trame serr^e de definitions et de theor&mes, que Ton trouve gen6ralement dans les M^moires de math^matiques. Mais, allant tout droit au r^sultat qui lui paraissait le centre du Memoire, il I'iiiterpr4tait et le repen-

LETTRE DE P. BOUTROUX.

salt a sa maniere; il le controlait par ses propres moyens; apr&s quoi, seule- ment. reprenant le livre en mains, il jetait un rapide regard circulaire sur les lemmes propositions, et corollaires, qui constituaient la garniture du Me'moire.

II faut insister sur ces details, car nous touchons ici peut-6tre a Fun des caracteres distinctifs de la pens^e de mon oncle. Au lieu de suivre une marche lin^aire, son esprit rayonnait du centre de la question qu'il e'tudiait vers la p£riph6rie. De la vient que dans Fenseignement et m6me dans la conversation ordinaire, il 6tait souvent difficile a suivre et parfois semblait obscur. Qu'il exposat une th^orie scientifique, ou qu'il contat une anecdote, il ne commen- gait presque jamais par le commencement. Mais, ex abrupto, il langait en avant le fait saillant, l'(5v^nement caract^ristique, ou le personnage central, personnage qu'il n'avait point m6me pris le temps d'introduire et dont parfois son interlocuteur ignorait jusqu'au nom.

Cette tournure d'esprit explique comment la pens^e de Henri Poincar6 a pu &tre si agile et s'appliquer a tant d'objets diflferents, comment, par suite, il lui a 6t6 possible de satisfaire une curiosit6 presque universelle.

Habitu6 a n^gliger les details et a ne regarder que les cimes, il passait de Tune a 1'autre avec une promptitude surprenante; et les faits qu'il d^couvrait, se groupant d'eux-m6mes autour de leurs centres, 6taient instanlan^ment et automatiquement classes dans sa me'moire. D'ailleurs mon oncle n'^tait pas de ceux qui vivent sur les tresors acquis et qui se complaisent a faire chez eux le tour du propri^taire. II se contentait de savoir qu'il possddait et, sans regarder en arriSre, il travaillait sans relache a remplir de nouvelles cases de son cerveau.

Henri Poincar^ avait un gout marqu6 pour la geographic et pour les voyages. Conform^ment a ses tendances ordinaires, il voulait voir dans chaque pays les sites et les monuments les plus caract^ristiques, et il n'6prouvait point le d&sir de s'^carter des routes traditionnelles. II 3tait Foppos6 de, ces romantiques qui voyagent pour donner un cadre a leurs reveries et qui, souhaitant ce cadre in£dit, s'efForcent de s'isoler du flot des touristes. Ses jouissances a lui 6taient d'un ordre tout intellectuel. Extrayant d'ailleurs du premier coup, et traduisant imm6diatement en concepts, les traits essentiels des impressions qu'il recueillait, il n'avait que rarement besoin de voir deux fois les monies contr^es. Sans doute, il est possible qu'a la fin de sa vie, mon oncle ait 6t(§ sensible, lui aussi, a Fattrait qu'exercent sur presque tous les bommes Invocation de leurs souvenirs et les lieux qui leur

l5o LETTRE DE P. BOUTROUX.

sont de"ja familiers. Cependant le besoin incessant de voir du nouveau, a bien e"t6, si je ne me trompe, un trait dominant de son caractere.

Des sa jeunesse Henri Pomcare" lisait avec un intent passionne" les remits de voyage du Tour du Monde et suivait au jour le jour les progres de 1'explo- ralion du continent africain. C'est, je crois, un sentiment du m6mc genre qui, en toutos circonstances et dans tons les domaines, le lancait vers la poursuite de I'inconnu, et lui faisait assignor a sa vie et a la science un but simple et precis : comme les grands voyageurs de 1'Afrique, remplir les espaces blancs de la carte du mondc.

Je me rappelle qu'un jour, parlant devant Henri Poincar<$ d'un mathe'ma- ticien qui quittait ses Etudes pour d'autres occupations, quelqu'un laissa e"chapper cette remarque : « Tout se vaut, apres tout; il sera sans doute aussi heureux que s'il avait continue' a faire des mathe'matiques ». Mon oncle eut un mouvement de protestation qui arr&ta la conversation. Venant d'un specialists enferme' dans des Etudes 6troites, pareille intransigeance n?eut point titonn6, et on Petit mise sur le compte d'une foi un peu naive. Mais Henri Poincare' n'avait point les d^fauts des sp^cialistes; il avait des gouts tres varies et ne pre"tendait millement placer ses propres occupations au-dessus de toutes les autres. Que signifiait done sa protestation? Tres cat^goriquement, je crois, mon oncle estimait que si Ton s'est une fois mis au service de la science, on n'a plus le droit de deserter son poste. Tanl qu'il reste des blancs sur la carte du monde, il ne nous est pas permis de nous reposer.

En efiet, bien qu'il ait 6t6 sensible autant qu'aucun autre a la grandeur et la beaute' de la science, mon oncle n'appartenait pas a cette e'cole de dilettantes qui se livrent aux math^matiques parce qu'elles leur procurent des jouissances esth6tiques. La recherche e"tait pour lui un devoir, d'autant plus attachant qu'il lui coutait plus de peine. Je n'ai jamais entendu mon oncle parler du travail scientifique - du sien ou de celui d'autrui qu'avec le plus grand s^rieux et le plus grand respect : lui, si gai & ses heures de delassernent, lui qui aimait et pratiquait Tironie, il n'en avait point lorsque la science e"tait en cause.

Voila, cher Monsieur, quelques-unes des reflexions qui me venaient a 1'esprit, voila ce que je sentais ou croyais deviner quand j'avais le bonheur de converser avec mon oncle. Henri Poincare', je vous Tai dit, ne parlait gu£re de ses travaux; encore moms se fut-il complu &. de'crire ses sentiments intimes et les ressorts de son intelligence; mais il aimait faire causer les autres, et,

LETTRE DE P. BOUTROUX. 1 5 1

lorsqu'on se trouvait exprimer une id6e qui lui 6tait ch&re, lorsqu'on d£cou- vrait une pens^e conforme a la sienne, son sourire et son regard r£v6laient le plaisir qu'il £prouvait. C'est par de tels signes a peine perceptibles qu'Henri Poincar6 manifestait sa sympathie et sa bienveillance. Lui qui, par discretion, n'a pas voulu se faire des disciples, lui que sa reserve naturelle faisait passer pour froid, il avait un coeur chaud, un grand d^sir de se sentir entour£, un profond besoin d'affection.

Paris, le 18 juin 1918.

L'ffiUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE

PAR JACQUES HADAMARD

Acta Mathematica^ t. 38, p. 208-287 (1921).

Poincar^ lui-m&me a fourni aux lecteurs des Acta une analyse d^taill^e de son ceuvre (d).

On comprendra que, sur tous les points qui ont 6t£ port^s a leur connais- sance dans un des styles les plus lumineux, les plus d^finilifs que la langue scientifique et la langue frangaise aient connus, nous nous croyons dispenses d'insister. II nous arrivera done tr6s souvent de renvoyer a V Analyse dont il s'agit.

Nous n'essaierons pas, d'autre part, de chercher dans tout 1'ensemble de cette ceuvre une unit6, d'en d<§gager une personnalit6 intellectuelle. Cette tentative, qui s'imposerait pour tout autre, serait, a notre sens, chim&rique en ce qui concerne Poincar6, et nous croirions diminuer en m&me temps que d^naturer son oeuvre en nous y essayant. Ce serait m^connaitre cette pens£e « capable de faire tenir en elle toutes les autres pens^es, de comprendre jusqu'au fond, et par une sorte de d^couverte renouvel^e, tout ce que la science humaine peut aujourd'hui comprendre » (2).

Assur^ment, tout penseur tend a marquer de son sceau personnel ce que son cerveau fagonne. Mais si cette tendance est une des forces de Fartiste, le savant, lui, bien loin de chercher a Pentretenir, la subirait plutdt. Elle est,

(*) Analyse de ses travaux scientifiques (Acta Math., t. 38). (2) PAINLEV^, Temps du 18 juillet 1912.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. i53

chez lui, combattue par une ntScessite' toule contraire, celle de 1' objectivity. « Nous sommes serviteurs plutot que maitres en mathematiques », aimait a dire Hermite, et 1'adage tout analogue de Bacon est aussi vrai des inath^ma- tiques elles-m£mes que des sciences exp^rimentales. Le savant surtout le mathematicien ne dispose gu&re, au fond, des moyens d'attaque. Tout au plus suit-il en g^n^ral son temperament dans le choix du terrain.

Poincar^ ne fit m&me point ainsi. II emprunta ses sujets delude noil aux ressources de son esprit, mais aux besoins de la science. II a £16 present partout ou il y avait une lacune grave a combler, un grand obstacle a surmonter. Lorsque nous aurons essay£ d'6numerer m6me aussi rapide- ment qu'il nous faudra le faire les questions auxquelles il s'est atlaque", il nous semblera avoir touche a toutes celles auxquelles peuvent s'int^resser les mathe'maticiens et qui n^cessitent encore leurs efforts. Son oauvre est devenue, des lors , le patrimoine commun de tous. Si Poincar6 a une cc maniere », si m6me on pcut employer a son £gard ce mot qui ressemble a « maiiie », nous en avons tous he'rite', et elle esl en chacun de nous.

De ses r£sultats se d^gage souvent une unite", mais celle-ci n'est pas inh£rente a 1'auteur. Elle est elle aussi, objective el reside dans les faits eux- m£mes. Nul mieux que Poincar^ ne sut, en efFet, decouvrir, entre les diverses parties de la science, des relations impr6vues, parce que personne ne sut mieux dominer cette science de tous les cote's a la fois.

Cette souplesse et cette universality, cette adaptation rapide et parfaite a tous les probl&mes pos^s paries math6matiques et leurs applications, se sont manifestoes de mani&re d'aulant plus £clalante qu'a notre 6poque, Tune des sciences qui diclent surtout ces probl^mes, la Physique, £volue avec une plus d£concertante rapidit6. On sait, et d'autres le diront ici mieux que moi a qael degr^ Poincar^, d^s qu'il s'est m6l^ a cette Evolution, a su toujours la suivre et souvent la guider.

L'histoire de Toauvre de Poincar6 ne sera done, au fond, autre chose que 1'histoire m^me de la science math^matique et des probl^mes qu'elle s'est pos^s a notre ^poque.

Le plus important d'entre eux est encore aujourd'hui le m6me qui est apparu a la suite de Pinvention du Calcul infinitesimal.

Nous sommes loin d'avoir r^solu les difficult6s qu'il pr(5sente. Mais la m^me ou nous y sommes arrives, ce n'a ete", le plus souvent, qu'en modifiant profond^ment nos id^es sur ce qu'il faut entendre par « solution », Celles que H. P. - XI. 20

j54 L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

nous avons acquises aujourd'liui se r^sument toutes dans la forte parole que Poincar£ prononcait en 1908 (*) :

« II n'y a plus des probl&mes r^solus et d'autres qui ne le sont pas, il y a seulement des probl&mes plies ou moins r^solus » c'est-a-dire qu'il y a des solutions donnant lieu a des calculs plus ou moins simples, nous renseignant plus ou moins directement et aussi plus ou moins compl&tement sur 1'objet de notre 6tade.

On peut dire, a ce point de vue, qu'une premiere solution est acquise dans la plupart des cas, et cette conqu6te, <3bauch3e d&s Newton, est surtout 1'ceuvre de Caucliy et de Weierstrass : des relations entre (Mats infaiiment voisins, on sait d^duire, ce qui est fort different, la connaissaiice de tous les 6tats suffisamment voisins d'un 6tat donn6. Si, par exemple, le ph^nom&ne a ^tudier depend de la position d'un point dans un plan, on sait l'6tudier dans toute une petite region entourant un point quelconque donn£.

En un certain sens, il peut 6tre. ainsi consid^r^ comme connu, puisque, avcc de petites regions de cette esp&ce accol^es les unes aux autres, on peut consti- tuer des regions plus e'tendues et m6me aussi 6tendues qu'on le voudra.

Mais cette connaissance est souvent tr6s insuffisante, beaucoup plus encore que ne le serait, pour un voyage d'un bout a 1'autre d'un pays, la possession des feuilles partielles de la carte a quelqu'un qui ne disposerait d'aucune autre donn^e g^ographique. Elle 1'est a des degr^s divers suivant la nature du probl&me postS; mais dans la plupart des cas, le r^sultat est connu, dans chaque domaine partiel, par des operations d'une convergence mediocre, c'est-a-dire assez mal et assez p6niblement; d'autant plus mal et d'autant plus p^niblement m6me que le domaine en question est plus petit.

Quoi qu'il en soit, ces premiers r^sultats, m6me si 1'on n'est pas r^duit 4 s'en contenter, servent tout au moins d'interm^diaires obliges pour en obtenir de meilleurs, de sorte que, presque partout, la marche de la science mathg- matique actuelle comporte deux Stapes :

La solution locale des probl6m.es ;

Le passage de celle-ci a une solution d'ensemble, si cette sorte de synth&se est possible.

Le premier probl&me qui avait arr^t^ le Calcul infinitesimal, celui des

C1) Conference prononcee au Congres international des Mathematicians, Rome; t. 1, p. 17$ des Actes du Congres.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. i55

quadratures, est, en somme, re'solu, au sens pre'ce'dent, d'une maniere assez satisfaisante. Cette solution differe assure'ment beaucoup de celle que cher- chaient, sans aucune chance de succes, nous le savons maintenant les contemporains de Leibnitz. Elle contient cependant 1'essentiel de ce qu'on pent savoir dans le cas ge'ne'ral et des renseignements beaucoup plus impor- tants dans tous les cas particuliers les plus usuels.

Mais le probleme ge'ne'ral des Equations diffe'rentielles est autrement difficile. Les petites regions dont nous parlions ne peuvent m£me plus &tre conside're'es inde'pendamment les unes des autres. On doit les ranger dans un ordre determine', et les calculs relatifs a Pune d'elles ne peuvent £tre commences sans qu'on ait exe"cut£ jusqu'au bout ceux qui concernent les pr6ce'dentes. En ge'ne'ral, il arrive qu'on ignore a priori jusqu'a Famplitude des pas succes- sifs qu'on peut ainsi effectucr, c'est-a-dire jusqu'aux dimensions des regions partielles successives : c'est ce qu'on ne connait qu'au moment m&me ou Ton atteint chacune d'elles.

Les difficulte's dont nous venons de parler s'aggravent encore et m£me d'autres toutes diffe'rentes apparaissent si, au lieu d'e"quations differ entielles ordinaires, on a a traiter des Equations aus d^rive'es partielles.

L'inte"gration des Equations difF^rentielles et aux de"rive"es partielles est reste^e jnsqu'ici le probleme central de la math.e'matique moderne. Elle en restera vraisemblablement encore 1'un des problemes capitaux, m6me si la Physique poursuit vers le discontinu Involution qui se dessine a 1'heure actuelle.

La th6orie des Equations diff^rentielles fut aussi la premiere a attirer 1'attention de Poincare". Elle fait Tobjet de sa These (1879).

Notons cependant que, sous Fmfluence du maitre qui gouverna la ge'ne'ra- tion pre'ce'dente, j'ai nomm^ Hermite, le debutant ne craignait pas de suivre presque au m^me moment une voie pour ainsi dire oppose'e a la premiere, celle de l'Arithm<3tique.

La These de Poincar£ contient d^ja sur les Equations difF^rentielles un r^sultat d'une forme remarquable, destin6 a ^tre plus tard pour lui un puissant levier dans ses recherches de Me"canique celeste. Des ce premier travail, il 6tait, d'autre part, conduit a perfectionner le principal outil dont se fut servi jusque la, la the'orie des Equations difF^rentielles, outil qu'il allait utiliser mieux que qui que ce soil, en me"me temps que, le premier, il allait enseigner & s'en passer : la the'orie des fonctions analytiques.

156 L'CEUVRE MATH^MATIQUE DE POINCARE.

Celle-ci allait, presque imm^diatement apr&s, lui devoir une de ses plus belles conqu£tes : c'est en iSSoque les fonctions fuchsiennes vinrent designer Poincar^ a Fattention et a Padmiration de tous les g6om&tres.

I. La theorie des fonctions.

1. LES FONCTIONS FUCHSIENNES.

Auxiliaire puissant pour tout le Calcul infinitesimal, la Th6orie des fonctions analytiques a fait ses preuves de fa^on particuli&rement <§clatante dans la resolution du probl&me des quadratures, mais surtout lorsqu'il s'est agi de celles qui portent sur des fonctions alg^briques, c'est-a-dire des integrates elliptiques et ab^liennes (1).

On sait et, avant de parler des fonctions fuchsiennes, nous rappellerons les circonstances grace auxquelles ce degr6 de perfection a pu <Hre atteint.

La premiere d'entre elles n'est autre que la polydromie de Tintegrale cher- ch^e, c'est-a-dire, par un ph6nom£ne qui n'est pas isol6 en Mathtknatiques n'a-t-on pas dit de Cauchy que ses deux grandes forces furent ce qui avait 6t£ Peffroi de ses pr(Jd(5cesseurs, Tinfini et Fimaginaire ! le fait m6me qui paraissait devoir constituer la principale difficult** de son £tude. C'est a cette polydromie que la fonction inverse, obtenue en prenant Pint<Sgrale considdrtSo u comme variable ind^pendante , doit sa double p^riodicite.

Cette fontion inverse doit, par contre, <Hre uniforme et, pour qu'il en soit ainsi, on doit choisir de mani6re convenable Tintegrale elliptique qui sert de point de depart. Ici, ce choix celui de 1'integrale de premiere esp^ce est ais£ a faire.

La double p&riodicite, a son tour, donne la clef de toutes les autres propri^tes. II y a plus. L'analyse moderne laisse compl^tement de cdte, au premier abord, le probl&me d'integration pos^ et prend pour premier objet I'^tude g£n6rale des fonctions doublement p^riodiques d'une variable. Parmi celles-la, on d^couvre ensuite les solutions du probl^me en question.

On obtient ainsi tout Tensenible de r^sultats qui font de Integration des

( ! ) Poincar^ a eu ici meme ^ retracer 1'histoire de ces theories : voir sa Notice sur Weier- strass, t. 22 des Acta Mathematica, p, 1-18,

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. i5?

differentielles elliptiques Fun des problemes les mieux r^solus de 1'Analjse : celui m£me que Poincare, dans la conference a laquelle nous faisions allusion plus haul, prenait comme exemple typique a cet egard.

Les proprietes des fonctions abeliennes sont assur^ment moins simples et surtout moins commodes pour le calcul nume'rique que celles des fonctions elliptiques : elles sont toules paralleles, neanmoins, et ne contentent pas moins completement ce sens de la beaute dans lequel Poincare nous a appris a discerner le veritable mobile du savant.

La notion de periodicity suffit a elle seule pour constiluer ces deux theories, modeles d'harmonie et d'elegance.

Mais par cela m6me, on peut dire qu'elle avait rendu tous les services qu'on en pouvait attendre, et nulle autre notion fonctionnelle analogue ne paraissait offrir la m£me fecondite.

Les deux exemples qui ont inspire Poincare etaient cependant deja connus : je veux parler de la fonction modulaire eL de 1'inversion de la serie hyper- geometrique, objets 1'une des admirables travaux d'Hermite, 1'autre du Memoire fondamental qu'on doit a M. Schwarz. Us n'avaient pas fait apercevoir aux geometres la generalisation bardie qui devait conduire aux fonctions fuchsiennes*

Cette generalisation etait si audacieuse que le premier mouvement de Poincare fut de la regarder comme impossible. II nous apprend lui-me'me (1) qu'il s'efforga tout d'abord de montrer Vmexistence des fonctions dontils'agit. C'est par une de ces intuitions d'apparence spontanee dont on verra 1'histoire dans Sciences et Methode, qu'il s'engagea dans la voie opposee.

Poincare va se placer dans des conditions incomparablement plus generates et plus variees que les fondateurs de la theorie des fonctions elliptiques; mais la marche suivie sera cependant toute semblable de part et d'autre.

A la place du probleme de quadrature, il considere une equation diffe- rentielle lineaire ^ coefficients algebriques. Ce probleme depasse le premier de toute la distance qui separe 1'integration des equations differ enti elles de la

(x) L'exemple des fonctions fuchsiennes est precis£ment, on le salt, celui que Pomcar£ a choisi pour de'crire au point de vue psychologique, 1'invention naath^matique et montrer le role essentiel qu'y joue 1'inconscient.

Ajoutons que, chez Poincar^, I'ide'e premiere d'une recherche est toujours mise en 6vidence avec une merveilleuse nettet6 qu'on est loin de trouver toujours au meme degre" chez les plus grands maitres. G'est dire que Paccusation d'obscurit£ lancde parfois contre lui nous parait, du moins au point de vue du lecteur qui va au fond des choses, exprimer le contraire de la ve"rite\

1 58 L'ffiUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

simple recherche des primitives; parmi les Equations differ entielles, toutefois, les Equations lin^aires se pr^sentaient a lui comme les plus simples de toules.

La polydromie des fonctions obtenues par quadratures se retrouve chez celles qui sont dgfinies par des Equations lin^aires; quoique plus complete que le premier, ce nouveau mode de polydromie 6tait bien connu par les recherches de Fuchs, auquel Poincar£ sera ainsi conduit a dtfdier la nouvelle conception.

On apergoit d6s lors imm^diatement ce qui devra corresponds a la notion de p£riodicit6 : ce role appartient a un certain groupe de substitutions lindaires.

Tout ceci apparaissait sur les deux exemples que nous citions tout a 1'heure, de la fonction modulaire et de la s(3rie liyperg£om£trique. Dans ces deux cas, c'est bien un groupe de substitutions lin^aires qui intervient, et ce groupe satisfait a la condition indispensable nous renvoyons sur ce point a I'cxposti de Poincar^ (4) d'etre discontmu, c'est-a-dire tel que les transform^ d'un m£me point n'aillent pas en s'accumulant en nombre iniini dans le voisinage imm^diat de 1'un quelconque d'entre eux (sauf dans certaines regions particuli&res ou, plus exactement, le long de certaines lignes du plan).

II poss^de m6me la seconde propri<5t6 par laquelle, entre les groupes lin&nres discontinus, Poincar<§ distingue les groupes fuchsiens, a savoir celle de laisser invariant un certain cercle (dit CQYclefondamental).

Mais il restait a s'inspirer plus 6troitement encore de 1'excmple des fonctions elliptiques : je veux dire, conform^ment a ce qui pr^c&de, u partir a priori du groupe en question, en laissant de cot£ d'abord liquation diflferentielle.

II fallait m^me faire un pas de plus, et cette premiere transformation de la question, suffisante dans les cas trails ant^rieurement, ne I7(5tait plus cette fois; c'est sans doute pour cette raison que les d(5couvertes mentionn6es plus haut d'Hermite et de Schwarz ^taient jusque resides isol^es et nyavaient pas mis sur la voie de 1'infinie multiplicity d'autres groupes analogues qui allait s'offrir a Poincar^. Dans le probl^me actuel, on ne remonte pas assez loin en s'adressant a la notion du groupe, trop complexe elle-m&me pour jious servir de fondement premier. II faut, si nous osons nous exprimer ainsi, placer plus bas encore les fondations et appuyer a son tour la notion du groupe sur un autre substratum.

(!) Voir son Analyse, p. 43, OEuVres, t. I, p.

VIII.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 169

Ce substratum est essentiellement g6om£trique : Poincar£ le trouve dans le polynome generatem^ c'est-a-dire (*) dans la figure qui est au groupe ce que le parall^logramme des p&iodes est a la double periodicity. "

Cette notion intervenait forc6ment dans les examples d'Hermite et de Schwarz. Mais Poincar£ montre qu'elle caract^rise tout groupe discontinu. Pure intuition dans le premier M^moire sur les groupes fuchsiens, ce fait est (5tabli en toute rigueur dans un des M^moires suivants (2), et une r&gle g^n^rale est £nonc£e d'apr&s laquelle, a chaque point, on pent faire corres- pondre un de ses transform^ et un seul (a des cas limites pr£s) de mani&re que, le premier prenant toutes les positions possibles, le second d^crive le polynome g£n£rateur demand^.

Mais, nous 1'avons dit, loin de chercher sjst^matiquement ce dernier en partant du groupe, Poincar^ suit bien plutot la marche inverse et part de la notion du polygone, aussi intuitive pour nous que celle du groupe nous est, au fond, peu familiSre encore. L' expression de « polygone g£n6rateur » exprime d'une mani&re parfaite comment les choses se passent dans 1' Analyse de Poincar^ : c'est lui qui engendre v6ritablement le groupe. Non seulement il suffit enti&rement a le d^finir, mais on lit imm<3diatement et sans la moindre difficult^, sur cette figure, toutes les propri£t£s essentielles que Ton veut en connaitre : substitutions fondamentales, relations entre ces substi- tutions, etc.

En particulier, il convient de noter, au point de vue des applications des fonctions fuchsiennes, la simplicity avec laquelle s'exprime ainsi la relation entre un groupe et ses sous-groupes : le polygone g£n£rateur P7 du sous- groupe est form£ par la juxtaposition du polygone g£n6rateur P (corres- pondant au groupe contenant) et de quelques-uns des transform6s de P.

On voit combien serait chim^rique, ici, la distinction, dont on a tant abus6, entre la tendance g£om6tiique et la tendance analytique. Tout n'est que formes et que vue g6om6trique a la base de cette s£rie de M^moires auxquels la haute Analyse allait devoir un de ses progr&s les plus importants ; et toute 1'oeuvre de Poincar^ offre des exemples analogues.

La th^orie est ainsi fondle moyennant une hypoth^se essentielle, ci laquelle doit satisfaire un polygone g6n6rateur pour donner naissance a un groupe

(!) Voir Analyse, p. 44, OEuvres, t. I, p. ix.

(2) Acta Mathematics t. 4 (i884), p. 201-812, OEuvres, t. II, p. 3oo.

160 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

discontinu : il faut que ce polygone et ses homologues successifs puissent paver, sans chevauchement ni lacune, le plan, ou plutot une portion deter- minee du plan (dans le cas des groupes fuchsiens, Pinterieur de ce cercle fondamental qui est suppose invariant par toutes les substitutions du groupe). Nous ne redirons pas en detail, apr£s Poincare (*) comment la condition qu'il indiqua a cet effet, si simple que fut son enonce geometrique, etait d'une demonstration particuli&rement difficile, ni comment, pour triompher de cette difficult^, il fut conduit a faire intervenir un auxiliaire inattendu, la geometrie non euclidienne. La forme sous laquelle il Pemploya, voisine, au surplus, de celles de Cayley et de M. Darboux (-) diff&re a peine, au fond, de 1'image bien connue par laquelle, plusieurs annees plus lard (:{), il mettait en Evidence, d'une maniere frappante, Pimpossibilite de trouver une contradiction dans cette geometrie.

La ru£me methode est employee pour fonder la theorie des groupes kleineens (groupes lineaires discontinus autres que les groupes fuchsiens, c'est-a-dire sans cercle fondamental invariant), ma is avec un caract&re nouveau sur lequel il y a peut-£tre lieu de dire un mot. Poincare est conduit a une introduction de Pespace a trois dimensions tout analogue a la tli^orie des imaginaires qui est, g6om6triquement parlant, la gt^om^trie du plan employee a e"clairer celle de la droite. On sait qu'une telle generalisation de la th^orie des imaginaires a 1'espace n'est pas viable en general. Elle e.st possible, cependant, quand les raisonnements ne font intervenir que certaines operations particuli£res, les transformations conformed de 1'espace (c'est- a-dire les inversions et leurs combinaisons); et c'est precisement ce qui a lieu pour Tetude des groupes kleineens.

Mais nous n'en avons pas encore ilni avec 1'aspect geometrique de la question. Non seulement nous venons de voir qu'il fournit a la theorie sa meilleure base, celle qui lui assure la marche la plus claire et la plus intuitive, mais, en lui m&me, il reservait a Poincare de surprenantes decouvertes.

Le groupe admet en effet toujours des points singuliers^ en lesquels son caract^re discontinu disparait, c'est-£-dire que, au voisinage de Pun d'entre eux, les homologues du polygone g^nerateur se font de plus en plus petits et

C1) Analyse, p. 45, OEuvres, t. I. p. x.

(2) Poincar^ se rapprocha plus £troitement encore de ces dernieres dans les applications qu'il fit des fonctions fuchsiennes et de la ge'ome'trie non euclidienne 4 TArithm^tique.

(3) Revue generate des Sciences, t. 3, 1892, p. 75.

L'CEUVRE MATH^MATIQUE DE POINCARE. l6l

de plus en plus series, de sorte que les homologues d'un m£me point quelconque vont en s'y condensant a 1'infmi : points qui sont forc6menl singuliers pour la fonction correspondante.

Dans les groupes fuchsiens, ces points sont forc^ment tous situ^s sur le cercle fondamental. Us peuvent constituer par leur ensemble ce cercle tout entier, lequel sera alors, pour la fonction, une ligne singuliere ou coupure essentielle.

La connaissance de ce genre de singularity des fonctions analjtiques £tait alors relativement r^cente. Toutefois, la fonction modulaire (qui, nous 1'avons dit, est une fonction fuchsienne particuli^re) en avait d^ja offert un exemple int&ressant. A cot£ de ce premier exemple, les fonctions fuchsiennes viennent en offrir toute une cat^gorie d'aulres analogues.

Le cas oppos6, ou les points singuliers, tout en £tant encore en nomhre infini sur la circonference du cercle fondamental, ne 1'occupent pas tout enti&re, de sorte que la fonction fuchsienne consid^ree esl prolongeable au-dela de ce cercle, semblait au premier abord plus simple et plus conforme a la norme ordinaire que celui ou ce cercle est une coupure. II est, en r<5alit6, beaucoup plus remarquable encore. La figure form^e par ces points singuliers n'estautre, en effet, que 1'ensemble par fait non continu, Fune des conqu^tes les plus importantes de la th^orie des ensembles.

Or, a cette £poque, celle-ci n't^tait pas encore constitute.

G'est seulement apr^s 1'apparition de la th^orie des groupes fuchsiens que M. Bendixson et Cantor Iui-m6me retrouverent ces ensembles si paradoxaux. C'est avec elle? par consequent, qu'ils firent leur premiere apparition dans la Science.

Ce n'est pas tout. Les groupes klein6ens peuvent, eux aussi, admettre des lignes singuli^res. Mais celles-ci ne sont plus des cercles. Elles ne cessent d'affecter cette forme simple que pour prendre une de celles que 1'ancienne Math^matique ignorait, que, sans le secours de PAnalyse, notre esprit est impuissant a concevoir, et auxquelles est attach^ le nom de M. Jordan.

C'est une courbe jordanienne qui, cotnme le montre Poincar6, tient la place du cercle lorsqu'on passe de F<Stude des groupes fuchsiens a celle des groupes klein^ens, et une courbe jordanienne dgpourvue soit de tangente, soit de courbure en tous ses points.

Certes, les examples de courbes sans tangentes, sont classiques depuis H. P. XI 21

1 62 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Riemann et Wcierstrass; mais toutle monde comprendra la difference profonde qui existe enlre un fait obtenu dans des circonstances rassemblees a plaisir, sans autre but el sans autre inttfret que d'en montrer la possibility sorle de piece de musee teralologique, et le meme fait rencontre an cours d'unc theorie qui a toutes ses racines dans les probl^mes les plus usuels ct les plus essentiels de F Analyse generale.

La theorie des groupes kleineens offre le premier exemple de cello cspfcce, le seul m£me que Ton connaisse, si nous ne nous trompons en ce qui concerne la notion de courbe jordanienne. Le fait qu'on conduise ainsi necessairement a cette notion nous fait sentir, d£s cet exemple, combien les resullals de Poincare pen&trenl profondemenl dans la nature int.ime des choses.

La notion des groupes fuclisiens et kleineens etant ainsi fondle, unv function fuchsienne (ou kleineenne) est celle qui reste invarianle par toutes les substitutions d'un de ces groupes, Pour trouver un tel invariant, Poincare [brine d'abord un invariant relalij\ c'est-a-dire une ibnction qui, an lieu de tester inalt6ree par une quelconque des substitutions en question, est nultipli^e par un facteur de forme connue et simple. C'est un inleriiiddiairc ^lassique dans beaucoup de recherches dc cette nature non seulement dans la ,h(5orie des fonctions elliptiques (lesquelles se pr^sentent comme quotients de biictions 0) mais dans celle des invariants de Falg&bre, ou niOme de certains nvariants diff&rentiels (1). Pour les fonctions th<Hafuchsiennes, comme pour es invariants alg^briques, le facteur dont il s'agit est uno puissance du d^ter- ninant de la substitution. Par la, et par lour mode m£me de formation, l<*s bnctions th^tafuchsiennes different des fonctions 0 ordinaires ct lendonl bien >lutot & se rapprocher de la fonction elliptique pu elle-m6me, telle que la brme Weierstrass. Mais celle-ci poss^de la propiut3t6 d'invariance absolue et jvite, par consequent, le detour employe dans la theorie actuelle, detour dont a necessite, comme un peu de reflexion suffit a le faire upercevoir, est ndissolublement liee & la presence des points singuliers du groupe.

Par contre, Poincare a montre que la methode ainsi modifier s'applique L un. groupe discontinu quelconque.

Une fois obtenues les fonctions ihetafuchsiennes, le quotient de deux

(*) Voir, par exemple, plusieurs travaux de M. Tresse,

L'CEUVREVMATHEMATIQUE DE POINCARE. i63

d'entre ellcs, c'est-a-dire de deux invariants relalifs, doniie, comme dans la theorie classique des formes algebriques, une des fonctioiis invariantes cherchees.

Les fonctions fuchsiennes son! formees.

La nouvelle notion ainsi creee, si superieure en generallte, en extension, a celles sur le modele desquelles elle avait ete edifiee, ne leur cede en rien sous le rapport de la comprehension. Si Pon ne dispose pas, celle fois, de series rapidement convergentes a la facon des series G), on pent dire que loutes les autres proprietes dont 1'imposant ensemble forme la theorie des fonctions elliptiques trouvent encore leurs analogues. Une seule, le theoreme d'addi- tion, n/a ete etendue par Poincare qu'a certaines categories de fonctions fuchsiennes, en relation, comme nous le dirons plus loin, avec les applications arithmetiques.

Mais 1'une d'elles domine toutes les autres : les fonctions fuchsiennes presentent, comme les fonctions elliptiques, ce caractere que deux quel- c.onques d'entre elles appartenant au meme groupe, sont liees par une relation algebrique.

Dans le cas des fonctions elliptiques, cette relation est force'meiit tres parti- culiere : elle est de genre o ou i. Au contraire, ce qui fait 1'importance des fonctions fuchsiennes, c'est que toule Equation algebrique a deux variables donne"e peut 6tre obtenue par leur moyen.

Dans la demonstration de cette proposition residail une autre, la plus profonde peut-^tre des grandes difficult*^ du probl^jme.

L'ope"ration qu'il s'agit d'effecluer est deja de celles auxquelles s'appliquent les reflexions emises par Poincare dans son Analyse (A), c'est-a-dire qu'elle correspond, dans la nouvelle theorie, a ce qu'est le choix de Pintegrale de premiere espece dans celle des fonctions elliptiques (-). Mais autant sont simples les regies qui president a ce dernier choix, autant celui de la variable a 1'aide de laquelle les coordonnees d'une courbe algebrique s^expriment par des fonctions fuchsiennes est un resultat cache.

Poincare y parvint par une audacieuse methode de continuite. M. Klein, qui avait ete immediatement frappe par la puissance de la nouvelle conception

(') Page 48, GEuvres, t. I, p. xm.

(2) G'est ainsi que la representation d'une cubique par les functions elliptiques repose sur ['introduction de I'int^grale de premiere espece attache1 e a cette courbe.

164 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

et avail attire sur elle 1'attention g^n^rale, obtenait a pen pres en m£me temps, par line voie analogue, le m6me re^suTlat, a une objection pres que Poincare fuL seul a apercevoir et dont la refutaiion n'est pas une des parties les moins delicates de cette delicate mtithode (*).

Gelle-ci repose, en effet, sur la comparaison de deux multiplicites, 1'une dont un point quelconque correspond a un groupe fuchsien et a pour coordonn^es certains param^tres dont depend ce groupe, 1'autre dont chaque point correspond de m£me a une equation lineaire du second orclre salisfaisant a certaines conditions donn^es. Or ces multiplicity, on! re lesquelles il s'agit d'elablir une correspondance univoque, sont limitees, et la demonstration ii'est complete que moyennant une 6tude appro fondie de Icurs fronti&res.

Ainsi tut etablie cette grandiose proposition qui, suivant P expression de M. Humbert, apporlait « los clefs du monde alg^brique » en versant sur les propriety les plus cacliees des courbes algtibriques quelconques la imnne lumi^re dont les fonctions elliptiqucs avaient eclaire celles des courbes du troisi^me degre.

D'autre part, la methode employee exprimait deja, par les fonctions fuoh- siennes, les int^grales de certaines Equations diff6rentielles linoaires du second ordre ajant pour coefficients des fonctions alggbrJques attachees a la courbt*

Ces equations etaient parliculi^rcs, et devaient forceSmenl 1'tHre pour les raisons m^mes dont nous avons parle tout a 1'hcure.

Mais une ibis trouv6es ces equations lineaires particulieres qui s'inl6#rent par des fonctions fuchsiennes et dont la recherche est Pobjcl de la methods de continuite, celles-ci a leur tour, mojennant une nouvelle extension de lu methode, conduisent a 1' integration de toutes les Equations difl^rentielles lin^aires a coefficients alg^briques. II suffit, pour cela, d'introduire un nouvel algorithme, generalisation du premier : les fonctions zetafuchsiennes.

Ainsi, ce que les fonctions elliptiques et abeliennes avaient donn<§ pour le probl^me des quadratures, la th^orie nouvelle le fournit pour le probl&rne beaucoup plus g<*n6ral et beaucoup plus difficile, de rintegration des Equa- tions diflferentielles lin^aires.

(l] Plus lard, une remarque de M. Schwarz devait fournir ^ Poincar^ 1'occasion de revenir apres M. Picard sur celte question et de donner du m£me the"oreme une seconde demonstration se rattachant a ses recherches de Physique maihtoatique.

I/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 1 65

Ce grand re'sultat aurait, a lui seul, attire" sur cette the'orie et sur son auteur Fattention universelle des ge'ometres, si 1'ampleur des generalisations, la hardiesse des me'thodes, 1'imporlance des obstacles surmonte's n'y avaient pas suffi.

Gomme dans toute la suite de ses travaux, Poincare" n'avait pas seulement enrichi la science de faits, mais de toute une cate'gorie nouvelle de me'thodes, Combien celle-ci 6taient f(3condes en progres ulte'rieurs, c'esl ce que montrait, imme'diatement apres , la belle the'orie des groupes hyperfuchsiens due a M. Picard et que, d'ailleurs, Poincare' lui-m£me devait, a son tour, perfec- tionner (*), en me" me temps qu'il allait de'fmir une autre cate'gorie de trans- cendantes remarquables , celles qui admettent un the"oreme de multipli- cation (-).

Mais surLout les fonctions fuchsiennes donnent nn nouvel instrument, leplus puissant que Ton possede, pour l'e"tude des fonctions algebriques et de leurs integrates : instrument qui a fait ses preuves entre les mains de plusieurs auteurs citons, entre autres, les resultats obtenus par M. Humbert relati- vement aux sommes qui font 1'objet du the'oreme d'Abel. C'est, d'autre part, grace a lui, nous allons le voir, que Poincare" a re'alis^ une partie des progres qu'il a fait faire c\ cette e'tude.

La the'orie des fonctions elliptiques est aujourd'liui, sinon achevee mot qui n'est guere do mise a propos de science du moins suffisamment e'claircie, ct Poincare" n'a pas eu a s'y attaquer directement, bien que, a 1'occasion de ses recherches arithm^tiques, dont nous parlerons plus loin, il ait forme'*plusieurs de"veloppements nouveaux de ces fonctions.

Mais les fonctions abeliennes posent encore, et ont post} a Pomcar6, toute une se"rie de problemes.

Pour une partie, ces recherches se rattachent eHroitement a celles qui precedent, en vertu des relations qui existent entre les fonctions fuchsiennes et la the'orie des fonctions algebriques, avec laquelle cclle des fonctions abeliennes ne fait qu'un.

(*) Voir Analyse p. 85. GEuvres, t. IV, p. 296.

(2) On sait les r^sulluls cbsenliols que M. Pieard a egalemenl obtenus dans cello derniere voic en formant les fonctions qui subisscnt des tvansformallons birationnellcs lovsqu'an augment e la variable de certaines periodes.

l66 L/GEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

C'est ainsi que Poincare put decouvrir les relations particuliSres tres cachees qui prennent naissance entre les periodes des integrales abeliennes lorsque la courbe algebrique dont elles derivent verifie une Equation diiferen- tielle lineaire, grace a Pisomorphisme qui a lieu entre le groupe de cette Equation lineaire et celui que la the'orie des fonctions fuchsiennes conduit a introduire pour representer la courbe . Par 1'interme'diaire des belles recberches de MM. Frobenius et Cartan, celte analyse, dont il faudrait aussi dire les relations avec PAlgebre proprement dite et la theorie de Galois, se rattache a une autre de"couverte de Poincure, la liaison entre les quantities complexes les plus generales et la throne des groupes.

Ce sont egalement, pour une grande parlic, les fonctions fuchsiennes qui lui permircnt de trailer les cas singuliers des fonctions abeliennes; ils'agitdes cas de reduction, dans lesquels, parmi les int6grales abeliennes attachees a une courbe algebrique, en figurent une ou plusicurs susceptibles dc deriver d'une courbe plus simple, c'est-a-dire de genre inf(5riour.

On verra par son Analyse (*) comment, conduit une premiere fois a cettti question par la pr6c6dente, il y fut ranienc§ un peu plus tare! par deux tb<k>~ remes de Weierstrass. Lorsqu'il eut fourni et generalise la demonstration <h» ces theoremes (que Weierstrass n'avail pas publiee), d'autres consequences lui apparurent.

Ici encore, ce fut la theorie des fonctions fuchsiennes qui lui fit apercevoir quelques-unes des plus lointaines, et cola non seulement parce qu'elle clominc la question au point de vue analytique, mais aussi parce qu'elle apporta Taide efficace de sa figuration geometrique, si lumineuse, nous 1'avons tlit, en co qui regarde les relations d'un groupe fuchsien avec ses sous-grouptfs.

Poincare considere en particulier les cas ou la reduction entrahie, enlre deux courbes algebriques, une correspondance simplernent ratiormelle. D<» cette propriete ressortent, lorsqu'on lui applique les principes cle la lluSorio des fonctions fuchsiennes, une serie de consequences aussi simples et aussi ele- gantes qu'elles sont cachees au premier abord.

Les cas de degenerescence dont nous venons de parler ne furcnt pas sim- plement pour Poincare des difficultes a resoudre. Ce furent, au contraire, les proprietes de ces fonctions degenerees qui Faidfcrenl par la suite a celles des aulres fonctions abeliennes.

(!) Deuxi^me partie, X. OEuvres, t. IV, p. 20o-2gS.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 167

Mais cette deuxi&me categorie de recherches decoule d'une tout autre source, et, avant de les aborder, il nous faut avoir laisse de cote les transcendantes par- ticuli&res pour nous occupcr de la theorie gen^rale des fonctions analytiques.

2. RELATIONS AVEC L'ARITHMBTIQUE. ENSEMBLES. GHOUPES CONTINUS.

Toutefois, avant d'abandonner les groupes et les fonctions fuchsiennes, nous parlerons de travaux qui, dans 1'ceuvre de Poincare, s'y rattachent plus ou moins etroitement.

Tel est d'abord le cas pour la partie de cette oeuvre qui Louche a 1'Arithme- tique.

A c6te des perspectives largement ouverles dc 1'Analyse pure et de ses appli- cations geometriques et physiques, la theorie des nombres, isolee, au moins en apparence, du reste de la Science, n'a pas cesse cependant d'etre cultivee par les mathematiciens de race. Avec MM. Jordan et Picard, c'est surtout Poincare qui contribua a perpetuer a cet egard, dans notre pays, la tradition d'Hermite. Nous avons dit que de cette tradition proc&dent des notes presque contempo- raines de la Th£se dont nous avons parle en commengant. Poincare, transporte d&s cette ^poque les m6thodes d'Hermite au cas le plus g6n6ral des formes de degr£ quelconque a un nombre quelconque de variables.

Nul domaine ou ces generalisations soient plus cach^es que celui de I'Arith- m£lique qui nous occupe en ce moment. La discontinuity qui en fait le carac- toe essentiel s'y r6v^le en quelque sorte, au point de vue logique, par celle qui s6pare souvent les notions destinies a se montrer analogues entre elles, en ne les laissant se rattacher les unes aux autres que par un fil t^nu. En lisant les Notes dans lesquelles Poincar6 traite ainsi les notions de genre et d'ordre d'une forme, on se convaincra a quel point de telles analogies sont difficiles a saisir. Poincar6 sut les rendre claires et evidentes et par consequent, 1& comme ailleurs, introduire la simplicity et la cohesion la ou semblait devoir regner 1'artifice. G'est ce qui apparait encore a un haut degr6 dans ses recherches sur la reduction des formes,

M. Jordan venait de montrer que la methode m&me d'Hermite permet d'etablir pour les formes quelconques, le th6or£me d'aprSs lequel le nombre des classes algebriquement equivalentes estfini. Poincare, poursuivant lam£me voie, put ainsi g6neraliser la notion de reduction, generalisation que (comme

i68 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

la precedente, d'ailleurs) Hermite n'avail donnee, du. moins pour des variables en nombrc superieur a 2, quo rclalivemenl aux formes decomposables en facteurs lineaires,

Avec Poincare'j on pent dire que toute question disparait, en ce sens qu'une ide"e d'une rare simplicity fournit d'un seul coup la regie applicable a tous les problemes de cette cate'gorie. La reduction demande'e est de'compose'e en deux operations dont Tune ne depend que de 1'Algebre : c'est la reduction de la forme donne'e, au senspurement alg^brique du mot. L'autre operation est entierement mde"pendante de la forme considered etnede'pend que des proprie'tes du groupe arithme'tique : c'est une sortc de reduction par rapport a ce groupe, des substi- tutions du groupe line'aire de 1'Algebre, reduction qu'on sail efiectuer par cola inline qu'on salt reduire les formes quadra Liques definies.

La solution de cette seconde partie du probleme elimine, en somme, toules les difficultes de nature aritbmelique.

La reduction des formes cubiques lernaires se prusente comme application imme'diate de ce principe.

Ces recherches, ainsi que celles que Poincaru consacra a l'(Uude des points de coordonn^es rationnelles surune courbe du troisiemedegr6, sont foncla men- tales dans la tbe'orie, si peu exploree encore, des formes de degr6 siipcrieur.

La the'orie des formes quadratiques dut, elle aussi, a Poincare des progrks essentiels; et ceci nous ramene aux fonctions fuchsiennes.

C'est, on le sait, un titre de gloire de quelques-uns des plus grands matbe- maticiens du xix°siecle de Dirichlet, de Riomann, d'Hermite enlre uutros que d'avoir su e'clairer 1'Arithme'tique a 1'aide do 1'analyse du continu qui sem- blait, au premier abord, ne devoir jamais y penetrer.

Ce re'sultat rcmarquablc a mOme <Hc obtenu de deux, mnnieres enli^rcment diffe'rentes. Le point de depart de Riemann est le meme que celui do Dirichlet (et aussi, au fond, que celui qui a servi a Jacobi dans les Fundamenta). Mais celui d'Hermite est sans rapport avec le premier.

Gr&ce aux fonctions fuchsiennes, Poincare' rcussit a son tour a dtablir uue alliance analogue, et cela sous deux formes, elles-memcs profondement dis- tinctes, respectivement en relation avec les deux grands priiicipes qui viennent d'etre mentionne's. Aux iddes d'Hermite se rattachent les recherches que Poincare' entreprend sur les formes quadratiques, dans le cas qui appellele plus de recherches, celui des formes ind6finies. La particularity qui fait la difficult^ et 1'int^r^t de cette cat^gorie de formes est, on le sait, que chacune d'elles se

L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 169

reproduil sans alteration par une infinite de substitutions lineaires formant un groupe disconlinu. Or on est ainsi rainenc aux groupos fuchsions.

Non seulement ccux-ci se trouvcnt ainsi et cela, comrae le montre Poincare (* ), par 1'intermediaire de la Geometric non euclidieune eclairer la theorie des nombres, mais il est remarquable qu'en I'esp&ce 1'inverse a ega- lement lieu : c'est par cette voie qu'on etend a certaines fonctions fuchsiennes la seule propriety remarquable des fonctions elliptiques dont 1'extension, dans ce domaine, ne parait pas-pouvoir se faire d'une mani&re enticement generale, le theor&me d'addition. Poincare montre, en invoquant une fois de plus les propriety geometriques des polygones generateurs, que cette extension depend d'une sorte de commensurabilite entre le groupe de la fonction fuchsienne et une substitution determinee, non comprise dans ce groupe; et cette commen- surabilite, qui n'existe pas dans le cas general, se pr6sente au contraire lorsque le groupe fuchsien consider^ a une origine arithmetique.

Mais ce rapprochement n'est pas, nous Pavons dit, le seul que Poincare ait eiabli entre les fonctions fuchsiennes ct 1'Arithmetique. Des le debut de ses recherches, en effet, il a donne du probleme de 1'equivalence une solution g6ne- rale toute nouvelle, fondle sur 1'extension au domaine arithmetique de la notion d'invariants. Gjiaco a la discontinuite des groupes auxquels conduit la th6orie des nombres, les invariants arithmtHiques existent la m^me ou il n'y a point d'invariants alg6briques et, independamment d'expressions par int^grales definies, ils en possOdent d'autres sous forme de series sur lesquelles leur pro- priet(§ d'invariance est mise imm6diatcment en evidence. Les series auxquelles on aboutit ainsi sont tr^s voisines des series connues de Dirichlet, mais leur formation, qui par consequent se rattache aux recherches de ce ggom&tre, s'inspire cependant, commc on le voit, d'un principe d'une bien plus grande gen6ralite et dont la relation avec les mulhodes suivies en Alg&bre apparait immediatemeiit.

Elles sont, d'autre part, etroitement liees aux series 0 d'une part, aux fonc- tions fuchsiennes dc 1'autre et montrent la relation qui existe entre ces deux sortes de fonctions par 1'intermediaire de la fonction modulaire. C'est ce point de vue qui a donne a Poiacare de nouveaux developpements des fonctions elliptiques.

L'etudc de la categorie de fonctions fuchsiennes a laquelle appartient ainsi

(l) Analyse, p. 97. OKtivres, t. V, p. 8.

H. P, XI. 22

I70 L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

la fonction modulaire devait attirer a nouveau son attention; elle fait 1'objet du dernier travail qu'il nous ait laisse ([).

Outre la theorie des formes, Ics deux principaux chapitres de 1'Arithmetique moderne sont la theorie des nombres premiers el cello des ideaux. PoincanS les a abordes tous deux ensemble dans le Memoire intitule Extension aux nombres premiers complexes des llieoremes de HI. Teliebiclieff. La m<Hhode du geom&tre russe, conservee dans son principe general, a du subir d'importantes modifications pour s'adapler a ces nouvelles circonstances. II est remarquable que le resultat obtenu soit independent de deux Clements qui s'introduisent d'une manure n6cessaire dans les calculs, le nombre des unites independantes du corps consider^ et celui des classes d'ideaux qu'il renferme, et que d'autre part, cc resultat relatif aux nombres imaginaires puisse servir a etudier la distri- bution des nombres premiers reels entre les formes f^n -f- i , l\n -f- H.

Enfin, rappelons qu'une des premieres publications de Poincare avail cnrichi, en m6me temps que rassembl(5 dans une sjiilhtise particulierement lumiiieuse, les proprieties des corps quadratiques et des ideaux correspondants, en les rattachant a une nouvelle theorie g^ometrique des r^seaux (au sens cle Bravais). On sait avec quel succes unc synth^se analogue fut reprise plus tarcl par"M. Klein,

D'aulre part, vers le m^mc temps ou PoincanS se rev^lail, deux tlieoriiss g6n^rales nouvelles sont venues modifier la marche ch1 la science : la theorio des groupes continus de S. Lie et celle des ensembles de Cantor.

L'une et 1'autre ne pouvaientmanquer de recevoir de Poincart1 d'imporlantes contributions.

La premiere lui doit une etude nouvelle de ses notions gdnerules, qu'ii eclaire (-) grace a un remarquable emploi de FinlcSgrale de Cauchy, en mon- trant, en particulier, que les probl&mes que Lie avait r^ussi a ramener ?\ des equations differentielles peuvent se resoudre par quadratures, sinon par des operations enti&rement algebriques.

Mais la theorie des groupes continus vaut surtout par ses applications. On

(*) Ce Memoire (Ann. Fac. Sc. Toulouse, 191,3. OEuvres, t. 2, p. 592-618), n'a paru qu'upres la mort de Poincar£ cL ne figure pas dans la liste qui pr6cede son Analyse. (-) Voir p. 98 de son Analyse, OEuvres^ t. V, p. 4.

L/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 171

doit a Poincare 1'une des plus remarquables et des plus inattendues, celle qui est relative aux quantites complexes en general, c'est-a-dire aux diverses gene- ralisations que, apr&s Hamilton, Grassmann et d'autres, on peut essayer de donner a la theorie des imaginaires. Poincare montre que ce probl^me se ram&ne enticement a 1'etude et a la discussion de certains groupes continus lineaires.

La theorie de Lie intervient d'ailleurs dans plusieurs autres travaux de Poincare. Elle joue par exemple, un r6le essentiel dans les recherches dont nous parlerons plus loinsurla representation conforme et les foiictions de deux variables et c'est par elle, ne 1'oublions pas, qu'il guida la theorie naissante de la relativity.

Ailleurs, il m on Ire que son emploi s'impose dans un sujet qui semblait epuise, la mise en Equations des problfcmes de Mecanique rationnelle. Dans la methode classique suivie <\ cet egard, les deplacements virtuels sur lesquels on op6re sontobtenus en faisant varier isolemeiit chaque pararnelre ; si au contraire, comme Poiiicare est oblige de le faire en vue de certaines applications a la Mecanique celeste, ccs deplacemenls virtuels sont choisis d'une mani&re quel- conque, il montre qu'on doil les trailer comme des transformations infmit6- simales et introduire la structure du groupe ainsi d^iini,

L'hisloire des relations de Poincar^ avec la th^orie des ensembles est plus curieuse. Nous avons dit, en effet, qu'il la devanca (voir plus Iiaul, p. 161) en. Pappliquant avant m6mo qu'ellc ful nde, et cela dans un deses re^sultals les plus saillants el l(»s plus justement ct^bres.

Cette th^orie s'est depuis constammenl remontr^e vers la plume. Qu'il s'agisse dethrone des fonctions, d'^quaiions diff^rentielles, on la verra toujours se pr^senler a lui, comme elle s'imposera d(5sormais a tout g^om&tre qui, dans un domaine quelconque, tentera d'aller vtSritablement au fond des choses.

l^es hauls probl&mes qu'elle soul^ve en elle-m£me ne pouvaient, eux non plus, laisser.Poincar6 indifferent. II les a trailes ici-m6me (A) et repris souvenl dans ses livres. Le terme de « definition non predicative » qu'il a inlroduil, suffit a refuter plusieurs des sophismes dont les notions fondamentales relatives aux ensembles etaient 1'objet (2).

(!) Acta, t. 32, 1909, p. igS-aoo. CRtwres : (Ho Volume p. II/J-TIQ.

(2) Lc scul raisonnemcuL que nous defcudrions conlro les criLiques dc Poiacarc a ce point de vue est celui de M. Zerrnelo sur Ui possibilite d'ordonner tin ensemble quelconque.

172 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

3. LA TllfiOlUti G fiN fl HAWS.

Avec Gauss, Cauchy, Riemann, Weierstrass, la notion precise de ce qu'on doit entendre par fonction analytique etait acquise, La theorie en etait faite, au fond, sur le module qu'offrait naturellement FAlg&bre. Toule fonclion analytique peut £tre representee, dans tout domaine suffisamment restreint, sauf au voisinage de certains points particuliers, par un developpement en serie enti&re.

Certaines d'entre elles peuvent £tre ainsi representees, par un developpement unique, pour toutes les valeurs de la ou les variables : ce sont les fonctions entieres. Dans le cas d'uue seule variable independante, Weierstrass avait reussi a etendre a ces fonctions le theor£me de la decomposition en facteurs, sous une forme identique a celle des polynomes, a ceci pres qu'aux facteurs binomes classiques de i'Alg&bre venaient s'adjoiiidre, et cela a deux titres differents, des facteurs exponentiels.

Apr6s ces fonctions endures viennent les fonctions meromorphes , analogues aux fonctions rationnelles et qui se comportent comme elles au voisinage d'un point quelconque (a distance finie). Grace au theortiine qui lui a donne la decomposition en facteurs, Weierstrass montre qu'une fonction meromorphe d'une seule variable esl le quotient de deux fonctions entires, pendant que le th^ortjme de M. Mittag-Leffler t^lend a cc domaine la decomposition en elements simples.

Ces deux cas sont les plus elementaires. D'autres beaucoup plus compliqu6s peuvent se pi6senter, m^me si Ton se borne aux fonctions uniformes. Mais celles-ci sont loin d'etre la rejgle. La grande difficult^ de la th^orie est pr^ci- s^ment 1'existence des fonctions non uniformes, qui, en un certain sens, mettent en d6faut la definition m6me de la notion de fonction.

De ces fonctions non uniformes, on n'avait qu'une notion purement nega- tive, du moins dans le cas general. Quelques categories particuli&res avaient seules ete etudiees. A la plus classique d'entre elles, celle des fonctions alge- briques, Poincare avait, des la Th&se dont nous avons parle plus haut, adjoint sa generalisation la plus naturelle et la plus importante, celle des fonctions algebroides, que ses recherches de Mecanique analytique devaient ramener souvcnt sous sa plume.

D6s que le nombre des variables devenait superieur a i, il ne restait de tout

L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE". 178

cela que le point dc depart : le dereloppement en serie emigre, applicable a une fonclion analylique quelconque dans le voisinage d'un point non singulier, et a une fonction entiere dans tout 1'espace. En parliculier, la decomposition en facteurs de ces fonctiqns entieres n'ayant plus lieu, la demonstration donnee par Weierslrass de 1'expression d'une fonclion meromorphe par le quotient de deux fonctions entieres disparaissait du m6me coup.

De 1'outil qui permet de manier si surement les fonctions d'une variable, la the'orie des fonctions de deux variables ne posse'dait que le manche.

Tel etait 1'^tat de cette branche de la science a la venue de Poincare. Voyons comment, grace a lui, 1'evolution ulterieure Cut possible.

Tout paraissait dit, en un sens, en ce qui regarde les fonciions entieres d^ane variable* Cependant, Laguerre avait montre, a 1'aide de la formule de decomposition en facteurs, que, comme les polynomes, les fonctions entieres ne devaient pas 6 tre placees toutes sur le m6me plan et presentaienl des degres de complication in^gaux tout an moins sous ce point de vuc. Avec une pene- tration qui a e'te' justement admir^e, il avait appris a mesurer cette complication par un nombre, le genre, qui fait intervcnir a la fois les deux especes de fac- teurs exponentiels menlionne'es plus haul,

Le probleme se posa alors, pour Poincare, de savoir si cette complication plus ou moins grande de la decomposition en facteurs de Weiers trass avait ou non son retentissement sur les autres propriety de la fonction, II put moiitrer qu'en effet toute limitation supposed connue pour le genre en 'entrainait une correspondante pour 1'ordre de grandeur du module de la fonction elle-m6me et aussi pour celui des coefficients de son developpement, c'est-a-dire pour ses propriet^s les plus simples et, en g<5n<5ral, les plus ais6ment consta tables.

Ainsi fut fondle la nouvelle th^orie des fonctions entieres. C'est, en effet, do cc re"sultat et aussi, ajoutons-le, d'un celebre th^oreme diVa M. Picard, qu'est sortie toute cette the'orie, telle qu'elle s'est de'veloppe'e dans le cours de ces dernieres ann6es.

C'est d'ailleurs de la m6me source que de"coulent encore les progres apport6s, principalement par MM. Borel et Boutroux, a 1'etude des fonctions me"ro- morphes : car la m^thode employee en cette circonstance derive manifestement de celle qui est appliqu^e aux fonctions entieres.

On peut m6me en dire autant pour le point essentiel : c'est en effet dans le m^me ordre d'idees que les fonciions pr^sentant cette singularity, et elle seule, aulrement dit les fonctions quasi entieres, ont 6te trailers par M. Maillet.

174 l/OSUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Les singularites fion isolees des functions imiformes sont un des sujels qui out le plus particuli&rement preoccupe" Weierstrass cL les ggom&ires qui, avec lui, out exploit la iheorie des (bnclions, el la realisation des diverses possibi- lites qui peuvenl sc presenter a eel 6gard a ete Tun des buls principaux do leurs efforts. Or, parmi les dispositions les plus etranges qui peuvenl se ren- contror, il u'eii est pas une dont Poincare" n'ait forme, comme eux, des oxemples, mais avec unc signification nouvelle.

L'existeiice de coupures essentielles pour les functions dont il s'agdt etait connue depuis Weierstrass. Mais ce sont les fonctions fucbsiennes, apres la fonclion modulaire, il est vrai qui sont venues nous montrer combien il s'en fallail qu'on dul voir la un simple objet de curiosite.

En m£me temps, nous avons vu ces monies fonctions fuchsiennes impose r a Poincare une nouvelle categorie de singularit^s que 1'imagination de ses pr£- ddcesseurs n'avait pu concevoir : les points singuliers formant un ensemble parfait non coiitinu.

Rcste cnfin, a cote de la notion de ligne singuliere, la notion toute voisine d " espace lacunaire. C'est aPoincare que 1'on doit, a cet egard, Pexemple pout 6tre le plus general et en toutcas, le plus fecond, car la mtjthode qui y conduit, fonde"e sur Fintroduction d'une serie de fractions rationnelles, est celle qui, ulterieurement, a permis a M. Borel d'etendre nos connaissances sur ce sujet.

Mais ici encore, ce n'est pas uniquement pour elle-m6me et pour mo tiro en evidence ses singularity que Poincar£ forme la s^rie dont il s'agit. II y est amene" n^cessairement par les reclierches sur les Equations differentielles qui font Pobjet de sa ib^se. Les integrales qu'il forme n'existent, comme nous le rappellerons plus loin, que moyennant des conditions d'inegalite convenables entre certains coefficients qui figurent dans 1'equation et: des lors, consider^es comme fonctions d'un de ces coefficients, elles pr^sentent precis^ment la sin- gularite qui nous occupe.

Le rdle de Poincar6, a propos des fonctions a espaces lacunaires, a done 6le le m&me que nous lui avions vu jouer vis-a-vis des lignes singulieres, des ensembles parfaits discontinus, des courbes sans courbure.

Certes, m^me si Tune ou 1'autre de ces circonstances avait et6 destinee a ne jamais se rencontrer dans les applications, leur decouverte n'en aurait pas moins ete importante pour nous. Poincare nous a montre, dans un de ses dis- cours (*), combien il faut rendre graces a FAstronomie d'avoir elargi notre

I1) Voir La valeur de la Science, Chap. VI.

L'QEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 175

esprit par la seule notion de ses distances enormes el d'avoir permis ainsi que « notrc imagination, comme 1'cBil de Paigle que le Soleil n'eblouit pas, puisse regarder la verite face a face ». Les singularite's clont nous venous de parler tiennenl unc place analogue, a ceci pres qu'elles ont soumis uotre imagination a des epreuves autremenL rudes encore, et jete" un desarroi passager, non seu- lemcnt dans les habitudes que nous tenons de nos sens, mais dans celles que nous pouvions croire issues de notre logique elle-m6me.

Poineare n?a pas laisse a 1'avenir le soin d'utiliserla lecon qui s'en degageait. Au lieu de signaler de loin d'etranges regions que la science pouvait &trc exposee a rencontrer sur sa route, il les a travers6es pour trouver, au-dcla, le but qu'elle avait a poursuivre. Ses decouvertes semblent ainsi aller d'un coup aux limites, non seulement de ce que I'humanite d'aujourd'hui peut decouvrir, mais de ce qu'elle peut comprendre.

C'est ce que la theorie des fonctions vient a nouveau de nous montrer. La inline impression s'imposera a nous, et plus fortemenl m£me, lorsqu'il s'agira des Equations differentielles. Plus complexe encore qu'en Theorie des fonc- tions, la verite que nous verrons alors se degager des travaux de Poiiicare depasse probablement la capacite actuelle de nos cervcaux.

La th^orie des fonctions non uniformes fut tir^e du n6ant grace a un th^o- reme d'une demonstration des plus d6licates.

Une fonction analytique quelconque (par consequent, non uniforme en

donn6e, on peut exprimer x en fonction uniforme d'une variable auxi- liaire £, de mani^re que z soit aussi une fonction uniforme de t. La conclusion s'etend m&me ci un nombre'quelconque de fonctions d'une m^me variable.

La the'orie des fonctions non uniformes est ainsi ramen^e a celle des fonc- tions uniformes.

Un tel fait ne pouvait manquer de s'imposer a un Poincar^ apres la d^cou- vcrte des fonctions fuchsiennes. Celles-ci, nous 1'avons vu, le mettaient en Evidence, et fournissaient la variable auxiliaire cherchee, en ce qui regarde les fonctions alge"briques. II j a plus, elles permettent de le de" montrer, sinon dans le cas ggngral, du moins dans un cas tr^s 6teiidu, a savoir, toutes les fois que les points singuliers sont en nombre fini et tous reels.

Mais si Ton veut ne faire aucune restriction relativement aux points singu- liers, d'autres mojens d'action sont necessaires.

176 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Ici (comme deja d'ailleurs pour les fonctions fuchsiennes) ce sont les prin- cipes me"mes sur lesquels Riemann avait fonde" la theorie des fonctions ab6- liennes qui s'elargissent entre les mains de Poincare, et acquierent 1'ampleur nouvelle que la question comporte. D'une part, tout le calcul va reposer sur la formation d'un domaine geome"trique, la surface de Riemann, par lequel on peuL se representer la variation simultane'e de z et de x. En second lieu, un element physico-mathematique, la theorie du potentiel, joue dans ce calcul le role prin- cipal. Mais son maniement exige une puissance d'analyse nouvelle, en raison de la complication de la surface de Riemann qui est ici a une infinite" de feuil- lets. La notion d'une telle surface de Riemann, et surtout dcs fonctions harmo- niques correspondantes est tr&s delicate et ne peut 6tre atteinte que par des passages a la limite appropries.

On aboutit ainsi a la formation d'une certaine fonction analytique t. La propriety essentielle de cette quantite consiste en ce qu'elle ne prend jamais deuxfois la m6me valeur sur la surface. C'est ce que 1'onetablit ais6mental'aidc de Fintegrale classique de Gauchy, 6tant donne* que t est la limite de fonctions ttl qui possedent la propriety en question.

Cette grandiose decouverte de V uniformisation des fonctions analytiques ne pouvait manquer de provoquer les recherches des geometres, du moins de ceux qui, capables de ressentir son importance, avaieni aussi les forces n<§ces- saires pour aborder ce sujet (1). A la suite de ces travaux, Poincare' revint lui- m^me sur sa de'couverte pour la comple'ter.

Dans 1'intervalle, il avait donn^, pour la resolution des problemes fonda- mentaux de la th^oiue du potentiel, une m6thode nouvelle, celle du balayage. Cr^(5e, semble-t-il, en dehors de la preoccupation du probleme qui nous occupe, cette me'tbode se trouvait cependant s'y adapter d'une maniere remarquablernent parfaite. L'une des difficult6s de la question est, nous Favons dit, la presence d'une infinite de feuillets de la surface de Riemann, dont, par suite de cette circonstance, la forme totale et en particulier la frontiere ne peuvent, au moins an premier abord, £tre de"finies sans de s^rieuses difficult^s. Orilse trouve que celles-ci ne gtoent en aucune fagon Tapplication de la m6thode du balayage, pour laquelle il suffit de suivre la marche m^me, classique depuis Weierstrass, de la definition d'une fonction analytique parune suite indefinie d' « elements ».

(J) Outre les auteurs dont nous parlerons dans un instant, nous nous contenterons de citer ici JML Kcebe.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 177

Poincare avail, d'autre part, a 1'occasion de son enseignement a la Faculty des Sciences de Paris, perfectionne" toute la technique de la theorie des fonc- tions harmoiiiques : il avait, par example, reconnu tout le parti qu'elle peul tirer d'un remarquable theoreme de Harnack.

ForL de ces nouvcaux moyens d'action, il put, re'pondant a un desideratum de M. Hilbert, ecarter en toute certitude pour les fonctions cherche'es, les trois points singuliers dont le raisonnenicnt primitif n'excluait pas la possibility.

D'autre part, les fonctions obtcnues ont, en general, un domaine d'existence Ilniit6 par une ligne singuliere essentielle (un theoreme de M. Picard est venu monlrcr que la solution n'est pas possible sans 1'introduction de fonctions pre- sentant ce caractere). MM. Osgood et Broclen s'etaient pr6occup6s de deter- miner la forme exacte du domaine qui, dans le plan de la variable £, correspond ainsi a la surface de Riemann donn6o. La nouvelle methode de demonstration permet de preciser davantage les resultats de ces deux auteurs.

Enfin, chose plus prcicieusc encore, elle fournit la solution la plus simple, et non plus une solution, quelconque , du probleme pose". Des lors, celte solution est parfaitement determine, du moins a une substitution line"aire pres. De la rcssort encore, cornme consequence, une propriety fonctioiinelle qui place les fonctions obtenuos a cot,6 des fonctions fuchsiennes.

Ce n'est pas la scale contribution que Poincare' ait apport^e a la theorie des fonctions non tmiformes. Tout d'abord, c'est a lui qu'on doit la limitation, au sens de la th<3oric des ensembles de la multiplicity des valeurs que pout prendre une telle fonction pour une valcur unique de la variable et aussi cles « elements » (au sens de Weiers trass) qui suffisent a la representer : limi- tation essentielle d'ailleurs au second raisonnement par lequel il a etabli le theoreme d'uniformisation.

DC plus, il a indique une methode permettant d'6tablir que toute fonction analytique z en general, non uniforme, de la variable x peut 6tre definie par une equation de la forme G(^, cc) o, ou G est une fonction entiere : pro- gres moins essentiel peut-6tre que le theoreme d'uniformisation, mais, nean- moins, extension irnportante aux fonctions transcendantes de la propriete fondamentalc des fonctions alg6briques.

Mais cette methode est en relation avec les travaux dont nous avons a parler en second lieu, et qui concernent 1'otude des fonctions de plusieurs variables.

¥ *

H. P. XL 23

jr$ L1OEUVRE MATHEIMATIQUE DE POINCARE.

Pour celle-ci plus encore quo pour la pr^c^dente, on peut dire quo les impulsions dt5cisives viennent de Poincare.

Dans cet ordre d'id«5es, un seul tli(k>reme, le Vorbereitungssatz avail $te anterieurementobtenu. Mais, par deux fois, il (Stall rest<5 ignorg du public scien- tifique. Weiers trass Pa reserve, comme il le faisait souvenl, au cercle resireint dc ses auditeurs, jusqu'en 1886, et M. Lindelof a 616 le premier a d^couvrir (*) que le veritable auieur en cst Gauchy.

II pent n'£tre pas inutile, dans ces conditions, dc noter que les r<3sultats relatifs aux fonctions algdbroi'des, obtenus par Poincart* dans sa Th&se, Equi- valent au th£or&me en question (2).

Gelui-ci d'ailleurs, pour Poiacartf comme pour Weierstrass, n'eHait que pr<5- paratoire. L'^tude des fonctions de plusieurs variables ne fut v^ritablement inauguree que lorsquc, peu d'ann£es aprfcs, Poincar6 r^ussit a leur etendre le th^orfeme de Weierstrass sur les fonciions m&romorphes.

Quel que soit le nombre des variables, une telle fonction est caractt5rist5e par la propri^te de se comporter au voisinage d'un point quelconque autrement dil, localernent comme une fonction rationnello. Localement done, elle s'exprime par le quotient de deiix series entires convergenles dans un rayon suffisammenl petit. G'est ce r<5sultat qu'il s'agit d'6tendre a tout 1'espace en exprimantla fonction consid^r^e par le quotient de deux series entires ton- jours convergentes.

IMous avons dit qu'on ne pouvaii songer a employer, a cet effet, la method e qui r(5ussit clans le cas d'une variable. Poincar^ recourl encore une fois a la th^orie du potentiel ou plutot a la thdorie analogue dans 1'espace a quatre dimensions, celle des fonctions V qui satisfont a liquation

(

Cette m6thode semblo cependant, au premier abord, inapplicable au probldtne actuel. Liquation aux d^riv^es partielles pr^c(5dente ne suffit plus, en effet, a caract^riser la partie r6elle d'une fonction analytique : cette partie r^elle doit satisfaire a quatre Equations aux d£riv6es partielles et non a une seule. Tl

(1) Voir ses Legons sur la theorie des residus (Paris, Gauthier-Yillars, igo5, note de la page 2.7).

(2) Us en fournissent meme une extension, dans laquelle, au lieu de liquation obtenue en 6galant une fonction unique a z6ro, on considere un systeme d'^quations a plusieurs inconnues.

l/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 179

semble done que la formation d'un potentiel verifiant Funique equation ci- dessus ecrite soil sans valeur au point de vue du r^sultat final.

II n'en est rien : si Ton a obtenu ce potentiel, Poincare montre qu'il suffit d'y ajouter une fonction r^guli&re convenable pour int^grer Fensemble des qua Ire Equations mentionn6es tout a Fheure eten deduire la fonction qu'il a en vue, a savoir le logarithme du denominateur cherche.

Quant a la formation du potentiel en question, elle consiste en une sorte de raccordement analytique entre plusieurs fonclions (les logarithmes des denomi- nateurs des diverses fonctions qui repr^senlent localemenl la fonction donnee) definies chacune dans une portion seulement de 1'espace, mais dont les diffe- rences mutuelles dans les regions ou deux d'entre elles existent a la fois, sont reguliSres. Ce raccordement, 1'ernploi de potentiels, tous analogues aux poten- tiels de simples et de doubles couches, permetdel'operer. Lorsqu'ils'agitenfin de passer a la limite pour le cas de 1'espacc indefini en tous sens, la m^thode a appliquer est connue : c'est celle par laquelle on demontre le theor&me de M. Mittag-Leffler sur le developpement des fonctions meromorphes d'une variable en serie d'elements simples.

Poincare a eu a revenir sur la demonstration de ce theor&me, pour 1'adapter a la th.6orie des fonctions ab^Kennes. Dans ce cas, en effet, la fonction donn^e ^tant p6riodique, il importe de diriger le calcul de mani&re que le num£- rateur et le d&nominateur obtenus poss^dent eux-ra&mes, non la periodicity proprement dite, mais, a la fagon des fonctions 6 (auxquelles, d^s lors, ils se ram^nent) la p6riodicit6 de troisi^me esp^ce au sens d'Hermite, qui est a la periodicity ordinaire ce que Finvariance relative est a Tinvariance absolue. Poincare' reprend, a cet effet, la demonstration de son th6or^me general, tant celle qu'il avait donmte que celle qui avait £t£ fournie depuis par M. Cousin. II en indique m6me, dans le m6me but, une autre, toute diflferente de celles dont il vient d'etre question par la nature des potentiels employes. Au lieu d'etre, dans 1'hyperespace, les analogues d'un potentiel newtonien de surface, comme dans la demonstration primitive ceux~ci peuvent, en effet, 6tre analogues a des potentiels (newtoniens) de lignes attirantes, de sorte que nous devons a cette circonstance la connaissance des singularites (en general loga- rithmiques) des potentiels de cette esp&ce. '

Un autre point important de la theorie des fonctions d'une variable attirait Fatteation au point de vue de son extension au cas actuel : la notion de r&sidu,

i#o I/GEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

base des plus belles d<5couvertes de Caucliy. En general, c'est-a-dire dans toute region ne comprenant pas de points singuliers, 1'intggrale d'une fonction ana- lytique le long d'un contour fermg est nulle. Au contraire si ce contour contient a son int^rieur un point singulier, I'int^grale esL proportionnelle a un certain nombre determine^, caracteristique et en quelque sorte, mesure de la singularity, qui cst le residu.

Gotte pierre angulaire de la theorie de Cauchy devait cHre transport^ a la the^orie desfonctions de deux variables, si Ton voulait fonder utilemeiil celle-ci. II fallait, a cet efifet, considerer les integrates doubles prises le longde multipli- cittis f cringes de 1'espace a quatre dimensions, et montrer tout d'abord que ces integrates etaicnt independantes de la forme de la surface d'integration (tant que cclle-ci varie continument sans rencontrer de singularity ), une condition cl'integrabilite analogue a celle qui intervicnt pour les differentielles totales ordinaires etant verifie'e.

Mais ceci fait, le calcul de la valeur de cette integrate autour d'une singu- larit^ donnee, pr^sentait des difficult(5s inattendues. Stieltjes qui 1'avait effectue clans un cas particulier, n'avait pu le publier, le r(5sultat donnant lieu a une objection qui scmblait sans r<5plique. Dans I'int6grale qu'il avait traitt^e, la

quantity sous le signe // e^tait de la forme -^j P, Q, R (^tant trois polynomes

entiers dont les deux derniers s'annulent ensemble sur la singularity consider(5e. Or Stieltjes trouvail, pour le residu, une valeur qui change de signe quand on permute entre eux les deux facteurs du dt^nominateur.

Pour faire cesser cette contradiction apparente, il fallait arriver a une vue exacte et pen6trante des propriety g^om^triqnes d'une figure Irac^e dans 1'hyperespace. Poincar(5 montra ainsi comment 1'ordre des deux facteurs en question influe, dans cet exemple, sur le sens de I'inleSgration.

Ces deux series de recherches de Poiiicar^ rcst^rent longtemps la seule base des travaux entrepris sur les fonctions de deux variables (*). Les plus impor- tants, tels que celui de M. Cousin, derivcnt du the^orSme sur les fonctions m^romorphes et fournissent une seconde demonstration de ce th<5or£me.

Ce vaste domaine des fonctions de plusieurs variables devait, plus tard, offrir encore a Poincar^ un autre objet de meditations. La representation conforme

(l) C'est seulement dans ces toutes dernieres annees que d'autres voies se sont ouvertes avec des travaux parmi lesquels nous nous contenterons de citer ceux de MM. Faber, Hahn, Hartogs, E. E, Levi, etc.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE". l8l

ofFre, d6s le cas d'une variable, un remarquable exemple de la difference pro- fonde qui existe entre les proprietes locales des fonctions et celles qui inter- viennent lorsqu'on les consid^re non plus au voisinage imrmSdiat d'un point, mais dans tout leur domaine d'existence.

Le probl&me (probl&me local) qui consisle a representer, par rmtermediitire d'une fonction analytique, un arc (sufflsamment petil) d'une courbe donn^e c sur un arc d'une aulre courbe donnde G a, en efTet, une infinite de solutions dependant d'une infinite d'arbitraires, Landis que le probl^me etendu qui consisLe a representer, dans les m6mes conditions, la courbe fermde c tout entiere, sur la courbe fermee C (et 1'airc s limitee par c sur 1'aire S limitee par G) est, au contraire, determine a une substitution homographique pr£s.

A cetLe difference, on apercoit immedialement deux raisons : la premiere residant dans ce fait que les courbes c et G sont ferm^es et que d£s lors le pro- longement de la fonction cherch^e tout le long de ces courbes doit presenter par rapport a Fare de Tune d'elles, par cxcmple, une periodicity qui n'appa- raissait point lorsqu'on se bornait a consid^rer des parties tr&s petites des courbes en question ; la seconde, dans celui que la fonction cherch^e ne doit pas seulement 6tre definie au voisinage de c, mais dans tout I'inlgrieur de s.

C'est cette 6tude que Poincare transporte au cas de deux variables, en s6pa- rant m£me, par 1'introduction d'un probl^me intermediaire (1) (danslequel on demande que les fonctions cherch<3es soient reguli^res sur toute la fronti<^re, mais non dans tout le domaine qu'elle limite) ces deux caracteres qui diffe- rencient 1'un de 1'autre le probl&me local et le probl^me 6tendu. Les r^sultats cbangent d'ailleurs notablement de forme dans cette extension. Le probl^me local cesse lui-m^me d'etre possible en general. Une infinite de conditions de possibilite apparaissent et ces conditions de possibilite introduisent une s^rie d'invariants differ en dels, obtenus en ecrivant que la transformation de 1'une des fronti£res donnees en 1'autre est possible, dans la region infiniment voisine d'un point donne, aux infiniment petits du n^'™G ordre pr^s.

Ge Memoire de Poincare ouvre d'ailleurs la voie a touLe une serie de recherches ou, commeill'a montre, intervienl d'une manure necessaire Fetude approfondie de certains groupes continus.

(l) En vertu d'un th^oreme de M. Hartogs, il se trouve que la solution de ce probleme inter- tn^diaire peut 6tre utilisee pou-r celle du probleme, Etendu,

182 L'GEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

G'est a ces propositions fondamentales sur les fonctions de plusieurs variables qu'il faut rattacher les resultats obtenus par Poincare sur les fonctions ab<?- liennes, ceux qui derivent de 1'application des fonctions fuchsiennes exceptes. Leur point de depart est la distinction qu'il etablit entre la theorie des fonc- tions abeliennes et celle des integrates abeliennes, theories que, depuis Riemann, on etait habitue a confondre 1'une avec Fautre.

Si, comme on le sail depuis Riemann, les integrales des fonctions algebriques s'expriment par le mojen des series 0, la solution ainsi obtenue depasse en quelque sorte le but. Certaines fonctions 0 correspondent a des probl^mes de quadrature de 1'espSce indiquee, mais elles sont speciales; il enexiste une foule d'autres qui n'ont point une origine de cette esp&ce.

Quelles sonL les relations qui caracterisent ainsi les fonctions 0 speciales ? et, d'autre part, que peut-on dire des autres fonctions 0 ?

Mais auparavant, une autre question analogue se presentait, qui s'etait deja pos6e a Riemann m6me (lequel 1'avait signalee a Hermite, puis a Weierstrass et qui, en m6me temps quePoincare preoccupa MM. Picard et Appell (*), celle de savoir si les fonctions p^riodiques obtenues comme quotients de fonctions 0 sont les plus g6nerales parmi celles qui pr^sentent le m^me nombre de p^riodes.

Cela est d'autant moins Evident que les fonctions 0 ne peuvent pas <Hre form^es avec des p^riodes enti&rement arbitraires. Au contraire il ne semble nullement a priori, que la definition des fonctions p^riodiqucs doive impliquer, entre ces p^riodes, une condition quelconque. G'est cependant ce qui a lieu et toute fonction m^romorphe zp fois p&riodique de p variables complexes peut ^tre repr^sent^e par un quotient de series 0. Poincar6 publia sur ce point, en collaboration avec M. Picard, une demonstration qui, un peu plus tard fut reconnue identique a celle qu'avait obtenue Weierstrass. Nous avons ditquele m&me fait se pr^senta plus tard a. lui comme une simple consequence du th6o- r&me fondamental sur les fonctions meromorphes, moyeixnant une etude plus approfondie des operations par lesquelles on etablit ce theor^me.

Geci elucide, il fallait entreprendre 1'examen des fonctions 0 indepen- damment- de toute origine algebrique, pour apprendre a, distinguer entre les fonctions 0 appelees plus haut speciales (c'est-^.-dire celles qui ont une telle origine) et les autres.

(l) Yoir Analyse, p. 82; Cftuvres, t. IV, p. 293,

L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. i83

Dans eel ordrc d'idees, Poincare, des i883, considere un systeme de p fonc- tions 0 a/? variables, toutes aux m6mes mnltiplicateurs, et determine le nombre des solutions (essentiellement dislinctes, c'est-a-dire telles que la difference de deux quelconques d'entre elles ne soil pas une periode) communes aux Equa- tions obtenues en egalant ces fonctions simullane'ment a zero.

C'esl a cette occasion que Poincare utilise, pour la premiere fois, le the'oreme par lequel Kronecker venait d'exprimer le nombre des solutions d'un sysleme donne, admirable instrument qui semblait avoir ete cree en vue d'un tel ouvrier, et que nous retrouverons a lant de reprises dans 1'etude de son oeuvre. Grace a lui, il put montrer que le nombre en question ne depend que du nombre p des variables et du degre des fonclions 0.

La difference entre le point de vue de Poincare' et celui de ses predecesseurs apparait par la comparaison entre cette question et celle que s''etail posee Riemann relativeraent au nombre des zeros d'une fonction 0 du premier degre. Si, dans une telle fonction, on substitue aux/> variables les valeurs des/? inte- grales abeliennes de premiere espoceallackees aun nie~me point M de la courbe, on a une Equation (a une inconnue, cette fois) qui admet/? solutions.

Get eiionce differe, on le voit, du precedent, non pas seulement en ce que la fonction 0 conside're'e doit 6tre sp^ciale, mais en ce que les variables ne peuvent prendre que des valeurs ires particulieres, ne dependant que d'un seul parametre et non de p. Poincare 6tend d'ailleurs le re'sultat de Riemann aux fonctions 0 de degre' quelconque (le nombre des solutions devenant alors e'gal a np] et a une se>ie de questions qu'on peut coiiside'rer comme intermddiaires entre les deux pre'ce'dentes.

La relation entre ces diffe'rents points de vue est e'galement mise en lumiere dans la representation ge"om6trique qu'il emploie.

II y a nP fonctions 0 de degr^ n ayant des rnultiplicateurs donnas. Si 1'on considere les valeurs de ces np fonctions 0 comme des coordonn^es homogenes dans 1'espace a n13 r dimensions, le point qui a ces coordonne"es point qui reste inaltere par Taddition aux variables d'une p^riode quelconque, puisque toutes ses coordonn^es sont multipli6es par la m6me quantity, de"crit, dans cet espace, une vari6t6/> fois etendue V. Lorsque les fonctions 0sont sp^ciales et de"rivent d'une courbe alg^brique C, si 1'on remplace les variables par les int^grales abeliennes attach6es a cette courbe, on a une courbe B situ6e sur V. Le th6or^me de Riemann etendu par Poincard montre que cette courbe est alg^bricjue et fait connaitre §pn degre. Poincare constate d'ailleurs qu'elle est

1 84 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

plane, ou, plus exactcment, qu'elle est situ6e sur une vari<5l<3 plane a (n 1)/> dimensions. Quant au the'oreme mentionne' plus haul sur les ze'ros communs a p fonctions 0, il fait connaitre le degr<5 de la variete V, laquelle esL alggbrique, et cela, cette fois, m6me si les fonctions 0 conside'rees ne sont pas spe'ciales.

Unseul resultatappartenanta cette categoric porte, comme celui de Riemann, sur une seule equation a une seule inconnue, Lout en n'cxigcant pas que la fonction 0 qui y intervient soit sp^ciale. 11 ge'ne'ralise la relation de Lcgendre entre les p6riodes des inte'grales elliptiques de premiere et de deuxieme espece, relation quc la thdorie des fonctions nous a montre'e dependant du nombre des ze'ros de la fonction 0 dans un parallelogramme des periodes. Pour arrivcr a im r^sultat pre'sentant ces caracteres, il fallait vaincre une difficult^ de nature ge'ome'trique par laquelle cette recherche se rapproche de celles que Poincare avait dtjveloppees sur la th^orie ge'ne'rale des fonctions de plusieurs variables.

Apres avoir, par son the'oreme de i883, 6tendu une proposition classique sur le nombre des z6ros d'une fonction elliptique, Poincare va plus loin ct donne une extension analogue a celle qui fait connaitre la somme de ces ze'ros.

Des le premier de ces deux the"oremes, on voit intervenir occasionnellement comme auxiliaires les cas de reduction dont nous avons parl(5 pr6c6demment. Cette premiere intervention n'est toutefois qu'accessoire, pour ainsi dire : 1'emploi du the^oreme de Kronecker ayant montre', comme nous 1'avons dil, que le nombre des zeros communs est constant, 1'examen d'un cas de reduction ou tout se ramene aux fonctions elliptiques fournit simplement la valeur de celte conslante.

M*is c'est seulement avec le the'oreme sur la somme des ze'ros que ces fonc- tions abeliennes re'ductibles jouentun role essentiel et, ainsi que les irajoctoires pe'riodiques de la M^canique celeste auxquelles on pourrait a la rigueur les comparer, sont pour nous, toutes particulieres qu'elles soient, le moyen d'atteindre toutes les autres fonctions abeliennes.

Poincar6 remarque, en effet, qu'on peut trouvcr, d'une infinite de manieres, des fonctions abeliennes re'ductibles aussi pen diflf^rentes qu'on le veut d'une fonction abelienne quelconque donn^e, de m^me qu'au voisinage d'une incom- mensurable donn^e, on peut trouver une infinite de nombres commensurables. II suffit des lors de resoudre le probleme pour les fonctions r^ductibles, la solution s'e'tendant imme'diatement, par voie de continuite aux fonctions abe"- liennes quelconqu^s.

' L'QEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE". i85

Un nouvel emploi des cas de reduction va e'galement permellre d'aborder le probleme principal dont nous avons donne' tout a 1'lieure Ft$nonc6 : la recherche des conditions moyennant lesquelles les fonctions 0 sont spe'ciales.

Ainsi est exploit tout d'abord Faspect ge'ome'lrique du probleme. Comme on pouvait au fond, 1'inf^rer des rccherches de Lie, et comme Poincar<j le de'montre d'une facon nouvello et particulierement intuitive, la condition n^cessaire et suffisante pour qu'un systeme de fonctions 0 soit special esL que la variety S dont Fequation s'obtient en e"galant 1'une d'entre elles a z6ro soit de translation et cela de deux manieres diff6rentes. L'tHude de la courbo dont la translation produit ainsi la varie'te' S n'est autre que celle de la courbe spe'ciale B dont il a e"te" question plus liaut (voir p. i83). On est ainsi conduit a de'finir cette courbe en adjoignant a Fequation de S un sjsteme d'autres Equations analogues. Mais, quoique les variety's repre'sente'es par ces Equations soient en nombre suffisaiiL pour de"fmir par leur intersection une courbe, elles ne fournissont pas uiii- quement celle que 1'on cherclie : Fintersection se decompose, et la courbe clicr- ch6e n'est qu'une des composantes.

Pour rendre possible 1'intelligence complete du me'canisme de ceLie de*com- position, Poincare est oblig6 de faire intervenir a nouveau les cas de reduction. La marchc suivie en cette circonstance est celle me1 me qui est class ique en Calcul infinitesimal : F6tude (au moins 1'^tude approcliee) des cas infiniment voisins d'uii premier cas donn6 dans lequel la solution est connue ou peut 6tre oblenue. Ce cas initial est ici un cas de reduction. Toutefois Femploi de la me'tliode est ici particulierement difficile. Si, en efFet, la discussion d'uii cas singulier tel que le cas d<i reduction est ici la seule prise que nous ayoiis sur 1<J cas ge'ne'ral, les m6mes raisons qui nous la rendcnt accessible font et nous retrouverons ce fait a propos des Equations diff6rentielles qu'elle nous oiFre de ce cas general une image plus ou moins fortement dt5form6e, ou toutes les proprie't^s ont en quelque sorte d^gt^ne"r^. Aussi nefaut il point s'etonner de ne la voir e'lucide'e que par une dissection d'une finesse extreme et d'y irouver les interpretations aussi delicates que Fcst pour le naturaliste celle d'organes dont les formes atropbiees ou regressives sont seules accessibles a Fobser- vation.

Mais la condition qui caracte'rise une fonction abelienne spe'ciale doit

s'exprimer, en derniere analyse, par une relation entre les p^riodes. C'cst la

partie la plus difficile du problenie, celle pour laquelle Poincar6 ne pout fournir

qu'un commencement de solution. La me'thode pre"ce"dente donne cependant,

H. P. XI. 24

i Nf» L'QEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

sinon la forme complete des premiers membres des relations cherche'es enlre les periodes, du moins les premiers termes de leurs developpements.

Peut-£lre convienL-il des'arreHer un instant pour jclcr sur ce qui precede un coup d'ceil chronologique. La llieorie des fonctions fuclisienncs an rait a elle seule suffi pour fonder la gloire de Poincare. Mais si elle fat d'abord la plus remarquee, d'aulres, parmi les decouvertes qui remonient a la inline e"poque, ne lui cedent nullement en importance et Ton ne pent enregislrer sans stupe- faction la rapidite avec laquelle elles se succederent a partir de 1879, date de la These de doctorat de Poincarti. Parmi celles qui apparurent depuis cette date jusqu'en iS83, nous avons deja signale :

les fonctions fuclisiennes ;

le th<§oreme fondaniental sur le genre, duquel decoulo toute la theorie des fonctions entieres ;

Puniformisation des fonctions analytiques;

la representation des fonctions mtSromorphes de deux variables par quotients de fonctions entieres ;

le the'oreme sur les zeros des fonctions G) qui devail donner naissance a la nouvelle theorie des fonctions abe'liennes ;

1'extension des notions de genre et d'ordre aux formes de degre" superieur, et la notion d'invariants arithme'tiques.

Nous avons essaye' de donner une ide'e de Fimportance fondamentale de ces diffe'rentes decouvertes. Mais la plus essentielle peut-6tre nous reste a men- tionner. Nous savons, en effet, que la th^orie des fonctions, si grande quo soit la place prise par elle dans les mathe'matiques contemporaines, n'est en somme qu'un moyen. On trouvera naturel, des lors, que la theorie des courbes deft- nies par les Equations differentielles, dont nous aurons a parler tout a 1'heure ait eu sur toute Toeuvre de Poincar6 et sur toute la marche de la science une influence plus decisive encore que les recherches meme dont il a <H6 question jusqu'ici. Or, dans ses deux premieres parties, elle remonte a la zn^me ^poque, et de cette pe~riode encore date une courte Note, grosse de toute une revolution dans nos conceptions astronomiques.

En quatre ann^es, dans les domaines les plus divers, dans les directions les

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE". 187

plus oppose"es, quelle arme"e de de"couvertes primordiales dont chacune aurait suffi a consacrer une reputation. Encore n'avons-nous cil& que celles et non peut-6tre toutes qui marquent comme un lournant pour une branclie de la science.

II n'est pas vrai que le temps ne fasse rien a FafTaire, dans la vie d'un grand savant. N'oublions pas que celle de Poincare", sans avoir la tragique brievet6 de la carriere d'un Galois ou d'un Abel devait 6lre arret^e en pleinc fe"condite.

L'accumulation de ces oeuvres me"morables un seul tome du bulletin de la Societe mathematique de France renferme trois de celles que nous venous de citer n'en est d'ailleurs pas la seule caracte"ristique. Le dieuqui les iiispi- rait manifeste son impatience dans leur style me" me. Dans nombre d'entre elles, particulierement dans ces trois articles du Bulletin de la Societe mathe- jnatique de France deux ou trois pages lumineuses autant que concises, suffisent au veni, vidi, vici d'un triomphe de 1'esprit humain.

II. Les equations diffe"rentielles .

{. LES VOIES CLASSIQUES.

Le centre de la math^matique moderne est, nous 1'avons dit, dans la the'orie des Equations difF^reiitielles et aux d6riv<5es partielles.

II nous faut maintenant montrer Poincare' aux prises avec ce double pro- bleme et tout d'abord, avec les Equations difTe'rentielles.

La place n'est point de celles que Ton puisse emporter de liaute lutte; il faut Fatlaquer successivement sur toute sorle de points et se contenter d'avantages partiels. Essayons d'e"nume"rer les directions a suivre.

I. On peut se pre~occuper de perfectionner (sp6cialement autour des points singuliers) l'6tude que nous avons appel^e locale des solutions.

II. II faut, d'autre part, savoir d^couvrir les cas ou celles-ci s'expriment a 1'aide de fonctions connues. C'eHait a eux que Ton r6duisait le probleme aux debuts du calcul infinitesimal. Tout d^chus qu'ils soient de cette ancienne importance, il importe de ne pas les laisser e"chapper lorsque, exceptionnel- lement, ils existent.

1 88 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

III. A defaul des fonctions deja existantes, il peul arriver que certaines transcendantes nouvelles, douses de propriety qui en permettent 1'eiude et le calcul, gouvernentj d'autre part, une categoric etendue d'equations differen- tielles dont elles permettent d'exprimer les integrates.

TV. On pent etudier les solutions, supposees analytiques, an point de vue de la Theorie des fonclions el chercherles cas cm elles se comporLenta ce point de vue d'une maniere remarquable.

V. On peat essayer de substituer, dans le cas general, aux developpemeiils en series qui conviennent localement, des developpements de forme diffe'rente valables pour loules les valours de la variable, etc.

Poincare suivit avec succes toutes ces voies, en me" me temps que nous le verrons en frajcr d'autres sinon entierement nouvelles, du moins presque inexplorees avant lui, et plus fecondes que les premieres.

Sa These marque suriout un progres essentiel au premier point de vue qui, nous 1'avons dit, dominait depuis Cauclij, celui de 1'etude locale des solutions. Elle n'est, en un sens, qu'une generalisation des recherches de Briot et

BoLiquel sur les points singuliers en lesquels la valeur de ~- se pr^sente sous la forme - : generalisation a un systemc d'equations du premier ordre (*), au lieu

que Briot et Bouquet n'avaient traite qu'une equation unique. Mais ici cette generalisation fait apparaitre des resullats de forme toute nouvelle. Dans 1'exemple de Briot el Bouquet, un seul coefficient influait sur la forme des resultats, et la discussion ne reposait que sur le signe de ce coefficient. Cclle de Poincare inlroduit au conlraire plusieurs nombres (dependant, comme le coef- ficient unique de Briot el Bouquet, des termes du premier degre de liquation) el les conditions d'inegalite que Ton doit former ne s'exprimenl aisernent quo sous forme geometrique, en circonscrivant un polygone convexe au systeme des poinls qui ont pour affixes les nombres en question. Le resultat obtenu entrainc des lors que, considers comme fonctions de Fun d'eux, les solutions pre- sentent un espace lacunaire (en Tespece, un poljgone reciiligno); c'est Pexemple dont il a cjeja ete parle plus haul et qui, comme on le voit, ne pouvait etre soupgonne tant qu'on s'en tenait au cas de Briot et Bouquet.

considere plus specialement, dans ce travail," liquation aux ddrivees partielles du premier ordre equivalente au systeme.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 189

Une autre question qui, bien qu'appartenant a cette premiere categoric des Etudes locales, soul&ve de serieuses difficult^, non encore compl&lement sur- montdes, est le calcul des inl^grales irrgguliSres des Equations lin&iires, les seules que la m^thode de Fuchs ne permette pas d'obtenir. Deux sortes de de"veloppemenls, tr£s semblables au premier abord, compl&lemeni diflferents en r^alite, peuvenl 6 ire proposes pour represenler les solutions : les uns sont convergent, mais on ne sait pas en irouver les lermes (!), les aulres peuvent cHre formes effectivemenl a 1'aide des donates de la question, mais ils soul divergents en general.

PoincartJ, utilisant une transformation classique due a Laplace, inonLre, comme il le fera bieniol en M^canique celeste, que ces developpements diver- gents out une signification : ils font connaitre, jusqu'a lei ordre de pelilesse qu'on le veuL, 1'allure de la fonction. De plus, il obtient par la mgme voie uiiu condition n^cessaire eL suffisante pour qu'il y ait convergence.

Sur un point, la recherche de la limite vers laquelle tend la d^rivee loga- rithmique de la solution la meHhode employee se rapproche bcaucoup de celles que nous retrouverons plus loin a propos del'£lude, nonplus locale, mais g£n6ralc du probl&me des 6quations diff&renlielles ; et dans le fail que la ques- lion donl nous parlons en ce moment n'est « locale » qu'en apparence reside sans doute la veritable raison des grandes difficult^s de cette question qui m£ri- lerait encore tant de nouvelles recherches.

La connaissance des cas ou ^integration se fail par les fonclions classiques a ^galement (5L(5*notablement <5tendue par Poincar^. II en a (5L<5 ainsi en parti- culier en ce qui concerne Fint^gralion des Equations Iin6aires par les fonclions ab^liennes. Mais surtout, il s'est atlaqu6 a la question si simple d'^nonce, si difficile en r6alit<3, qui se posait apr&s les recherches de M. Darboux et qui consiste a reconnaitre si Fint^grale g6n6rale est alg^brique. II a pu, dans plu- sieurs categories de cas nouveaux, oblenir le r^sultat essenliel, la limitalion du degr^. Ici encore, une partie de ses r<5suliats esl due a 1'inlervenlion des fonc- tions fuchsiennes.

Si grandes que soient les difficult de cette question, on ne doil aujourd'hui, nous 1'avons dit, voir la que le petit c6t6 du calcul integral. Au lieu de recher-

( l ) On connait aujourd'hui, thdoriquement parlaat, grace aux Memoires de M. Helge von Koch, un moyen de combler cette lacune en calculant les termes dont il s'agit : nous dirons plus loin comment ce re"sultat derive des travaux de Poincar6 lui-meme.

HJO L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

cher non Sans peine, nous venons de le dire, si un extraordinaire hasard iie nous a pas mis en face d'une Equation integrable elementairement, il est autre- ment important de disposer des transcendantes necessaires pour integrer les equations diffe'rentielles telles qu'elles se presentent en fait.

A ce point de vue, nul geometre n'a remporte de victoire plus glorieuse que 1'inventeur des fonctions fuchsiennes, qui permettent d'atteindre toutes les Equations diffe'rentielles line'aires a coefficients algebriques.

L'etude des solutions analytiques au point de vue de la the'orie generale des fonctions doit a Poincare un travail qui a joue dans les recherches contempo- raines un role primordial, quoique la conclusion en ait ete essentiellement negative. L'lijpothese la plus simple que 1'on puisse imaginer en ce qui regarde la disposition, inconnue en general, des points singuliers des integrates d'une Equation differentielle, celle des equations a points critiques fixes, avail 616 pour la premiere fois conside're'e par Fuchs. Ge savant etait parvenu a ecrire un systeme de conditions mojennant lesquelles les points critiques sont les monies pour toutes les solutions d'une m£me Equation du premier ordre. Mais il n'y avait la que 1'amorce d'une response a la question ainsi pos6e; il restait a savoir quelles etaient les Equations diffe'rentielles remplissant ces conditions et si, par leurs integrates, on pouvait £tre conduit a des transcendantes nouvelles. Poincar<5, pour qui les Equations de cette nature se pre'sentaientne'cessairemeiit comme generalisation naturelle des equations lineaires qu'il venait d'iiitegrer, montra que toutes se ramenent a des cas deja etudies.

Geci semblait uniquement terminer, sans laisser apercevoir d'issue nouvelle, les recherches de Fuchs.

II n'en etait rien : ce Memoire, et particulierement la methode employee par Poincare" methode sur laquelle nous reviendrons un instant plus loin devaient servir de base a toute la theorie analytique des equations differentielles qu'on doit a M. Painleve.

Enfin, dans le cas general, il importe tout d'abord, nous 1'avons dit, de former des developpements valables pour toutes les valeurs (au moins reelles) de la variable. Aucun resultat de cet ordre n'avait pu £tre atteint, et Ton voit quelle transformation essentielle un tel resultat devait operer dans la question, puisque, jusque-la, c'etait uniquement a propos d?6quations tres particulieres qu'on avait pu aboutir & autre chose qu'a une etude locale.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 191

11 s'agissait done de"ja de fairc faire un pas a la the'orie dans une voie loule nouvelle.

Poincare' lui fit franchir ce pas important; il monlra qu'il suffit a cet effet d'ope'rer sur la variable inde'pendante un changement convenable, apres quoi le de>eloppement de Taylor Iui-m6me re"pond a la question.

Applique'e au probleme des trois corps, cette me'thode permet d'obtenir des de>eloppements valables pour loutes les valeurs du temps, sauf dans un seul cas d'exception, celui ou, au cours du mouvement, deux corps viennenl a se choquer.

C'est cette derniere lacune, laquelle restait assez importante, car on nc sait pas, a priori, avec des circonstancos initiales donne'es, si le choc en ques- tion pent se produire, et encore ruoins quand il se produira que les recents travaux de M. Sundman sont yenus combler. L'ide"e premiere de sa belle ana- lyse — a savoir, un prolongement analytique de la solution au-dela de 1'instant du choc, a elle-me'me, ajoutons-le, ses racines dans les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste.

Mais Poincare" n'a entendu donner cette application au probleme des trois corps qu'a titre d'exemple. Si utiles que puissent 6tre les de'veloppements dont nous venons de parler, il ne les considere nullement comme r6solvant le pro- bleme g6ne>al. Tout en ducidant celui-ci sous les diffe'rents aspects qui pre- cedent, il va montrer, en effet, qu'on en avait oublid d'autres plus difficiles encore, mais assure'ment non moins importants.

2. LA THfiORIE QUALITATIVE.

Le point de vue nouvean que nous allons voir apparaitre est, en r^alit^, commun a toutes sortes de questions math^matiques.

Dans les cas el6mentaires , 1'expression des inconnues par les symboles usuels fournit, en ge'ne'ral, aise'ment a leur e'gard tous les renseignements qu'on se propose d'obtenir.

C'est ce qui a lieu pour tous les problemes mathe'matiques suffisamment simples. Pour peu que la question se complique, il en est autrement. Dans la lecture, si j'ose m'exprimer ainsi, faite par le mathe'maticien des documents qu'il possede, Poincar^ met en Evidence deux grandes e"tapes, 1'une qu'on peut appeler qualitative, 1'autre quantitative.

Ici nous citerons les reflexions m^me qu'il de"veloppe a cet e'gard : «... Pour

1 92 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

etudier une equation alge"brique, on commence par rechercher, a 1'aide du thejoreme de Sturm, quel est le nombre des racines re'elles : c'est la partie qua- litative; puis on calcule la valeur nume'riquc de ces racines, ce qui constitue 1'etude quantitative de 1'^quation. De m6me pour e'tudier une courbe alge"brique. on commence par construire cetle courbe, comme on dil dans les cours de Mathomatiqucs speciales, c'est-a-dire qu'on cherche qu'elles sont les branches de courbes fermees, les branches infinies, etc. Apres celte (5ludc qualitalivc de la courbe, on pent en determiner exaclement un certain nombre de points.

« C'est naturellemenl par la partie qualitative qu'on doit aborder la tliuorie de toute fonction et c'est pourquoi le probleme qui se prusente en premier lieu est le suivant : Construire les courbes definiespar des equations differentielles.

« Gette (jtude qualitative, quand elle sera faite completement, sera de la plus grande utilite' pour le calcul numerique dc la fonction.

« ... D'ailleurs cette e'tude qualitative aura par elle-m6me un inte"ret de pre- mier ordre. Diverses questions fort importantes d'Analyse et de Mecanique peuvent en effet s'j ramener. »

La plus importante d'entre elles est bien connue, et son exemple se pre'sente de Iui-m6me a tout esprit quo. pr6occupent les progres de PAstronomie : c'csl la stabilite du systeme solaire. Le fait seuLque cette question soit essciitiollo- ment qualitative suffil a montrer la ne'cessite" du point de vue dont il s'agit.

Ainsi I'^tude qualitative de la variation d'une grandeur on du doplaccinont d'un point est indispensable a la fois en ollc-m^me et comme pr^cedant prtisquo ndcessairement Tetude quantitative.

Cependant ce point de vue avait e'te' presque completement de"laiss6 et comme ignor6 par les pre'de'cesseurs de Poincar6. Quelques remarquables exceptions sont a citer : la demonstration du the"oreme de Lngrange sur la sla- l)ilittS de l^quilibre par Dirichlet; les travaux de Sturm; ccux dc Liotiville. Mais meme ceux d'entre cux qui avaient frapp6 les g6ometres, ce n'est pas le cas pour tous, nous le verrons plus loin e"taient rested isol(5s; Fexemplc significatif qu'ils donnaient n' avait pas e'te' suivi.

La faute en est, pour une part, au grand d6veloppement de la th^orie des fonctions analjtiques, aux services m6mes qu'elle avait rendus, et qui de"tour- naient completement les esprits du domaine r6el.

En abandonnant cet atixiliaire, Poincar^ cut a rompre avec une tradition

L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 198

vieillc d'un quart dc si&cle et a laquelle 1J Analyse devail lous ses progres durant celle p^riode.

D'auLre part, la Science se trouvait du coup complement d^sarm^e en face des hautes difficult^ des questions ainsi pos6es, les premieres pour lesquelles cctte th<3orie des fonctions analytiques n'apportait aucune solution.

Comment ces difficultes ou plulol certaines d'entre elles, car il reste beaucoup a explorer dans cet immense domaine qui n'6lait hier encore que tnystfcre pour nous furenL-elles surmonle"es par Poincar^ ?

Ici se retrouvc une circonstance qui (Hail deja apparue dans d'autres cha- pitres de 1'hisloire des rnathemaliques.

C'est ainsi que, dans la resolution algebrique des Equations, il y eut une premiere p6riode ou 1'on porla son attention sur la recherche d'une racine clelermin6e de 1'equation propose^. Mais cclte lh6orie ne passa d'un elal quel- quc sorte empirique a F^tal de perfection logique ou I'amen&rent Lagrange, Rufini, Abel, Cauchy, Galois que lorsque Ton sc d^cida, au contraire, a envi- sager simultanement toules les racines cherch^es. C'est en examinant les relations qui existent enlre elles que furent conquis les principes modernes par lesquels, dans cetle question, tout s'^claire, s'expliquc et se pr^voit.

Dans les premieres recherches sur les equations diff(§rentielles et exception taite pr<§cis6menl pour certains des travaux que nous citions il y a un instant, on avail g&n&ralemenl 6ludiu une a une les int<5grales d'une Equation diff^ren- tielle donn^e quelconque : en examinant chacune d'elles, on avait fait abstrac- tion de toutes les autres.

Les M(5moires, Sui' les courbcs defmies par les equations differ entielles, vinrent montrcr que ce point de vue (Hail insuffisant et que les solutions d'un sysl&me d'equations diffdrentielles, coinme les racines d'une Equation alg^- brique, devaient, m6me en vuc do {'intelligence de chacune d'elles, Otre envi- sag6es dans leurs rapports mutuels.

Ceci fail comprendre lout d'abord 1'imporlance que prend, dans Fccuvre de Poincare, le thgor&me d(5montr6 dans le MLemoire de 1889, Sur le probleme des trois corps et dans les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste, rela- liveiuenL a la possibility de d^velopper les solutions d'un syst&me diff^rentiel v suivant les puissances des para metres qu'il renfcrme ou qui interviennent dans les donn^es initiales.

L'un des M^moires mentionn^s pr6c6demment relive d^ja du principe dont il. P. - xi. 2^

I94. L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE".

nous parlous, de la consideration simultanee de loutes les integrals d'une meme Equation diflferentielle : c'est celui qui iraite des Equations du premier ordre a points critiques fixes. Si, dans cette question, Poincare put degager le resultat decisif qui vidait le debat et qui avail echappe a Fuchs, c'est en consi- derant les valeurs de 1'inconnue y comme fonctions, non plus de la variable independante x qui figure avec elle dans liquation differentiellc, mais bien de leurs determinations initiales J0 pour une valeur fixe #0 donnee a cetle variable. La solution du probleme est pr6cis6nienl due a ce que, entre y et ro, existe une correspondance birationnelle.

Nous verrons plus loin line autre serie de deScouvertes de Poincare partir du m&me principe, je veux parler des recherches relatives a la figure d'equilibre du fluide en rotation. Tous les progres qu'il realise sur cette question sont dus a ce qu'il n'en visage pas une des figures d'equilibre cherchees en clie-m£rne, mais bien dans ses relations avec les figures d'equilibre voisines.

Poincare procede dans le m£me esprit, pour 1'etude des equations diflferen- tielles reelles, des le premier cas auquel il s'attaque. Ce cas est le plus simple de tous, celui d'une equation unique du premier ordre et du premier degre,

donnant —; en fonction rationnelle de x et y.

Quelles donnees possede-t-on sur les relations qui existent enlre les elide- rentes courbes int^grales de la m£me Equation? Une seule apparait au premier abord : le fait que deux quelconques de ces courbes, si ellesne coincident pas, ne peuvent se couper, sauf en certains points singuliers.

Geci a defaut de toute aulre consideration, montrait la necessite de discuter a part les points dont il s'agit. C'est encore une question locale, qui, en 1111 sens, n'est pas nouvelle (c'est elle que Briot et Bouquet avait traitee dans le cas des equations differentielles a coefficients analytiques) mais qu'il fallait reprendre, avec quelques difficultes nouvelles, du moment que la distinction entre le reel et 1'imaginaire s'imposait.

Des cette premiere etude, on'apergoit combien le nouveau point de vue est necessaire et combien vaines etaient les anciennes recherches, celles qui avaient en vue Tintegration formelle.

Les ppints singuliers qu'elle fait apparaitre sont, en effet, de quatre especes :

les noeuds, ou viennent se croiser une infinite de courbes defmies par 1'equation differentielle ;

L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. lt)5

les cols, autour desquels les courbes cherch^es ont une disposition ana- logue a celle des hyperboles xy = const.;

les foyers, autour desquels ces courbes tournenl en s'en rapprochant sans cesse a la facon d'une spirale logarithmique ;

les centres, autour desquels ces courbes sont ferm^es et s'enveloppent mutuellement en enveloppant le centre a la fac,on d' ellipses homotli^tiques et concentriques.

Parmi toutes ces dispositions, quelles sont celles que 1'on peut rencontrer lorsqu'on peut £crire Pinte'grale g&itSrale de liquation?

II stiffit, pour s'en rendre compte, de consid^rer 1'exemple le plus familier que Ton puisse prendre a cet egard, celui des ligiies de niveau sur une surface topographique quelconque. II est clair que de telles lignes peuvent £tre consi- dere^es comme deTmies par une Equation diffe"rentielle du premier ordre, dont rint^grale gen6rale est connue et s'obtienl en^galant Paltitude a une constante arbitraire.

Quant aux points singuliers de cette Equation, ils ne peuvent <}tre ici que de deux esp^ces :

des cols, a savoir les points m£mes que la topographic d6signe sous ce nom ; des centres, a savoir les fonds et les sommets du terrain.

Non seulement ces deux sortes de points singuliers sont les seules qui se pr6sentent dans le problfcme des lignes de niveau , mais il en est de m£me toutes les fois que liquation a une integrate g^n^rale telle que

F etant une fond ion holomorphe, ou plus g6n6ralement une fonction bien d6termin£e et partout finie (1). Les points singuliers sont ceux ou les deux d^rive^es partielles de F s'annulent a la fois ; on a ainsi un centre lorsque F est maximum ou minimum, un col dans le cas conlraire.

Or si maintenant nous revenons a Pgtude directe d'une Equation diff6ren- tielle quelconque, nous constatons que, des quatre esp&ces de points singuliers

/ y \

(l) Un nceud peut existcr rneme si Pintegrale generaie esl univoque ( exemple; = coast.; i;

\ & /

mais alors cette integrale F s'y presente sous la forme - et peul j prendre des valeurs aussi grand es qu'on le veut.

IgG L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

e'nume'res plus ha at, trois se rencontrent dans le cas general (elles sont caracle"- rise"es par certaines conditions d'ine'galile' entre les termes de plus bas degre de liquation au voisinage du point singulier) : ce sont les noeuds, les cols, et les foyers.

Mais il en est tout aulremenl des centres, c'est-a-dire des seuls points sin- guliers qui, avec les cols, puissent se rencontrer, comme nous 1'avons vu, dans le cas d'une inte'grale ge'ne'rale uniforme et finie. Ces centres sont des points singuliers tout exceptionnels. Pour que Fun d'eux se pr6sente, il faut qu'une infinite" flcgalites (auxquelles conduit le calcul du de"veloppemcnt en serie de la fonction F) soient ve'rifie'es.

C'est ce qui ne saurait avoir lieu pour une Equation <2crile au basard, et m&me si cela etait, il serait impossible dc s'en assurer par un nombre fini d'ope"rations (du moins en 1'absence de donn^es particulieres sur les proprietos de liquation).

En deliors des points singuliers, on peut utiliser sans restriction la proprie'te fondamentale rappele"e tout d'abord et d'apr&s laquelle deux courbes integrates distinctes ne se croisent pas.

Ce point de depart, si le"nu qu'il soit, donne a lui tout seul la solution du probleme difficile qui nous occupe. II suffit, a cet efFet, de 1'appliquer, non seulement a des courbes, completement difte"renles, mais a des arcs convenn- blement clioisis d'une m6me courbe inte'grale.

Mais si la me'lhode employee est, au fond, ires simple, les resultals sont tout a fait impre'vus et montrent encore que la solution n'^tait aucunement pre'pare'e par toutes nos connaissances ante'rieures sur ce sujet.

Dans le cas des lignes de niveau, tontes les courbes cherchees sont ferme"e$.

C'est ainsi que 1'on serait presque fatalemenl amen6 a se figurer les choses si 1'on voulait s'en faire une ide"e d'apres les cas ou 1'on sait e"crire 1'int^grale g^ne'rale. C'est ainsi, en efiet, qu'elles se passent toutes les fois que cettc inte'- grale F est uniforme (ou me'me uniforme au point de vue re'el, c'est-a-dire bien d^termine'e en tout point re'el) et partout finie. Tout au plus, en conside"ranl des formes fractionnaires de F, peut-on, comme nous 1'avons vu, obtenir des courbes inte'grales aboutissant a des noeuds.

Que cette vue elle-m^me soit trop simpliste, a moins de compliquer encore notablement 1'expression de F7 c'est ce que Ton reconnait des Fexemple des lignes de pente. Ici on ne peul dejci plus, en ge^ne'ral, obtenir I'inte'grale

L'(EUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 197

tairenient, mais il est Evident quo les lignes en question parlent des sommets et aboutissent aux fonds ( exception 6tantfaite, toutefois, pour cerlaines d'entre elles, les lignes de faite, qui aboutissent a un col).

Seulement, il y -a, en g6n6ral, plusieurs fonds et plusieurs sommets, et c'est Tun ou 1'autre des fonds qui sert de point d'arriv^e, suivant cclle des courbes int6grales que Ton envisage : le passage des courbes qui aboutissent a un fond determine a celles qui aboutissent a un fond voisin se fait par rintermediaire d'une ligne de faiie.

Des dispositions de cette esp&ce sont deja peu usuelles pour les Equations differentielles dont I'iniegrale gen6rale a pu £lre ecrite elementairement.

Mais les resultats obtenus par Poincare dans le cas general presentent un degre de complication de plus. II existe alors un certain nombre de courbes integrales qui sont des courbes ferriages (des cycles, suivant la terminologie qu'il emploie). Toutes les autres, sauf celles qui aboutissent a des points sin- guliers (*) s'enroulent asymptotiquement autour de certains de ces cycles, dits cycles limites. L'enroulement a d'ailleurs lieu autour de Fun ou de 1'autre des cycles limites, suivant que la courbe integrate consideree est situee dans Tune ou 1'autre de certaines regions determines.

Rien de tout cela ne pouvait 6tre prevu a 1'aide des exemples trails anie- rieurement. Non seulement ceux-ci donnaient une idee fausse des choses ; mais, on le voit, il etait inevitable qu'il en fut ainsi.

Nos r^sultats sont, en effet, plus encore que Lout a 1'heure, contradictoires avec 1'existence d'une int^grale g^n(5rale queTonpuisse^crireaveclesproc^d^s 6l6mentaires. Us ne pouvaient, par consequent, se rencontrer dans les pro- bl^mes que Ton avait r^solus avant Poincar^. L'opinion s'(5tait faite, jusque-la sur des figures exceptionnelles, d6g£n£r6es en quelque sorte, parce que c'^taient les seules que 1'on avait su tracer.

Ces r^sultats si extraordinaires demandaienta 6tre compl^t^s par la recherche effective des cycles limites lorsque liquation est donn^e. C'est une question d'une extreme difficult^, m^me si Ton entend se borner a une determination approximative.

triomphe plus ou moins compl^tement de cette difficult^, suivant

(:) Dans le cas des lignes de pente, ces clernieres existaient seules. Get exemple eL autres analogues (tels que, les lignes de force du spectre magne"tique) e"taient done, eux aussi, incapables de faire prevoir la solution ge"ne>alcT

ic)8 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

les cas. Pour des equations de forme convenable (LJ, il determine exaclemenl nombre des cycles limiles et obtient cerlaines regions dans lesquelles chacun d'eux doit ne'cessairement se Lrouver.

II emploie, a cet efiet, un second principe qui dtail de'ja inlervenu dans son etude des points singuliers et qui sert de fondcment a toutes les autres recher- ches entreprises sur ce genre de questions.

Analytiquement, il consiste a chercher le sens dans lequel varie une fonction convenablement choisie des coordonne"es, lorsqu'on se de'place le long d'uno courbe inte'grale. On salt avec quel succes un principe de cetle nature fut applique', peu d'anne'es apres, par M. Liapounoff, dans son celebre Me'moire sur la stability du mouvement.

Poincare" 1'applique, non seulement a une irajectoire de'termine'e, mais a toutes celles qui traversent une courbe donne'e. Ge'ome'triqueinent parlant, cela revient a conside'rer en chaque point d'une courbe arbitrairement donne'e, le sens dans lequel elle est traversed par la courbe inte'grale qui passe en ce point. Ce sens, qui peut £tre determine par des ope'rations e'le'mentaircs du moment que liquation difle"rentielle est donne'e, ne change qu'en un point ou les deux courbes sont tangentes. On comprend d&s lors Timportance que prennent, dans la discussion, les courbes fermcSes ou cycles « sans contact » c'est-a-dire qui ne sont tangents en aucun de leurs points a une courbe inte'grale et le long desquels, par consequent, ce sens ne peut changer.

La maniere dont varie, lelong d'une courbe ferme'e quelconque, le sens dont il s'agit, est d'ailleurs Ii6e a la disposition et a la nature des points singuliers de liquation par une relation simple qui est d'un grand secours dans les dis- cussions dont nous venons de parler, et que Poincare" retrouvera lorsqu'il passera aux equations d'ordre sup^rieur. Les considerations qui la fournissent Equivalent, au fond, au the"oreme de Kronecker mentionn6 plus haul, et que plus tard Poincare' traduira explicitement.

Les r(5sultats pr^ce^dents ne snbsistent pas pour toutes les Equations du pre- mier ordre et de degr6 supe"rieur an premier en ^; mais ils splendent cepen- dam d'eux-m^mes a un grand nombre d'entre elles.

Ce n'est pas, en effel, le degre" qui joue ici un role essentiel : Poincar^ ren- contre une notion qui Sum apparue une premiere fois dans la science avec Riemann, mais dont les recherches que nous reunions en ce moment devaient

(l) Voir Analyse, p. 5g; QKuvres, t. I, p. xxv.

L'GEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 199

montrer la veritable signification. C'est la geometric de situation, la science des propriety g<5om<5triques qui ne changent pas quelles que soient les defor- mations subies par une figure, pourvu qu'il n'y intervienne ni d<5chirure, ni soudure.

Tant que Ton se borne au point de vue local, rien ne fait pnSvoir la n6cessit£ d'une pareille etude. Sinon toutes les figures que les geom&tres out pu imaginer, du moins toutes celles dontils se sont servis effectivement, soit pour les etudier en elles-m£mes, soit pour representer des relations analytiques, sontidentiques entre elles au point de vue de la geometrie de situation lorsqu'on se borne a les considerer dans leurs portions suffisamment petites, pourvu qu'elles aient sim- plement le m£me noinbre de dimensions : par exemple, toute portion suffisam- ment restreinte de surface quelconque peut £tre remplacee a ce point de vue par un petit disque circulaire.

Aussi cette decouverte est-elle de cellos qui se firent le plus attendre. La theorie des fonctions algebriques, a laquelle elle est indispensable, avait ete inlassablement etudiee et perfectionnee avant que la necessite en fut apercue : cette necessite avait echappe a Cauchy lui-m£me.

Puis, lorsqu'a cette occasion, Riemann 1'eut mise en Evidence d'une mani^re ^clatante, ses successeurs ne virent point que la port^e de ce principe n'^tait pas limitde a la circonstance particuli&re qui 1'avait fait apparaitre.

Mais, apr&s le second exemple fourni par PoincanS, cette port^e est claire- ment ^tablie. Elle est indissolublement li^e a ce passage du local au g6n£ral qui est la plus grande preoccupation du Galcul infinitesimal. Dans tout passage de cette nature, on peut s'attendre a voir la geometrie de situation jouer son role.

Pour 1'appliquer au probleme qui nous occupe, on doit regardci x, y et -£-

comme trois coordonn^es cart^siennes et considerer la surface definie, dans ces conditions, par liquation difFerentielle. Quel que soit le degre de celle~ci, si cette surface est de genre z6ro, c'est-a-dire a une forme analogue a celle d'une sphere, on aura, pour les courbes integrales, la m6me disposition g^n^rale que dans 1'equation du premier degre.

Pour d'autres formes de surfaces les conclusions peuvent &tre totalernent differentes. Lorsque, apr&s 1'etude de la sph&re, Poincare entreprend, au m6me point de vue, celle du tore, il constate que ce second cas peut offrir uno foule de circonstances nouvelles que le premier ne permettait nullement de prevoir.

o.oo L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Encore s'en faut-il qu'il arrive toujours a determiner exactement ce qui se passe. Les difficulle's, olles aussi, sont nouvelles, el telles qu'il esl oblige" de se poser un certain nombre de questions sans les r^soudre.

Ces questions, qui soulevent des problemes ardus d'aritliinelique, soul, depuis, resides sans reponse,

Avec le cas du second ordre, qui fail 1'objct du qualriemeet dernier Memoire de celte se'rie, ce sont de'ja les difficultes du cas ge'ne'ral qui sonl aborde'es, I-.es remarques faites dans le cas pre'ce'dent subsistent, mais ne suffisenl plus, a elles seules, a re"soudre le probleme.

Celui-ci 6tant mis sous la forme de la recherche de courbes tracees dans 1'espace ordinaire et verifiant un systeme de deux Equations du premier ordre, Poincare' ge'ne'ralise sans difficult^ la classification des points singuliers oblouur pour une Equation du premier ordrc unique.

II existe encore une relation cntre leur distribution ct les surfaces fermees sans contact, qui sont ici les analogues des cycles sans contact, c'est-a-dire les surfaces qui ne sont tangentes, en aucun de leurs points, a une courbe inte- grale. Seulenient, cette fois, la relation en question ne pourrait &tre dt5montree si Poincare' ne partait de la formule de Krone cker.

C'est surtout dans la theorie actuelle, en efl'et, que cette formule se pr^sente comrne Fauxiliaire indiqu^ et m£nie indispensable dont 1'apparition, a I'lieure m^nie ou Toeuvre de Poincar^ allait naitre, semble respond re a une sorte d'harmo- nie pre'e'tablie. Deux caracteres : la maniere dont il d(5passe d'enible'e le domaino local et, d'autre part, le peu d'hypotheses qu'il implique, font que nul autro n'a pu, jusqu'icl, lui 6tre substitute a ce point de vue,

Poincar^ en a notablement augments la puissance par une remarquable proposition qui, dans beaucoup de cas, dispense m6me du calcul de la formule en question. Gelle-ci, si, pour fixer les ide'es, nous la consid6rons dans Tespace ordinaire fait, comme on le sait, intervenir un systeme de trois fonctions F, G, H et exprime le nombre des ze"ros communs a ces trois fonc- tions dans un volume de'termin^ V (ces z6ros e"tant compt6s avec des signes convenables) 4 Taide des valeurs que les fonctions en question prennent sur la frontiere S de ce volume.

Or, Poincare' trouve une condition tres simple et tres g^ne'rale moyennant laquelle on est certain que le nombre ainsi obtenu ne change pas lorsqu'on rem- place le systeme des fonctions F, G, H par un autre analogue quelconque/, gr h. Ou bien, en effet, on peut affirmer que le nombre en question restera i

l/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. oj(>J

dans cette substitution, ou bien il exislera sur S, au moins un point ou F, G, II seront proportionnels a /, g, li ct cela m6me avec un facteur de proportionna- lite de signe connu a 1'avance. Cette proposition a ete obtenue a nouveau, un pen plus lard, sous une autre forme et avec une autre demonstration, par M. Bohr, a qui elle a fourni toule une nouveJle s^rie de r^sultats dynamiques.

Elle s'applique imm6diatementaux surfaces ferm<5es sans contact, en prenant /, g, h proportionnels aux cosinus directeursde la normale a une telle surface S. Le nombre trouve par la formule de Kronecker depend alors de la courbure totals de§ +

Mais cette premiere conclusion se simplifie encore, et tout se ram&ne a une question de geometric de situation, la courbure totale ainsi inlroduite depend uniquernent du genre de S. Les r^sultats de ce type devaient donner lieu, on le sait, a d'importantes reclierches de M. W. Dyck.

Avec le cas du second ordre apparaissent egalement los deux notions qui out eu sur Pceuvre de Poincart;, dans le domaine de la M^canique et, particuli&re- incnL, de la M^canique celeste, la plus grande influence.

L'hoiineur d'avoir recherche sp<5cialement, entre toutes les solutions des Equations diff(5rentielles du mouvement des plan^tes, UJIG solution per io clique, telle, autrement dit, que les diflferents coi^ps mobiles d<§crivenl des courbes fer- m6es (lout au moins par rapport a un syst^rne d'axes convenablement choisi) revient a 1'astronome Hill, qui a donne un premier example remarquable a cet £gard, en ce qui concerne le probl6me des trois corps.

Mais c'est a Poincar6 qu'il appartient d'avoir montr6 dans les solutions p^riodiques un instrument, 1'un des plus puissants dont on dispose, pour la recherche et P^tude des autres solutions.

Que les solutions p^riodiques soient capables de jouer ce role capital, c'est ce que, apr&s les reflexions qui precedent, nous pouvons faire comprendre d'un mot. Une courbe int(5grale ferm^e d6termin(5e etant suppos^e connue, Poincar^ consid^re toutes les courbes int<5grales voisines de celle~la.

On voit imm^diatement qu'une telle question est a cheval sur les deux points de vue entre lesquels pivote toute la th^orie des Equations differ entielles ; et cela, en combinant les avantages de tous deux. Accessible aux monies proc£d6s qni s'appliquent au domaine local, elle est d'embl6e cependant en dehors de ce dornaine, puisque les nouvelles trajectoires obtenues n'<5voluent nulleme.nt au voisinage d'un point unique et sont £tudi6es sur des parcours aussi ^tendus que la solution p^riodique primitive elle-m6me.

W P YT ofi

SOT, L'CEUVRE MATHE"MATIQUE DE POINCARE.

Ainsi s'explique commenl, les solutions periodiques « se sont montrcSes la seule breche par ou nous puissions essayer do pene'trer dans une place jusqu'ici reputee inabordable » (1).

En faisant pour le voisiiiage d'une solution pe"riodique ce que nous avons fait pour le voisinage d'un point unique, c'est la m6me marche ascensioimelle que nous entreprendrons, niais avec un point de depart plus eleve.

Gette identite de methode se vtfrifie bien lorsqu'on examine le detail des operations. De m6me que tout le calcul infinitesimal repose sur la comparaison approchee des valeurs d'une fonction en un point et aux points infinimenl voi- siiis, on commencera par etudier, en vue du nouveau probleme, les solutions infmiment voisines d'une solution donnee.

En prenant T(3cart entre les deux solutions comme un infmiment petit principal et en en negligeant les puissances superieures a la premiere, on. est conduit ainsi, avec Poincare, a introduire systematiquement les Equations lineaires qu'il a appelees equations aux valuations pendant que, de son cote". M. Darboux qui en a, lui aussi, d6couvert 1'importance, leur donnait le nom (liquations auxiliaires.

Si la solution prise comme point de depart est periodique, il en est de me* me des coefficients des Equations aux variations. Poincar6 se trouvera ainsi raiment quel que soit 1'ordre, a des sjstemes dont les propri(5t£s soiit connues et de"pen- dent essentiellement de certaines constantes qui vont jouer un role essential dans ses recherches djnamiques, les exposants caracteristiques. A cliacun de ceux-ci correspond, pour le systeme, une solution poss^dant, non pas la pe"riodicit6 proprement dite, mais une pe"riodicit6 relative (pe'riodicile' de seconde espece, au sens d'Hermite) caract6ris6e par le fait que toutes les valeurs des inconnues sont multipliers par un merne facteur constant lorsque la variable augmente d'une quantity ^gale a la p^riode des coefficients.

Par ces exposants caracteristiques se trouveront ainsi definies les principales relation's entre une solution pe"riodique et les solutions infiniment voisines. En particulier, toutes les propriety's analytiques de liquation auront lear r^per- cussion sur celles de ces exposants.

Cette etude prepare celle des courbes integrates suffisamment (et non plus infmiment) voisines de la'courbe fermee donhee. Poincare entreprend cette

C1) POINGAR^:, Les Methodes nouvelles de la M&canique Meste.

L/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. P,o3

derniere, en ce qui regard e le second ordre, d6s le Memoire donl nous parlons. L'analogie que nous avons essaye de fa ire ressortir tout a 1'heure so manifeste d'une mani&re tout a faitimprevue dans les resultats. La disposition des courbes nouvelles L' an tour de la courbe primitive L rappelle d'uno maniere frappante les formes rencontrees pr6c6demmenl dans l'<Hude des equations du premier ordre au voisinage inline" dial d'un point singulier.

Imaginons, en effet, en un point quelconque P de L mi petit ^leaiient de surface normal a L. Toute courbe integrate L' suffisamment voisine de L per- cera cet element de surface en un nombre infini ou, en lout cas, tres grand de points successifs P'.

La figure formee par ces points suffit a nous faire connailre la disposition des arcs successifs de la seconde courbe integrate L'. Chacun d'eux nous ren- seigne en effet, sur 1'arc qui le contient, puisqne tons ces arcs, de part et d'autre de notre surface, cbeminent plus ou moiiis parallelement les uns aux autres et a la courbe primitive.

Si maintenant on joint chacun des points P' au suivant, on aura une ligne, variable d'ailleurs avec celle des courbes L' que 1'on considere : c'est la dispo- sition de ces lignes qui est tout analogue a celle des courbes inlegrales d'une equation du premier ordre autonr d'un point singulier.

Poincar^ met d'ailleurs en Evidence la raison de ce parallelisme. Elle doit <Hre cherchee dans 1'etroite parent^ qui existe entre I'e'tude des Equations diflfe- rentielles et celles, beaucoup moins avanc6e, des Equations aux differences finies. Ce n'est pas la premiere fois que Poincar^ 6clairait, par le m£me rappro- chement, cette. derni&re question. Les int6grales irr^guli^res des Equations diff^rentielles lin^aires (voir p. 189) lui avaient fourni une illustration du m^me principe, dont les travaux ult^rieurs devaient montrer la f£condit£.

Conform6ment a 1'analogie dont il vient d'etre parl£, il y a quatre disposi- tions principales possibles, correspondant aux quatre esp^ces de points singn- liers de Fe'quation du premier ordre. Les exposants caract^ristiques permettent (ainsi que le faisaient pr6c6demment les coefficients des termes de plus bas degr6 autour du point singulier) de reconnaitre trois d'entre elles, celles qui correspondent aux nceuds, aux foyer et aux cols.

Dans chacune de celles-ci, la m6me analogic nous montre que les points P; peuvent aller en se rapprochant ind^finiment de P (puisque, dans chacune des trois hypotheses correspondantes relatives a liquation du premier ordre, tout ou partie des courbes integrates aboutissent au point singulier). On voit alors

9.0/j L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

que Loate la nouvelle courbe L' va en se rapprochant indeimimenl do L, du moins si on la suit dans un sens convenable, ainsi que le faisaient Lout a 1'heure les courbes integrates de liquation du premier ordre vis-a-vis des cycles limiles : c'est une solution asymptotique. II peul en 6lre ainsi quel que soit le choix de la courbe L/ dans le voisinage de L (ou, ce qui revieni au meme, celui du point P' initial dans le voisinage de P) : c'est le cas correspondant a celui d'un HOB ud ou a celui d'un foyer.

Dans le cas correspondant a celui des cols, au conlraire, le point P' doit e~tre clioisi d'une fac.on convenable, a savoir sur 1'une ou 1'autre de deux courbes qui se croisent en P de sorte que les courbes integrates asymptotiques a L se distribuent sur 1'une ou Fautre de deux surfaces passant par L). Une page du quatrieme Memoire, Sur les courbes de finies par les equations differentielles, resout, par une remarquable application du Galcul des limiles de Cauchy, la question, en realite difficile, du calcul de ces courbes et transforme ainsi la theorie des Equations aux differences finies en integrant une des categories les plus etendues d'equations de cette espece qu'il ait ete possible de trailer jusqu'icL

Plus lard, lorsqu'il eut a passer au probleme des trois corps, cette m&me recherche se presenta a lui pour des systemes d'ordre superieur-au second. La generalisation, x^emarquons-le, n'etait pas ^vidente ou, plus exactemenl, ne 1'auraitpas &l£ sans le complement que la These dePoincard avail prealablemcnt apporte a Tetude des systemes difierentiels au voisinage des points singuliers. Nous savons, en eflet, que, dans ce cas, Pintroduction de plusieurs inconnues cr6e une difficulte d'un genre nouveau dont on ne savait pas triompher avant le travail en question. C'est done grace a lui qu'il pent de"montrer 1'existence de ces solutions asymptotiques qui sont une importante conquete de la Mecanique analytique.

Jusqu'au moment dont nous parlons, d'ailleurs, celle-ci n'a pas 616 envisagee d'une maniere speciale. Les r^sultats precedents concernent un systeme quel- conque d'equations difFerentielles.

3. LES CAS DES AQUATIONS DE LA DyNAMlQUE.

Les proprietes particulieres des equations de la Dynamique apparaissent une premiere fois des le quatrieme Memoire, Sur les courbes de finies par une equation differentielle, et cela,, a propos de la derniere hypothese qui reste &

L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 2o5r

examiner relativement aux courbes L/, d'apr^s 1'analogie m£me qui nous a guides jusqu'ici : c'est celle qui correspondrait, pour 1'gquation du premier ordre, au cas d'un centre.

La disposition correspondantc, pour le problem e actuel, est celle ou les points P' sont disposes, autour de P, le long d'une ligne ferm^e, la m&me pour chaque courbe L/, les diverses lignes ferm6es ainsi oblenues s'emboitant les unes les autres autour de P.

Notre courbe primitive L sera alors enlouree d'une famille de surfaces fer- mees tubulaires (analogues aux tores contenant a leur inl^rieur une circonference de 1'espace) telles que chacune d'elles soit un lieu de courbes integrates.

Absolument comme lorsqu'il s'agissait d'un centre, nne telle disposition implique, comme condition necessaire, I'tivanouissemenl d'une infinite d'expressions constantes G.

C'est seulement si toutes ces constantes G sont iiulles que les developpemenls trigonome'triqiies figurant dans liquation polaire des courbes lieux de point P' et, par consequent, dans celle des surfaces tubulaires pourront 6tre Merits.

Or c'est ce que, en Fabsence d'autres renseignements, les calculs ne permel- tent jamais d'affirrner, si loin qu'on les pousse.

Pour les Equations de la Dynamique il en est aulrement, et 1'on sait a priori que toutes les constantes C sont nulles.

Pour le d&nontrer, un nouveau principe iiilervicnt, la notion N invariant integral, Cette fois encore il s'agit, mais sous une nouvello forme, de la consi- d^ration sirnultanee des difl«3rentes courbes inltSgrales et des relations qu'elles ont entre elles.

Repr6sentons-nous notre syst^me d'6qua lions differentielles comme definis- sant le mouvement d'une molecule tluide. Au lieu dc consid(5rer une seule ira- jectoire, c'est-a-dire le mouvement d'une molecule unique et d6lermin6e, on considerera toutes les molecules qui, a un instant d6termiii6 £, remplissent un volume determine V de 1'espace (plus cxactemeiit de 1'espace a zn dimensions, s'il s'agit d'un problkme de dynamiquc dans lequel 1'ctat du systeme a 6tudier d(5pende de n param^tres).

Si maintenant on consid^re les nouvelles positions de ces m£mes molecules a un instant ulterieur T, celles-ci rernpliront un nouveau volume V7.

Or, dans le cas des Equations de la Dynamique, quel que soit T, ce nouveau volume est Equivalent a 1'ancien. Autremcnt dit V reste constant lorsque le temps varie : c'est, dans la termihologie de Poincar6 un invariant integral.

2o6 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Ainsi qu'il a ett; reconnu ensuite, cette belle d^couverte, qui est, au fond, une propriete de la notion de multiplicateur, est deja ancienne : on doit la faire remonter a Liouville (1).

Mais, lors de sa premiere apparition, elle £tait passe'e inapergue. Un autre inventeur genial 1'avait m£me lant clle joue un role essentiel dans toute recherche profonde de Dynamique renconlre'e a son tour sur son chemin : Boltzmann 1'avail e'nonce'e (1871), ignorant le rtSsullat de Liouville comine Poincarg a ignore" Tun et Fautre; elle est, depuis cette date, a la base de toutes les theories cine'tiques (2).

Mais a ce premier invariant integral, Poincare' en joindra touie une se"rie d'autres dont il indiquera les relations avec le premier. Lc « volume », consi- d^r6 tout a 1'heure, s'exprime par une integrate d'ordre in e"tendue a une portion de 1'espace. Poincare constate que teutc nnc serie d'inte'grales de tons les ordres, c'est-a-dire simples, doubles, etc., le volume n' (Slant que la derniere d'cntre elles, possedent la proprie'le' d'invariance.

Quoiqu'il se soit jusqu'ici montre" le plus f^cond, les autres invariants que Poincare" a forme's et dont il etablit qu'ils se de'duisent lous les tins des autres (en particulier de 1'invariant integral simple) constituent autant de proprie'te's importantes des Equations de la Dynamique.

Dans le Memoire qui nous occupe actuellemenl, le volume suffit a trancher la question relative aux constantes C ci-dessus mentionne'es, c'est-a-dire a mon- trer que toutes ces expressions sont nulles. La liaison entre ces deux faits est encore due a la notion de surface sans contact : elle re'sulte de ce que, en pr£- sence d'un invariant integral, une surface ferme"e sans contact ne peut exister. Or, comme le prouve Poincare', on en pourrait tracer autour de la courbc don- nee si Fune quelconque des constanles C e^aii diff^rente de ze'ro.

Avec 1'analyse pre'c^dente, Poincar^ entre de plain-pied dans le domaine de la M^caniquc celeste.

Les d6veloppements en se'ries qui peuvent 6trc Merits grace aux conditions G = o sont, pour ce probleme particulier, ceux par lesquels Lindstedt s'est proposd de representer les Ol^ments des orbites plane"taires et les conditions

(!) /. Math, pares et appL, L. 3, ib>38, p. 348.

(3) Le theoreme de la stabilite a la Poisson, 1'une des applications les plus importantes des invariants integraux, a ete" ^galement enonce et derrioiitre' par Gibbs, mais en 1898 settlement. II ne se trouve pas, a notre connaissance, dans les travaux de Boltzmann.

L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE*. 207

dont il s'agit ne sont autres que celles qui, dans cette m^thode, permettent de faire disparaitre les lermes s^culaires.

C'est, au fond, dans 1'existence des invariants int6graux que reside, par consequent, la veritable raison de la validity (au point de vue formel) de la m^thode de Lindstedt, validity qui est d'ailleurs Stabile sans les hypotheses restrictives que Linstedt lui-m£me etait obligg de faire.

Les questions qualitatives li^es aux calculs pr£c6dents sont des questions de stability tout analogues a celles qui pr^occupent les astronomes.

Poincar£ nous a appris a distinguer plusieurs sens du mot « stability » et nous a montr£ la fecondit£ de celui que Poisson avail substitu^ a 1'acception primitive de Lagrange. Toutes les fois qu'il existe, dans le voisinage de L, un syst&me de surfaces ferm^es sans contact, les courbes U ne pourront jouir de la stability a la Poisson, c'est-a-dire qu'elles ne repasseronl pas dans le voisi- nage imm6diat de leur point de depart. G'est, nous 1'avons vu, ce qui arriverait si 1'une des constantes C <5tait diflferente de z&ro.

L'instabilit^ (toujours au sens de Poisson) est ggalemenl la rtigle pour les courbes L' asymptotiques a L, telles qu'elles se pr^sentent dans les premieres hypotheses examinees prtSc^demment.

Au contraire, dans Fhypoth&se actuelle eL du moment que toutes les con- stantes C sont nulles la stability devient possible.

Des conclusions analogues s'appliquent a la stability de la trajecloire primi- tive L elle-m^me. Mais le sens que Ton doit adopter alors (et que Poincar<5 adoptera 6galement en M^canique celeste, lorsqu'il (Hudiera, au point de vue de la stabilit6, les solutions p^riodiques) est encore different des deux premiers (1). G'est celui qui avait d£ja 6t6 consid6r6 dans plusieurs cas importants par les auteurs anglais, mais qui n'a 6t6 pr^cis6 d'une manure complete et g^n^rale que quelques anuses apr^s, par M. Liapounof, dans le MtSmoire dt^ja cit^, Sur la stabilite du mouvement, ou le g^om^tre russe a repris, pour les syst&mes dependant d'un nombre quelcoftque de variables, les questions m6mes dont nous parlons en ce moment. Au lieu que la stability a la Lagrange ou a la Poisson est une propriety inlrins&que d'une solution d^termin^e, la stability de Liapounof, seule analogue d'ailleurs a la notion d'^quilibre stable, concerne 1'^cart entre cette solution et les solutions voisines.

(*) Toutc solution periodiquc csl, pur definition, stable au sens de Lagrauge ou de Poisson.

208 I/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Mais, en ruison inline de la signification aslronomiquc de scs rEsullals, Poincare se Irouve du m£me coup aux prises avec les difficultes IbndamcnLales dc la Mtecanique celeste, elparliculi&rement avec la plus classique d'entre elles, celle des « petits diviseurs ». Dans le cas du premier ordre, le fait, suppose Etabli, de I'dvanouissement des consumes G aurait suffi pour mellre en Evi- dence d'une manifcre certaine 1'existence d'un centre : car Poincare demon Ur la convergence da diiveloppement en s^rie que Pon peut ecrire dans ces condi- tions. II n'en est plus de mfime cetle fois. Nos calculs nous permettent d'ocrire le d^veloppement; mais les pelits diviseurs inlerviennent : ce d^veloppement peut n'etre et n'est en general, que form el, de sortc que Insistence des surfaces tubulaires n'est nullement d£montr6e.

Par I'examen de ces difficultes, les M6moires, Sur les courbcs defmies par les equations differentielles, inaugurenl Pimnuensc ceuvre dynamique ct aslro- nomique de Poincare.

Cetle ceuvrc se poursail dans 1'ouvragG qui devail elre pour la jeune gloin* de son auteur une consecration niondiale. C'est avec le Memoire, Sur le pro- blems des trois corps et les equations de la Dynamique que Poincaru remporla le prix dans le grand concours inlcmational ouverl a Stockliohn en 1889, eiiln* les Math^maticiens du monde entier.

Le grand traite intituled : Les Methodes nouvelles de la Meca/iique celeste prolonge a son tour les deuxM6moires precedents : c'cstdans ces irois Ouvra^xis, et aussi dans une s^rie d'articles insures an Bulletin Astronomiqiia, (jtie st; d^veloppent les id^es de Poincare sur le probl^rne des n corps.

11 sera parle ici ni6me de ces problemes au point de vue aslruuoiuiquo avec plus de competence que nous ne pourrions le fairc. Au point de vuo analyli(juo, que nous ne saurions m£mc cSpuiser lent il of Ire djaspects divers dans Les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste, I'ceuvre dont" il s'agit osl, double : elle prtSscnte un ccH6 positif et un cot6 negutif. Ge dernier, comme il rEsulte de ce qui vient d'etre dit en dernier lieu, se dessina, lui aussi, d^s les M^moires, Sur Les courbes dejinies par les equations differenlielles. 0 Etait m&me apparu auparavant, car les requitals dont nous allons avoir & parler sur ce point nc sont que 1'application de la note & laquelle nous avons fait allusion plus haut (p. 1 86).

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 209

Exarninons done comment, tant dans ces deux travaux que dans ceux qui les suivirent, Poincare limile la portee des meiliodes qui avaient ete appliquees avant lui.

L'integration, au sens elementaire du mot, avait, depufs longtemps, ete abandonnee. Pourrait-on songer a faire des progres dans ce sens, c'est-a-dire a chercher de nouvelles integrates? Pour les Equations de la Mecanique celeste, le nombre des inte'grales connues est de dix. En peut-il, en general, exister d'autres exprimables par les mojens classiques de P Analyse? II e"tait vraisem- blable que non.

La preuve rigoureuse d'impossibilite's de cette nature est une categorie de questions dont la difficulte a, de tout temps, eveille I'inte'r&t des ge'ometres vraiment supe'rieurs. La demonstration de Tincommensurabilite' entre le cote' d'un carre et sa diagonale, dans 1'antiquite, celles de 1'impossibilite de la qua- drature du cercle et de la non-resolubilite des Equations alge'briques au-dela du quatrieme degrd, dans les temps modernes, comptent a juste titre, parmi les plus belles conqu&tes des mathe'matiques.

En ce qui concerne les inte'grales des Equations de laMe'canique ce'leste, une demonstration de 1'espece en question avait e'te' partiellement fournie par Bruns ; mais c'est a Poincare* qu'il fut donne" de la completer et d'^tablir en toute rigueur 1'inexistence non seulement d'integrales alge'briques, mais plus g^ne'ralement, d'int^grales uniformes autres que les inte'grales classiques.

Le re"sultat ainsi obtenu n'inte"resse pas moins 1'analyste pur quel'astronome. Sa port^e n'est pas limite'e au sjsteme diff&rentiel particulier qui fait 1'objet de la M^canique ce'leste. La m£me m^thode qui Fa fourni, permet de discuter le nombre des inte'grales uniforrnes des problemes de la M^canique classique, et, lorsque ce nombre est insuffisanl pour Fint^gration, de trouver les seuls cas ou il puisse s'accroitre. Gette m^thode est done n^cessairement a la base de toutes les recherches ult^rieures sur ces sujets.

Elle ne doit pas moins attirer 1'attention par les principes qu'elle fait inter- venir. Elle a conduit Poincar£ a etudier le de"veloppement de la fonction per- turbatrice sous un jour nouveau, en en conside'rant, non plus seulement les premiers termes qu'ils ont pu former explicitement, mais au contraire les termes d'ordres tres Sieve's. Dans cette 6tude, Poincare utilise non seulement les r^sultats de la th^orie des fonctions dus a ses pr^decesseurs et particuliere- ment a M. Darboux, mais leur generalisation aux fonctions de plusieurs variables, telle que la lui ont fournie ses recherches sur les residus et les periodes H. P. XI. 27

210 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

des integrates doubles. La Theorie des fonctions est ainsi appliqutfe d'une fagon toute'nouvelle a celle des Aquations differentielles.

Ces recherches fournissent, entre les coefficients successifs du developpe- ment, une infinite de relations qui montrent que, considers comme fonctions des elements des orbites, ils se reduisent a un nombre fini de iranscendanies.

Un nouveau chapitre de la Mecanique celeste a ete ainsi ouvcrt et a donne lieu, depuis, aux travaux de plusieurs de nos jeunes geom&tres et astronomes.

Mais 1'impossibilite d'integrer sous forme elementaire se degage egalement, a un autre point de vue, des resultats qualitatifs.

D&s liquation du premier ordre, et a propos du cas le plus simple, celui de la sphere, nous avons vu que, par leur aspect mtoe, les formes des courbes integrales ne sont pas de celles qu'on aurait pu obtenir a 1'aide des moyens classiques.

Des faits du m&ne ordre se passent dans le cas general de la Mecanique celeste, d&s que le nombre des corps en presence est superieur a 2. L' existence m&me des solutions asymptotiques est deja du nombre. Mais plus topique encore est 1'exemple des solutions doublement asymptotiques ^ dont la mise en evidence a ete 1'une des grandes difficultes qu'ait surmontees Poincare sur ce sujet.

Soit une solution pckiodique L instablo : elle admettra des solutions L' asymptotiques pour £ = co, et aussi des solutions I/ asymptotiques pour t = co. Les premieres engendreront une surface S' passant par L, les secondes, une surface analogue S".

Peut-il exister des solutions qui soienl a la fois des courbes L' et ties courbes L", c'est-a-dire qui apr&s avoir ete, pour t,^= oo, iafiniment voisinos de L, s'en ecartent d'une quantite quclconque pour s'en rapprocber ensuite indefiniment pour t = + oo ?

Cela revient a se demander si les surfaces §>f ct S" se coupent ailleurs que suivant L. Cette question est une des plus difficiles que Poincare ait abordees. Ce sont les invariants integraux qui, dans une hypoth&se particuli^re (telle que les surfaces en question passent tr£s pr^s 1'une de Fautre) lui ont permis d'y repondre. Eux seuls pouvaient evidemment remplir ce rdle, puisquc (en Fabsence d'integrales connues) eux seuls renseignent sur ce que deviennentles trajectoires au bout de tr&s longs intervalles de temps. Non seulement leur consideration montre qne les surfaces S' et S* se coupent, de sortc qu'il existe

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE*. 211

des solutions doublement asjmptotiques, mais ces surfaces se coupent une infi- nite de fois, et la disposition des courbes d'intersection est extr^mement com- pliqu^e. En efFet, sur une surface asymptotique quelconque, entre deux solu- tions doublement asjmptotiques quelconques, il y en a une infinite d'autres.

On comprendra mieux encore ce que ce r^sultat a de singulier si Ton r6fl£- chit que, au contraire, une surface S; ou une surface S" ne peut jamais se couper elle-m£me.

Avec Poincar6, substituons aux deux surfaces en question les courbes obtenues en coupant par un plan. « Que 1'on cherche a se representer la figure form^e par ces deux courbes et leurs intersections en nombre infini dont chacuno cor- respond a une solution doublement asymptotique, ces intersections formenl une sorte de treillis, de tissu, de rtiseau a mailles infiniment senses ; chacune de ces courbes ne doit jamais se recouper elle-m6me, mais elle doit se replier sur elle-m&me d'une mani&re tr&s complexe pour venir recouper une infinite de fois toutes les mailles du r6seau ».

« On sera frapp6 do la complexity de cette figure, quo je ne cherche m6mc pas a tracer. Rien n'est plus propre a nous donner une idt^e de la complexity du probl&me des trois corps et en gt^ndral de tous les probl&mes de Dynamique ou il n'y a pas d'inttSgrale uniforme (*). . . . »

D'autres consequences du m6mc ordre d<koulent des ni^mes premisses.

Au lieu d'une seulc solution doublement asymptotique & L, considerons en plusieurs, LI, L2, . . . : toutes ces courbes seront, pour t= oo situ6es sur S;/ et, pour t = 4- oo , sur S;.

Mais il r^sulte des fails etablis par Poincar6 que 1'ordre dans lequel ellos se succ&dent sur S' est sans rapport avec celtii dans lequel elles se succedaient sur S';. Si de deux solutions la premiere est plus voisine que la seconde de la solution pcSriodique pour t GO, il pourra arriver que pour t = + oo, la premiere soit plus eloignt^e que la seconde de la solution p^riodique, mais il pourra arriver que ce soit le contraire.

« Cette remarque est encore de nature a nous faire comprendre toute la complication du problkme des trois corps et combien les transcendantes qu'il faudrait imaginer pour le r^soudre dijBT^rent de toutes celles que nous connais- sons » 2.

(l) Les m&thode$ nouvelles de la M$canique cdleste, t. Ill, p. 38g. (*) Loc. cit., p. 3gi.

2i2 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

La voie de Pinte'gration proprement dite e"tant ainsi ferm^e, la Me"canique celeste precede par approximations successives. La tache qui s'offre a Poincare" est de disculer la valeur des me'thodes imagines dans ce but (l).

On savait que, grace surtout aux petits diviseurs, la convergence de toutes ces intHhodes est tr£s douteuse. II se trouve cependant, Poincar^ niontrera par quel m^canisme qu'elles suffisenl, en general, aux calculs nume'riques usuels.

Mais ceux-ci ne sont pas seuls en jeu. « II ne s'agit pas seulemenl de calculer les e"p lie" m brides des astres, quelques anne"es d'avance, pour les besoins de la navigation on pour que les astronomes puissent retrouver les petites planeies de"ja connues. Le but final de la Me'canique celeste est plus eleve" : il s'agil do re'soudre cette importante question : la loi de Newton peut-elle expliquer & elle toute seule tous les phe'nomenes astronomiques? Le seul mojen d'y parvenu* est de faire des observations, aussi precises qus possible, de les prolonger pen- dant de longues annttes on m6me de longs siecles et de les comparer ensuite aux re"sultats du calcul. II est done inutile de demander au calcul plus de prtS- cision qu'aux observations, mais on ne doit point non plus lui en demander moins, Aussi Fapproximation dont nous pouvons nous contenter anjourd'hui deviendra-t-elle un jour insuffisante » (u).

Or, non seulement les series classiques ne pouvaient nous assurer cette exactitude de plus en plus grande ; mais, en raison de leur forme m£me, on ne pouvait leur demander de conduire a coup siir ii de bons resultats pour imo p^riode par trop longue.

A plus forte raison ne pouvaient-elles nous renseigner sur la question de la stability, laquelle fait intervenir I'ind^finie dur^e des siecles.

Aussi, au xixe siecle, des d^veloppements en series de forme nouvelle ont-ils (ite' proposes pour exprimer les 6l^ments des orbites plane*taires*

Us ont pour but de diriger le calcul de maniere £ ne jarnais introduire que des termes pe>iodiques.

Une premiere difficult^ de la question (celle qui provient des termes « s<5cu-

(J) Leur nombre et la vari^t6 (au moins apparente) de leurs prmcipes vient en quelque sorte, dans I'e'tat actuel de la Science, ajouter un obstacle nouveau a toutes les difficult^s qui entourenl 1'^tude de la M^canique celeste.

On doit \ Poincar^ d'avoir montr^ (voir en particulier t. 14, 15 du Bulletin Astronomique\ GEuvres, t. VIII, p. 3i-32 et 33-4?) comment on peut passer des uties aux autres en changeant le groupement des termes.

(2) POHOAR^, Revue Generate des Sciences^ t. 2, 1891, p. 1-2; OBuvres, t, YIH, p. 529-37.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 21 3

laires »), est ainsi evitee. Mais celle des pelits diviseurs suhsiste; et, par conse- quent une question prejudicielle se pose : les series ainsi obtenues celles de Lindstedt, par example, convergent-elles ?

Jusqu'a Poincare, il paraissait de toute Evidence qu'une reponse a cette question, dans le sens de 1' affirmative, demontrait la stabilite. On etait m£me tente de presumer eelle-ci par 1' existence seule de series telles que celles de Lindstedt.

En d'autres termes, si, grace aux « petits diviseurs », les developpements en series formes pour rendre compte des mouvements des corps celestes sont diver- gents, on etait porte a admettre qu'ils peuvent cependant fournir sur certaines proprietes des solutions particulidrement sur les proprieties qualita lives les indications qu'on se serait cru autorise a en deduire en toute rigueur en cas de convergence.

Poincare va decider ces questions en sens tout conlraire. Non seulemenl les series de Lindstedt sont, en general, divergentes; mais il y a plus et cette paradoxaledecouverte, qui a boulevcrseles conceptions des asLroiiomes, remonte aux premieres annees de son labour , la convergence m^mede series de cette nature ne permettrail pas, a elle seule, d'affirmer la conclusion demandee, celle a laquelle on serait conduit en se fiant au calcul formel.

Poincare montrera par des exemples que cette conclusion pent <Hre fausse. Cette demonstration est donnee sur le cas du second ordre, ou les repr^senta- tions g£om6triques sont plus simples. Ici, toutefois, ce ne sont pas elles qui jouent le r6le important, et le point de vue purement analytique reprend ses droits.

Une Note, contemporaine, nous 1'avons dit, des premiers travaux de Poincart5, contiont les principes essentiels de la solution. Les dtfveloppements habituellemeni considers en M^canique celeste sont, on le sail, des series trigonometriques

mais bien differentes des series de Fourier en ce que les arguments des sinus et cosinus s'obtiennent en multipliant la variable ind^pendante (autrement dit, le ternps) par des coefficients an qui ne croissent pas n6cessairement & Tinfini et qui peuvent m6me tendre vers z^ro.

G'est la th^orie math^matique de ces series qui a 616 fondee par Poincare en quelques pages des Comptes rendus de tAcad&mie des Sciences, puis du

214 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Bulletin Astrojiomique. Les resultats en offrenl, pour le moins, autant de singularity que ceux qui sont relatifs aux series de Fourier ; mais certaines proprietes essentielles de ces dernieres trouvent, moyennant modification convenable, leur generalisation. La plus importante est 1'expression des coeffi- cients An, A'^ par des integrates definies : settlement celles-ci, etant donne que les series dont il s'agit ne sont pas periodiques, doivent £tre etendues, non plus a un intervalle fixe, mais a un inlervalle indefiniment croissant.

C'est cette expression qui permel a Poincare de mettre en Evidence d'une maniere irrefutable 1'erreur que Ton commet en voyant dans la convergence d'une serie trigonometrique de cette esp&ce pour toutes les valeurs de la variable une preuve du fait que la somme de cette serie resie finie m6me lorsque cette variable augmente indefiniment. L'expression en question montre en efiet que la somme de la serie ne pent rester fmie si les coefficients A, A' eux-m£mes ne sont pas tous inferieurs en valeur absolue a une m6me limite fixe.

Or I'hypothese que les coefficients A, ou certains d'entre eux, aillent en augmentant indefiniment n'est nullement incompatible avec la convergence de la serie, du moment que les coefficients a correspondants peuvent tendre vers zero. II en est ainsi me" me dans le cas de la convergence absolue, celui ou surtout on pouvait 6tre porte a croire le coiitraire, par analogic avec les autrcs types de series connus.

A cet egard, les deux series particlles formees, 1'une par les termes cosinus, Fautre par les termes sinus, se comportent tres difTercmment. La premiere

ne saurait evidemment converger absolument pour t = o sans converger uniform£ment pour toutes les valeurs reelles de t (la serie des coefficients A etant absolument convergente) et representer une fonclion bornee. II en est autrement pour la serie partielle des sinus

i sin («„*).

Tout ce qu'on peut dire, c'est que, si elle converge absolument dans un intervalle, si petit qu'il soit? autour de Torigine elle est absolument convergente pour toute valeur reelle de t : th^oreme qui s'^tend des lors aisement & la serie totale et au cas oh Pintervalle ou la convergence est donn^e ne comprend pas Forigine ; mais cette convergence, si elle est absolue, n'est pas

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 216

sairement'uniforme et des exemples tels que celui de la s^rie \,2wsin ( ^~

montrent qu'elle peut avoir lieu avec des coefficients ind^finiments croissants.

Les principes ainsi 6tablis ne servent pas seulement a discuter les questions de stability dont nous parlons en ce moment. Combines avec ceux que Poincar6 indique d'un mot a une autre occasion (*), ils ont donn<5 naissance a toute la th^orie des fonctions quasi p<5riodiques que Ton doit a MM. Bohr et Esclangon ot qui est destinde a prendre une place importante en M^canique celeste.

Si maintenant on applique ces principes aux trajectoires L, L/ consid£r6es plus haut, et aux series correspondantes qui, nous 1'avoiis dit, ne sont autre chose que des series de Lindstedt, on voit que non seulement ces d^veloppe- ments en series ne suffisent pas & d^montrerl'existence des sur faces ^tubulaires, mais qu'en fait ces surfaces en question n'exislent pas toujours etque plusieurs dispositions tr&s differentes, tant stables qu'instables, sont possibles.

On voit alors « a quel point les difficult^ que Pon rencontre en M(3canique celeste, par suite des petits diviseurs et de la quasi-commensurabilit6 des moyens mouvements, tiennent a la nature in6me des choses et ne peuvent &tre tourn6es. II est extr^mement probable qu'on les retrouvera, quelle que soit la m^thode que Ton emploie ».

Ajoutons que si Ton passe au probl£me des n corps Iui-rn6me, la divergence des series de Lindstedt, du moins en general, car la convergence reste encore, & la rigueur, possible quoique tr&s improbable, pour des valeurs parti- culi^res des constantes d'int(3gration ressortira, elleaussi, des propri£t£s des solutions et, en particulier, de celles des exposants caract6ristiques.

Sur cette question, d'ailleurs, les conclusions de Poincarcl ne furent pas purement negatives. S'il constate la divergence des series en question, c'esfc lui qui a montr^ a 1'aide des principes d6ja acquis par ses recherches sur les int^grales irr6guli&res des Equations lin^aires et qui ont regu une port^e nouvelle par les travaux ult^rieurs de M. Borel pourquoi elles peuvent 6tre n&xnmoins utiles et dans quelles conditions on pouvait en faire un usage l^gitime : pourquoi, autrement dit, tout en 6tant incapables de fournir une approximation ind^finie, m6me si on les poursuivait indcSfiniment, elles permettent n^anmoins, les masses perturbatrices £tantpetites, de pousser cette approximation jusqu'£ un certain point, heureusement sufjflsaiit en pratique.

(l) Bull. Astr^ t. 14; GEuvres, t. VIII, p. 10-26.

2I6 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

En m£me temps que Poincar6 est among a faire les reserves que nous vcnons d'indiquer sur la puissance des principaux moyens d'action employes avantlui, nous avons d£ja vu qu'il en apporte, a son tour, de nouveaux.

Les invariants int^graux viennent rendre des services sinon <§gaux, du moins analogues a ceux qu'auraient pu fournir ces integrates uniformes a la poursuite desquelles la M^canique celeste doit rcnoncer. Comme elles, ils represented des quantites qui restent constantes pendant tout le cours du mouvemenl, seule propriete qui permette d'tSlablir des relations directes entre des phases tfloigndes de celle-ci.

Quant aux solutions periodiques et aux solutions asymptoliques qui en derivent, nous avons dit qu'elles servant, non seulement en olles-m6mes, mais comme intermediates permettant d'arriver aux autres solutions.

C'est sous ce jour que les solutions periodiques apparaissent deja dans les recherches dont nous avons precedemment parle. Mais leur puissance, a cet egard, va surtout se manifester avecles methodes monies par lesquelles Poincar6 d^montre leur existence.

Nul sujet n'a retenu davanLage son attention. On peut dire qu'il s'en est pr^occup6 toute sa vie. Le premier travail qu'il y consacra date, en effot, de 1 883; et Pombre de la mort planait dt^ja sur lui lorsqu'il t5crivit le dernier (*), en Pouvrant par les nobles et m^lancoliques paroles, veritable testament scienti- fique, que nul d'entre nous n'a oubli^es.

Pour la formation des solutions periodiques, le M^moire de i883 emploie le th^or^me de Kroneckcr. Celui-ci se presente, en Pesp^ce, comme la gt sation naturelle au cas des syst&mes d'dquations a plusicurs inconnues auquel peut se ramener en derni^re analyse la cltStcrmination des solutions p^riodiques dont il s'agit) de la m^thode la plus <Sl6mentairc qui existe pour d^celer les racines d'imc Equation unique, celle qui est fondle sur les change- ments de signe du premier membre.

Une autre m^thode classique qui permet ^videmment, elle aussi, dc montrer Pexistence des solutions des syst&mes d'^quations peut ^tre consid^rde comme une generalisation du theor^me de Rolle : elle consiste a utiliser Pexistence du maximum ou du minimum d'une fonction convenablement choisie des inconnues. On aura ainsi assur^ment une solution des Equations obtenues en

(l) Rendic. del. Circ. Mat. di Palermo ^ t. 33, i*r semestre 1912, p. 376-407; C&uvres, t. VI, p. 499-538.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 217

les d£riv6es partielles de cette fonction. Poincar6 ne Femploie pas seule- ment sous cette forme, inais sous celle, sur laquelle nous reviendrons plus loin du Calcul des variations.

Ces diflferents proc^d^s sont combines entre eux, et surtout, comme nous allons le voir, avec les r^sultats que donne la thtSorie des fonctions implicites, en vue de l'6tude plus particuli&re du probl&me des trois corps etdes Equations de la M^canique celeste.

Au point de vue analytique, le systkme plan^taire se pr^sente comme un syst&me dynamique dependant d'un param&tre ^ (masse perturbatrice ou facteur proportionnel aux masses perturbatrices) auquel on ne donne que de tr&s petites valeurs. Pour JUL = o, Fint^grale g6n6rale est connue : tous les points materiels qui composent le syst&me d<3crivent des ellipses suivant la loi de Kepler.

Lorsqu'un systtmie d'6quations (en termes finis) a un nombre 6gal d'incon- nues depend d'un param&tre et que son jacobien n'est pas nul, le th(5or6me classique relatif aux fonctions implicites montre 1' existence d'une solution pour les petites valeurs de ce param^tre d6s que la solution existe pour la valeur z^ro.

PoincartS a parfois 1'occasion d'appliquer cc principe sous la forme que nous venons de rappeler; et le thtSor&me prc$cddemment cit6 (p. 198) sur la d^pendance des int6grales des equations difftSrentielles par rapport aux donn6es initiales et aux param&tres lui permet m<hne d'affirmer 1'analyticit^ des solutions. Mais, en g^n(5ral, dans le type de probl&mes qu'il traite, les choses se passent de manure un peu plus compliqu6e. Les Equations relatives a /^ = o, c'est- a-dire celles qu'on obtient quand on ne tient pas compte des perturbations, admettent une infinite de solutions p^riodiques, a savoir toutes celles dans lesquelles les moyens mouvements sont tous commensurables entre eux. Mais c'est prdciscment cette infinite d'une manidre plus precise, l'infinil(5 continue de solutions qui correspondent a un seul et m6me syst^me de valeurs des moyens mouvements qui fait ici la difficult^ : car elle entraine cette cons£- quence que le jacobien est nul.

Le th^or^me classique ne suffit done plus, et une ^tudeplus approfondie des fonctions implicites dont il s'agit doit 6tre entreprise. G^om6triquement parlant, si, aux coordonn^es initiales qui dtfinissent la solution cherch^e, on joint la valeur de fx pour d^finir ainsi un point de I'hyperespace, les Equations qui exprimeat que la solution est p^riodique d&finissent, dans cethyperespace, H. P. XI. 28

2i 8 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

une vari6t6 dont certaines parties continues sont situdes sur le domaine /-t o. On ne pourra avoir une s6rie continue de solutions de ces Equations corres- pondant a p variable et dependant analytiquement de [j. quo lorsque Ton aura une courbe de 1'hyperespace appartenant a la varit^t^ en question et coupant le domaine /* = o, d'ou rtssultera un point multiple de celte variety.

Poincar6, en usant des deux mojens d'actions indiques plus haul et en reliant entre eux par des lemmes remarquables qui permettent d'etablir 1'exis- tence de fonctions implicites dans des cas 6tendus ou le jacobien est mil, etablit 1'existence de tels points multiples : a partir de Fun d'entre eux, la mtfthode classique devient applicable moyennant des modifications convenables et fournit une serie de mouvements p£riodiqucs dont les 6l6menis repr<3senlatifs sont d^veloppables suivant les puissances entires on fractionnaires de /JL.

Mais la mtHhode devait devenir plus souple et plus g^ntole, grace aux recherches que Poincar^ developpait vers le m6me temps (1889) sur la figure des planktes et dont il sera question plus loin. La, on a a rtSsoudre, et dans des conditions beaucoup plus difficiles encore, puisqu'il s'agit d'une infinite de variables, des questions de m&me nature. Les principals notions qu'il va introduire a cette occasion, cellos de forme de bifurcation vide coefficients de stability trouvent ici leurs analogues. Les formes de bifurcation correspondent aux points doubles de notre vari6t<3 et, constituent par consequent les <$l<5ments essentiels qui permettent de la construire; les coefficients de stability ne sont ici autres que les carr^s des exposants caract<5ristiques, eftectivement litSs a la stability (a. la Liapounof) d'une solution pdriodique quelconque.

Comme dans la th^orie de la figure des plan&tes, il y a une sorte d't^chan^e des stabilit^s chaque fois qu'on passe par une forme de bifurcation. Un fait du m6me ordre se produit d'ailleurs dans le cas qui s'oppose a un certain point de vue a celui de la bifurcation, celui ou, au cours de la variation de ft, il y a disparition de solutions p^riodiques. Cette disparition se fait par couples comme celle des racines r^elles des Equations alggbriques et les solutions qui disparaissent ensemble sont de stabilil6s diflferentes.

Mais, sur un arc de courbe tracd dans notre hyperespace et le long duquel ju varie constamment dans le m£me sens,"le th^or^me de l^change des stability admet au contraire une r£ciproque : il ne peut y avoir changement dans les stability autrement qu'en passant par les bifurcations. On ainsi un nouveau moyen efficace de mettre en Evidence celles-ci et tin nouvel example des services que peut rendre Fintroduction des exposants caract^ristiques.

L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 219

Ainsi elargie, la methode se generalise d'elle-m6me et suffit a faire appa- raitre des resultats" d'une complication inattendue, lorsqu'ou passe a ce que Poincare appelle les solutions periodiques du second genre.

II donne ce nom a celles qui sont voisines d'une solution periodique deter- minee de periode T et qui sont egalement periodiques, mais dont la periodicity ne se retro uve qu'apr^s A* revolutions, de sorte que leur periode est voisine non de T, mais de A'T. Leurs points representatifs, dans notre hyperespace, engendreront une variete analogue a la precedente, laquelle en fera d'ailleurs evidemment partie. Mais il y aura en outre, des branches nouvelles et, par consequent, des points multiples nouveaux, intersections de ces branches nouvelles avec les anciennes; et nous trouverons ainsi de nouvelles series de solutions periodiques, greffees, en quelque sorte, sur les premieres.

L'emploi des exposants caracteristiques montre bien, en effet, la condition qui caracterise les nouveaux points doubles comme plus large que celle qui caracterisait les anciens.

Reste, il est vrai, a s'assurer, m6me lorsque cetle condition est remplie, si les nouvelles branches de courbes dont elle fail prdvoirl'existence sont reelles. Ce sont les invariants integraux qui permettent de triompher de cetle difficult^ en la ramenant a 1'etude des maxima et minima d'une certaine fonction, etroite- ment lieSe d'ailleurs au principe de la moindre action. Un lemme (analogue a ceux dont nous avons parle page 218 ainsi qu'a ceux dont il sera question a propos de la figure des plan^ies), qui constitue en lui~m£me un progr&s essentiel pour l'6tude des fonctions implicites, fournit le rnoyen de constater que la condition precedemment ecritc est bien suffisante.

Or, cette condition est que Fun des exposants caract^ristiques soit un

T . i l 2t^

multiple de -prr

Comme A- est un entier quelconque, on peut le prendre assez grand pour que les multiples de -77=r soient aussi rapproch^s les uns des autres qu'on veut.

Comme ces exposants caracteristiques varient continument avec JJL, les bifurca- tions dont il s'agit se produiront d6s lors ^ intervalles aussi petits qu'on le voudra, au cours de la variation de ce param&tre. Ce ne sont done plus un certain nombre de families de solutions p6riodiques qui sont ainsi mises en Evidence, mais un reseau extrtoement complique de families de cet esp&ce, distribuees comme le sont les nombres commensurables dans la suite totale des nombres. Les periodes correspondantes seront, par contre, indefiniment crois-

220 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

sanies, puisque ce seront des multiples plus ou moins 6loign£s de la pt^riode primitive T.

II est ais6 de comprendre qu'un tel r<5sultat eclaire d'un jour nouveau les precedents et ouvre de nonvelles perspectives.

Nous avons vu Poincar^ rattacher aux solutions p^riodiques toutes celles qui en sont suffisamment voisines. Etant donntte la manure dont les solutions p^riodiques dependent des nombres commensurables, ne peut-on aueindre, par cette voie, toutes les solutions possibles (du moins toutes les solutions stables), de m£me que, a. 1'aide des nombres commensurables, on peut repre- senter par approximation tous les nombres r^els?

On aurait ainsi une voie conduisant en un sens a I'inUSgration complete du probl&me. Les clioses se passent d'ailleurs effectivement de cette fac,on pour certains probl&mes de Dynamique (*).

Un recent travail, auquel la question ainsi soulev^e a conduit M. Birkhoff, est venu modifier nos id^es sur ce point. Mais, en nous amenant & ^largir le principe prt§c6dent, il ne tend pas, loin de la, a en affaiblir la portt^e. M. Birkhoff, en effet, arrive a <5tablir la possibility d'une approximation ind£- finie, analogue <L celle qu'avait en vue Poincar6, en remplagant, toutefois, les solutions p^riodiques par une autre cat^gorie de solutions un pen plus

II semblerait, a un examen superficial, que nous ayons ainsi (5puis6 toutes les solutions p^riodiques du problteme de la M^caniquo celeste corrcspondant aux valeurs suffisamment pelites de fx, ou du moins toutes celles qui formcnt des sdries continues. Nous savons, en effet, que toute sdrie de cette esp&ce doit, a la limite, pour p.= o, donner une solution p^riodique du probl^me primitif, qui est celui ou 1'on ne tient pas compte des perturbations. Or il semble que nous ayons pass^ en revue toutes les solutions ptSriodiques de ce probl(!ime primitif, et qu'il suffise, par consequent, de chercher celles qui sont voisines de celles-la pour p voisin de z6ro.

Mais nous avons d6j£ vu, avec Poincar(5j les difficult^ d'un genre tout parti-* culier que Ton rencontre lorsque, dans les questions vraiment arducs et vrai- ment myst^rieuses comme celles auxquelles il s'attaque, on chercne ^t pr^juger de la solution par T^tude des cas particuliers que Ton sait traiter. La simplifi-

(x) Par exemple pour les g6od^siques des surfaces & cowrbure negative*

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 221

cation s'ach£te par une deformation ou il peut arriver que tous les deviennent meconnaissables. Nous sommes bien obliges d'accepter le marche (le cas des courbes definies par une equation differentielle du premier ordre est le seul ou Poincare ait pu operer autrement) du moment que, en dehors de lui, nous serions condamnes a 1'impuissance absolue; mais nous devons compter avec les pi6ges auxquels il nous expose. Nulle lecture n'est plus instructive a cet egard que celle des derniers paragraphes du Memoir e sur le probleme des trois corps, ou du chapitre correspondant des Methodes nouvelles de la Meca- nique celeste (j ).

Une chose rend suspecte, ici, la conclusion provisoire a laquelle nous songions tout a 1'heure. Parmi les param&tres dont depend Petat du syst&me, un certain nombre (les anomalies des plan&tes sur leurs orbites osculalrices, ou les longitudes des perihelies ou des nceuds de ces orbites) sont angulaires : il ne serait d&s lors pas necessaire, pour la p^riodicite, que ces param&tres reviennent a leurs valeurs primitives au bout de la periode T ; il suffit que chacun d'eux (ou plutot chacune de leurs differences mutuclles) ait alors augment^ de 2 JPTC, p etant un entier quelconque. Or, en ce qui concerne certains d'entre eux (les longitudes mentionn^es en dernier lieu), cet entier p a toujours la valour z6ro lorsqu'il s'agit du mouvement k<5pl^rien sans perturba- tion. II en est forc<5rnent de m6rne sur toutes les solutions p^riodiques dont 1'existence a &t& jusque-la (5tablie pour p. voisindez<5ro, puisque/? ne pent, sans discontinuity, passer de z<5ro a une valeur entire non nulle.

Cependant, 1'absence, pour fxdiflfcrentdez<3ro, de solutions p<5riodiques dans lesquelles les entiers p soient quelconques, nous apparait, non seulement comme tr^js peu probable, mais m6me comme lout a fait absurde lorsqu'on tient compte de ce que Tannulation des entiers p est une consequence des propri6tes toutes particuli^res du probl&me envisage et n'aurait plus lieu si on le rempla^ait par un autre probleme de Djnamique infiniment voisin.

II faut done qu'il existe d'autres syst^mes de solutions periodiques deg6ne- rant, pour jjt.=:o, en courbes limites autres que celles dont nous avons parle jusqu'ici. G'est en effet ce qui a lieu. Poincar£ en indique la raison, pour la premiere fois, dans la conclusion du Memoire sur le probleme des trois corps.

« Si p. = o7 c'est que les masses des deux plan^tes sont infiniment petites et

(*) T. HI, chap. XXXH.

222 L'CEUVRE MATH^MATIQUE DE POINCAR£.

qu'elles ne peuventagirl'une surl'autred'une mani&re sensible, a jnoins d'etre a une distance in finiment petite Vune de Fautre. Mais si ces plan^tes passcnt infiniment pr&s Tune de Tautre, leurs orbites vont 6tre brusquement modifies comme si elles s'etaient choqu^es. On peut disposer des conditions initiales de telle fagon que ces chocs se produisent periodiquement et on obtient ainsi des solutions discontinues qui sont de v&ritables solutions periodiques du probl&me du mouvement keplerien et que nous n'avons pas le droit de laisser dc cot6. »

Autour de ces courbes, compos^es chacune de plusieurs ellipses kepleriennes et presentant des points anguleux, se groupent les nouvelles solutions periodiques, dites de deuxieme espece, que Poincare examine d'ailleurs sommai- rement, dans les Methodes nouvelles, en raison de leur peu d'analogie avec les orbites observes, mais qui, comme on le voit, n'en sont pas moms d'un haul analjtique.

Poincar6 reprend la recherche des solutions p^riodiques sous une autre forme, dix ans plus tard, dans un M^moire des Travis actions de la Soci£t<£ math^matique am<5ricaine. Nous dirons plus loin comment il lui applique les donn6es du Calcul des variations.

C'est £ ce m6me probl^me enfin, et sous sa forme la plus difficile, qu'est all£e Tune des derni&res meditations de sa vie, ce M^moire des Rendiconti del Circolo Mat. di Palermo qui a douloureusement dmu tous ses admirateurs par le triste pressentiment qui s'y trouve exprimd.

Poincar(5 y cherche a ne plus se borner, comme il Tavait fait dans les Methodes nouvelles, aux petites valeurs de p., c'est-a~dire a obtenir des solu- tions p^riodiques m^me si 1'on n'est pas au voisinage d'un cas d'inl(5gration connu.

Par une m^thode de forme toute nouvelle, il montre que tout se ram&ne ^ un th£or&me de g<5om^trie relatif aux transformations des figures planes (existence d'un point invariant sous des conditions tr&s g£n6rales impos^e a la transformation) et que, par consequent, la demonstration de ce th<5ordme 6qui- vaudrait ^ la resolution de la question, pos^e, au moms dans le premier cas qu'on soit conduit £ aborder.

Cette demonstration, que Poincar£ s'excusait de ne pouvoir fournir, fut donn£e, peu de mois aprds sa rnort, par M. BirkhojBP, de sorte que les r^saltats qu'il enongait a titre hypothetique sont definitivement acquis aujourd'hui*

Invariants integraux, solutions periodiques, solutions asymptotiques, sont

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE*. 228

les mattSriaux dont sont tissues les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste. C'est par leur reaction mutuelle que sont obtenues les conqu^tes qui ont fait Fadmiration des g£om6tres et des astronomes.

Non seulement les notions ainsi crd^es sont grosses pour la Mecanique celeste de r^sultats nouveaux, mais elles constituent, pour les r^sultats obtenus par ailleurs, un important moyen de controle. Les invariants int^graux, par exemple, donnent une s6rie de v6rifications pour tous les calculs entrepris par les m^thodes connues (1).

Les propri£t£s des solutions p^riodiques ont, a cet 6gard, fait leurs preuves d'une mani&re remarquable a 1'occasion des m^morables travaux de G. Darwin (2). Les calculs du grand astronome anglais ont, on le sail, dans un exemple num6- rique d6termin£, abouli a la formation d'une s6rie d'orbites p^riodiques de formes enti&rement nouvelles et sou vent inattendues. Ces orbites sont de plusieurs categories differ en Les ; elles sont tantot stables et tantot insLables. Certaines des transformations qu'elles subissent, lorsque la constante de Jacobi varie continument, ob^issaient bien aux lois 6tablies par Poincar<5. En parti- culier, on voyait a un certain moment apparaitre simullan(5ment deux d'entre elles, 1'une stable et 1'autre instable, et cependant tr£s peu difl^rentes Tune de 1'autre lors de leur apparition.

Au contraire, une des families d'orbites p(5riodiques trouv^es passait de la stability a I'instabilittS dans des conditions ou ce passage n'aurait pu se faire que moyennant ^change de stability et, par consequent, bifurcation. Celle-ci n'apparaissant pas en 1'esp^ce, PoincanS fut conduit a pr6sumer que les orbites instables n'etaient pas la continuation des orbites stables.

C'est ce qu'a confirm^ ulterieurement, dans ce journal m6me (:)), M. Hough, en reprenant 1'tHude des transformations mutuelles des orbites pr6c6dentes. On retrouve, dans cet exemple, les ph(§nom&ncs g6n6raux d^crits dans les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste.

En particulier, serrant les calculs de plus pr6s au voisinage du passage mis en doute par PoincanS, M. Hough constate que, effectivement, les apparences constat^es par Darwin sont dues & ce que, en vertu des donates num^riques

( ' ) Les invariants int^graux possedent d'ailleurs d'importantes propri^t^s formelles ; S. Lie et depuis, MM. Kceaigs et Goursat leur ont consacre" leurs efforts. On sait qu'on doit \ M. de Bonder plusieurs exposes de leurs propri6te~s.

(») Acta Math., t. 21.

{>) Acta Math., t. 24, p. 257-288.

224 L'CEUVRE MATH^MATIQUE DE POINCARE.

adoptees, I'apparition d'une famille do satellites coincide approximativemenl avec la disparition de 1'autre.

Ce sont les invariants int6graux qui ont permis a Poincarg de s'attaquer an probleme de la slabilite des trajectoires, qui correspond, pour un sysleme djnamique quelconque, a celui de la stability du systeme solaire (1).

Laplace a, on le sait, d6montr6 cettc derniere stability en premiere approxi- mation et Poisson a passti a I'approximation du second ordre. Mais nous savons mainlenant que les methodes d'approximation ne peuvent donner ici de reponse valable : on peut aeulement en infe'rer une certaine stability temporaire, nous renseignant pour une tres longue pe>iode.

C'est la stability au sens de Poisson (moins precis que celui de Laplace) quo dans une categoric e'tendue de rnouvements (laquelle toutefois n'embrasse pas notre sjst^me solaire) Poincare" a pu d^montrer d'unc maniere rigou reuse et non plus approximative.

Par contre, son rgsullat a une signification toule cliiferenle de ceux qui avaient £16 obtenus ante"rieuremenu II ne gouverne pas toutes les trajecloires sans exception, rn'ais seulement a des trajectoires exceptionnelles pres.

Les mols « ti^ajectoires exceplionnelles » doivcnt s'interprcSler, icit a Taide du Calcul des probabilites : ils veulent dire que, une irajecloire dtant prise au hasard, la probability pour qu'elle soit une de celles qui mettent en dei'aut l<k th<2oreme est in fmiment petite (et non pas seulement tres polite).

Autrement dit, il n'est pas absolumenl certain qu'une trajecloin* arbilraire posstide la stability a la P'oisson, mais il y a iniiniment pen de chances qu'il ea soit autrernent.

Le Calcul des probabilites, auquei Pomcare* <Hait une premiere fois amene par la Djnamique, devait, par la suite, tenir une place importante dans son ceuvre.

En m^me temps qujil s'occupait d'en e"lucider les principes, il est un de ceux

(*) Encore ne s7agit-il ici que de la question prise au poiat de yue th^oriqae. Poincare* a soin de rappeler (Annuaire du Bureau des Longitudes, 18^8; CEuvres, t, VIII, p. 538-547) que le probl&me analytique ainsi pose" est tout diffe*rent du probl&me physique, Fiafluenee des elements ne"glig6s (les mare"es, entre autres, et le frottement qu'elles prodaisent) ne pouvant manquer de devenir, en fin de compte, pre"ponde>ante.

L'CEUVRE MATHE"MATIQUE DE POINCARE*. 220

qui en ont pousse le plus loin Papplication. Nous aurions a insister sur ces deux aspects de son oeuvre si, a quelques exceptions pres, le premier d'entre eux ne concernait le philosophe et le second le physicien.

C'est le developpement des theories moleculaires qui a imprime au genie de Poincare celte derni&re orientation. Au point de vue du mathematicien, les theories en question ont eu pour effet : de faire passer au second plan les Equations aux derivees partielles, au profit des equations differentielles ordi- iiaires ; de faire reposer toutes les deductions sur le Galcul des probability .

De la, et du role directeur que Poincare sut prendre dans ce grand mouve- ment, decoulent, par une consequence necessaire, les recherches qu'il eut a entreprendre dans cetle derni&re direction, recherches qu'il ne nous appartieiit pas de retracer dans leur ensemble.

Contentons nous d'en rappeler 1'aspect proprement mathematique, tel qu'il est traite dans la deuxi^me edition des Lvcotis sur le Calcul des probabilites profess ees a la Faculte des Sciences de Paris.

Tout cet Ouvrage renferme des apergus qu'il conviendrait de signaler : telle est, par exemple, 1'application nouvelle de la methode des moindres carres a Interpolation, si adequate, comme 1'a montre M. Quiquet (*), aux besoins de la pratique par la manitsre dont les calculs faits en vue de 1'approxi- mation par un polynome de degre determine peuvent £tre utilises pour former le polynome d'approximation de degre superieur. Mais la question fondamen- tale au point de vue de 1'appli cation du Galcul des probabilites aux phenom&nes moleculaires fait 1'objet du dernier chapitre. C'est deja elle qui est abordee lorsque Poincare etudie le battage des cartes.

Pourquoi, lorsque le jeu a ete battu assez longtemps, admettons-nous que toutes les permutations des cartes, c'est-a-dire tous les ordres dans lesquels ces cartes peuvent &tre rangees, doivent <^tre egalement probables? Le joueur qui bat les cartes a cependant des habitudes instinctives et, grace $. elles, si Pordre primitif des cartes est donne, on doit supposer que, pour 1'ordre obtenu apr^s un seul battage, certaines permutations sont plus probables que d'autres. Poincare va montrer en toute rigueur que, si le nombre des battages est grand, le resultat obtenu sera totalement independant de ces habitudes inconnues du joueur, toutes les permutations ayant finalement la m£me probabilite.

La question qui se pose & la base des theories cinetiques est tout analogue,

(*) Congr&s de Cambridge, t. II, 1912, p. 385.

H. P. XL 29

226 L'OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

mais avec des difficulty's nouvelles; car l'6nonc£ comporte, cette fois, des cas d'exceplion. II doit, tout d'abord, subir une modificalion chaque fois que les Equations difftirentielles du probleme admettent des integrates . Mais cette reserve u'esl pas la seule a laquelle soil conduit Poincare, au moins theorique- ment; et quoique, physiquement parlant, la conclusion visee (a savoir que, une fois connues toules les integrates univoqucs, la probability de chaque elat final du systeme peat etre connue a priori, independamment du meeanisme do melange) reste vraisemblable, on voitque les conditions de sa validite mathe- matique sont a pr^ciser.

Les nouveaux aspects que prenail ainsi la theorie physique out mis une iois de plus en Evidence, en en faisant sentir tout le prix, celte universalite, cellc maitrise simultane"e des domaines les plus divers, qui ost une des caracleris- liques du £e"nie de Poincare.

La substitution des equations dillerentielles ordinaires aux equations aux d^rive'es partielles lendait <$videniincnl a rapprocher les methodes de la Physique math^matique des pr^c^dentes, de celles de la M<3canique celeste. Mais, grace aux rccherches ci-dessus mentionuees de Poincare, on voil que 1'inlroductinn du Calcul des probability se trouvait agir dans le m6me sens. G'est, notons-le, sous la m6me forme que le Calcul des probabililes intervenait de part et d'autre : nous avons vu precedemment que le principe fundamental, a savoir I'exisUuic** de 1'invariant integral le plus usuel, esi cornmuii aux theories moteculaires et a la Dynamique de PoincanS.

Ge rapprochement entre les methodes se retrouve d'une maniere remarquahle dans les r^sultats. Un astrologue aurait sans doutc trouve une prtMive de ridcu- Iil6 du microcosme et du me^acosme dans eette simililu(l<,' constattie eatre I'^tude de molecules dont il entre des millions de millions duns i nun:i el c«Hc d'astres separ^s par des distances que la lumiere met des milliers d'ann^cs a franchir, celles-la £tant consid^rees pendant quelqucs milliardiemes dosecondc el ceux-ci pendant des millions de siecles.

Ce sont, tout d7abord, nos connaissances sur le mouvemont des plan^tcs qui nous ont aid^s a comprendre la vie des molecules,

Mais Finverse s'est produit lorsque, djun unique syst&me planetaire lei que le notre, on a voulu passer a la foule de ceux qui composent le monde stellaire, m£me limits k notre voie lactde. C'est Lord Kelvin qui e"mil pour la premiere fois une ide'e de ce genre; mais c'est Poincar6 qui montra tout ce qu'eUe est

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 227

capable de donner. II suffit de parcourir son livre sur les Hypotheses cosrno- goniques pour voir combien de relations nous commeiiyons a p&ntHrer, qui nous resteraient encore incompr6hensibles si nous n'avions a noire disposition les cHudes statistiques entreprises par les physiciens sur le perpeluel el inextri- cable grouillemenl des molecules.

Ge livre fut un des derniors de sou existence. 11 etait digne d'en marquer le couronnemenl.

JNnl Ouvrage pour lequel il fut plus uecessaire. Pour 6clairer les propritHes des molecules par celles des n^buleuses et inversement, il fallail dominer a la Ibis les uncs et les autres. 11 fallail un successeur de Laplace qui iul en inline temps un successeur des Clausius etdes Boltzmanu, pour (Scrire les Lecons sur les hypotheses cosniogofiiques.

4. ANALYSIS SITUS. CALCUL DKS VARIATIONS. DfiTKHMiNANTS INFIMS.

JVaulres parties de 1'oeuvre de Poincare se ratta client encore a ses iravaux sur les equations difl'tfrentielles

Geux-ci devaienl, tout d'abord, Taaiener logiquement a perlectionner la Gvometrie de situation. Nous 1'avozis vu niontrer qu'on ne saurail faire des progr^s imporiants dans la th^orie qualitative des Equations differenlielles sans rencontrer sur son chemin celte doctrine.

Pour les lignes et les surfaces de Fespnco ordinaire, V Analysis sitfis. du rnoins dans les conditions oii les applications 1'introduisent, tient tout enliere dans les donn^es utilis6es par Riemann. Mais dejs que Ton augraente le iiombre des dimensions, les r^sullats se compliquent(Snormement, pendant qu'il devient impossible de los atloindre par 1'intuition directe.

Poin.care se trouvail done amen6 a trailer la^ g<5om^lrie de situation dans les espaces a plusieurs dimensions.

il en est, en un sens, le premier (budatcur, uon (ju'il ait el6 le premier a 1'avoir abordee; mais seul, il a indiqu<5 exaclement les ^l^naents qu'on doit se donner pourddfinir, acetegard, une figure : ces 6l£ments avaient 616 dnum^re's incompl^jtement avant lui.

Une premiere solution avail 6t6 fournic que 1'on pouvait croire, au premier abord suffisante.

Betti avait g£n6ralist2 a un nombre quelconque Ji de dimensions la notion d'ordre de coaaerion ; il avait d^fini n i nombres jouant visiblement un rdle

228 I/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

tout analogue a celui de 1'ordre en question. De m^me qu'une surface esl complement d&finie, au point de vue de V Analysis situs, par son ordre do connexion (lorsqu'on donne, en outre, le noinbre de ses fronti&res), on admet- tait implicitement qu'une multiplicity quelconque etait suffisamment caractc- risee, an m£me point de vue, par ses nombres de Betti.

Pour fonder vuritablement V Analysis situs a plusieurs dimensions, Poiucare eut a corriger cette erreur. 11 montra que, an point de VUG dont il s'agit, la defi- nition precise et complete d'une multiplicity u un nombre quelconque do dimensions exige la connaissance d'un certain groupe de substitutions que Ton peut en deduirc. Ce groupe, et, par consequent, les propriety lopologiques de la multiplicity peuvcnt 6tre alleges dans certains cas ou, cependanl, les nombres de Betti conservenl tous leurs valeurs.

Une loi remarquable fut enoncee par PoincanS sur ces nombres de Belli. A la suite d'une pentHrante critique de M. Ileegaard, elle Tamena a constaU'r quo la definition de ces nombres peut 6tre pnjcisee de plusieurs iacons differonles et que 1'une de ces modifications s'impose, an point de vue de Pexaeliludo do la loi en question.

D'autres nombres que ceux de Betti furent decouverts dans la suite de <;<*s recherches et jouerit 6galemcnt un role important en Pespfecft : ce sont les coefficients de torsion, lies aux varietes a un seul cot6 que Ton pen I tracer sur la variete donn^e. Mais un exernple monlre que, pour caracteriser celle-ci, la connaissance simultan6e des nombres de Betti et des coefficients de torsion esl encore insuffisante.

La nouvelle Analysis situs ainsi fonciee devait e^alenn»nt, conimc ct'llt* dt» Riemann, conduire a des applications algebriques.

La theorie des fonctions algebriques de deux variables veuail, en rilVil, d'etre fondee par les travaux de M. Picard. L'analogue de la surface de Riemann csf, dans cette theorie, un domaine a quatre dimensions donl il est mkessaire d'etudier la connexion. C'est une etude que M, Picard avait dej& commenc^o. Poincare y appliqua les donnees nouvelles dont il disposait.

II faut d&s lors definir et etudier, sur les surfaces algebriques, des pvriodes cEint&grales doubles^ notion qui n'est pas sans relation avec celle des residus des integrates doubles considers plus Iiaut, mais qui est a celle-cx ce que les periodes cycliques des integrates abelienrxes classiques sont aux ptSriodes polairesy et qui devaient jouer un r61e important dans les r^sultats qu'il obtint eixsuite sur le developpement de la fonction perturbatrice en Mecanique celeste.

I/OEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 229

Nous nous bornerons a ces indications en ce qui concerne les fonctions alg<5- briques de deux variables. II landrail, si nous voulions insister el montrer quelle aide Poincar<3 a pu apporter a 1'eflbrl des Picard, des Castelnuovo, des Enriques, des Severi, retracer, plus longuement que nous ne saurions le faire ici, les principes de cetle th^orie et Fimportant d^veloppement qu'elle a pris dans ces demises ann^es.

Nous avons aussi constate les relations de 1'oeuvre dynamique el astrono- mique de Poincar<3 avec le Calcul des variations.

Tous les travaux de Poincar^ sur les Equations different! ell es, toutes les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste et aussi toutes les recherches de Poincar6 sur la figure des plan^tes sont comme le remarque M. Hilbert (*), du Calcul des variations, si Ton prend ce mot au sens le plus large : 1'^tude des relations d'une fonclion avec les fonctions voisines.

Quant au Calcul des variations propremenl dit, il a el6 6galement, nous 1'avons dit, essentiel a la recherche des solutions p^riodiques. Poincar6 a m&me indiqu£ bri&vement a cet £gard des voies qu'il importerait de poursuivre (-) eL par losquelles on pourra demonlrer imtnediatement 1'existence de solutions p^riodiques toutes les fois que, par des conventions convenables, on pourra consid^rer les lignes cherchties comme trac^es sur des vari6t6s a connexion (Iin6aire) multiple, en parliculier chaque fois que certains des cniiers d^signt^s plus liaut (p. 221) par p (nombre total de circonferences dont a augment^ pendant une p(5riode un param^tre angulaire) seront diflferents de z6ro.

La question est beaucoup plus difficile lorsqu'on ne peut introduire de connexion multiple, ainsi qu'il arrive pour les geod(Ssiques des surfaces cori vexes, auxquelles est consacre le M<2moire des Transactions of the American Mathematical Society menlionne plus liaut. La proprit5td de minimum habi- luollement employee pour caracUSriser les g^odtisiques suffit encore ^. 6tablir 1 'existence de g^odesiques fermees si la surface est tr6s pen difierente d'une sphere, c'est-^L-dire, une fois de plus, dans une hypoth&se mfmiment voisine <l'un cas d'intugration classique. Mais c'est en posant le problfeme d'une manidre toute nouvelle, en en faisant un probl&me d'extremum 116, que Pomeare arrive au m^me r^sultat sur une surface ferm<3e convexe quelconque.

(l) Congr&s international ties Matfiematiciens^ Paris, 1900, p, 107. {*} Voir Analyse, p. u>0; QKuvres, t, VII, p, !\.

23o L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Dans le M^mofre dont nous venons de parler, il utilise le Calcul des varia- tions sans se pr£occuper de le computer. Au contraire, dans les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste, il avail examine la question de savoir si une courbe solution des Equations diflferentielles fournit ou non un extremum de Faction.

On sait que la mgthode obtenue par Weierstrass pour decider de 1'exiremum entre deux extremities donnees, com me plusieurs des d^couverles dunt nous avons eu Poccasion de parler pr^cddemnienl, avail ete une do cellos tjue le g^omfctre allemand s'elail contents dVnseigner oralement (les premiers Ouvrages portanl (race de eel enseignemcnl, la these de M. Zermelo et, pour les iutt1- grales doubles, le M 6 mo ire de M. Kohl), paraissaient vors le inline moment que POuvrage de PoincanS el PexpostS complet de M. Kneser, quelques anneos plus lard). Par conlre, M. Darboux avail, fait eonnailiv, sur Pexemple parli- culier des lignes geodesiques, une autre melhode conduisant a la .solution : M. Kneser devait (dans POuvrage auquel nous venons de fa ire allusion) Petemlre an cas g^n^ral.

Poincar6 a-t-il reirouve, de son cote, les resultats de Weierstrass? Dans la notice qu'il lui a consacre (*), le Calcul des variations n'est pas montioniu't. D'autre part, dans les Mvthodes jivuvelles (-), la condition de Weierstrass est (hionc^e, mais non sous sa forme connue, quoique celle-ci el celle de Poincarr soient Equivalent es.

Quoi qu'il en suit ft cot tSgard, le r<5sultat cjue Poincare a en vue, en Pesji^MU', est nouveau et lui apparlienl en propre : c^ost Pobtention des conditions mV<is- saJres et suffisanles pour lY\lremum lorsque la ligne arbitraire csf a.ssujiMtic lion plus, comme dans le problems olassiquequi esi celui auquel s^elait alla<{u«' Weierstrass, a, joindre <leux points donntfs, mais a ^tre lenn(;e.

A cet effet, Poincare emploie d'avance, mais sans (?n fairo la t!»<Sorio gem1- rale, quelques-uns des moyens dont s'esl servi M. Kneser pour generalise*' la m<5thode de M, Darboux. En particular, si la notion d'orthogonalitt* suflit a P^tude de Pactlon correspondant au mouvement absolu, PoincartS est ament; i\ consiruire des « transversales », lorsqu'Jl passe au mouvement relaiif, f,(^ « champ )> qu'il fait intervenir est d'ailleurs remarquable : il n'a pas, i notrc» connaissance, eu d'autres applications ot n7a sans doute pas rondu tons !t*s

(') Acta Matk,, t. 22, p. (2) Tome III, p. 261.

L'CEUVRE MATHE'MATIQUE DE POINCARE. 23 1

services qu'on es.t en droit d'en attendre : il est form<5 par une des families de solutions asjmptotiques a la courbe ferm^e envisage.

Le probl&me d'extremum tel qu'il se pose sous la forme classique, c'est-a- dire enLre deux poinls donnas, figure d'ailleurs £galement dans les recherches de Poincar^ sur les solutions p^riodiques, etla manure dont la solution depend de la nature des foyers (suivanl que ceux-ci sont des points ordinaires ou des points de rebroussement de Tenveloppe de la famille d'extrt^inales correspon- dantes), y est indiqu6e. Poincarg applique surtoul sa discussion au cas ou les deux extr^mitos donnees coincident en un m£me point A. Avec une autre remarque g^ometrique egalement imporlantc, I'mfluence du sens de 1'angle ainsi forme au point anguleux A, celte eHude esl, pour lui, le moyen d'arriver a une conception simple des solutions pdriodiques du deuxi&me genre et de pcriode A'uplc qui naissent, comme nous 1'avons dit, au voisinage de certaines solutions du premier genre convenablement choisies. Un exposant caractu-

rislique 6tant, sur celles-ci, com mensurable avec ^-^~ il en r^sulte que chaque

point sera a lui-m^me son 2/>I6m'' foyer, p 6tant un entier convenable; lous ces foyers seront d'ailleurs points de rebroussement, et de m6me sorte (c'est~a-dirc que le rebroussement y aura lion dans le m6me sens).

Pour arriver a une solution p<5riodique du deuxieme genre, Poincar<5 fait varier d^une petite quantity, dans un sens convenable, le param^tre p. et constate que chaqtie point M de la courbe ferm^e primitive C peut6tre joint a Iui-m6me par une ligne satisfaisant aux Equations diiKrentielles avec la n on veil o valeur du param^tre.

Si enfin on choisit M de mani&re que Faction le long de cette ligne soit la plus grande ou la plus petite possible, le point anguleux en M dis- parait, et on a une solution period ique du deuxidme genre, coupant C en zp points.

G'est (Sgalement, du moins pour une partie, a propos des trajectoires de la Dynamique, en s'occupant de ItSgitimer la m6thode qui avait donn6 a Hill ses solutions pt^riodiques du probl(;me des trois corps et, en m£me temps, celle que M. Appell avait appliqutSeaunnouveau d^veloppement des fonctions ellip- liques que Poincan5 a &1& amen^ & doter FAnalyse d'un nouveau mode de passage a la limite, voisin de celui qu'elle allait devoir a M. Fredholm, les determinants injinis et la resolution des Equations lin^aires a une infinite d'inconnues.

23'2 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Nous ne redirons pas apres lui (1) les circonslances remarquables qu'il a renconlre'es dans cetle recherche. On sail, quo le nouvel algorithme ainsi fondt1 a du d'importanles applications a M. Ilelge von Koch. Nous avons ddja rappele que ce savant a pu ainsi calc tiler (sous leur forme convergenle) les inte*grales irre'gulieres des Equations line'aires, question lie"e d'ailleurs directomenta rinle- gration des Equations a coefficients period iques.

TIL Les equations aux derivees partielles et les problemes de la Physiqiie mathematique.

M<^me apres revolution qui a augment^ i'imporlance des Equations dille'ren- tielles ordinaires pour la Physique mathemalique, celle-ci continue et conli- nuera a s'appujer stir les Equations aux derivees par tiel fas.

Pour ces derni&res tSgalement, et plus nettement m^me que pour les prt;ce- dentes, la solution telle qu'on la concevait prJmilivcment, ce qu'on a appele 1'int^gration formelle est hors de cause. Non seulement Vinlegrale gene- rale: par le moyen des symboles eklmentaires connus, est le plus souvent introuvable; mais m^me une fois obtenue, elle no rend pas les inOmos st'rvices que dans le cas des Equations differentielles et ne dispense pas de recherches aussi difficiles ou plus difficiles que cellos qui out conduit a 1'ecrire, lorsqu'ou vent 1'appliquer aux v(5ritables problemes qui so posent le plus gonoralonitjal.

Les difficult<5s que ccux-ci prcsonionl peuvent i;tre, suivant h^scas, dti ualuro ires diflerente.

11 peut arriver qu'elles resseinblent, avec des <liilV?nince.s do degre, a r<» ([H1eilos sont pour les Equations difftSronlielles, do sorie quo la solution puisso fitn* cousi- dor6e, au point de vue th(5orique, commo fournio localemont par los luelhodcs de Cauchy, quitte, dans unc secondo partio du travail, i fa ire la syntheses des diff(5rents <5l(5menls de solution ainsi obtenus.

C7est ce qui se passe liquation (Slant supposed introduite par FtHudo iTim ph^nomene physique lorsquo celui-ci se d^roule librement dans Tospaco illimit^, et ou, par cons6quent? pour dofinir son Evolution, il suffit de se dormer les conditions initiales, e'est~&-dire son, otat h. im instant de'termino',

Mais si le ph^nomene a pour th^tUre une enceinte Hmite"e par des parois,

(l) Analyse, p.!9a-94; OEuvres, t. V, p. 3-5,

l/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 233

de sorte quo pour achever de le definir, il faut ecrire un systeme de conditions aux limites, exprimant lej'ole joue par les parois en question, uno difficult^ d'un lout autrc ordre apparait.

II est encore vrai que, an voisinago d'uii point quelconque, la solution est le plus souvent represcntable par des developpements en series du m6me type que dans les problemes precedents. Mais, celle fois, aucun de ces elements de solu- tion, — non pas m6me le premier (*), comme il arrivait pour les equations differentieiles ordinaires ne peut 6 ire de'terrnine' isolement : la connaissance de chacuii d'eux est inseparable de celle de tons les autres.

C'est le renversemenl du principe m6me qui, en Unites les autres circons- tances, guide la ma re he- du calcul integral : la division de la difficult^ en une difficulte locale et une difficulie de syntlnYse. Une telle division eslici radicale- ment impossible.

Aussi 1'apparition de ces series de problemes et surtout du premier dc tons, celui qui lour a servi de type, le probleme do Dirichlet o-t-elle change" profondemenl touie Failure de la malhe'matique moderne.

Get exemple est pre'cise'ment celui que Poincare a choisi pour montrer comment la Physique impose aux maihematiques des problemes auxquels elle n'aurail pas songtf a elie sculp. On voit qu'il n'en pouvait exister de plus typique.

Un tel probleme ne pouvait rnanquer d'attirer Faiiontion de Poincare commo il avail, altire celle de plusieurs de ses predecesseurs. La nouvelle solution qu'il y apporla, la metbode du balaycige* s'inspiro tres direclcment de la nature m6me de la question, de cette interdependance mutuelle de ton les les parties do la solution telle que nous venous de la signaler.

Mais alors que la met bode du balayage elle-mfime se railachc aux autres travaux anterieurenicnl consacres a la iheorio du probleme de Dirichlet (-), ctitte theoriti devait peu apres entrer dans une phase toute nouvelle etsubir une revolution proionde dont Futility ressort, ellcaussi, des remarques prec^dentes.

Son principe consistc a remplacer Pequalion aux dvriv&es partiMes, ainsi que les autres condilions aux<juelles doit satisfaire la fonction inconnue, par une

(J) Hit'n nr conduit, d'ailkuirs \\ tUahlir entre los elements en question un ordrc determine : ?t considerrr spi'cialenicut I'un d'onlrc eux plutot qu'uu autrc conune le premier,

(2) Kile se distingue des me'Uiodes d'approximations successives proposes jusqu'^, lui surtout en ce que cetles-ci, dans le choix des expressions destinies & servir de points de depart, se pr^occupaient tout d'ubord de satisfaire d^s I'abord & liquation aux de"riv6es partieltes, les autres conditions du probleme devant ^tre ve'rifie'es par le jeu des retouches successives, Poincare*, le premier, guide" par rinterpre"tation physique de ses calculs, songea ^ faire 1'inverse.

H. P. XL 3o

234 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Equation integrate. Au lieu de fa ire figurer 1'inconnue sous des signes do derivation, on la fait apparailre sous un signe d'inle'gration.

Les premiers sonl (5videmment une sorte de microscope par laquelle on repre"sente des relations dans 1'iiifinimenL petit. Le second, an contraire, est essentiellemeni syathese et non analyse. Point n'ost besoin des lors de longues explications pour comprendre comment son emploi est autremenl l>ien adapte aux circonstances dont nous avons parle" quo celui de la differentiation.

Ge cbangement complet d'orienlation dans Fe'tude du probleme de Dirichlol ot de tons les proble-mes analogues de la Physique malhe'matique e\oque. tout d'abord, le nom de M. Fredholm.

On se tromperait cepomhmt du lout an lout en n'y rntlachant pas tSga lemon t, et d'une maniere tres <5lroiio7 colui de Poincare. Co so rail uio*connailro eeUe virile aujourd'hui banale que les manifestations les plus imporlantes, les plus inattendues de 1'espril humain sont le produil non seulemenl <lu cerveau do lour an tour j ma is de toute 1'opoque qui les a vu naitre.

Or notro o[>oque, <iu point do vue malh6xnali({uo, c'est avanf lout, Poincaro.

Voyons comment son omvre a oto une condition indispensable, la iiiiissanro de la nouvelle me'thode.

La premiere etape qui devuil coiiduiro a celle-ci peul^lro cliorcboo daiif> lo celebre travail dc M. Schwarz insere, a 1'occusion du jubilo do V\ tiiorstntss, clans les Ada Socielatis Fennlcae (i88:5).

Le point de depart de M. Schwarz est une question de pure analyse ornprunloo ixu Caicul des Variations, Mais le re'sultat obtcnu admot uno iutorpre- tation physique immediate. L'equatiou aux dorivoos partiollos conyid^ri'fo par M. Schwarz est immodiateiuont Ii6o a celle qui gouverno los vibrations tl'une membrane teixdue ct co qu'il obtieat, c'ost lo son fondarnental loquel st* [yre'sente comme correspondsmt a la valour qu'il fatil doimer <\ un corlain param^tre 1 qui figure dans liquation aux d6rivoes partiellos.

Dans Fetude de tout phe'nonieiie vibratoire dans tin milieu limite* I'iixpori- mentateur constate, on le sait, Texistencc d'un tol son fondamental, ou, s\\ s^i^ii d'autre chose que d'acoustique, d'une tollo frequence fondarmntal? . Mais! de plus, cetto frequence fondamontale n'ost pas la soulo frequence propre : (Ui acoustiquo, par exemple, le son ibndamontal s'accornpagne d'une sciric inde'iimo d'harruoruquGS dont les propriele's, sous les rapports les phis essentiels, sont analogues a celles du premier.

Experimentalemerit, Poxistenco de toutos cos frequences propres esl

L'GEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 235

feste. Mathematiquemenl, M. Schwarz etait le 'premier a demontrer par sa savante mtHhode celle de la plus simple d'entre elles, la frequence fondamentale. II est clair qu'un tel r^sultat demandait a &tre complete par son extension aux sons harmoniques. Dix ans apr^s, en effet, M. Picard parvenait a etablir P existence du premier d'entre eux, c'est-a-dire du second son propre.

C'esL a Poincare qu'est due la solution generale, c'est-a-dire la demonstration de Fexistence de Urns les harmoniques suceessifs.

Par Femploi de profonds lemmes geometriques, il demontre que, multipliaiil In solution par un polynome en X a coefficients indeterniines? on pent toujours ehoisir ces coefficients de maniere a ce quo le developpement du produil suivant les puissances de A converge dans un rayon plus grand qu'avant la multiplication, et m6me aussi grand qu'on le veut si le degre du polynome a ete pris suffisamment elevu. Geci equivaut a dire que celLe solution est une ionction meromorplie de A. Son numeruteur seul est (bnclion de la position iFim point dans le domaine que remplit le milieu considere : son d(5nomiuateur et? par consequent, ses poles en sont Ind6pendants.

Clc sont eux qui iburinssent les frequences propres cherck^es. Les r^sidus correspondants ou fonctions fondctmentales c[ui donnent la forme des vibra- tions propres j rep nSsen tent une second(», partie importnule d<^ la dticouverte aiusi rdalis^e.

Ce resultat capital, veritable fondement de loute celte partie de la Physique math^matique, ne suffisait cependant pas a prOparer revolution dont nous avons parle tout ik i'heure. En particulier, il n'auruit pas a lui seul rendu possifjlt1 1'application. de la mtHhode des equations inlegrales au probleme de Dirichlet, 11 a fallu d'abord que Poincare reprit au rn^me point de vue In plus connue el la plus importante des methodes indiquees (indepentlanirnent de celle du balayage) pour la resolution de ce probitiine, la m<Hhode de Neumann.

Ce qui fait peut-^tre du Memolre sur la Mctliode tie N<*unia?in et leprincipe de Dirichlet tin des plus beaux triomphes du g6uie do l>oiiicare, c'est que rum ne faisait prevoir 1'analogie qu'il allait etablir entre ce probl&me et le [>recedeut.

Nous avons rappele que les constatHtions experimentales indiquaienta^/'/or/ 1'existence, dans le problCune consider^ par Schwarz d'une serie d'hanno- ut(jueSj ainsi que de fonctions fondnmentales correspondanies.

Rien de pareil ne se pr^sentait ^. propos de la m^thode de Neumann; 01 e, rien ne conduisait^ introduire dans cette nouvelle question leparam^frc ! ^ qui s'introduit de Iui~m6me dans celle des harmoniques.

a36 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

[Yanalogie analylique eiai! a peine plus utilisable quo Fanalogie physique. Jl est vrai que la solution fournie par Poincare fait apparaitre dans les deux cas les monies r6sultats essentiels, mais noii pour les monies raisons.

En un mot, les functions fondamentales, au lieu d'etre sugg&rttes par une interpretation physique simple, devaient ici sortir tout armies du cerveau de 1'analyste.

Poincare montra cependant, ici encore, que la vraie signification de la methode de Neumann n'etait autre que le developpement de la solution par rapports aux puissances d'un certain parametre qu'il introduit dans les donnees du probleme, et que toutes les autres circonstances principales rencontrees a propos de Tetude des sons harmoniques se retrouvent ici,

Ces requitals etaient d'ailleurs essentiels pour la methode de Neumann elle- m£me : car ils permettaient d'en etablir la legitimhe sans les restrictions qu'avait apportees son auteur.

Avec eux, et aussi, ajoutons-le, apres la m^thode de Robin, d'tme part, a c6t6 de laquelle ilfaut citer, del'autre, les travauxbien connus de M. Volterra, tout e'tait pr^t pour I'entr6e en scene de la me'thode de M. Fredholm.

Celle-ci, en effel, suit pas a pas la marche que nous venons de retracer. Elle repose essentiellement sur 1'introduction du parametre A de Poincare et sur la maniere dont il figure dans 1'expression de 1'inconnue. Seulement, grace a sa belle melhode de resolution des equations integrates, M. Fredholm peuL ecrire, sous forme de developpements en series immediatemenL connus, le numerate ur et le denominateur que Poincare n'obtenail que par de delicates approximatitjus successives.

Ainsi les solutions de tons ces problemes fondamenlaux de la Physique malhematique, et en particulier, la determination des sons propres, ou la forme des domaines intervient d'une maniere si mysierieuse sont acquises des Poincare.

Seulement, pour reprendre la parole m^me que nous citions en commen- cant, ces monies problemes sont « plus » resolus par la methode de Fredholm.

Les recherches precedentes ne s'appliquent pas uniquement a la Physique mathematique ; elles interessent egalement la Mecanique celeste par le probleme des marees. Poincare montrait effectivement, dans deux Memoires SurVequi- libre et le mouvement desmers, comment 1'emploi des fonctions fondamentales

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 237

qu'il venait de de"couvrir permet, quoique avec des difficult^ nouvelles (*) de tenir compte de Foment le plus complique' du probleme, 1'influence des continents. Nous nous avancerions encore ici sur un domaine qui n'est pas le noire en analjsant les consequences auxquelles il esl ici parvenu; et nous ne saurions, pour la m6me raison, insisler sur celles qu'il a oblenues lorsquc, npres 1'apparition de la me'lhode de Fredholm, il est revenu sur ce sujet dans sa Theorie des Marees, une des premieres et des plus importanles applications qui (apres celles en vue desquelles elle avait e'le imaginee) aient ete donne'es de la me'thode en question.

Mais nous avons a rappeler, quoique sommairement et au strict point de vue des principes analytiques, les recherches qui ont eu pour objel la figure des corps celestes, c'est-a-dire la figure d'e'quilibre d'une masse fluide en rotation. Ce probleme occupe une place a part, la plus haute en un sens, dans la Philo- sophie naturelle. Si difficiles que soient les problemes de Physique mathe- matique etudie"s lout a 1'heure, un caractere leur est commum, qui est une notable simplification : ils sont tous line'aires. Si Ton a obtenu la solution du probleme de Dirichlel, pour une surface donne'e, avec les donne'es a la fronliere V* d'une part, et avec les donne'es V2 de 1'autre, cette solulion sera connue par cela m6me, si les donne'es ont les valeurs V4 •+- V2. II est aisc de se convaincre que toules les theories imagine'es pour la resolution de ce probleme et de tous ceux qui s'y rattachent reposent essentiellement sur ce fait.

Le probleme de Fe'quilibre d'une masse fluide en rotation est, parmi toules les applications physiques ou me'caniques des Equations aux de'rive'es parlielles, la seule pour lequel la simplificalion pr6c6denle ne se produise pas; et, par cela me'me, il se montre d'un ordre de difficulie' supe'rieur a lous les aulres. C'esl aussi le seul (3) pour lequel, en me'me temps que la fonction qui doil verifier une Equation aux de'rive'es partielles, le domaine m&me dans lequel cette fonction est d6finie soil inconnu.

Aussi les the'oremes d'existence les plus simples manquaienl-ils eux-m6mes dans cette th^orie.

Ces hautes difficult6s ne pouvaient larder a tenter Poincar^. Voyons par quelles me'thodes, des i885, il travailla, ici m^me (3), a les re'soudre,

(l] Voir Analyse, p. 119; OEuvres, t. IX, p. l\.

(2) II faudrait toutefois, aux deux points de vue mentiounes dans le texte, faire exception pour le mouvement des liquides daris le cas le plus ge"ne"ral, c'est-a-dire avec une surface libre notablement diff6rente du plan horizontal.

<3) Acta Math., t. 7, p. 25g-38o (r885); QEuvres, t. VII, p. fc-ifo

238 L/CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

Nous avons dit que ces methodes reinvent toutes du Calcul des variations si Ton prend ce mot dans son acceptation la plus large. Les considerations qui font 1'objet propre du Calcul des variations classique, celles de maximum et de minimum, y interviennent egalement el, outre 1'usage qui en est fait pour la demonstration des theor&mes d'existence, Poincare a rcpris et complete les resultats de M. Liapounof sur la sphere consideree comme donnanl le potential d'attraction maximum.

Mais 1'essence do son analyse est dans 1'extension aux probl&rnes a une infinite d'inconnues, des methodes de discussion que fournissent, pour le cas d'une inconnue unique, le Calcul difFerentiel et la Geometric analytique.

Gonsiderons une equation a une seule inconnue x^ inais contenant un param&tre p., soit

Si Ton tienl compte des deux variables qui y entrent, on sera conduit a la representer par une courbe plane ou f/. sera 1'abscisse et x Pordonn<5e.

Si en un point (#o, /J-o) de cette courbe, la derivee s'annule, on aura,

en general, une tangente parall&le a 1'axe des x et, lorsque p. passera par la valeur /JLO, liquation precedente, consideree comme 1'equation en x, perdra deux racines (celles-ci venant se confondre entre elles en pour devenir ensuite imaginaires) ou, au contraire, en acquerra de nouvelles : ^o est ce que Ton peut appeler une valeur limite pour JUL. Mais si JUL traverse la valeur p.o sans que 1'equation en x cesse d'avoir, tant avant qu'apr6s cette valeur, des racines voisines de #0j le point (#05 p-o) est, en general, point multiple. Les discussions qui apprennent a decider s'il en est bien ainsi sont elementaires, mais Poincare leur emprunte un enonce d'une forme nouvelle. Pour qu'il y ait bifurcation, autrement dit point multiple, il suffit (sur un arc de courbe reel ou JJL est suppose pouvoir prendre des valeurs tant immediatement superieures

qu'immediatement inferieures a /JLO) que ~-i en s'annulant? change de signe.

uSC

Si maintenant on remplace 1'equation unique qui precede par* un syst&me d'equations a un nombre egal d'incounues, dependant egalement du para- m^tre /JL, on sait que le role de la derivee consideree tout a 1'heure est rempli par un determinant fonctionnel. Grace au theor^me de Kronecker, Poincare etend ^i ces nouvelles conditions la conclusion, precedents : en d'autres termes, si, au cours d'une variation continue dans laquelle ^ est cons tarn ment croissant

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 23y

ou constamment decroissanl, le determinant fonctionnol en question change de signe, il j a bifurcation.

Ceci suffirait theoriquement, dans un grand noinbre de cas, en ce qui concerne les Equations ordinaires. Mais Poincare se propose d'inlroduire ces notions dans un domaine nouveau. Un probleme Lei que celui de 1'equilibre de la masse fluide en rotation peul <Hre consider com me conduisant a un systeme d'equations, mais en nombre inOni et a. ime infinite d'inconnues.

Rien ne semblail alors devoir subsister de toute la discussion prect'denle, car la notion qui en form ail le pivot, celle du jacobien, faisait defaut. Du moins il en etait ainsi au moment ou Poincare poursuivait les recherches dont nous parlons. La methode de Fredholm seule devait, quelques annees plus tard, fournir le moyen de combler directement cette lacune; et c'est d'elle en effet que s'est servi M. Liapounof lorsqu'il a continue les recherches de Poincare et, la ou celles-ci avaient simplement abouti a la demonstration de theor&mes <T existence, forme, pour repr6senter les solutions, des series convergentes.

En 1889, Poincare n'avait pas le determinant de Fredholm a sa disposition. Mais il y a plus : les quanlites qu'il va introduire pour parer a cet inconvenient seront, par le fait m6me de leur nombre, appelees a rendre des services qu'on ne pourrait obtenir de la consideration du seul jacobien. C'est ce que nous a deja montre 1'exemple analogue des solutions p^riodiques ou, cependant, la definition du jacobien ne soufirait aucune difficult.

Les quantites en question ne sont autres, dans les questions d'equilibre ainsi abordees par Poincare, que les coefficients de stabilite c'est-a-dire ceux par 1'examen desquels on reconnait [conformement au theor&me de Lagrange- Dirichlet (4)], le minimum du potentiel. Ce calcul consiste, comme on sait, dans la decomposition en carres d'une certaine forme quadratique : les coeffi- cients de stabilite seronl les coefficients des carres ainsi obtenus.

Pour un syst&me dont la position depend d'un nombre fini de param&tres, ces coefficients de stabilite ont un produit precisement egal au jacobien : par consequent, leur liaison avec les considerations qui precedent est evidente et entraine les consequences suivantes :

Une solution des equations d'equilibre etant supposee connue pour une certaine valeur ^ de JJL, si tous les coefficients de stabilite correspondants sont

(x) Ge thSoreme, d'aiileurs, n'est plus seal ea jeu dans la discussion proprement dite de la stability et, ici encore, Poincar^ est conduit, avec Lord Kelvin et Tait a une nouvelle distinction entre plusieurs especes de stability possibles.

240 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE.

differents de zdro, les Equations admettront encore une solution pour p. voisin de fx0 (puisque alors le jacobien sera aussi different de z£ro). En second lieu, dans une s^rie continue de figures d'^quilibre telles que p varie constamment dans le m£me sens, tout changement de signe de 1'un des coefficients de stability correspond a une figure de bifurcation.

Toutefois, si Ton ne se servait que du jacobien, il faudrait, si plusieurs coefficients changent de signe a la fois, supposer que leur nombre total est impair. En r^alite, cette restriction est inutile, et Ton voit dtfja ici un cas ou il y a avantage a employer les coefficients de stability.

Par leur moyen d'autre part, on va triompher de la difficult^ capitale du probl&me. Une fois mis sous la forme prec^dente, les enonc^s conserveront un sens, m&me pour un syst&me dependant d'une infinite de param&tres, d&s que les coefficients de stability auront pu 6tre definis. Mojennant une hypoth&se toujours v^rifi^e dans les applications qui se sont presences, Poincar6 6tablit (par des considerations d'extremum) qu'ils restent exacts.

Ainsi les quantit^s qui, d'apr&s leur definition, n'int&ressaient que la stability de P^quilibre, se trouvent gouverner P existence m£me de cet «5quilibre.

En m6me temps, dans ces m£mes formes d'^quilibre de bifurcation que Poincar^ enseignait a reconnaitre, les coefficients dont nous venons de parler ob6issent a une loi remarquable, non moins importante au point de vue de P application concrete qu'au point de vue purement analytique, celle de Vechange des stabilites, d'apr^s laquelle le nombre des coefficients positifs s'6change entre deux series de formes d'^quilibre qui se rencontrent suivant une forme de bifurcation. Si done une des series etait stable jusqu'a la valeur JULO du paramtoe qui correspond a la bifurcation, c'est Pautre s<5rie qui poss^de cette propriety lorsque /JL varie au-dela de JLJLO.

A Paide du premier des principes ciltfs tout a Pheure, Poincar6 dt§monlre ais^ment Pexistence des figures annulaires d'^quilibre, simplement affirm^e par Lord Kelvin et Tait dans leur trait6 de Philosophic naturelle, II lui suffit, a cet effet, de partir d'un premier ^quilibre (obtenu, il est vrai, en assujettissant d'abord le syst&me a une liaison suppl^mentaire) et de constater que, dans ce premier £tat, aucun coefficient de stability n'est nul.

C'est le second principe qui a permis la d^couverte des nouvelles figures d'^quilibre d^riv^es des ellipso'ides de Jacabi. Le lecteur verra dans V Analyse de Poincare (4) comment, en effet, la s^rie des ellipso'ides de Jacobi (comme

(x) Page n3; CEuvres, t. VII, p. 10.

L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POINCARE. 24 1

celle des ellipsoi'des de Maclaurin, du reste) comprend une infinite de formes de bifurcation, servant de point de depart aux nouvelles formes dont il s'agit. On verra e'galement, an m6me endroit, comment tin the'oreme sur 1'impossi- bilite' d'un equilibre stable au-dela d'une certaine valeur de la vitesse de rotation a fourni a Poincare' la reponse a la question que pose i'explication des anneaux de Saturne.

Nous arrdterons ici cette revue de"ja trop longue et cependant si incomplete.

Sans mGmo parler des applications aux sciences de la Nature qui seront e'tudie'es ici m6me, il resterait tout au moins a traiter le cote1 philosophique de 1'oeuvre de Poincare', qui tient une si grande place daas sa pensee et dans toute la pensee conlemporaine. Nous n'avons pas qualitcS pour le faire, et cependant, sur combien de points cette ceuvre philosophique n'est elle pas indissolublement li^e aux decouvertes scientifiques elles-m^mes. Qu'il s'agisse de ge'ome'trie non euclidienne, de the'orie des ensembles, de relativity, de calcul des probabilite's surtout, la seule science math6matique qui, des trois etats d'Auguste Gomte, n'ait pas entierement de'passe' le second une meme impulsion est commune aux deux domaincs j ctl'on s'explique deja, dans une certaine mesure la puissante contribution apporte"e par Poiricare', a la Me'canique statistique, lorsqu'on lit les reflexions sur le liasard qui figurcnt dans la Science et VHypothese, ou dans Science et Methode.

D'autre part, les oeuvres aussi grandes et aussi g6niales que celles de Poincare', doiit I'e'tendue se refuse a une analyse d^taille'e et ne pent 6t,re parcourue qu'a grands traits, sont cependant celles qu'on peutle moins abre"ger sans les trahir. Chez lui comme chez tous les cr^ateurs vraiment grands, il serait essentiel, au contraire, de faire sentir, ainsi que nous 1'avons tent6 a uno ou deux reprises, comment chaque detail est souvent f^cond en conse'- quences, chaque ligne, en quelque sorte suggestive et grosse de travaux ult(5rieurs.

Ceux que Finspiration Poincare'enne a deja engendre's, et dont nous avons pu a peine signaler, chemin faisant, quelques-uns, remplissent, a eux seul, plusieurs des chapitres les plus importants des mathe'matiques contemporaines. H. P. XL 3i

2 {2 L'CEUVRE MATHEMATIQUE DE POlNCARE.

Cependant, nul ge'ometre n'en doute, 1'Analyse de Poincar^ n'esl pas pres, tant s'en faut, d'avoir donn6 la mesure. Me'me, dans un grand nombre des voies qu'il a ouvertes, sa marche audacieuse nous a emport^s sans que nous puissions encore songer a la poursuivre. Si gTande qu'elle nous apparaisse, la pens^e de Poincar6, comme celle d'un Gauss ou d'un Cauchy, ne laissera d^couvrir toute sa puissance qu'a nos successeurs, a la lumiere des decouvertes futures.

DIE BEDEUTUNG HENRI POINCARE'S FUR DIE PHYSIK

VON W. WIEN

Ada Mathematica^ t. 38, p. ^89-291 (1921).

Der Tod Henri Poincare's hat nichl nur fur die Mathematik sondern auch fur die Pbysik einen schweren Verlust bedeutel. Gehorte er doch zu den wenigen Mathematikern, die an der alten Tradition festhielten, dass die beiden Wissenschaften enge zusammengehoren nnd ilire Anregungen von einander empfangen mussen. So hatte er nicht nur grosses Interesse und tiefes Ver- standnis fur die Physik, sondern hat sich auch in sehr ausgedehntem Masse selbst an der Weiterbildung der physikalischen Theorien beteiligt. Die folgenden Zeilen sollen einer Wiirdigung dieser Leistungen gewidmet sein.

Zum ersten Male hat Poincar6 in die Physik eingegriffen, als er nachwies, dass H. Hertz in der grundlegenden Arbeit fiber elektrische Schwingungen einen Rechenfehler begangen hatte, durch den die Schwingungsdauer infolge

1/2

eines unrichtigen Faktors 2 im Werte der Kapacitat im Verhaltnis zu gross

berechnet -war. Die Geschwindigkeit der Wellen war hienach zu klein gefunden, was auf den Gang der Hertz'schen Versuche von entscheidendem Einflusse gewesen ist. Seine weiteren Untersuchungen tiber Hertz'sche Wellen betrafen die Methoden, um die Frequenz des elektrischen Oscillators zu berechnen und die Einflusse zu bestimmen, durch die Schwingungsperiode geandert wird.

Dann hat er sich weiter an der Theorie der Hertz'schen Wellen beteiligt, indem er zuerst die Dampfung der Primarschwingungen in richtiger Weise aufFasste. Er widerlegte damit die Theorie von Sarasin und de la Rive von

2jj f HENRI POINCARE ET LA PHYSIQUE.

der mulliplen Resonanz. Seine Theorie 1st dann spater von Bjerknes bestatigt vvorden. Auch die Ausbreitung der clcktrischen Wellen langs geraden Draliten hat Poincan* behandelt und die dabei auflretende raumliche Dampfung ffeschatzt und im Anschluss hieran die Reflexion an dem Ende eines Drahtes

o

behandelt. Fur die statistische Mechanik ist ein Salz Poincare's bedeutung- svoll geworden, der ursprunglich fur die Frage nach der Stabilitat des Planc- tensjstems aufgestelll war, dass niimlich cine bcstimmle Configuration von matericllcn Punktcn nach endlichcr Zeit wieder erreichl werden muss, wcnn nur conservative Krafte wirken. Durch diesen Satz ist nachgewiesen, dass die Irreversibililat, die wir in der Nalur beobachten, nicht durch rein mecha- nische Vorgange erUiirt werden kann.

Eine wichtige Anregung ist von Poincare* ausgegangen, indem er nach der Entdeckung der Rontgen-Strahlen auf die Moglichkcit hinwies, dass dieses Phanomen mit der Fluorescenz in Zusammenhang stehen konnte. Wenn diese Auffassung aucli nicht richtig war, so hat sie doch die erste Veranlassung zu den Versuchen von Becquerel gegeben, die dann spater zur Entdeckung des Radiums geftihrt haben.

Von sehr grosser Bedeutung fur die theoretische Physik ist eine Arbeit, die er im Jahre 1900 in dem Jubilaumsbande fur Lorentz vcroflentlicht hat. Er hat dort die elcktromagnetische Bewegungsgrosse eingefiihrt, clurch welchc der Widerspruch gegen das Prinzip von Aktion und Reaktion aufgchoben wird, eine Theorie, die fur die wcitere Entwickelung der Elektrodynamik sehr wichtig geworden ist.

Ganz besonders bedeu lungs voll sind auch die Untersuchungen Poincare's ilber die innere Kraft eines Eleklrons geworden, wo er zum ersten Male den Ausdruck ableitete filr eine auf das Elektron wirksame Druckkraft, vvelche das Gleichgewicht der Krafte aufrecht erhalt.

Sein grosses mathematisches Talent ermoglichte es ihm dann, die Schwio rigkeiten zu iiberwinden, vvelche der theoretischen Behandlung der drahtlosen Telegraphic entgegenstehen. Er hat die Ausdriicke abgeleitet, durch welche die Ausbreitung der elektrischen Wellen auf der Erde dargestellt wird. Er hat diese Ausdrucke zuniichst noch etwas korrigiert, aber das Resultat ist im wesentlichen schliesslich ein richtigcs gewesen und fuhrte zu Folgerungen, die in ihrem Verhaltnis zu den tatsachlichen Beobachtungen noch nicht aufgeklart sind.

Auch seine Untersuchungen uber die Beugung enthalten sehr wichtige

HENRI POINCARE ET LA PHYSIQUE. 2 f>

Entwickelungen der mathematischen Physik im Anschluss an die grundlegende Theorie von Sommerfeld.

Fur die moderne Relativitatstheorie hat er wichtige Ergebnisse beigelragen, indem er schon die in dieser Theorie anftrelenden allgemeinen mathematischen Beziehungen vorausgesehen hat, so die Einfiihrung der Lorentztransformation und des Vierervektors. Ferner hat er der modernen Theorie der Strahlung grosses Interesse entgegengebrachi und eine tiefgehende Untersuchung ver- offentlicht, in welcher er den Nachweis fiihrt, dass die von der Erfahrung verlangte Strahlungsformel notwendigerweise durch unstelige Vorgange veran- lasst sein muss, wie es von Planck in der Quantenhypothese angenommen ist.

Auch auf kritischem Gebiete.hat Poincare der Physik sehr nillzliche Dienste geleistet. So hat er nachgewiesen, dass die Jaumann'sche Theorie der Katho- denstrahlen riicht richtig sein kann, die auf einer Differentialgleichung erster Ordnung beruht. Eingehend hat Poincare" sich mit den Grundlagen der Wiirmetheorie und dem Problem der Irreversibilitat beschiiftigt und nach- gewiesen, dass die Theorie der monocyklischen Systeme den Tatsachen nicht ganz gerecht Vverden kann ebensowenig wie die gewohnliche Begriindung der Gastheorie.

Audi eine Kritik der Theorie des Zeemanphanomens hat Poincar6 gegeben und eine Theorie aufgestellt, die von der Lorentz'schen abweicht.

Ueberblickt man diese Leistungen allein auf dem physikalischen Gebiet, so muss man ebenso erstaunt sein tiber die Fiille der Probleme, die er bearbeitet, v\ie Tiber die Tiefe seines Verstandnisses fiirphysikalische Theorien. Erzeigt dabei einen besonders scharfen Blick fur die Berechtigung der Fragestellung, wie er sich z. B. klar dariiber ist, dass die Kontroversen iiber unipolare Induktion oder uber die Entscheidung fiber die Schwingungsrichtung des polarisirten Lichts aus den Beobachtungen an stehenden Lichtwellen der physikalischen Bedeutung entbehren. Allerdings hat er selten den Versuch gemacht, eigene Hypothesen aufzustellen und hat im ganzcn mehr zu einer phanomenologischen Darstellung der physikalischen Erscheinungen geneigt, wie er ja die Meinung ausgesprochen hat, dass, sobald eine mechanische Theorie einer Erscheinung vorliege, auch unendlich viele andere moglich sein mtissten. Andererseits hat er auch viele Anregungen auf experimentellem Gebiet gegeben. Ausser der bereits erwahnten, die schliesslich zur Ent- deckung des Radiums fiihrte, hat er auch die Versuche von Cr^mieu veranlasst, bei denen untersucht wurde, ob stark convergente Kraftlinien des Gravita-

246 HENRI POINCARE" ET LA PHYSIQUE.

tionsfeldes eine andere Wirkung hervorrufen, als ein Feld paralleler Kraftlinien.

So haben wir Physiker besondere Veranlassung, das friihe Hinscneiden des grossen Mathematikers sclimer2licli zu empfinden. Moge sein Beispiel seine Fachgenossen veranlassen, den Problemen der Physik erhohtes Interesse zuzuwenden zum Nutzen beidei^ Wissenschaften, da die Physik die mathe- matischen Hilfsmittel, die Mathematik die aus den physikalischen Problemen geschopflen Anregungen nicht entbehren kann.

DEUX MEMOIRES DE HENRI POINCARE SUR ]A PHYSIQUE MATHfiMATIQUE

PAR H. A. LORENTZ

Acta Mathematica^ t. 38, p. agS-SoS (1921).

Les pages suivantes ne peuvent aucunement donner une idee lant soil pen complete de ce que la Physique th6orique doit a Poincar^. J'aurais el£ heureux de rendre hommage a sa mtSmoire en pr^sentant au lecteur un tel tableau d'ensemble, mais j'ai recule devant cellc tache qu'on ne pourrail dignemenl remplir sans de longues et s^rieuses Etudes pour lesquelles le temps m'a manqu6. Je me suis done borne a deux Mdmoires, celui sur la Dynamique de Felectron, ecrit en 1906 et public Fannie suivante dans les Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo, et Fetude sur la Th6orie des quanta qui parut dans le Journal de Physique au commencement de 1912.

Pour bien faire apprecier le premier de ces travaux je devrai entrer en quelques details sur les idees dont le developpement a abouti au Principe de relativit6. Ament3 ainsi a parler un peu de la part que j'ai pu prendre moi-m&me a ce developpement, je doit dire avant tout que j'ai trouv6 un encouragement pr^cieux dans I'int(^r6t bienveillant que Poincar^ a constamment pris a mes Etudes. Du reste, on verra bientot a quel degr6 il m'a depass<5.

On sait que Fresnel avait fond6 une explication de 1'aberrationastronomique sur I'hypoth^se d'un 6ther immobile que les corps celestes traverseraient sans Fentrainer. On connait aussi son c£l6bre th^or^me, complement n^cessaire de cette hypoth^se fondamentale, sur Fentrainement partiel des ondes lumineuses par de la mature en mouvement. Un corps transparent anim<§ d'une translation ne communiquera aux rayons qu'une fraction de sa propre vitesse, fraction qui

?48 DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE.

est determine par le « coefficient de Fresnel » i ? ? dans lequel TZ est 1'indice

de refraction du milieu.

Lorsque, grace aux travaux de Clerk Maxwell, nos vues sur la nature de la lumi&re avaient ete profondement changes il etait nalurel d'essayerune deduc- tion de ce coefficient basee sur les principes de la theorie electromagnetique. Voila le but que je me suis propose et qui a pu 6tre attcint sans irop de diffi- cuhe dans la theorie des electrons.

La plupart des phenom^nes qui se rattachent a Faberration, et no lam men L 1'absence d'une influence du mouvement de la Terre dans Louies les experiences ou le syslcme entier d'appareils est en repos par rapport a noire plan£te, purent maintenant 6tre expliques d'une manitjre satisfaisante. Seulemenl, il fallait faire la restriction que les effets considers devaient £tre du premier ordre de grandeur par rapport a la vitesse de la Terre divisee par celle de la lumiSre, les termes du second ordre ayant ete negliges dans les calculs.

Or, en iSSi M. Michelson reussit a faire interferer deux rayons lumineux parlis d'un m£me point et y revenant apr&s avoir suivi des chemins rectilignes de longueur egale et perpendiculaires entre eux. II trouva que les phenom6nes observes sont de nouveau insensibles au mouvement de la Tex re; les franges d'interference conservaient les monies positions quelles que fussent les directions des bras de 1'appareil.

Gelte fois-ci il s'agissait bien d'un efFet du second ordre et il etait facile de voir que I'hypolh&se de 1'ether immobile a elle seule ne suffitpas a rexplication du resultat negatif. J'ai ete oblige a faire une nouvelle supposition qui revienl a admeltre que la translation d'un corps a travers 1'etber produit une legere contraction du corps dans le sens du mouvement. Cette hypoih^se eiait bien la seule possible; elle avait aussi ete imaginee par Fitzgerald et elle trouva Fapprobation de Poincare, qui ccpendant ne dissimula pas le peu de satisfaction que lui donn&rent les theories dans lesquelles on multiplie les hypotheses speciales inventees pour des phenom^nes particuliers. Cette critique a ete pour moi une raison de plus pour chercher une theorie generale, dans laquelle les principes m6mes conduiraient a 1'explication de 1'experience de M. Michelson et de toutes celles qu'on avait tentees apr^s lui pour decouvrir des effets du second ordre. Dans la theorie que je me proposais, 1'absence de phenom^nes dus au mouvement d'ensemble d'un syst&me devrait 6tre demontree pour une valeur quelconque de la vitesse, inferieure a celle v de la lumi&re.

La methode a suivre etait touie indiquee. II fallait evidemment montrer que

DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE. 2/i9

les ph6nom6nes qui ont lieu dans un systSme materiel peuventetre repre'sente's par des Equations de la m6me forme, que le sjsteme soit en.repos ou qu'il soil anime d'un mouvement de translation uniforme, cette ^galite' de forme e'tant obtenue a 1'aide d'une substitution convenable de nouvelles variables. II s'agissait de trouver des formules de transformation appropriates tant pour les variables ind^pendantes, les coordonne'es x, y, z et le temps t, que pour les diiKrentes grandeurs physiques, vitesses, forces, etc., etde montrer 1'invariance des Equations pour ces transformations.

Les formules que j'ai e'tablies alors pour les coordonne'es et le temps peuvenl etre mises sous la forme (*)

(i) 3?'=£J(a?-i-eO, y'=ly, x'=ls, tf=fd(t-h£z),

ou s, A', I sont des constantes qui cependant se re'duisent a une seule. On volt imme'diatement que pour 1'origine des nouvelles coordonnees (&'=. o) on a

ce point se de'place done dans le systeme x, y, z, t avec la vitesso e dans la direction de 1'axe des x. Le coefficient k est ddflni par

et / est une fonction de £ qui a la valeur i pour £ o. Je Pai d'abord laisse'e inde'termin^ej mais j'ai trouv6 dans le cours de mcs calculs que pour obtenir 1'invariance que j'avais en vue, on doit poser I =. i .

Ce furent ces considerations publiees par moi en 1904 q^i donnerent lieu a Poincar^ dJ6crire son. M^moire sur la Dynamique de 1'e'lectroa, dans lequel il a attach^ mon nom a la transformation dont je viens de parler. Je dois remarquer a ce propos que la meme transformation se trouve de"ja dans un article de M. Voigt public en 1887 etque je n'ai pas tir6 de cet artifice tout le parti possible. En effet, pour certaines des grandeurs physiques qui entrent dans les formules, je n'ai pas indique la transformation qui convient le mieux. Gela a 616 fait par Poincare et ensuite par M. Einstein et Minkowski.

Pour trouver les a transformations de relativity », comme je les appellerai maintenant, il suffit dans quelques cas de de'crire les ph(inomenes dans- le systeme #', y, ^, tl exactement de la m^me maniere qu'on le fait dans le

f1) Je me conforme ici aux notations de Poincar£ et je choisis les unites de longueur et de temps cle lelle fa^on que la vitesse de la lumiere soit ^gale ^ i.

H. P. XL 3a

25o DEUX ME"MOIRES SUR LA PHYSIQUE.

systeme x, j, z, t, Considgrons, par exemple, le mouvement d'un point. Si, dans le temps dt les coordonnees x, y, z subissentles cliangements dx, dy, dz, on a pour les coniposantes de la vitesse

fix dy Y _ dz

; = Tl = J ^"

Or, en vertu des relations (i) los variations dx, dy, dz, dt entrapment les

cliangements

(2) dxf = kl(dx -+- t dt\ dy'=l<(y, dz'=ldz, dt1 = kl(dt H- i dx)

des nouvelles variables. II est naturel de dgfinir les composanles de la vitesse dans le nouvean systeme par les formulas

_.

"" dt1'

ce qui nous donne

Pour avoir un autre exemple, on peut imaginer un grand nonibre de points mobiles dont les vitesses sont des fonctions continues des coordonne'es et du ternps. Soit d? un Element de volume situ6 au point #, y, z etfixonsl'attention sur les points du syst^me qui se trouvent dans cet ^le'ment a un instant de'ter- min^ t. Soit t'Q la valeur sp^ciale de t1 qui correspond a x, y, r, t en vertu des equations (i), et envisageons pour les diffe'rents points les valours de a?', y1 ', z1 correspondant a cette valeur d^termint^e t'~ t'Q] en d'autres termes, consi- derons les positions des points dans le nouveau systeme, prises toutes pour une m£me valeur du « temps » t] . On peut se demander quelle est 1'^tendue de relement dr' de 1'espace #', y!, ^;, dans lequel se trouvent a cet instant t\ les points choisis qui se trouvent en dr au moment t. Un simple calcul, que je puis omettre ici, conduit a la relation

(5)

Supposons enfin que les points dont il s'agit portent des charges electriques ^gales et admettons que dans les deux systemes x, y, z, t et #/, y1 , zr, t1 on attribue les me~m.es valeurs nume'riques a ces charges. Si les points* sont suffisamment rapproch^s les uns des autres, on obtient une distribution continue d'electricite' et il est clair que la charge contenue dans 1'ele'ment dr

DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE. 25 1

a 1'instant t est £gale a celle qui se trouve en dd a 1'instant tr. Par consequent, si p et p' sont les densit^s de ces charges,

et, en vertu de (5)

(7) P' = T> (I-

De cette formule, combin^e avec (4), on d^duit encore

' >•' _ ^ ' - ' _ 1 ' r z ?•

Ce sont les formules de transformation pour le courant de convection.

Pour d'autres grandeurs physiques telles que les forces electrique et magne- tique, il faut suivre une methode moins directe; on cherchera, peut-6tre un peu par tatonnement, les formules de transformation propres a assurer 1'invariance des Equations ^lectromagn(5tiques.

Les formules (4) et (7) ne se trouvent pas dans mon M^moire de 1904. C'est que je n'avais pas song6 a la voie directe qui y conduit, et cela tient & ce que j'avais Fid6e qu'il y a une difference essentielle entre les systSmes x, y, z: t et #', yr, zr, t1 '. Dans Fun on se sert telle 6tait ma pens6e d'axes des coordonn^es qui ont une position fixe dans Father et de ce qu'on peut appeler le « vrai » temps; dans Fautre syst^me, au contraire, on aurait affaire a de simples grandeurs auxiliaires dont Fintroduction n'est qu'un artifice math£- matique. En particulier, la variable tf ne pourrait pas £tre appel^e le «. temps » dans le m^me sens que la variable t.

Dans cet ordre d'id^es je n'ai pas pens6 a d^crire les ph^nom&nes dans le syst^me xl , y1, zl ', t', ezactement de la m&me maniere que dans le syst&me x, y, z, t et je n'ai pas d£fmi par les Equations (3) et (7) les gran- deurs £', YJ', C'j ?' qui correspondront a g, YJ, ?, p. G'est plutot par tatonnement que je suis arriv6 a mes formules de transformation qui, avec notre notation actuelle, prennent la forme

et que j'ai voulu choisir de maniere a obtenir dans le nouveau syst&me les Equations le^ plus simples. J'ai pu voir plus tard dans le M6moire de Poincar<§ qu'en proc^dant plus syst^matiquement j'aurais pu atteindre une plus grande

2~>2 DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE.

simplification encore. Ne 1'ayant pas rernarque", je n'ai pas reussi a obtenir 1'invariance exacle des Equations; mes formules restaient encombre'es de certains lermes qui auraient du disparailre. Ges termes 6taient trop petils pour avoir une influence sensible sur les phenomenes et je pouvais done expliquer Finde'pendance du mouvement de la Terre que les observations avaient r£v£l<5e, ma is je n'ai pas etabli le principe de relativity comme rigoureusement et universellement vrai.

Poincare, au conlraire, a obtenu une invariance parfaite des Equations de 1'^leclrodynamique, et il a formule le « postulat de relativit6 », termes qa'il a 616 le premier a employer. En effet, se placant au point de vue que j'avais manque", il a trouve les formules (4) et (7). Ajoutons qu'en corrigeantainsi les imperfections de moii travail il ne me les a jamais reprochges.

Jc ne puis m'^tendre ici sur tous les beaux r6sultats obtenus par Poincare. Insistons cependant sur quelques points. -D'abord, il ne s'est pas content^ de faire voir qiie les transformations de relativite' laissent intacte la forme des Equations electromagne'tiques. II explique le succes des substitutions en remarquant que ces Equations peuvent 6tre mises sous la forme du principe de moindre action et que liquation fondamentale qui exprime ce principe, ainsi que les operations par lesquelles on en d^duit les Equations du champ, sontles monies dans les systemes x, y: z, t et #', y1 ', z1 , tf.

En second lieu, conforme'ment au litre de son Me"moire, Poincar^ considere parliculierement la maniere dont se produit la d^formalion d'un Electron mobile, comparable a celle des bras de Pappareil de M. Miclielson, qui est exige'e par le postulat de relativity. On avail propose a ce sujet deux hypotheses difl^rentes. D'apres toutes les deux un electron, suppose sphe'rique a l'6tat de repos, se changerait par une translation en un ellipso'ide de revolution aplati, 1'axe de symetrie comcidant avec la direction du mouvement et le rapport de cet axe au diametre de I'^quateur e"tant donn6 par \J i P-, si p est la vilesse. Mais les hypotheses diff6raient entre elles en ce qui concerne la longueur des axes etpar consequent le volume de 1'^lectron. Tandis que j'avais e'te' conduit a\ admettre que le rayon de l^quaieur reste t^gal a celui de la sphere primitive, M. Bucherer et M. Langevin voulaient plutot assigner une grandeur constante au volume. La premiere hypothese correspond a 1= i, la deuxi&me a kl*=. i, Ajoutons imm^diatement que la premiere valour est la seule qui soit compa- tible avec le postulat de relativity.

DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE. '253

Si Ton vent se rendre comptc de la persistance et de Fequilibre d'un Electron en se servant des notions ordinaires de la Mecanique, il ne suffit Evidemmenl pas de considErer les actions Electrodynamiques. La particule que nous considErons ici comme une sphere porlant une charge superficielle explo- serait immEdiatement a cause des repulsions rauLuelles ou, ce qui revient au ineme, des tensions de Maxwell exercEes a sa surface. II faut done introduire aulre chose encore, et PoincarE distingue ici des « liaisons » et des « forces supplEmentaires » . 11 suppose d'abord qu'il y ait seulement la liaison reprEsentEe par liquation

r Etant le demi-axe de 1'Electron, rO son rayon Equatorial, b et in des grandeurs qui restent constantes quand r et 0 (ou 1'une de ces grandeurs) variant avec la vitesse de translation r. Cela posE, on connaitra pour une valeur quelconque

_.!

de 9 les dimensions de 1' Electron parce qu'on sait que 0 = (i r-) ~ el on peut calculer par les formules ordinaires du champ electromagnEtique 1'Energie, la quantilE de mouvement et la fonction de Lagrange. Entre ces grandeurs, considErEes comme des fonctions de p, il doit y avoir les relations

bien connues. PoincarE demontre qu'elles ne se vErifient que pour rn= ~,

ce qui nous ramEne a la Constance du volume, c'est-a-dire a Fhypoth&se de M. Buclierer et de M. Langevin. Mais nous savons deja que ce n'est pas cette hypothec, mais seulement celle d'un rayon equatorial constant, qui est en accord avec le postulat de relativitE. II faut done necessairement avoir recours a des forces supplEmentaires.

En supposant qu'elles dEpendent d'un potentiel de la forme A7>aOP, ou A, y. et (3 sont des constantes, PoincarE trouve que la Constance du rayon Equa- torial exige a = 3, (3 2, c'est-a-dire que le potentiel en question doit Etre proportionnel au volume. II en resulte que les forces supplEmentaires cherchEes sont Equivalentes a une pression ou une tension normale exercEe sur la surface et dont la grandeur par unite de surface reste constante quelle que soitla vitesse de translation. On voit immEdiatement qu'une tension dirigEe vers FintErieur convient seule; on en determinera la grandeur par la condition que pour un Electron qui se trouve en repos et qui a par consEquent la forme d'une sphere, elle doit faire Equilibre aux rEpuIsions electrostatiques. Si ensuite la particule est raise en mouvement, la tension de PoincarE, jointe aux actions Electro-

234 DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE.

dynamiques, produira inevitablement Faplatissement qui esl exigt^ par le principe de relativity.

Apres avoir trouve sa force supple"mentaire? Poincare' fait voir que les trans- formations de relativity ne changentpas la forme des termes qui la repre"sentent; il de'montre ainsi que des mouvements quelconques d'un systeme d'electrons peuvent avoir lieu lout a fait de la me"me maniere dans le systeme #, y, z, t et dans le systeme x" r, y\ zl ', tl .

J'ai d6ja parle' de la ne'cessite' de poser 1= i ( Constance du rayon equatorial de 1' electron), Je ne re"ptHerai pas ici la demonstration donne"e par Poincar6 et je dirai seulement qu'il a signals 1'origine math6matique de cette condition. On peut envisager toutes les transformations qui sont represented par les formules (i), avec des valeurs diff6rentes de la vitesse e, et les valeurs correspondantes de k et de £, ce dernier coefficient devant £tre conside're' comme une fonction de e; on peuty ajouter d'autres transformations semblables qu'on d^duit de ( i ) en changeant les directions des axes, et enfin des rotations quelconques. Le postulat de relativite' exige que toutes ces transformations forment un groupe et cela n'est possible que si / a la valeur constante i .

Le « groupe de relativity » qu'on obtient ainsi se compose des substitutions line'aires qui n'alterent pas la forme quadratique

Le Me'moire se termine par 1'application du postulat de relativite' aux ph6no- menes de la gravitation. II s'agit ici de trouver la regie qui en determine la propagation et les formules qui expriment les composantes de la force en fonction des coordonne'es et de la vitesse tant du corps attir£ que du corps attirant. En consid<3rant ces questions, Poincare' commence par chercher les invariants du groupe de relativite'; en effet, il est clair qu'il doit $tre possible de representer les ph^nomenes par des Equations qui ne contiennent que ces invariants. Cependant, le probleme est ind^termine". II est naturel d'admettre que la vitesse de propagation est e*gale a celle de la lumiere et que les hearts de la loi de Newton doivent £tre du deuxieme ordre de grandeur par rapport aux vitesses. Mais, m£me avec ces restrictions, on a le choix entre plusieurs hypotheses parmi lesquelles il y en a deux que Poincare' indique sp^cialement.

Dans cette derniere partie de 1'article on trouve quelques notions nouvelles que je dois surtout signaler. Poincar6 remarque, par exemple, que si Ton

DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE.

considere x, y, z et t\j i comme les coordonnees d'uii point dans un espace a quatre dimensions, les transformations de relativity se r^duisent a des rotations dans cet espace. II a aussi eii I'ide'e d'ajouter aux trois compo- santes X, Y, Z (Tune force la grandeur

qui n'est autre chose que le travail de la force par unite de temps et qu'on peut considerer en quelque sorlc comme une quatrieme composanle. Quand il est queslion de la force qu'un corps eprouve par unite de volume, les grandeurs X, Y, Z, T y' i sont affecte'es par une transformation de relativity de la me" me maniere que les grandeurs x, /, z, t \ i .

Je rappelle ces idees de Poincare parce qu'elles se rapprochent des melhodes dont Minkowski et d'auLres savants se sont servis plus tard pour faciliter les operations mathematiques qui se pre'sentent dans la theorie de relativite.

Passons maintenant au Me'moire sur la Theorie des quanta. Vers la fin de 1911 Poincare avait assiste a la reunion du Gonseil de Physique convoque a Bruxelles par M. Solvay, dans laquelle on s'e"lait surtout occup^ des ph£no- menes du rayonnement calorifique et de 1'hypothese des 6l6ments ou quanta d'&aergie imagine'e par M. Planck pour les expliquer. Dans les discussions Poincar^ avait montre" toute la vivacity et la penetration de son esprit et on avait admire" la facility avec laquelle il sut enlrer dans les questions de Physique les plus ardues, mfime dans celles qui devaient 6tre nouvelles pour lui. De retour a Paris, il ne cessa de s'occuper du probleme dont il sentait vivement Fimportance. Si Thypothese de M. Planck e~lait vraie, « les phe'nomenes physiques cesseraient d'ob^ir a des lois exprimables par des equations diffe'- rentielles, et ce serait la, sans doute, la plus grande revolution et la plus profonde que la pbilosophie naturelle ait subie depuis Newton ».

Mais ces conceptions nouvelles sont-elles vi^aiment inevitables et n'y a-t-il pas moyen d'arriver a la loi du rayonnement sans introduire ces discontinuity qui sont en opposition directe avec les notions de la Mecanique classique? Voila la question que Poincare' se pose dans son Me"moire et a laquelle il donne une r^ponse que je me permettrai de r^sumer brievement.

256 DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE.

Considerons un systems compost de n r^sonateurs de Planck et de p mole- cules, n et/? etant de Ires grands nombres; supposons que tous les r^sonateurs suient (jgaux entre eux et qu'il en soil de m£me des molecules. Designons par Ei, . . . , lp les Energies des molecules et par ru, . . . , -r\n celles des r<5sona- teurs; chacune de ces variables pourra prendre toutes les valeurs positives.

Poincare demontre d'abord que la probability pour que les quantit^s d'encrgie soienl comprises entre les limites £t et £1 -+- J£i, . . . , £/> et £/j + rf^, rn et YU H- 6/7h, . . . , */3/i et 73,14- d'nn pent &tre repre"sent6e par

oil (r est une fonction sur laquelle on peut faire differentes hypotheses.

D^s qu'on connait cette fonction on pourra dire de quelle manure une quan- tit6 d't^nergie h se r^partlra sur les molecules et les r^sonateurs. A cet efiet, on peut se representer dans Fespace a/> + n dimensions £1? . . . , ?/;, yji, . . . , 73 n, la couche infiniment mince S, dans laquelle l'6nergie to tale

trois integrates

est comprise entre A et une valeur infiniment voisine h + ^A. On calculera les

\i) , . . w(rllt) d-r\i . . . d-f\IL d%i... d\Jn

I = / w(t\i) , . . w(rllt

r= / zw('t]i) .. . w('i}n)d-t]] ..

l"=j (A ar)w(7il)... ^(Tirt

r

^tendues a la couche S, et on aura j pour 1'^nergie que preiinent les rt^sona-

I" teurs et j pour celle dc rensemblc des molecules. Par consequent, si Y est

1'energie moyenne d'un r^sonateur, et X celle d'une molecule,

Pour calculer I'int6grale I, on peut d'abord donner des valeurs fixes aux variables YU, . . ., 73 n et, par consequent, aleur somme^r, et etendre 1'int^gration par rapport aux £ a toutes les valeurs positives de ces variables, pour lesquelles la somme^i 4-. «. + $/> est comprise entre A x et h x-i-dh. Cela nous donne

DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE.

2D7

Ensuite on peut, calculer Pintggrale

/ cv(-n4) ..

tStendue aux valeurs positives des v\ telles que YH -f- . . . -+- f\n se trouve entre x et x -f- dx. Posons

( 8) / tp(r,, ) . . . w('f[n')clf\[ . . . drin= 9(^7) ^;

cp sera une fonction qui depend de la fonclion w et nous aurons

[f et I" se calculent de la m6me maniSre; on n'a qu'a introduire sous le signe d'int^gration le facteur x ou le facteur h x. En fin de compte, on peut £crire

rh

( 9 ) n \ = G / x( h. ,K)/J~I cp

do; y>X = C^ (h jc)i>y(x

ou le facteur C est le m£me dans les deux cas. Nous n'avons pas a nous en occuper parce qu'il suffit de determiner le rapport de X a Y.

On obtienl maintenant la formule de M. Planck qui peut 6tre regard^e comme 1'expression de la r£alit£ si on fait sur la fonction w rhypoth&se suivante, qui est conforme a la th^orie des quanta.

Soit E la grandeur du quantum d'^nergie qui est propre aux r^sonateurs consid^r^s et d<3sigiions par d une grandeur infiniment petite (1). La fonction w sera nulle, except^ dans les intervalles

o (k = o, i? 2, 3, . . . )

^A-S-HO

et pour chacun de ces iiilervalles Fiiilegrale / w d~n aura la valeur i.

Y

Ges donn^es suffisent pour la determination de la foncUon cp et du rapport ^

pour lequel on trouve, comme je 1'ai d£ja dit, la valeur donn^e par la th^orie

(*) U s'agitici de la premier^ tk^orie de M. Planck, dans laquelie on admet que 1'energie d'un r(§sonatetir ne p,eut avoir qu'une des valeurs e>> s, 2s, 3e, etc.

H. P. XI. 33

258 DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE.

de M. Planck. Je ne m'arreterai pas a ces calculs et je passe imm^diatement a la question principale, celle de savoir si les discontinues que je viens d'indiquer doivent nScessairement 6tre admises.

Je vais reproduire le raisonnement de Poincare", mais je dirai d'abord que dans les formules que nous rencontrerons, a d<5signe une variable complexe dont la partie rSelle «,. est toujours positive. Dans la representation graphique on se bornera a la moitie du plan a caract^risee par a,> o et dans les integrations par rapport a a on suivra une ligne droite Lperpendiculaire a 1'axe des a r«5els, et prolonged indetfmiment des deux c6t^s. Les valeurs des integrates seronl independantes de la longueur de la distance ar de cette ligne a 1'origine des a.

Poincare" introduit une fonction auxiliaire qu'il deTmit par liquation

/*-

u

et il de"montre que la fonction w> et la fonction cp qui en derive peuvent 6tre exprime~es a Faide de ^.

On a d'abord, par 1'inversion de ( 1 1 )

Pour obtenir une formule analogue pour o(a?) nous remarquerons que dans liquation ( 1 1) on peut remplacer yj par une quelconque des variables 7^4, .. . , rin. En multipliant les n Equations qu'on obtient ainsi on trouve

,1 y: /-» -s.

[*(a)]''=: / -•• / W('fu) •" W^n^e-**'^ •'• dr\n>

' 0 •' 0

on bien, en vertu de la formule (8)

el par inversion

3<»=— . f [$(a;J«e*-

ajce^(l.)

Les formules (9) et ( 10) deviennent maintenant

DEUX MEMOIRESJSUR LA PHYSIQUE. 269

et Poincare les iransforme encore par les substitutions

,/; = /ito, // = /i'j, /; = Jlk:

co qui Ini domic

ou il a pos6

(-) = 4>(a)eaw(fi co)*

Notons que co n'est auLre chose que l'6nergie moyenne d'un seul r^sonateur pour le cas ou Ton aurait

ru-H. . .-+-Tlre= .r,

que (3 esl la valeur que prendrail co si toute l'6nergie disponible // se trouvait dans les r^sonateurs et que k est le rapport entre le nombre des molecules et celui des rt5sonateurs.

Lorsque, dans les applications du Calcul des probability aux theories mole- culaires, on cherche 1'eHat d'un syst^me, qui pr^sente le maximum de probability, on trouve toujours que, grace au nombre immense des molecules, ce maximum est tellement prononc^ qu?on peut n^gliger la probability de tous les (itals qui s'(5cartent sensiblement de Fgtat le plus probable. Dans le cas qui nous occupe, il y a quelque chose d'analogue.

Ad meltons avec Poincar6 que, pour des valeurs donn^es de h et de (3, la tbnction 0 a un maximum pour a = a0? w = co0 et faisons passer par le point a0, le lieu du maximum, la ligne L dont la distance a0 a 1'origine pouvait ^tre choisie a volont^. Comme 1'exposant n est un nombre tr£s 6lev^, le maximum de 0/l est extr£mement prononc6 et les seuls dUments des int^grales que nous ayons a prendre en consideration, sont ceux qui se trouvent dans le voisinage imm^diat de a0 et de o)0. Gela nous donne imm^diatement pour le rapport cherchd

et, en vertu de liquation

3 L

26o DEQX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE.

Pour determiner les valeurs de j£0 el de Wo, on pent se servir des Equations

d'ou Ton lire

(10) et

On voil par ces formules que #0 et o)0 dependent de la grandeur (3, c'est-a-dire de la quantity lotale d'energie A qui a ete communiquee au systeme; c'est un resultat auquel on devait s'attendre. Liquation (16) nous apprend en outre que a0 sera loujours reel. Gette grandeur determine imme'diatemenl Fe'nergie mojenne d?une molecule, car il r^sulte de ( i4) et de ( 16) que

X= -•

Or, nous savons que Fe'nergie moyenne d'une molecule est proportionnelle a In temperature absolue T. On peul done e"crire

ou c est une constanle connue, el 1'equatioii

<b'(a.n*\

(17) Y=-

qu'on tire de (i3) et de (i5), nous donne l^nergie moyenne d'un r^sonaleur •en fonction de la temperature. On voit que ce re'sultat est independant du rapport entre les nombres n et p.

Supposons maintenant que nous connaissions pour toules les temperatures 1'energie moyenne d'un r^sonateur. Par (17) nous connaitrons alors pour

toutes les valeurs positives de a la derivee * ^ ; nous en deduirons <^(a) a

un facteur constant pres. Bien entendu, ces conclusions serontd'abord limitees a des valeurs reelles de a, mais la fonction <&(«) est supposee 6tre lelle qu'elle est determinee dans toute 1'etendue du demi-plan a dont nous avons parle, quand elle est donnee en tous les points du demi-axe reel et positif.

DEUX MEMOIRES SUR LA PHYSIQUE. 261

Enfin, la formule (12) nous fournira la fonction de probability w pour une valeur positive quelconque de '/i. II est vrai que le facteur indelermine' de la fonction <D(a) se retrouvera en w, mais un tel facteur n'a aucune importance.

On peut done dire que la probability w est entierement de'termine'e des qu'on connait la distribution de I'e'nergie pour toutes les temperatures. II n'y a qu' une fonction w pour une distribution qui est donn^e en fonction de la temperature. Par consequent, les hypotheses que nous avons faites sur w et qui conduisent a la loi de Planck sont les seules qu'on puisse admettre.

Voila le raisonnement par lequel Poincar6 a e"tabli la necessite de Phypothese des quanta.

On voit que la conclusion depend de Fhypothese que la formule de Planck est une image exacte de la re"alit6. Cela pourrait £tre tire en doute, la formule ne pourrait 6tre qu'approche'e. C'est pour cette raison que Poincar6 reprend le probleme en abandonnant la loi de Planck et en se servant seulement de la relation que ce physicien a trouve"e entre l'e*nergie d'un r^sonateur et celle du rayonnement noir. Ce nouvel examen conduit a la conclusion que I'^nergie

/"Ho wdf\ ne tende

pas vers z^ro avec Y50- La fonction w doit done presenter au- moins une disconti- (pour n = o), analogue & celles que donne la th^orie des quanta (1).

(!) Ge r^sultat avail 6t6 trouv6 par M. P. Ehrenfest; voir Ann. Pfiysik, t. 36, 1911, p. 9r-

L'fflUVRE ASTRONOMIQUE DE HENRI POINCARE

PAR H. \ON ZKfPEL

Acta Mathematica^ t. 38, p. 3og-3y3 (1921).

Dans 1'histoire de 1'Astronomie, Poincare restera toujours au premier rang des explorateurs les plus eminents qui par la force irresistible de leur g£nie ont reussi a etendre les limites de la science de 1'Univers, Au premier coup d'ceil, cette opinion peut paraitre Strange, puisque Poincare n'etait ni observateur ni calculateur. Mais pour justifier notre sentiment, il suffit de rappeler que 1'Astronomie dans ses efforts pour connaitre les lois du mouvement et 1'etat physique des corps celestes et de 1'Univers doit necessairement rester en cooperation intime avec 1' Analyse mathematique, la Mecanique et la Physique. C'est 1'honneur imperissable de Poincare d'avoir renforce les liens qui doivent rattacher 1'Astronomie a ces autres branches de la Science. Ainsi, 1'Astronomie a pu profiler de la rigueur et de 1'elegance des methodes de 1' Analyse moderne et des progr&s recents de la Physique mathematique.

La plupart des travaux astronomiques de Poincare se rapporlent au probl^me des n corps et particuli^rement au mouvement des plan&tes et des satellites dans notre systkme solaire. Pour bien faire comprendre 1'importance de ces travaux, il convient de rappeler en peu de mots 1'histoire de ce probl&me cdl&bre,

II est bien connu que la decouverte de Tattraction universelle avait ete bien facility par ce fait que les masses des plan&tes sont petites par rapport a celle du Soleil. De m^me, la plupart des m^thodes qui ont pour but le calcul du mouvement des corps celestes doivent leur succ&s & la petitesse des masses. Ainsi les fondateurs de la Mecanique celeste ont developpe les coordonnees ou les elements des plan&tes suivant les puissances d'un petit param&tre p. de Fordre des masses. Ges developpements perfectionnes plus tard par Hansen, Leverrier

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. a63

Nevvcomb, Hill et Gaillot ont permis de determiner quantilativement pour plusieurs si£cles le mouvement des planetes avec une exactitude comparable avec celles des observations.

Toutefois, titant donnas les termes se'culaires ou le temps sort des signes trigonometriques, ces theories classiques ne peu vent pas suffire pour des espaces de temps tres longs. D'ailleurs, et pour la m6me raison, ces series ne nous apprennent pas grand' chose au point de vue de la stability du systeme.

Pour demontrer la stability et afm d'etudier en general les orbites au point dc vue qualitatif, Lagrange developpa les perturbations se'culaires les plus importantes en se'ries trigonometriques. Ensuite, Delaunaj dans sa theorie dela Lune, demontra qu'il est possible d'eviter complement les termes seculaires. Mais c'est Newcomb qui enonc.a le premier en loute generalite que les coor- donnees des planetes peuvent se de'velopper en series purement trigonometriques . Toutefois Newcomb n'est pas entre dans tous les details de la demonstration. Gylde"n s'occupa de la m^me question dans sa throne des orbites absolues, mais sa ihe'orie ne semble jamais avoir obtenu sa forme definitive. Ensuite, MM. Lindstedt et Bohlin ont trait6 certaines Equations diffe"rentielles de types sp6ciaux qui se rencontrent dans la th6orie de Gylde"n, et ont montr6 que ces Equations peuvent 6lre inte'gre'es au moyen de series purement trigonom6triques.

Mais la resolution complete du probleme formel dont il s'agit fut r^serv^e t\ Poincare. II y est arrive en generalisant la mediode de M. Lindstedt. En somme, Poincare demontre que les elements canoniques des planetes peuvent se developper formellement en series trigonometriques suivant les- multiples d'un certain nombre d'arguments lineairesparrapportau temps. Les series sont ordonn^es aussi suivant les puissances des masses et de certaines quantites de Fordre des excentricites et des inclinaisons. Mais Poincare va beaucoup plus loin. II montre, d'une part, que les series en question ne sont pas convergentes, et que, par suite, elles ne donnentpas la solution complete du probleme celebre, la determination du mouvement des corps celestes pour tous les temps. Mais il demontre, d'autre part, que les series trigonometriques dont il s'agit sont semi- convergentes et qu'elles suffiront aux besoins de PAstronomie pendant des espaces de temps extr6mement longs.

Dans ces derniers temps, M. K. Sundman est arrive a une solution du probleme des trois corps par une voie tout £ fait differente. Ce savant a applique une methode gen^rale due a Poincare, laquelle donne la solution complete drnn syst&me d'equations difFerentielles tout le long de 1'axe reel, si la solution

26 \ L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

reste holomorphe dans une bande quelconque autour de cet axe. M. Sundman a tourniS la difficult^ cause'e par la possibility des chocs et a montre que les coordonne'es des trois corps et le temps peuvent se d6velopper suivant les puissances d'une variable auxiliaire. Ces series sont valables pour toutes les valeurs du temps. Mais il reste a voir si les series de M. Sundman convergent assez rapidement pour satisfaire aux besoins pratiques de 1' Astronomic. En tout cas, les series en question ne resolvent pas le probleme de la stabilite. D'ailleurs la m6me m^thode n'est peul-6tre pas applicable au probleme ge'ne'ral des n corps (ou n >> 3), puisque la nature des singularites des solutions de ce probleme ge'n&ral reste encore inconnue.

Pour 6tudier au point de vue qualitatif les solutions du probleme des n corps et d'autres problemes de Dynamique beaucoup plus ge'ndraux, Poincare' s'est engage' dans une autre voie. Ilcherche avanttoutles solutions spe'ciales les plus simples. II trouve ainsi les solutions p^riodiques dans lesquelles le systeme reprend apres un certain temps sa configuration et ses vitesses relatives initiales. II d^couvre aussi une classe de solutions plus ge'ne'rales : les solutions asympto- tlques qui se rapprochent asymptotiquement d'une solution pe'riodique pour t = oo ou pour t = + oo . Parmi ces solutions, il y en a d'ailleurs une infinite' qui se rapprochent de la solution pe'riodique non seulement pour t = oo mais aussi pour t = -\-vo. Ce sont les solutions doublement asymptotiques. Pour de'montrer leur existence, Poincare" a du inventer une notion nouvelle et extrSmement fe'conde : celle des invariants inte'graux. Tous ces r^sultats sont ^tablis avec la rigueur absolue qu'exigent les Math6matiques. La the'orie des invariants inte'graux lui permet aussi de trailer la question de la stability. II trouve ainsi que dans un certain cas special du probleme des trois corps, le systeme revient en ge'ne'ral infmiment souvent aussi pres que Ton veut dc sa situation relative initiale. Les solutions qui ne jouissent pas de cette proprie'te' sont infmiment peu probables.

En. poursuivant les recherches dont nous venons de parler, Poincar6 n'a pas r^ussi & pe"n6trer jusqu'au fond du probl&me propose', qui est d'une complication extreme. Toutefois les r^sultats auxquels il est arrive' forment dans leur ensemble un terrain solide sur lequel les chercheurs de Favenir pourront s'appuyer avec confiance.

Les solutions p&riodiques sont surtout utiles quand il s'agit de calculer le mouvement d'un systeme dont les conditions initiales sont voisines de celles qui correspondent exactement a la solution p^riodique. On peut alors prendre cette

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 26r>

solution cornme point de depart etdevelopper ainsila solution cherchee suivant les puissances d'un certain nombre de quantite's petites. Ainsi on r^ussira parfois a resoudre certains problemes ou les methodes anciennes ne sont pas applicables.

Pour le calcul des perturbations, le developpernent del'inverse de la distance de deux planetes en serie trigonome'trique, suivant les multiples des anomalies moyennes, est d'une importance capitale. Pour etudier les coefficients de ce developpement, qui sont certaines fonctions des elements, Poincare applique les theories generales des singularites et des periodes des integrates doubles. Enfin, pour calculer certains termes eloignes et de periodes tres longues dans le deve- loppement considere termes qui donnent parfois naissance a des perturbations assez importantes Poincare fait usage de la methode ingenieuse de M. Darboux qui donne 1'expression asymptotique d'une fonction dependant d'un grand nombre.

La plupart do ces travaux importants, concernant le mouvement des corps celestes etles proprietes generates des equations de la Dynamique, ontete publics par Poincare dans un grand Memoire couronne (Actamathematica, t. 13) (A), dans les trois volumes de son admirable OuvrageLes methodes nouvelles de la Mecanique celeste et dans les deux premiers volumes de ses Lecons de Meca- nique celeste.

Les chefs-d'oeuvre deja mentionnes auraient suffi a creer la gloire imperissable d'un savant. Mais Poincare a traite encore avec le m6me succes toute une foule de problemes astronomiques des plus importants.

Rappelons des maintenant qu'il a perfectionne la methode de Laplace pour la determination des orbites, de sorte que cette me'thode elegante est devenue aussi la plus efficace au point de vue pratique.

Dans la Geodesie, Poincare a attire F attention sur les mesures de lapesanteur en montrant que ces mesures suffisent pour determiner les irregularites du geoide. II a signale aussi 1'importance des mesures des azimuts dans les trian- gulations geodesiques.

La th^orie des marees est certainement 1'une des plus difficiles de la Mecanique celeste. Avant Poincare, on ne savait trailer que des cas particuliers en admettant par exemple que la mer recouvre toute la Terre et que la profondeur de cette mer ne depend que de la latitude. Deja dans ses premiers travaux sur

{') CBuvres, t. VII, f. 262-479.

H. P. -r- XI. 34

•266 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE".

ce sujel, dans le Journal de Mathematiques de 1896, Poincare a recherche la solution generale du probleme. Les methodes proposers etles resultats auxquels il est arrive onL eu la plus grande influence sur le developpement recent de la Physique mathematique en general. Maintenant, il est vrai, ces resultats s'obtiennent plus facilement par la methode de M. Fredholm, laquelle constitue pour ainsi dire le point culminant de ce developpemenl. C'est d'ailleurs Poincare qui a applique le premier cette methode ingenieuse a la resolution theorique du probleme general des marges. La plupart des recherches de Poincare sur la theorie en question se trouvent reunies dans le troisieme volume de ses Lecons de Mecanique celeste. C'est un travail d'une elegance et d'une clarte tout a fail remarquables.

La theorie des figures d'e*quilibre relatif des masses fluides est d'une impor- tance capitale pour FAstrophjsique et pour la Gosmogonie. Une telle theorie nous permeltrait de suivre le developpement des n6buleuses et des astres et nous renseignerait probablement sur les causes de la variability des 6toiles. Malheu- reusement les problemes dont il s'agit ne semblent pas encore ^tre abordables dans toutes leurs g&ie'ralite's. D'une part, nos connaissances sur la constitution de la inatiere au sein des 6toiles, sous les pressions et les temperatures ^normes qui y regnent, sont encore tout a fait insuffisantes meme pour la mise en Equations des problemes; d'autre part, m^me dans le cas ideal ou les problemes peuvent £tre analytiquement poses, les difficultes analytiques paraissent encore insurmontables, a moins qu'on ne se trouve dans le voisinage d'une solution particuliere et simple.

Et neanmoins Poincare est arrive a plusieurs resultats d'une grande gene- ralite". II a montre que la rotation doit £tre uniforme autour de 1'un des axes principaux d'inertie de la masse; il a trouve une limite superieure de la vitesse de rotation ; il a deduit la condition necessaire et suffisante pour la stabilite de l'e"quilibre en tenant compte de la viscosite" du fluide.

Meme si le fluide est suppose homogene, les difficultes analytiques a survaincre sont considerables. L'une des plus belles decouvertes de Poincare se rapporte a ce cas ideal. Par une methode extr^mement feconde, il demon tre 1' existence d'une infinite de nouvelles figures d'equilibre qui se rattachent, pour certaines valeurs du moment de rotation, aux ellipsoides deja connus de Mac Laurin et de JacobL On rencontre dans cette theorie la notion, nouvelle des coefficients de stabilite, lesquels presenteat des analogies interessantes avec les exposants caracteristiques des solutions periodiques dans les problemes de la

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. ^67

Dynamique. Poincare demontre que les ellipsoldeb de Mac Laurin pea aplatis el les ellipsoides de Jacob! les moins allonges forment une suite continue de formes d'equilibre stables. Cette suite se prolonge apres par des figures piri- formes auparavant inconnues, dont la matiere semble enfin vonloir se partager en deux parties.

Quoique les corps celestes lie soient pas homogenes, ces decouvertes de Poincare jettent une hmiiere assez claire sur la "genese des etoiles doubles et sur 1'origine de la Lune. A ce point de vue, ces recherches forment pour ainsi dire le complement de celles de G. H. Darwin sur Involution des systemes doubles par 1'influence des marges internes.

Poincare a public aussi des Lemons sur les hypotheses cosmogoniques. [1 y a expose les hypotheses qui ont une base scientifique solide, en a fait une analyse appro fondie et a signale les objections que soulevent les idees emises. Personne n'etait plus competent que Poincare pour se faire juge de toutes ces hypotheses parfois aussi incertaines qu'ingenieuses.

Essayons enfin ce qui est impossible de caracteriser en peu de mots 1'esprit des travaux de Poincare'. Toujours ce sont les problemes fondamentaux qui attirent son attention. Toujours ilfaitpreuve d'une faculty de generalisation eminente. Son imagination parait presque sans limites. Ses exposes se distin- guent par une elegance et une limpidite extraordinaires. Les cas particuliers etles details 1'interessent moins, ou peut-6tre le temps ne lui a pas perrnis de les approfondir.

II est evident que, justement a cause de cette grande g6neralite, 1'ceuvre astronomique de Poincare restera pour longtemps comme une veritable mine d'or pour les chercheurs qui veulent y penetrer.

Dans ce qui suit, nous allons essayer de donner une exposition rapide de cette oeuvre gigantesque. Nous mettrons en lumiere surtout les resultats, raais parfois aussi 1'essentiel des methodes.

j . Forme des equations du mouvement.

Dans 1'etude si compliquee du mouvement des corps celestes, il importe de donner aux equations differentielles une forme aussi simple que possible.

On choisit d'ordinaire comme variables les coordonnees, X4, X2, ..., X3N des N plan&tes rapportees au centre du Soleil. Comme variables conjugu^es Y4,

268 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Yo, . . ., Y;;N, on prend les cumposanLes des quantites de mouvement dans ce mouvement relatif. La forme des equations devient alors semi-canonique, et la fonction caracteristique change d'une planete al'autre. Ilyalaun inconvenient considerable, surtout quand il s'agit du calcul des perturbations d'ordre superieur.

Pour obtenir la forme canonique, il faut choisir les variables d'une autre maniere. C'est ainsi que Radaua faille choix suivant. II designe parXt, X2, X3 les coordonnees de la planete PI par rapport au Soleil S, par X4, X5, X6 les coordonnees de P2 par rapport au centre de gravite de S et PI, par X7, X8, X0 les coordonnees de P;} par rapport au centre de gravity de S, PI et P2 et ainsi

de suite. Comme variables conjugue'es, il prend Yz=: m[ r-S in[ etant certaines

masses fictives qui ne different que peu des masses replies . Avec ces variables, les equations du mouvement prennent la forme canonique, la fonction caracte- ristique F etant Fenergie totale du systeme en supposant le centre de gravite comme fixe.

Les equations de Radau n'ont pas ete" employees dans la pratique, puisque F expression de F est trop compliquee quand il s'agit de calculer les perturbations d'ordre superieur. Pour remedier a cet inconvenient, Poincare [164; 187; 464, 26] (*), (2) choisit les variables X/ comme dans les theories anciennes. Mais comme variables conjuguees Y,-, il prend les composantes des quantites de mouvement dans le mouvement absolu en supposant fixe le centre de gravite du systeme. Les equations ont encore la forme canonique, mais Fexpression de Fenergie totale F en fonction des variables X/, Y/ est beaucoup plus simple qu'avec les variables de Radau.

Les masses des plane tes etant petites, ilconvientd'employer comme variables les elements du mouvement keplerien. Poincare regarde les coordonnees relatives X et les composantes de la quantite du mouvement absolue Y qui correspondent a la planete P/{ comrne les coordonnees et les composantes de la quantite de mouvement d'un point mobile attire suivant la loi de Newton par un centre fixe. La masse du centre fixe et celle du point mobile sont convena- blemenl choisies. Soit dans Forbite de ce point mobile a*, ek, ik, //., gk, O/. le

(1) Les nombres entre crochets se rapportent & la bibliographic qui se trouve dans V Analyse des Travaux Scientifiques de Henri Poincare faite par lui-meme dans les Acta mathematica t. 38.

(2) [164], QEuvres, t. VII, p. 49^-499; [187], OEuvres, t. VII, p, 5oo-5ir; [464, 26], Leqons de Mecanique celeste prof essees & la Sorbanne^ i. 1, p. 33,

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 269

demi-grand axe, rexcentricite", 1'inclinaison, 1'anomalie moyenne, la distance du pe"rihe"lie au noeud et la longitude du noeud. Les X, Y qui correspondent a la planete P^ seront ainsi donn6s comme certaines fonctions des elements «/, , . . . , O/, . Cela e"tant, Poincar£ introduit au lieu des variables X7 Y les variables [278; 11° 11; 464, n°56] (*)

LA = ?k \fal, Gr/L = L/u \/l e'-V, , e/ = GX- cub /A , lh §'h °/o

les p/- dependant de la masse du Soleil el de celle de la planele P/,. Apres ce changement de variables, les Equations reslent canoniques. La fonction caracte'- ristique F peut se mettre sous la forme

F = FO+JJ.FJ,

/JL (^lanl de 1'ordre des masses es planetes. F0 ne depend que des L/,. Enfin^F^ qui s'appelle la fonction perturbatrice, est de"veloppable en s^rie trigonom6- trique suivant les multiples des variables angulaires /, ^, 6, les coefficients dependant des variables conjugu^es L, G, 0. Avec les variables de Poincar^, la fonction perturbatrice est aussi simple que dans les theories anciennes. Mais le grand avantage, c'est qu'on aura une seule fonction perturbalrice pour toutes les planetes.

Les Equations dont nous avons parle rentrent dans le type ge"ne"ral [278,

ou

ost de'veloppe suivant les puissances d'un petit parametre p.; F0 estindependant des yt] FI, F2? . . . sont p^riodiques par rapport auxy/ avec la pe"riode 27r.

L'^tude du probleme des N + r corps est beaucoup compliqut^e par le fait que les pe'rihe'lies et les noeuds sont fixes dans le mouvement non trouble. II en re"sulte que F0 ne depend que des grands axes, c'est-a-dire seulement de quelques-unes des variables #,-. Seulement dans le cas special le plus simple du

(l) [278, 11], Les metliodes nouvelles de la mecanique celeste^ t. 1, p. 26; [464, 56], Legpns de m&canique celeste^ t. 1, p. 7/j. (a) Les methodes nouvelles de la mecanique celesle, U 1, p. 32.

270 L'<£UVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

problenie des trois corps, appel6 le probleme restreint, et qui comporte deux degrees de liberty F0 depend de tous les #/.

Si -les excentricite's et les inclinaisons sont petites, il est avantageux d'employer d'autres variables canoniques. Poincar6 fait alors souvent 1'usage des variables [278, 12; 464, 57] (:)

0/j,

r,i= V/2(GA 6/,) sin 0A,

ou X/t= //,-}- gk-{- OA est la longitude moyenne de P/t. Les Equations rentrent alors dans le type

dxj __ dV dvt _ dV

dt dyi dt dxi

dck dv dt\i- dc

dt d'(\k dt d^k

ou

;JL F i -h ,'J.2 Fa H- . .

Ici F0 ne depend que des x\ Fl5 F2, * . . sont p^riodiques par rapport aux y avec la pe>iode STT et d6veloppables suivant les puissances des £ et des y;.

2. Solutions periodiques.

C'est Lagrunge qui le premier a demontre 1'exisleiice des solutionb periodiques dans le probleme des trois corps. Dans ces solutions de Lagrange, les rapports des distances mutuelles restent invariables et les trois corps forment ou bien un triangle Equilateral ou bien ils se trouvent en ligne droite. Ces derniers temps, ces solutions de Lagrange ont acquis un intent particulier par la de"couverte des aste"roi*des du type Hector ayant le m£me moyen mouvement que Jupiter. C'est a M. G. W, Hill que la science doit la de"couverte d'une classe nouvelle de solutions periodiques. En ne"gligeant dans la the'orie de la Lune 1'excentricite' de Torbite terrestre et la parallaxe du Soleil, M. Hill parvient a d^montrer Texistence d'orbites periodiques renfermant comme parametre le rapport des duties du mois et de 1'ann^e. Elles pre"sentent des conjonctions sym6triques au commencement et au milieu de la p^riode. Parmi les solutions

(*) [278, 12], Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 1, p. 29; [464, 57 J. Legons de mecanique celeste, t. 1, p. 76.

L:CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 27!

periodiques de M. Hill, celle qui correspond au temps de revolution actuel de la Lime a servi, dans ces dernitires ann^es, comme point de depart pour lath^orie de la Lune de M. E. W. Brown.

D^ja dans ses premiers travaux sur les courbes definies par des Equations difjferentielles, Poincar6 fut conduit a l'6tude des solutions periodiques. Dans ses recherches sur les solutions periodiques du problSmes des trois corps [38; 92; 183; 278] (*•) il se place dans les conditions actuelles de notre syst&me solaire en admettant que les masses de deux corps sont petiles par rapporl a celle du troisi&me.

II est ainsi conduit a etudier le syst&me [183; 278, 37] (-)

(3) -—- = Xz(#i, . .., 3cn\ 1-0 («' = i, 2? . .., n)

les X, etant d£velopp6s suivant les puissances d'un petit param&tre^. En suppo- sant que pour /JL = o ces Equations admettent une solution p^riodique connue

(4) *t=<?t(t) U = i, 2, . .., n\

de p^riode T, il se propose de trouver la solution periodique du syst&me (3) qui pour p. = o se r6duit a la solution p6riodique (4)-

Soit cp,-(o) + |3< la valeur de xt pour t = o et cpi(o) 4- (3/+ fyi la valeur de xi pour t = T +r. En generalisant [183; 278, 27] (3) la m^thode de Cauchy appel^e Calcul des limites, Poincar^ d^montre que les tyi sont d^veloppables suivant les puissances des (3/, de T et de JJL, pourvu que les fonctions X, soient holomorphes et uniformes au voisinage de la solution p6riodique (4) - fividemment les tyt s'annulent avec les ^-, r et f/.. C'est la condition de la solution p^riodique et cela s'6crit

(5) ^(pi, ...,£71, t, H-) = o (*= *> 2, ..., n).

Puisque les Equations (3) ne contiennent pas le temps explicitement, il est permis de mettre par exemple (34= o. On peut en general r^soudre les Equa- tions (5) en mettant pour (32, . . . , (3n, rcertaines series convergentes ordonnt§es suivant les puissances de p et divisibles par p..

(i) [38], OEuvres, t. VII, p. 253-a6i ; [92], QEuvres, 1. VII, p. a53-a6i ; [183], QEuvres, t. VII, p. 262-479; [278], £es mtthodes nouvelles de la mecanique celeste.

(J) [183], OEuvres, t. VII, 262-479; [278, 37], Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, t, 1, p. 82,.

(3), [J83], CEuvres, t, 7, p. 262-479; [278, u" 27], Les metfiodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 1, p. 58.

2;?, L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Ayant ainsi demontre ^existence de la solution periodiquc chcrchee, Poincare montre [278, n°42] (*) comment on peut d^velopper lessen series de Fourier

de Pargument ^T* ^ Les coefficients de ces series sont developpes suivant les

puissances de /j..

II arrive souvent quo les X/ sonL periodiques de periode 2.7: par rapport a certaines des variables xi par exemple par rapport a x±, ...,#/,. On peut alors regarder comme periodique une solution dans laquelle #4, . . . , Xk augmentent de certains multiples de 271, tandis que les autres x\ reprennent leurs valeurs. Alors dans 1'expose precedent, r|<, ..., d;A. signifient les increments des #1, ..., #/t diminues par les multiples mentionnes de 271. Les conditions (5) expriment encore la periodicite de la solution.

Si les Equations (3) admettenl s integrates uniformes au voisinage de la solution (4), les conditions (5) ne sont pas independantes. Si n s des fonclions fyi s'annulent, les autres s'annulent alors en m&me temps. A ces n s conditions on peut alors adjoindre les s conditions qui expriment que les integrates ont certaines valeurs constantes arbitraires . La solution p^riodique consid6r6c contient alors ces s constantes comme param^tres.

II peut arriver que certaines des fonctions ^a sont divisibles par p. et que la solution p^riodique (4) contient autant de param^tres arbitraires. II faut alors

determiner ces param&tres de sorte que les Equations o soient satisfaites

pour (3/== T = /a = o. A chaque solution (4) ainsi d6termin6e correspond alors pour de petites valeurs de ^ une solution p^riodique qui coincide avec elle pour p.— o.

Poincar6 applique les principes precedents a 1'etude des solutions periodiques du probteme des trois corps [92; 183; 278, nos 39, 40, 47, 48] (2) en supposant, nous Favons deja dit, que les masses des plan&tes sont petites. En 6galanta z6ro le param^tre p, qui est de 1'ordre des masses, le probl&me admet des solutions p^riodiques tr&s simples. On obtient une telle solution en supposant que les deux masses infiniment petites d^crivent des cercles quelconques concentriques autour du Soleil et situ£s dans le m&me plan. On en obtient d'autres en supposant que pour p. == o les orbites se reduisent a des ellipses et que les dur£es de revo- lution sont commensurables entreelles. Puisque,pour^r^: o, les perihelies etles

(r) [278, 42] Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 1, p. 109. (2) [92], CEuvres, t. VII, p. a53-26i; [183], CEuvres, t. VII, p. 262-479; [278, n»* 39,40,47, 48J, Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, I. 1, p. 96, 97, i3g et 144.

L'OEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 278

noeuds sont fixes, certaines des fonclions 4*a sont divisibles par p.. Pour que les coefficients de /JL dans les d^veloppements de ces fonclions ^pa disparaissent, il faut choisir les £l6ments (les grands axes except^s) de sorte que les d6riv£es premieres de la parlie s^culaire de la fonction perturbatrice (partie qui devient constante en vertu de la commensurabilit^) s'annulent. Poincar^ d^montre ainsi 1'existence de trois sortes de solutions p^riodiques dans le problems des trois corps. Au bout de la periode, le syst&me reprend la configuration qu'il avait au commencement, tout le syst&me ayant seulement tourn<3 d'un certain angle <p. Au commencement et au milieu de la periode, les deux plan&tes se trouvent en conjonction sym^trique, les vitesses 6tantperpendiculaires a la ligne ou au plan de conjonction. Les coordonn^es relatives des deux plan£tes peuvent 6tre d^veloppte en series de Fourier d'un seul argument, les coefficients 6tant des series ordonn6es suivant les puissances du petit param&tre /*. Pour les solution de la premiere sorte, les inclinaisons sont nulles, les excentricit(§s sont de Fordre de /JL et Tangle 9 est fini. En y mettant f* = o, ces orbites se r^duisent a des cercles concentriques autour du Soleil et situt5s dans le m£me plan. En ne consid6rant pas comme distinctes deux solutions qui different seulement par la position des axes, par Porigine du temps ou par le choix des unites de longueur et de temps, les solutions p6riodiques de la premiere sorte

ne renferment qu'un seul param&tre, qui est le rapport —, entre les moyens

mouvements dans les deux orbites circulaires limites (pour jx = o). Pour les solutions p^riodiques de la seconde sorte, les inclinaisons sont nulles, les excentricit^s finies et Tangle cp de Tordre de p. Eny mettant p. o. ces orbites se r^duisent a deux ellipses a foyer commun situ^es dans un m£me plan et ayant leurs lignes d'apsides cozncidantes. Le rapport ~ des moyens mouvements dans ces ellipses est un nombre rationnel. Ces solutions sont caract<kis($es par le nombre rationnel ~ et par Texcentricit^ de Tune des ellipses limites qui y rentre comme param^tre arbitraire. Pour les solutions p6riodiques de la troisieme sorte, Tinclinaison n'est pas nulle, les excentricit^s sont petites et Tangle 9 de Tordre des masses. Pour^=o les orbites se r^duisent a des ellipses peu excentriques ou circulaires ayant le Soleil au foyer e t non pas situ^es dans le m6me plan. Les lignes d'apsides coincident avec la ligne des nceuds ouy sont perpen- diculaires. Le rapport —, des moyens mouvements dans les deux ellipses limites est un nombre rationnel. Ce qui caract^rise ces solutions p^riodiques de la HP.- XI. 35

2~4 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

troisieme sorte, c'est d'une part Ic nombre rationnel ^ et d'autre part 1'incli-

naison des orbites limites, qui y rentre comme parametre arbitraire.

Supposons donn^e la valeur du petit parametre p.. Si le rapport des mojens mouvements dans les orbites limites se rapproche d'un nombre rationnel de la forme p "*" l > p 6 taut un entier, les orbites pe'riodiques de la premiere sorte deviennent assez excentriques. Dans le voisinage imme"diat de ces commensu- rabilite"s, il arrive meme que les series ordonntSes suivant les puissances de p. qui donneat les solutions pe'riodiques de la premiere sorte ne convergent plus pour la valeur conside're'e de /ju Pour examiner ce qui se passe alors, Poincare' se limite au probleme restraint [367] (*) en supposant que Tune des masses est nulle et que 1'autre planete se meut dans un cercle. Si les series mentionne'es ordonne"es suivant les puissances de fjt, qui donnent les solutions pe'riodiques de la premiere sorte, cessent d'exister, Poincar6 montre qu'on peut les remplacer par des series proce"dant suivant les puissances de yp. L'excentricite" e est alors

de 1'ordre de i/u, et c'est le rapport (3 = lim -^= qui rentre comme parametre

li. =o V/JJL

arbitraire. Pour |m o 1'orbite se re"duit a un cercle, et le rapport entre les moyens mouvements devient Si (3 croit, il arrive enfin que ces nouvelles

series ordonn(5es suivant les puissances de \//j. ne convergent plus. Poincar6 montre qu'on peut les remplacer alors par les series ordonne'es suivant les puissances de p., les monies qui donnent les solutions pe'riodiques dela secondc sorte. Ainsi au voisinage des commensurabilite's riientionne"es , les solutions p6riodiques de la premiere et de la seconde sorte ne sont pas analytiquement distinctes. En variant le parametre, on passe des unes aux autres.

fividemment, il est infiniment peu probable que les conditions initiates qui correspondent a une solution pe"riodique se trouvent re'alise'es dans la nature. Mais il peut bien arriver et il arrive aussi souvent que le mouvement est a peu pres p^riodique. Alors il convient de prendre la solution p6riodique comme point de depart et de de"velopper les coordonn£es ou les ^l^ments suivant de petits parametres, ainsi que Ton fait de"ja Delaunay, Hill et Brown dans le cas de la Lune. II semble que ce soit surtout les solutions pe'riodiques de,la premiere sorte qui auront ainsi une valeur pratique considerable et cela dans la th^orie du mouvement des aste"ro'ides et des satellites.

(l) [367], OEuvres, t. VIII, p. 4i7~436.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 276

3. Exposants caracteristiques.

Soit

(6)

un systeme d'^quations difFe'rentielles admettant une solution pe'riodique #/=rp/(£) de pe"riode T. Pour etudier les solutions voisines de cette solution, Poincare' introduit #/= cpz- (£) + £/ et de"veloppe suivant les puissances des £. En ne conservant que les termes du premier degr6, il arrive WXL equations aux varia-

tions

Dans les coefficients des £ au second membre, il faut introduire pour a?/ ses d6veloppements en series de Fourier. Les Equations aux variations qui corres- pondent a une solution pe'riodique sont done des Equations homogenes et lin^aires a coefficients peViodiques.

On sait quelle est en ge"ne"ral la forme des solutions de ces equations; on obtient n solutions particulieres de la forme suivante ;

(8) ^rrreVS,,,, ..., fn^fiVS,,^ (jD = 1 , 2, . . . , fl ),

les <y.p etant des constantes etles S/i/?des fonctions pt^riodiques de m^me p^riode que les cp/(^).

Si deux exposants a ont la m£me valeur, on aura une solution particuli&re

de la forme

(9) ?/= e^^+tS'i} = r, 2, ..., /i),

les fonctions S/ et S/ <^tant p^riodiques.

Les constantes a^ s'appellent les exposants caracteristiques de la solution pe'riodique conside're'e.

La nature des solutions voisines depend en premier lieu des valeurs des exposants caracteristiques. Si tous ces exposants qui ne sont pas nuls sont purement imaginaires, Poincare" dit que la solution pe'riodique est stable] si au contraire, pour quelques-uns des exposants, les parties replies ne sont pas nulles,

(i) [183], GEwre$, t. VII, p. 262-479; [278, 53], Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 1, p. 162.

276

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

la solution periodique est appelee instable. Si les valeurs initiates sont voisines de celles qui correspondent a une solution periodique stable, le mouvement restera pour longtemps semblablc au mouvement periodique; au contraire, les solutions qui avoisinent a un instant donne une solution periodique instable, s'en eloignent en general beaucoup plus tot.

Rappelons bri^vemenl comment les exposants caracieristiques peuvent se calculer[183; 278, n°60] (*). SoitT la periodede la solution periodique trice a?|3= yi(t}\ soit^-(o) 4- P/ la valeur de a?/ pour t= o et#/==<p,-(T) la valeur de #/ pour t = T. Alors Poincare montre que les exposants caracte- ristiques a satisfont a liquation

-HI <

ou dans les elements du determinant il faut mettre (34 = (32=r. . , = (3Al= o apr£s les differentiations.

Dans le cas des equations de la Dynamique, certaines symetries apparaissent, de sorte que les exposants caracteristiques sont toujours egaux deux a deux, mais avec des signes contraires. D'ailleurs, si la solution periodique ne corres- pond pas a une position d'equilibre relative deux exposants caracteristiques sont toujours nuls.

Rappelons, que toutes reductions faites, les equations du probl^me general des trois corps peuvent se mettre sous la forme canonique avec quatre degres de liberte; dans le cas du mouvement plan, le degre de liberte s'abaisse a 3; enfin dans le cas restreint, on n'aura que deux degres de liberte. Si les masses des plan&tes sont petites, les seconds membres des equations differentielles sont developpes suivant des puissances d'un petit param&tre pu II en est de mteie des fonctions cp/(j) et^((3l3 ..., (3n) mentionnees touta Pheure. Cela etant, Poincare demontre [183; 278, nos 74-78] (4) que dans le probl&me des trois corps les exposants caracteristiques des solutions periodiques de la deuxi&me

A A \ 1 1 J.

et de la troisi&me sorte disparaissent pour p. = o et sont developpables suivant

(*) [183], QEuvres, t. VII, p. 262-479; [278], Les m&thodes nouvelles de la mecanique celeste; [n° 60], t. 1, p. 178; [nos 74-78], t. 1, p. 201-218.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 277

les puissances de y//ju Enfin en formant les premiers coefficients de ces deve- loppements, il d6montre que, dans le probl&me r^duit des trois corps, on n'aura que deux exposants caract^ristiques qui sont identiquement mils.

D'ailleurs, Poincar6 r^sout [183; 278, 79] (*) complement les Equations aux variations du probl&me des trois corps et montre comment on peut d£ve- lopper en series trigonomtHriques convergentes les fonctions S des formules (8) et (9). Les coefficients de ces series sont d£velopp6s suivant les puissances de yfj. et convergent pour des valeurs assez petites de ce paramktre.

II va sans dire que, dans toutes ces discussions, Poincar6 ne regarde point seulement les Equations sp^ciales du probl^me des trois corps, mais les Equa- tions canoniques g£n£rales du type (i).

Les solutions p^riodiques 6tudi6es dependent d'un petit param&tre fju Les solutions p^riodiques du probl^me des trois corps renferment encore une constante arbitraire essentielle C. Les exposants caract^ristiques qui ne sont pas identiquement nuls dependent de p. et de C. En faisant varier par exemple C, les solutions p£riodiques et leurs exposants caract^ristiques varient aussi.

Supposons done qu'un syst&me quelconque d'^quations dififerentielles pos- s&de des solutions p^riodiques qui dependent d'un param&tre C. II peut alors arriver que pour C = C0 une solution periodique cesse d'exister. Poincar6 d^montre que cela ne peut se faire que si la solution se confond pour G = C0 avec une autre solution periodique. Ainsi les solutions p6riodiques disparaissent (ou apparaissent) par couples a la facon des racines r^elles des Equations alg^briques [183; 278, 37] (4).

Admettons qu'il s'agisse des Equations de la Dynamique, etque pour C= C0 plusieurs solutions p&riodiques se confondent. Poincar6 d^montre que cela arrive et rie peut arriver que si pour l'un des couples d'exposants caract^- ristiques on aura aT = -h ikTt\j i, k 6tantun entier. Soit pour C > C0 p' le nombre des solutions p^riodiques consid6r6es, pour lesquelles aTn=2/:7r\/ i soit purement imaginaire, et p1' le nombre des solutions pour lesquelles cette quantity soit r^elle. Soit q1 et q'f les nombres correspond ants pour C < Co- II n'y a alors que trois hypotheses possibles :

(l) [183], QEwres, t. VII, p, 262-479; [278], Les m&thodes nouvelles de la mecanique celeste; [n»79], t. 1, p. 82 ; [>• 37], t. 1, p. 82.

278 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Dans tous les cas, on a

Dans le cas simple ou il n'y a que deux degr£s de liberty, comme dans le cas restreint du probl£me des trois corps, il n'y a qu'un seul couple d'exposants caract&ristiques qui n'est pas identiquement mil. Poincart§ trouve alors le theor&me [280, 378] (4) : Si, en variant les parametres, plusieurs solutions periodiques se confondent, alors il disparait (ou apparail) tou jours autant de solutions stables que de solutions ins tables.

Voici encore un autre th£or&me dans ce cas de deux degr£s de Iiberl6 : Si, pour certaines valeurs des parametres, une solution periodique perd la stabilite ou Vacquiert (et cela de telle facon que Vexposant caracteristique a soit UTI multiple de 2K\/ i), tfest qu'elle se sera confondue avec une autre solution per iodic/ue, avec laquelle elle aura echange sa stabilite.

4. Solutions asymptotiques.

En 6tudiant les solutions voisines d'une solution periodique instable, Poincar^ a d6couvert une nouvelle classe de solutions auparavant tout a fait inconnue [183; 278, chap. VIIJ (2). II les a appel^es solutions asymptotiques. II y en a deux families : pour la premiere, la solution se rapproche asymptoti- quement pour t= oo de la solution periodique consider^e, pour la seconde famille, ce rapprochement asymptotique aura lieu pour £ 4-00.

En partant des Equations (6) etd'une solution p6riodique #,— cp/(^)Poincar6 y pose #,-= <ft(t) -f- g/. II vient alors

les S 6tant d6velopp6s suivant les puissances des £<•, les coefficients de ces d^veloppements 6tant p^riodiques de pdriode T = 271.

Au lieu des variables £f, Poincar6 introduit des variables nouvelles yjr- par une transformation lin^aire dont les coefficients sont les fonctions p^riodiques S/,p qui entrent dans les solutions (8) des Equations aux variations. Les 6qua-

(:) [280, 378], Les m&hodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 3, p. 344. (2) [183], OEuvres, t. VII, p. 262-479; [278, chap. VII], Les methodes nouvelles de la meca- nique celeste, t. 1, p. 335.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 279

tions difFe>entielles des YJ/ ont alors la forme

(10) . ^=H^ar^+H^H-H^ + ...;

H|/J) elant un poljnome homogene de degrg /? en r)i: ..., tin avecdes coefficients pe'riodiques en t de pe"riode 271. Les c/n sont les exposants caracte"ristiques.

Poincare' monlre qu'on peut satisfaire formellement a ces equations en d£ve- loppant les m suivant les puissances de quantile's A/e7-1' (i i , 2, . . . , /i), les A, e"tant des constantes arbitraires. Les coefficients de ces d6veloppemeiits sont pe'riodiques en t de peYiode 271. II n'y aurait exception que dans le cas ou il y aurait entre les oc/ une relation de la forme

(ii)

pour des valeurs entires non negatives des (3/£ et entieres (positives, negatives ou z£ro) de y.

En appliquant la rne'thode de Cauchy appele'e Calcul des limites, Poincar^ d^montre que les series en question convergent, si F expression (u) ne peut devenir plus petite que toute quantity donn^e s; c'est-a-dire si aucun des deux polygones convenes qui enveloppent, le premier les points dont les affixes sont les a et -+- \l i , le second les points ayant les affixes a et y i , si aucun de ces polygones ne contient Forigine; c'est-a-dire si les parties replies de toutes les quantity a sont diff(5rentes de ze"ro et du m^me signe.

II peut arriver que ces conditions suffisantes pour la convergence ne soient remplies que pour un certain nombre des coefficients a, par exemple pour al5 . , . , am. Si par exemple al7 . . . , am ont leurs parties re'elles > o, on peut mettre Am+1 = Am4.a = . . . = A7l= o et de'velopper les ^ en series convergentes suivant les puissances des quantite's Ad eai£, . .., Am6a»l/. On aura ainsi des solutions asymptotiques de la premiere famille. De m6me, auxexposants carac- t^ristiques dont les parties re'elles sont <o, correspondent des solutions asymptotiques de la deuxieme famille.

Les principes pre'ce'dents s'appliquent aussi aux . Equations canoniques avec n degre's de liber t6. Toutefois deux exposants caracte'ristiques 6tant identique- ment nuls et ainsi dgaux enlre eux, la derniere des Equations qui correspondent aux Equations ( 10) aura la forme

2g0 L'CEUVPE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

c aant une constante. Neanmoins le nouveau syst&me se Lraite comme les Equa- tions (10) et tous les r&mltats pr6ct5dents sur 1'existence des solutions asymp- totiques subsistent.

Si les Equations canoniques sont du type (i), comme dans le problkme des trois corps, les exposants caracUSristiques se dgveloppentsuivanlles puissances de v/fl et contiennent cette quantity comme facteur. Certains diviseurs (i i) sont done de 1'ordre de \/p.. Mais, en revanche, les quantit&i a int<5grer sont toujours aussi au moins du m£me ordre. Poincar^ demontre qu'il existe aussi pour ces Aquations des solutions asymptotiques au voisinage de chaque solution p6rio- dique instable. Soil al7 ..., a/, les exposants caract^ristiques qui ont leur partie r^elle positive quand \/fI>o. Pour les solutions asymptotiques de la premiere famille, les xf et les// sont d6veloppables suivant les puissances de Wi = Aieaif, . . ., O>A. = A/t0a", les Al5 . . ., A* giant des constantes arbitrages. Les coefficients de tous ces d6veloppements sont pdriodiques en t de m6me ptoode que la solution p<3riodique. Enfin les coefficients constants sont des fractions dont le num^rateur et le d^nominateur sont d<3velopp<3s suivant les puissances positives de v/p- Ces d^veloppements des xi et// convergent uni- formgment tant que t est assez voisin de oo et vV^° etassez voisin de z6ro. On aura aussi des solutions asymptotiques analogues qui se rapprochent asymptotiquement de la solution p^riodique pour t = + co .

PoincanS demontre qu'en d^veloppant les coefficients fractionnaires suivant les puissances de \/f/, on n'aura que des puissances positives. Ainsi, pour les solutions asymptotiques des Aquations (i), les #/ et les // sont d^veloppables suivant les puissances de V/V-, wl7 ..., &)/f, les coefficients £tant p6riodiques en t, On peut ordonner ces series suivant les puissances de y//m et determiner les coefficients directement en partant des Equations differ entielles. Malheu- reusement ces series ordonn6es suivant les puissances de yp. ne sont pas convergentes. Mais Poincar6 demontre qu'elles sont semi-convergentes.

5. Non-existence des int^gr^les uniformes.

On sait que le probl&me des trois corps admet plusieurs int6grales trfes simples : celles du mouvement du centre de gravity, celles des aires et celle des forces vives. M. Bruns a ddmontr^ qu'il n'existe pas de nouvelle integrate alg^- brique en dehors de ces integrates d^ja connnes.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 281

Poincar^ a compl£t£ la demonstration de M. Bruns sur un point d61icat et a confirm^ les r^sultats auxquels ce savant 6tait arriv6 [166] (1).

Mais Poincar£ a examine la question aussi d'un autre point de vue [278, chap. V) (2). II admet toujours que deux des masses sont petites (de Tordre de p.) par rapport a la troisi&me. En traitant, selon son habitude, la question d'une manifere aussi g6nt^rale que possible, Poincar<3 ne regarde pas seulement les Equations sp^ciales du probleme des trois corps, mais les Equations g6n6rales du type (i). II d^montre que, sauf certains cas exceptionnels, les Equations (i) n'admettent pas d'autre integrate analjtique et uniforme que Pint6grale F = const. Voici ce qu'il entend par la.

Soit $ une fonction analytique et uniforme pour toutes les valeurs r^elles des y, pour les valeurs suffisamment petites de JUL et pour les valeurs des x appartenant a un certain domaine D; le domaine D peut d'ailleurs 6tre quel- conque et 6tre aussi petit qu'on veut. Enfin <3> doit £tre p6riodique par rapport aux y de p6riode 271. Dans ces conditions est d^veloppable sous la forme

(12) $ = $o -H H$i -+- ^2 $2 -1- 5

<I>o, <^i, ^>2, - 6tant uniformes par rapport aux x et auxy et p^riodiques par rapport aux y.

Poincar^ d^montre que en general une fonction €> de cette 'forme ne peut pas etre une integrate des equations (i).

En supposant qu'il existe une "telle inl^grale <& distincte de F, il est permis de supposer que <&o n'est pas une fonction de F0. En effet, si <&0 ^tait une fonc- tion de F0, Poincar^ montre qu'il serait possible de d6duirede<I> et F une nou- velle integrate ® de la nature consid^e et pour laquelle $0 n'est pas une fonction de F0.

La condition n6cessaire et suffisante pour qu'une fonction & soit une int<5- grale s'6crit

(13) [F,*]=o,

la quantity au premier membre ^tant la parenth^se de Poisson. En <3galant a z£ro les termes de diverses puissances en p. dans le premier membre, onobtient une infinite drt§quations que nous nommerons (i3°), (iS1), (i32), ....

En partant de liquation (i3°), Poincar^ fait voir d'une mani^re tr^s simple

(») [166], OEuvres, t. VII, p. 5ia-5i6.

(**) [2*78, cHap, V]» Les mMhod&s rwuvelles de la micaniquG celeste^ t. 1T p. 233.

H. P. XI. 36

282 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

que <I>o ne peut pas de"pendre de celles des variables yit y2, , qu conjugates aux variables dont depend FQ.

En mettant ensuite dans liquation (i 31) les de'veloppements trigonome'triques de FI et de $!, il montre que les coefficients du de'veloppement de FI doivent satisfaire a certaines conditions sp^ciales pour qu'il existe un certain nombre d'iiite'grales de la forme (12). Cela conduirait trop loin d'e'nume'rer ici ces conditions dont I'e'nonc^ est assez complique'. PoincarS de'montre que ces conditions ne sont pas satisfaites dans le probleme des trois corps. Pour de'montrer rigoureusement le the"oreme: quelque petit que soit le domaine D, il faut conside'rer des lermes infiniment £loign6s dans le de'veloppement de FI. Poincare' fut ainsi conduit a former certaines expressions asjmptotiques pour les coefficients de tres haut degr6 dans le de'veloppement trigonome'trique de la fonction perturbatrice suivant les multiples des anomalies moyennes. Le r6sultat auquel arrive Poincar6 s'e'nonce ainsi : Quand deux des masses sont petites de Vordre de p, le probleme des trois corps n'admet pas d'autres integrales de la forme (12) que celles qui, sont deja co?inues.

6. Series de M. Lindstedt.

Pour determiner le mouvement desplanetes, les fondateurs de la Me'canique celeste ont cherche' a int^grer les Equations diffe'rentielles en d^veloppant les inconnues suivant les puissances des masses. Les termes d'ordre n de ces de've- loppements sont des polynomes en t d'ordre n au plus, dont les coefficients sont des de'veloppements trigonome'triques d'un certain nombre d'arguments. Depuis, ces m6thodes classiques ont ^ perfectionne'es et employees surtout par Hansen, Leverrier, Newcomb, Hill et Gaillot. II a e'te' ainsi possible de cal- culer le mouvement des planetes pour plusieurs siecles avec une exactitude comparable avec celle des observations modernes.

Toutefois, 6tant donn6 que ces d^veloppements renferment le temps en dehors des signes sinus et cosinus, il est 6vident qu'ils ne peuvent pas suffire quand il s'agit de trouver les changements se'culaires des orbites. Pour e"tudier ces changements, Lagrange de"veloppa sous forme trigonome'trique les in6galite's s^culaires les plus importantes, pour lesquelles Fexposant du temps est e'gal a 1'ordre par rapport aux masses. D'ailleurs Lagrange ne conserva que les termes du premier degre" par rapport aux excentricit6s et aux inclinaisons. II lui fallut

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. a83

pour cela r^soudre un systfcme d'£quations different! elles lineaires a coefficients constants. La theorie de Lagrange fut perfectionnee par Leverrier et Cell&ier qui ont conserve aussi les Lermes du troisifcme et du cinqui&me degre par rap- port aux excentricites et aux inclinaisons.

Toutefois, il restait a demontrer la possibility d'eviter complement les developpements suivant les puissances du temps. C'est a Delaunay que revient Thonneur d'avoir forme le premier des series g£n£rales purement trigonomg- triques satisfaisant formellement aux Equations du mouvement. Mais Delaunay s'est occup^ seulement de la theorie de la Lune.

C'est Newcomb (*) qui demontrale premier que les coordonn6es des huitpla- n^tes peuvent £lre developpees en series purement trigonometriques renfermant 3x8 i = 23 arguments variant lineairement avec le temps. La demonstration de Newcomb repose sur la methode de la variation des constantes un peu g6n£- ralisee. II avancepar approximations successives, en partant des expressions de Lagrange ou les terrnes s^culaires les plus importants ont dtSja la forme trigo- nom6trique. Toutefois Newcomb avoue lui-m£me dans la preface de son M^moire que sa demonstration ne peut ^tre consid^r^'e comme definitive. D'ailleurs, la methode de Newcomb, comme celle de Delaunay, demande un grand nombre de changements de variables assez compliques.

Le probl^me dont il s \agit fut r^solu aussi par Gylden dans sa th^orie des orbites absolues. Mais le mode d'exposition de Gylden est malheureusement tr&s compliqu6, et il n'est pas facile de degager dans sa th^orie Fid6e fonda-* mentale.

G'est pour simplifier les methodes de Gylden que M. Lindstedtcommenga a s'occuper de la question. M. Lindstedt (a) a traitg les Equations diflferentielles de la forme (14) ^H-7i*j? = ^0 + iFia. + ^a?i + ...J(

ou les fonctions W;, qui sont du premier ordre, ne renferment que des termes p^riodiques de la forme (3 cos().£ + 6), les A (Slant incommensurables avec n. En supposant que liquation ci-dessus pr^sente certaines sym^tries, lesquelles d'ailleurs se trouvent r£alis<§es dans la plupart des applications, M. Lindstedt demontre que x peut se d^velopper en s^rie trigonometrique, ou un nouvel

(!) Smithsonian Contr. to Knowledge, vol. 21, 1874.

(2) Mem. de VAcad, Imp. d. Sciences de Saint- Petersbourg, t. 31, 4, i883.

284 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

argument s'est introduitparrinte'gration. M- Lindstedt(4) appliqua sa me'thode au problfcme des trois corps en admettant que les excentricite's, les inclinaisons et le rapport des rayons vecteurs des deux planetes sont des quantity's petites. II montre que les distances des trois corps peuvent alors e"tre de'veloppe'es en se'ries trigonome'triques avec quatre arguments.

Voila a quel point se trouvait la ihe'orie en question quand Poincare' com- menca a s'y inte'resser. Poincare' se propose d'abord de perfectionner la me'thode de M. Lindstedt. II d^montre [97] (-) qu'on peut satisfaire formellement aux Equations (i4) par une se'rie trigonome'trique m6me dans le cas ge'ne'ral ou les fonctions ^F/ ne pr^sentent plus les syme'tries dont nous avons parle\ La demonstration tres int6ressante repose sur un the'oreme de Green d'apres lequel une certaine int6grale, e'tendue sur une surface ferme'e quelconque, est nulle. Poincare' fait preuve ici, comme souvent, d'une p^ne'tralion ge'niale qui lui permet de de'couvrir les liens internes qui raccordent parfois entre elles des questions en apparence tout a fait ind^pendantes.

Plus tard, Poincare' trouve [115; 279, 127] (:}) que liquation (14) peut se r^duire a un systeme canoniqae avec deuxdegre's de liberte', de la forme (i), F0 dependant de tous les #/. II se pose alors le probleme d'int<^grer formellement les Equations ge'ne'rales de ce type sans introduire de de'veloppements suivant les puissances de t. II suppose d'abord que F0 depend de toutes les variables #1, . . . , xn* II de'montre qu'on peut satisfaire alors aux Equations (i) en mettant

}>.y OU

Les constantes d'inte'gration sont &" et S/. Les constantes nt dependent des x\ et sont de'veloppe'es suivant les puissances de p.. Les x* et y* sont des fonctions p^riodiques de p6riode 2?r par rapport aux Wi et dependent d'une maniere quelconque des x\ mais sont ind^pendants des S/. II est facile de former direc- tement les coefficients des de'veloppements, si la fonction caracte'ristique F, de'veloppe'e suivant les multiples des y^ ne renferme que des cosinus. Mais en

(x) Ann. EC. Norm. Sup., Se s6rie, t. 1, 1881.

(2) [97], CEuvres, t. VII, p. 546-55o.

(3) [115], OBuvres, t. VII, p. 55i-554; [27&, 127], Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 2, p. 28.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 285

ne faisant pas cette hypoth&se, on rencontre les m6mes difficult^ que dans le cas ggngral de liquation ( i4)« Par ['application de la m^lhode d'int^gration de JacoLi7 Poincare' £vite ces difficult^ [279, 125] (4).

Pour appliquer la m^thode de M. Lindstedl au probl£me g^n^ral des trois corps, il 6tait nticessaire de trailer le cas important d'exception oil la fonction Fo ne depend pas de toutes les variables #4, . . ., xn- L'cmploi de la me'thode d'int£gration de Jacobi conduit alors a certaines difficulte's, puisque cerlaines quantit(Ss de 1'ordre des excentricite's apparaissent e'leve'es a des puissances negatives [279, chap. XI, XII]. Poincare' <5vile la difficult^ en faisant un chan- gement de variables dans lequel il fait usage des solutions p6riodlques de la premiere sorte. Toutefois, il semble que 1'emploi de liquation aux d^rive'es partielles de Jacobi ne soit pas bien convenable dans le cas dont il s'agit.

Poincare" revient apres quelquos ann^es a la m^me question [208], (2) mais alors il part des Equations (2). II suppose d'abord que les ^ et v\ n'entrent pas, de sorte que F0 d^pende de toutes les variables de la premiere cate"gorie. Pour effectuer 1'int^gration, il determine les fonclions a?f et/f (A'> o) des dtSvelop- pements (i5) de sorte que la fonction F apr&s la substitution ne d^pende que des x\ et non pas des w/, et de sorte que Fexpression

soit une diffe'rentielle exacte. En prenant alors pour variables nouvelles les w, et les #", la forme canonique ne change pas, et comme F ne depend que des x\ ces quanttos seront constantes, tandis que les wi seront des fonctions line'aires du temps. —Poincare' d^niontre que les a?f et jf se d6terminent tres facilement d'apres ces principes.

D'une manure tout a fait analogue, Poincare" effectue I'int^gration des Equa- tions g£n<5rales (2). En ne supposant, pour simplifier, que deux plan&tes, il cherche a exprimer les variables en fonction de sk constantes a?J, a?J, pi, p2, p:), p4 et de six arguments fonctions lin^aires du temps w»i, Wa, w4, a>a,

w3, w/.»

Les w varient rapidement et les co tr^s lentement. II d^veloppe suivant les

(!) [279, 125], Les methodes nouvelles de la mecanique ctleste^ t. 2, p. 17. (2) [208], CEuvrto, t. VII, p. 517-642.

I p p

280 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

puissances de p. :

(16)

Les fonctions #f, yf , ££, ^(P^0) seront des fonctions p^riodiques des d^velopp6es d'autre part suivant les puissances des quantit^s

Elles dependent en outre des d'une mani&re quelconque. Enfin les yf cvv, les £| et les yj°. seront ind^pendants des w. Quand on annulera les p/c, les fonc- tions yf wi, £1 et Y}£ se rt5duiront a z&ro.

Cela 6tant, le probl^me dont il s'agit peut ^tre remplac^ par le suivant : determiner les series ( 16) de telle fagon que d'une part la fonction F, quand on y a substitu^ les series (16), se r^duise a une fonction <p ne dependant que des xl et p/t et de sorte que d'autre part la quantity

soit une diff^rentielle exacte. Au lieu des variables #/, //, ^/r, Y3/c, on peut intro- duire alors les #", p/t, tp/, &>/,-. La forme canonique subsiste. Puisque F ne depend que des et des p/f, ces quantit^s seront constantes, tandis que les w/ et les w/£ seront des fonctions lin^aires du temps, dans lesquelles les coefficients de t sont d^veloppables suivant les puissances de p. et des p|. Poincar6 d^montre que les series (16) peuvent &tre d6termin6es d'apr^s ces prin- cipes.

Une derni&re fois, Poincar^ est revenu sur le probl&me fondamental d'int^grer sous forme trigonom6trique les Equations du mouvement des pla- n^tes [464, chap. X] (4). Gette fois, il part des series mixtes que donne 1'appli- cation de la m(5thode classique de Lagrange. II en derive une transformation canonique, laquelle conduit aux Equations completes des in£galit£s s^culaires, jamais d^duites auparavant.

PoincarS part des Equations (2). II y satisfait & Paide de d^veloppements de

(*) [464, chap. X], Legons de mtcanique c&leste, t. 1, p. 267.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 287

la forme

Les 3#/, oy/, <3^} $n/f sont de>eloppables suivant les puissances de ,u, de £: des ££, des 73 £ et suivant les cosinus et les sinus de multiples des arguments ^=71°*, c'est-a-dire que ces quantity's peuvent etre mises sous la forme

(17) ^ jj.a A Mo £m cos

Les pi sont des entiers; A et nl ne dependent que des constantes ; les /* dependent seulement des ; M0 est un monome enlier par rapport aux £° et aux 73 JL

Les 3#/, ctyv, 3^, 373 /,- s'annulent pour j^ o ; elles s'annulentegalement pour £ = o, de sorte que les constantes x* , j!\ £/c, 73^. sont les valeurs initiales des inconnus #/, ^/, ^, 73 /c pour t = o.

Dans les de'veloppements (17), Poincar6 regarde les w-t comme des variables ind6pendantes. II y pose aussi t = o, de sorte que les termes pe"riodiques sont seuls conserve's dans les perturbations 3a?/, dyi, 3^/f, 8737-. En appelant A#/, Aj/, A^/0 ATJ/C ce que deviennent alors ces perturbations p^riodiques. Poincar^ forme les Equations

( 1 8 ) Xi = -+- A.'r/, yi = wt -h y\ ~h A^/,

dans lesquelles les xf , w/, ^., 73^. sont des variables nouvelles, tandis que les yl sont encore regard^s cornme des paramtoes constants.

fividemment, en introduisant dans F les fonctions (18) F ne d^pendra pas des wi en vertu de Tint6grale des forces vives.

Toutefois, Poincar<5 ne conserve pas les x\ comme variables. En partant des ddveloppements (17), il forme cerlaines fonctions W, ind^pendantes des PP/, d^veloppables suivant les puissances de p, des ^ et des r\\, dependant d'une maniere quelconque des x\ et se r^duisant a x\ pour /JL = o. II determine ces fonctions de sorte que, apres avoir introduit dans (18) les x\ exprim^s comme fonctions des W*, des ^ et des 73^, 1'expression

devienne une diff^rentielle exacte. La transformation est alors canonique. Comme F ne depend pas des wt, les W/ sont des constantes, et les Equations

288 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

difTerentielles deviennent

Wf = const.,

(19)

dt clr",1 dt d*l

Les Equations de la seconde ligne sonL les Equations completes des m^galit^s se"culaires. Poincar6 montre qu'on peut j satisfaire en developpant les ££ et rj£ suivant les puissances des quantite's

(20) p/t <rHffiM-5*> v^,

les p/f et s/c e"tant des constanles d'int^gration. Les cr/. sont d^veloppables saivant les puissance de /u, et des p| et sont divisibles par p. D'ailleurs Fun des ak est identiquement nul en vertu des integrates des aires.

Ayant determine ces d^veloppements pour ^ et YJ^, on obtient les wi par les Equations de la troisieme ligne des formules (19). En d6signantpar Hi certaines quantite's constantes, de"velopp^es suivant les puissances de p. et des p|, les Wi nit seront d6velopp6s suivant les puissances des quantite's (20).

Ainsi se trouvent de'termine's les #°5 w/, %°k et vj^. qui entrent dans les formules definitives (18).

7. Series de M. Bohlin.

Uapplicalion de la me'thode de M. Lindstedt aux Equations (i), ou F0 depend de tous les x±, . . ., xn, suppose qu'il n'existe pas de relation a coefficients

entiers entre les quantite's nf = ^~~o°' En effet, dans les integrations succes- sives auxquelles conduit cette methode, on voit apparaitre des diviseurs de la forme ^.min^ les mi e"tant des nombres entiers. M^me dans le cas ou un divi-

seur est de 1'ordre de ^Jt, les series de M. Lindstedt deviennent illusoires, puisque pour certaines suites de termes (termes de m6me classe] les de*nomi- nateurs sont du m^me ordre de grandeur que les nume'rateurs correspondants.

On ne diminue pas la g6ne*ralite en supposant que ,le petit diviseur soit ;zj, de sorte que mi= i, m^ == o, . . . , mn= o.

Pour eviter les difficult6s des petits diviseurs, une nouvelle m^thode d'inte"-

I/CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 289

gration fut imaginee par M. Bolilin (l). II part de 1' Equation aux de'rive'es par- tielles de Jacobi,

11 s'agit d'inte'grer cetLe equation en developpant la fonction inconnue S suivant les puissances de \//j.. D'ailleurs les de'rive'es de S doivent e"tre pe'riodiques par rapport aux y. M. Bohlin ne Iraite que le cas ordinaire, ou le de"veloppement de ji renferme un terme proportionnel aii temps. II exclutle cas de la libration ou la fonction contient seulement des termes pe'riodiques.

Imme'diatement apres, et d'une maniere inde'pendante, la nouvelle me'thode d'inte'gration fut dgcouverte aussi par Poincare" [183; 279; chap. XIX, XX] (2). Gelui-ci a trait6 aussi le cas si important de la libration.

Dans le cas ordinaire, les fonctions S/,- qui apparaissent dans le de>eloppement

sont iSnies pour toutes les valeurs r^elles de y±, . . . , yn. L'application de la m6thode d' integration de Jacobi est alors facile. La forme de la solution devient

Pour k > o, les %f et les y^ sont des fonclions pe'riodiques do n arguments Wi, . . ., Wn Iin6aires par rapport au temps. Les xl sont des constantes; les y" wi sont des fonctions p<5riodiques de 1'argument w\. Le coefficient de t dans cet argument est de 1'ordre de \,/^.

Dans le cas de la libration, les difficult^ sont plus graves. Alors, la fonction Si devient imaginaire a moins que 1'argument y^ soit compris entre certaines limites. Quand ces limites sont atteintes, les fonctions S3, S4. ... peuvent devenir infinies. La m^thode d'int^gration de Jacobi doit done 6tre aban- donn6e.

Au moyen d'une fonction S satisfaisant a liquation de Jacobi a des termes

de Fordre (\/V)3 pr^s, Poincar6 forme une transformation canonique par

(!) Bihang till K. Svenska Vet. Akad. HandL Bd 14, Afd. I, 5, 1888.

(2) [183] : OEuvres t. VII, p. 262-479; [279, chap. XIX, XX], Les methodes nouvelles de la mecanique c&leste, t. 2, p. 3i5 et 3gg.

H. P. XI. 37

2go L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

laquelle les Equations differentielles (r) sont ramenees a un autre syst^mo canonique d'uiie forme analogue mais plus specialc. La solution cherchee de ce nouveau sysl^me peut etre obtenue par la methode de M. Lindstedt.

Dans ce cas de la libration, la forme de la solution des Equations (i) reste a peu pr&s la m6me que dans le cas ordinaire. SeulementyJ,/!j w>2, •->/)! Wu seront des fonctions periodiques de 1'argument wi, dont le coefficient de t est

de 1'ordre de y /JL.

Poincare apporte aussi la plus graude attention au cas limite par lequel se fait le passage du cas ordinaire au cas de la libration. Ce cas limite correspond a une certaine relation entre les conslantes d 'integration. Les divers termes du developpement de la fonction S, qui satisfait a liquation auxderivees parlielles de Jacobi, sont alors finis pour toutes les valeurs des yi, . . . ,//i. Us sontperio- diques de periode 4^ par rapport a y\_ et de periode 2?r par rapport aux

y*i ••?/«•

L'application de la methode d'integration de Jacobi au cas limite montre que les variables x^ #/-, y\-, y/f tv/; sont alors developpables en series ordonn^es suivant les puissances de \//JE. et des cosinus et sinus des mul- tiples de ppa, ^:j? . - - , wn et dont les coefficienls sont des fonctions uniformes de Wi ; ces fonctions uniformes sont developpables suivant les puissances de ea"'S si Wi est n(5gatif et suffisamment grand, et suivant celles de e~afri, si cri est suffisamment grand (a dtant une constante). On voit ainsi apparaitre les puissances d'une exponentielle comme dans les solutions asymptotiques. Et en effet, pour n = 2, les series dont il s'agit coincident avec les d^veloppements

semi-convergents des solutions asymptotiques suivant les puissances de y/p.. En ordonnant suivant les puissances de Pexponentielle seule (en r^unissant en un seul tous les termes qui contiennent une m6me puissance de 1'exponentielle mais des puissances diflferentes de yfv? eHes deviennent convergentes.

Pour n^>2j les solutions formelles dont il s'agit doivent &tre consid6r^es comme une generalisation des solutions asymptotiques. Elles se rapprochent pour t = +00 ou pour t = oo de certaines solutions renfermant n i argu- ments qui forment une generalisation des solutions periodiques ins tables.

Poincare a essaye d'etendre la methode de M. Bohlin au cas d'exception ou F0 ne depend pas de toutes les variables #l7 . . . , xtl [279, chap. XXI] (1). Le pro-

(J) [279, chap. XXI], Les m&thodes nouvelles de la mecanique celeste^ t. 2, p. 422.

L'OEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 291

bleme g&i&ral dn mouvoment des planetes rentre dans ce cas. Poincar6 forme alors aussi la fonction S de Jacobi, en la deVeloppant suivant les puissances de yp. et suivant les multiples des variables y\., . . ., yn. Toutefois, dans ce cas, les Equations auxquelles conduit la me"thode d 'integration de Jacobi ne peuvenl plus se re"soudre par le proc(jde~ employe auparavant, c'est-a-dire par le the'oreme de Cauchj sur le de"veloppement des fonctions implicites. Les relations entre les variables #,-, yi et les arguments fp/ sont beaucoup plus complique'es que dans le cas ou F depend de tous les x(. Les requitals obtenus par Poincare" dans le cas important d'exception dont il s'agit sont considers par lui-m^me comme bien incomplets, de sorte que de nouvelles Etudes deviendront ne"cessaires.

Apres quelques anne~es, Poincar6 est revenu sur la me"thode de M. Bohlin en supposant encore que F0 depend de toutes les variables x^ . . . , xtl [280, chap. XXV] (1).

II reprend d'abord le cas deja trait£ ou il n'y a qu'une sealc relation Iin6aire

a coefficients entiers entre les nl ~j~$' Rappelons que les xi et lesy/ W{ sont alors de"veloppables en series trigonom^triques de n i arguments (V2, ...,(p/2. Quant aux coefficients de ces series, Poincar^ les avail d6ve- lopp(5es auparavant en series trigonom^triques d'un argument r^el (P4. Main- tenant, il montre que, pour les solutions voisines du cas limite, ces coefficients peuvent se de>elopper suivant les puissances de deux quantite"s Key-L et A'e~~aS ou a est reel et d(5veloppable suivant les puissances du produit (AA;). De cette maniere, c'est la p^riode imaginaire des coefficients qui vient en apparence et non plus la p6riode r^elle comme auparavant.

Ensuite, Poincar6 g6n<5ralise la m^thode de M. Bohlin en supposant qu'il y a A' relations a coefficients entiers entre les /i4°. II monlre que les xi et y-L sont alors d^veloppables suivant les multiples de n k arguments rapidement variables WK+I, . . . , tpn et suivant les puissances de yp. et de zk quantity's Atea»'s k\er"^ ..., A/, e*t',

conjugu^es deux a deux. Les A et A' sont des constantes arbitraires d'inte~gra- tion; les exposants a qui sont de 1'ordre de y^, peuvent se de~velopper suivant les puissances de yfc et des (AiA'J, . . ., (A/,A^). Dans le cas particulier ou k = n i, onretrouve les solutions asymptotiques en annulant tous les A ou tous les A'.

(J) [280, chap. XXV], Les methodes nowelles de la mecanique celeste, t. 3, p. 88.

2(yj L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARl

On voit ainsi que les solutions g6n6rales qui existent an voisinage d'une solution p<3riodique (veritable ou ge'ne'ralise'e avec plusieurs arguments) ne sont autre chose que des series de M. Bohlin.

8. Divergence des series de MM. Lindstedt et

On pourrait 6tre tente" de croire que les d^veloppements trigonomcHriques g6n£raux dont nous avons parle donnent la solution rigoureuse et complete des Equations de la Dynamique qui peuveut se mettre sous la forme (i). Poincare' a brise* ces esp($rances et montre" que les series en question ne peuvent pas 6tre uniform^ment convergenles par rapport aux quantite's arbitraires qu'elles ren- ferment [183; 279, chap. XIII, XIX] (*).

L'^tude de la convergence des series (i5) se subdivise. II faut d'abord exa- miner la convergence des d^veloppements pour x\ et yf et ensuite la conver- gence des se'ries totales pour xi ety^.

Les quantit6s #* et jf ont la forme de se'ries trigonometriques des arguments Wi, ...,<:vAl. Certains coefficients de ces series sont agrandis en vertu des

diviseurs ^ rtijiil .

Dans 1'^tude de la convergence de ces series, Poincar6 s'appuie sur un the'o- r^ine d^montre' auparavant par lui et d'apres lequel la somme d'une s^rietrigo- nome'trique ne peut constamment rester iiife'rieure a la moiti^ d'un quelconque de ses coefficients [31; 93] (-).

Ensuile, ^tant donn^es certaines valeurs de n\, . . . , TZ°, il montre d'une part qu'on peut toujours trouver, dans tout voisinage de ces valeurs, d'autres valeurs n\, . . . , TI° telles que les valeurs absolues des coefficients dans les ddveloppe- ments de xkL etjxf ne soient pas limit^es. Alors, ces d^veloppements ne sont pas uniform^ment convergents pour toutes les valeurs r^elles du temps. Mais Poincare' d^montre aussi d'autre part que, dans tout voisinage de ces monies valeurs n\, . . ., T^, il existe d'autres valeurs n\, . . ., T&° pour lesquelles les se'ries convergent uniform^ment par rapport au temp's.

Gela 6tant, les series donnant x\ et y\ ne peuvent pas converger uniforme'~

(J) [183] QEwreS) t. VII, p. 262-479; [279, chap, XIII], Les methodes nouvelles de la meca- nique celeste, t. 2, p. 96; chap. XIX, t. 2, p. 3i5. (2) [31] : OEuvres, t, IV, p. 585-587; [93] : QEuvre*, t. IV, p. 591-698,

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 298

ment pour toutes les valeurs du temps et pour toutes les valeurs des x? dans un domaine aussi petit que Ton veut.

Pour e>iter cette difficult^, Poincar£ fait la remarque qu'on peut grouper les terines du deVeloppement de la fonction caracte>istique F des Equations (i) suivant les puissances de p, de sorte que les de'veloppements pour #f et yf ne renferment qu'un nombre limite de termes. II suffitalors d'examiner la conver- gence des de'veloppements totaux ( 1 5 ) pour x-L et jy.

Pomcare" de"montre d'abord que ces se'ries ne peuvent pas converger unifor- me'ment pour toutes les valeurs re'elles des w;. pour les valeurs suffisamment petites de p. et pour les valeurs des comprises dans certains intervalles aussi petits que Ton veut. En effet, s'il y avait convergence, on pourrait re'soudre les Equations (i5) par rapport aux x\ et WL. On trouverait ainsi n inte'grales uni- formes, pe'riodiques par rapport auxy/. Mais il y a plus. On pourrait choisir p. et les x\ de sorte que la condition ( i5) soit pe"riodique. Enderivantpar rapport aux x\ et par rapport aux parametres additifs qui se trouvent dans les wn on obtiendrait un systeme cornplet de solutions des Equations aux variations. Ces solutions seraient ou bien pe'riodiques ou bien line'aires par rapport a t avec des coefficients pe'riodiques. Ainsi tons les exposants caracte'ristiques de la solution p^riodique (i5) seraient nuls. Enge'ne'ral, il n'en est pas ainsi. Done les se'ries (i5) ne convergent pas uniforme'ment par rapport aux quantite"s p, wt et x*t.

Enfin, Poincar^ se demande si les series (i5) peuvent converger uniforme'- ment pour toutes les valeurs re'elles des wi et pour les valeurs suffisamment petites de ^, les x\ 6tant cnoisis convenablement. Les raisonnements qu'il fait ne lui permettent pas d'affirmer que ce fait ne se pre'sentera pas. Toutefois, pour certaines raisons, Poincare' regarde cette convergence comme fort invrai- semblable.

D'une mani^re analogue, Poincare' de'montre que les series de M. Bohlin sont divergentes au m£me titre que celles de M. Lindstedt. En efiet, si les se'ries e"taient convergentes, on obtiendrait, en re"solvant les formules de Jacobi, n inte'grales uniformes par rapport aux x et y et p6riodiques par rapport auxy, ce qui est impossible.

II n'est pas difficile de comprendre pourquoi les se'ries dont il s'agit sont divergentes. Pour les se'ries de M. Lindstedt, la divergence depend des petits diviseurs s'introduisant par les integrations ; hpour les se'ries de M. Bohlin au

2g4 L/CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

contraire, elle r&ulte des grands muliiplicateurs qui apparaissent en vertu des differentiations successives.

Toutefois, la divergence n'emp6che pas que ces series nepuissentrendre des services considerables d'une part dans 1'etude qualitative des orbites et d'autro part quand il s'agit du calcul pratique des perturbations. En general, les astro- nomes ne se sont pas occupes de la question de la convergence; ils ont forme des series satisfaisant formellement aux Equations du mouvemeni; ils ont constate que les premiers termes de ces series diminuent plus an mo ins rapi- dement et que la theorie est en general d'accord avec les observations.

C'est Poincare qui le premier a explique d'une manifcre satisfaisante cet accord. II a montre [279, chap. VIII] (L) que les series qui satisfont formelle- ment a un syst^me d'equations differendelles sont semi-convergentes etqu'elles representent asjmptotiquement la solution cherchee pour un certain temps limite. Pendant ce temps, les series de la Mecanique celeste jouissent done des in£mes proprietes que la serie de Stirling. Appelons par example Xf et Yf les sommes qu'on obtient en negligeant dans les developpements ( 1 5 ) et dans leurs arguments wt tous les termes en i*P+i, i*f}+z, . . . On aura

lim

u—.o

•J.P

= o? lim

Puisque p est donne, Tapproximation est limitee. D'ailleurs, 1'approximation diminue quand Pintervalle du temps augmente. Toutefois, etant donnees les petites valeurs des masses des plan&tes, les developpements nouveaux de la Mecanique celeste representeront probablement le mouvement des corps celestes avec une tr£s grande approximation pendant des iiitervalles de temps extr£- mement longs.

9. Invariants integraux,

Pour arriver k certains resultats delicats, dans ses recherches sur les equa- tions de la Djnamique. Poincare s'est appuye souvent sur une notion nouvelle creee par lui, celle des invariants integraux [183; 280, chap. XXII, XXIII] (2).

C1) [279, chap. VIII], Les m&thodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 2, p. i. (2) [183], CEuvres, t. VII, p. 262-479; [280, chap. XXII, XXIII], Les mtthodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 3, p. i et t. 3, p. 40.

L'GEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. Rappeloiis par quelques mots leur definition. Soit

dxx c^l _ clx>i _ //

*' v ' * * v ?

*'

A

un syst&me d'equations diflferentlelles. Soit #J, . . . , x*n un point quelconque d'un domaine D(o) a Jc dimensions. Les valeurs initiales x\, ..., x*n pour t o defmissent une certaine solution des equations (21). Soit dans cette solution x\, . . ., xn les valeurs des variables pour la valeur t de la variable independante. Quand le point #',', . . . , x*n parcourt le domaine D(o), le point a?i, . . . , xn parcourt un domaine D(t) appele le consequent de D(o). Conside-

rons une integrate

r

J lj •; !?•••> ll)->

F etant une fonction homog&ne de degre A* par rapport aux differentielles. Si la valeur de I etendue sur le domaine D(£) est independante de t, Poincare dit que I est un invariant integral d'ordre A* du system e (21).

Comme exemple, citons le volume constant d'une partie determinee d'un fluide incompressible dont le mouvement est permanent.

Soit d'une manure plus generale M le dernier multiplicateur du systSme (21). Poincare demontre que

I = / M dx\ . . .djs,n

est un invariant integral.

Dans le cas des equations de la Dynamique, on peut former un certain nombre d'invariants integraux tr6s importants. Soit #/, yi (i~ i , 2, . . . , n) les variables conjuguees. En partant des proprietes des equations aux variations, Poincare demontre que

/^K^

Il=J i^'^"

i h —J ^ dxt dyt dxk dyk,

(22)

ln = /

n dyn

sont des invariants integraux, Le dernier peut &tre obtenu aussi par le dernier multiplicateur qui est ici 3gal a I'unit6. Dans ses recherches sur les solutions periodiques du deuxi^me genre, sur les solutions doublement asymptotiques et

296 I/GEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE,

sur la stability du mouvernent, Poincare a tire' un grand parti des invariants

Ii etl*.

Soit X[ et y\ les projections des rayons vecteurs et des quantites de mouve- ment d'un syst^me de points mat6riels. En supposant que la fonctioii des forces est homogene de degre p par rapport aux#, Poincare' de'montre que 1'exprcssion

1=1 ^ (2 xl dyL pyi dxi )

i

est une fonction line'aire du temps.

En partant de ce th^or^me, Poincare' de"duitcertaines formules de verification [149; 280, chap. XXIV] (*) auxquelles doivent salisfaire les series ge'ne'rales qui satisfont formellement anx Equations diff6rentielles de la Me'canique celeste, series dont nous avons parl£ dans les trois nume'ros pre'ce'dents. Ces proce'de's de controle ont une grande importance pratique, vules calculs longs et difficiles qui sont n^cessaires pour de'duire les series en question.

10. Solutions periodiques du deuxieme genre.

Les solutions pe'riodiques dependent en ge'ne'ral d'un certain nombre de parametres. Dans plusieurs probl^mes de la Me'canique ce'leste, la quantit6 JJL, qui estde 1'ordre des forces perturbantes, est un de ccs parametres. Rappelons que dans le probleme des trois corps les solutions pe'riodiques de la premiere, de la seconde et de la troisieme sorte renferment encore un parametre essentiel.

Cela e'tant, Poincare' considere un systeme d?6quations diffe'rentielles ayant une solution pe'riodique P qui de'pend d'un parametre A et dont la pe'riode est T. De'signons par P0 et T0 la solution pe'riodique et sa pe'riode pour A = o. Poincar6 se demande si les Equations admettent d'autres solutions pe'riodiques dont la pe'riode, pour de petites valeurs de X, est a peu pres un multiple /?T0 de To, et lesquelles se confondent avec la solution pe'riodique P0 pour i = o. Ces solutions, si elles existent, s'appelleront solutions periodiques du deuxieme genre [183; 280, chap. XXVIII] (2).

C1) [149], OEuvres, t. VII, p. 555-557; [280, chap. XXIV], Les mtthodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 3, p. 4°-

(2) [183], CEwres, t. VII, p. 262-479; [280, chap. XXVIII], Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 3, p. aor.

L'OEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 297

Pour qu'une solution au voisinage de P0 ait la p^riode />(ToH-?), il faut et il suffit que r et les valeurs initiales des variables satisfassent a certaines Equa- tions de condition. En forrnant ces equations et en partant aussi de liquation qui donne les exposants caracte"ristiques de P0 conside're'e cornme une solution p6riodique avec la pdriode />T0, Poincare* arrive au r^sultat suivant : pour qu'il existe des solutions pe'riodiques da deuxierne genre, il faut que pour A = o 1'un des exposants caracteristiques de P0, qui n'est pas identiquement nul, soil un

multiple de 2 n v ~~ l ( soil <*i = 9' i;")r~'1 , k et p e"tant des entiers ) -

P *~u \ p LO * /

CetLe condition n'est pas suffisante en ge'ne'ral, puisque les nouvelles solutions* peuvent ne pas &tre reelles. Mais Poincare d<3montre que la condition e'nonce'e est aussi suffisante pour 1'existence de solutions p^riodiques du deuxi£me genre, quand il s'agit des Equations de la Dynamique.

Pour la demonstration, Poincare part de 1'invariant integral Ii des formules (22). En designant par £/ et m les valeurs de xt et y-t pour t o et par X,- et Yj les valeurs de x-L et yi pour t —pT on aura

Fint^grale double 6tant (5tendue a une aire quelconque A. En remplagant Finte'- grale double par une int^grale simple ^tendue au contour de 1'aire A, Poincare' trouve que 1'expression

est une difFe'rentielle exacte.

Sp est une fonction holomorphe des £/, des 73 / et de T au vcisinage des valeurs £°, 73°, To, en designant par^, rjz°, les valeurs initiales qui correspondent a la solution p6riodique Po- Poincare" de'montre que S^ est aussi holomorphe par rapport aux variables X/ + ^, YZ-J- 73; et T.

On peut regarder T comme le param&tre qui caract^rise la solution p6rio- dique. Les conditions de pe'riodicite' qui s'^crivent

(23) X/-?/=o,

prennent la forme

dS

H. P. XI. 38

2gS L'QEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE

ou bien

Ces Equations sont salisfailes par les valeurs $1= £/, Y)/= vi/ (fonctions de T) qui correspondent a la solution pe"riodique P de pgriode T. Poincare pose £,- = H,--f- £- , YI/ = yj/-f- '/)) . S,, devient une fonction des tt et des rjj qui est station- naire quand les £| et les ^ s'annulent, T 6tanl quelconque. Les lermes da second ordre par rapport aux E- et -fy peuvent se mettre sous la forme d'une somme de Carre's de fonctions line'aires et homogenes par rapport aux % et r\i . En d6veloppant les formules, Poincare' de'montre que les coefficients de deux de

ces Carre's, ajant le m£me signe, renferment le facteur sin~~F=? lequel s'annule en changeant son signe quand T passe par T0. Les coefficients des autres Carre's ne s'annulent pas alors.

En partant de cette proprie'te' de la fonction Sp, Poincare' de'montre que les equations (a4)resP* (23) possedent encore des solutions reelles difFe'rentes de £/ = £,-, vjf= Tji et qui coincident avec cette solution pour T T0. Ces nouvelles solutions donnent les valeurs initiates des solutions pe'riodiques du deuxieme genre.

Les re"sultats subsistent aussi dans le cas ou la fonction caracte'ristique F des Equations diffe'rentielles est p(5riodique par rapport aux j^ de p^riode 27: et si, dans la solution pe'riodique, les y°i augmentent de 2 W/TT au bout de lape"riode T (mi 6tant entier). On n'aura qu'a remplacer Y/ par Y, zmipn dans les raisonnements.

Poincar6 a fait une 6 tude plus de'taille'e des solutions pe'riodiques du deuxieme genre dans le cas relativement simple ou il n'y a que deux degr^s de liberty (renfermant comme cas special le probleme restraint des trois corps). II montre alors comment on peut former effectivement ces solutions [280, chap. XXX] (1). Les de'veloppements, auxquels il arrive, precedent suivant les puissances de y/X. Quand p > 45 on aura deux solutions pe'riodiques du deuxieme genre essentielle- ment diffe'rentes, qui se confondent pour A = o avec la solution p^riodique du premier genre, et qui sont replies toutes les deux ou bien pour X> o ou bien pour A < o. L'une de ces solutions pe'riodiques du deuxieme genre est stable, Fautre instable. Quand p = 2, 3 ou 4, les choses se compliquent et plusieurs hypotheses sont possibles.

t1) [280, chap. XXX], Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 3, p. 294.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 299

Dans le cas des Equations (i), on aura des solutions pe'riodiques du premier genre dans lesquelles les variables j/augmentent de multiples de arrau bout de la pe'riode. Les exposants caracte"ristiques sont de'veloppables suivant les puis- sances de y/fj. et sont divisibles par y/p.. Pour les solutions pe'riodiques du deuxieme genre qui j correspondent, le nombre p est done ne'cessairement considerable et la pe'riode tres longue.

Supposons deux degre's de liberte'. Admettons que pour ^ = p.Q Tun des exposants caracteristiques de la solution pe'riodique du premier genre soit un

multiple de —4p En admettant que p.0 ne soit pas trop grand, Poincare'

de'montre que c'est pour u > p.0 qu'exislentalors les deux solutions pe'riodiques du deuxieme genre .

Le probleme restreint des trois corps rentre dans ce cas, et alors ce sont les solutions pe'riodiques de la deuxieme sorte qu'il faut regard er comme du premier genre.

Mais le probleme restreint possede aussi des solutions periodiques de la pre- miere sorte. Si la masse ^ est petite, les deux exposants caract^ristiques qui ne

sont pas identiquement nuls sont voisins de ± * *~ ? T 6tant la pe'riode. On

peut regarder /JL comme conslante, tandis que la constante G de Finte'grale de Jacobi joue le role du parametre A. En admettant que la masse de la planete

perturbante (Jupiter) soit— 3 la masse du Soleil e'tant choisie comme unite, G. H. Darwin (4) a calcule' par quadratures m6caniques les solutions pe'riodiques de la premiere sorte pour diverses valeurs de G. Pour une certaine valeur Co (correspondant a un moyen mouvement de Faste'roide un peu plus grand que trois fois celui de Jupiter), Darwin trouve que Fexposant caracte"ristique passe

par la valeur ^~ (T0 e'tant la pe'riode qui correspond a Go). Pour les valeurs

de C un peu plus grandes que C0 (T < T0), Fexposant caracte'ristique est pure- ment imaginaire, et Forbite p^riodique stable; au contraire, quand C est un peu plus petit que Co, 1'exposant caract6ristique est complexe, etl'orbite pe'rio- dique est instable,

Poincare" a repris la question [280, nos 381-384] (3) par la voie analytique en ne"gligeant, pour abre'ger, tous les termes de courte pe'riode dans le de'veloppe-

(1) Ada Math., t. 21, 1897.

(2) [280, nos 381-384], Les mithodes de la m6canique celeste, t. 3, p. 352-36i.

3oO I/CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

ment de la fonclion perturbatrice. Les Equations du mouvemcnt peuvent alors £tre complement integr^es. Poincar<5 arrive aux conclusions suivantes : pour deux valeurs Co et Ci(G0> Ci), correspondant a des moyens mouvements un peu plus grands et un pen plus petits que le triple du moyen mouvement de Jupiter, la solution p^riodique de la premiere sorte change sa stability. Si G est un peu plus grand que C0, la solution p6riodique de la premiere sorte (consid£r6e comme du premier genre) est stable. Quand G passe par C0, cette solution devient instable. En m£me temps, deux solutions p^riodiques stables et du deuxi&me genre apparaissent qui n'existaient pas pour C >> Co. Elles coincident pour C C0 avec la solution p^riodique de la premi&re sorte. La periode de ces deux solutions (qui ne sont pas essentiellement difF^rentes 1'une de 1'autre) est d'abord deux fois celle de la solution p^riodique du premier genre. Entre Co et Ci, la solution p^riodique de la premiere sorte reste instable. Quand C passe par Cu cette solution redevient stable. En m&me temps appa- raissent deux solutions p^riodiques (pas essentiellement distinctes) instables et du deuxikme genre, coi'ncidant pour C = Ci avec la solution p^riodique dela premiere sorte et n'existant que pour G < Gt- Leur p^riode est d'abord deux fois celle de la solution p6riodique de la premiere sorte. Poincar6 fait la remarque que les solutions p^riodiques du deuxi&me genre qui apparaissent ainsi quand C passe par C0 et d ne sont autre chose que les solutions appel^es auparavant solutions p^riodiques de la seconde sorte.

Poincar6 n'a pas ^tudi6 d'une rnaniere g^n^rale la stabilit6 des solutions p&riodiques de la premiere sorte dans le probl^me des trois corps. II me semble qu'une telle 6tude pourrait nous donner des renseignements importants sur les limites entre lesquelles peuvent exister des orbites g^n^rales a peu pr^s circu- laires. Peut-6tre serait-il possible d'expliquer ainsi les lacunes fameuses dans Fanneau des ast6roides.

11. Nouvelles generalites sur les solutions periodiques.

Quand il s'agit de d^montrer 1' existence de certaines solutions dans un pro- bl&me dynamique, il est souvent utile d'appliquer les principes du calcul des variations. En effet, a cheque s.jsl6me dynamique correspond une int^grale, nomm^e V action maupertuisienne, dont la variation est nulle quand 1'int^- gration s'efFectue le long d'une orbite du systSme, Pour que Faction soit effec-

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3oi

tivement minima en suivant une orbite S entre deux points M0 et M4, il faut et il suffit qu'il n'y ait aucun foyer de M0 entre M0 et M4. Rappelons que le foyer de M0 est un point M'0 sur 1'orbite S tel qu'il y ait des orbites qui se rapprochent de M0 et de M'0 a des distances infiniment petites du second ordre.

Poincar6 applique la the'orie des foyers aux solutions pe'riodiques des Equa- tions de la Dynamique ayant deux degres de liberty [280, chap. XXIX] (*). II montre que cbaque point d'une orbite pe'riodique stable possede un foyer. Au contraire, les orbites pe'riodiques instables peuvent se re"partir en deux cate- gories. Sur une orbite pe'riodique de la premiere cate'gorie aucun point n'a de foyer. Une orbite pe'riodique de la seconde cate'gorie se partage en un nombre pair d'arcs. Chacun des points de 1'un des arcs aura son premier foyer sur Fare suivant.

Cela e"tant, Poincare" de'montre la proposition : Pour qu'une courbe fermee corresponde a une action rnoindre que toutes les courbes fermees infiniment voisines, il faut et il suffit que cette courbe fennee corresponde a une solu- tion periodique instable de la premiere categorie.

En partant du principe de moindre action, Poincar£ de'montre encore une fois 1'existence des solutions pe'riodiques du deuxieme genre, en supposant qu'il y a deux degre's de Iibert6 et qu'il s'agit du mouvement absolu [280, nos 371-376] (1). Soit P une orbite pe'riodique stable renfermant un parametre ).. Soit T la pe'riode et admettons que pour A = o 1'exposant caracte"rislique a ait

la valeur a r^: ? *"'" ^~~l , k et p 6tant des entiers (p > 4). Poincare'

d'abord que, sur 1'orbite pe'riodique qui correspond a Az^ro, chaque point coincide avec son 2A>-i6me foyer et qu'on arrive a ce foyer apres avoir fait/? fois le tour de Forbite P. Puis il de'montre que, X extant a peu pros ze'ro et situ6 d'un certain cote' de z^ro, il est possible de dresser par chaque point M de Forbite pe'riodique deux autres orbites qui se recoupent en ce m&rne point apres avoir fait/> fois le tour de Forbite P et en la coupant 2/c fois. A chaque point de P correspondent ainsi deux boucles. En faisant la m6me construction pour tous les points M de P, on obtiendra deux series de boucles. L'action calcule'e le long d'une de ces boucles variera avec la position du point Mj pour chaque se"rie elle aura au moms un maximum et un minimum. Poincare' de'montre que, si Faction est ainsi maxima ou minima, les deux tangentes de la boucle au

(*) [280], Les met/lodes nouvelles de la mccanique celeste, chap. XXIX, t. 3, p. 2^9; nos 371-376, t. 3, p. 33i-343.

3 02 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

point M coincident de sorte que la boucle est une solution p&riodique. On obtiendra ainsi ^k solutions pgriodiques mais dont seulement deux sont essentiellement diff^rentes. L'une correspond au maximum, 1'autreau minimum de Faction. Les solutions ainsi troupes sont gvidemment les solutions p6rio- diques du deuxi£me genre.

La demonstration ne s'etend au cas du mouvement relatif que si 1'action reste positive tout le long de P, ce qui n'arrive pas toujours.

Poincar6 a consacre [361] (x) ses derniers efforts a la demonstration d'un theor&me de Geometric qui lui permettrait d'etendre considerablement nos connaissances sur les solutions p^riodiques des probl&mes de la Dynamique ajant deux degnSs de liberUS. Le th^orSme dont il s'agit fut demontr^ quelques mois aprtjs la mort de Poincare par M. G. D. Birkhoff (2). En voici I'6nonc6 :

Regardons une couronne Iimit6e par deux circonferences concentriques. Supposons qu'une transformation ponctuelle biunivoque transforme la cou- ronne en elle-m&me, de sorte que les deux circonferences tournent en sens contraires. Admettons de plus que la transformation conserve les aires ou, plus g6neraiement, qu'elle admet un invariant integral positif, c'est-a-dire qu'il existe une fonction positive /(#, y) telle qu'on ait

les deux integrates etant etendues a une aire quelconque et a sa transform^e. Alors, il existera toujours a 1'interieur de la couronne deux points qui ne seront pas alters par la transformation.

Poincare applique [361] (£) ce theor£me, de 1'exactitude duquel il 6lait convaincu, aux probl^mes de Dynamique ayant deux degr6s de liber te et en particulier au probl&me restreint des trois corps. Rappelons bri^vement en quoi consiste ce probl&me : Un corps A, dont la masse est infiniment petite, est attir^e par deux corps S (Soleil) et J (Jupiter), qui se meuvent en cercles concentriques. Le mouvement de A a lieu dans le plan de ces cercles. Le pro- bl&me restreint admet une integrate premiere, appelee 1'integrale de Jacobi. II est bien connu par les travaux de MM. Hill et Bohlin que, pour des valeurs grandes de la constante de Tint^grale de Jacobi, le mouvement de A est limits par une certaine courbe ferm^e, sur laquelle la vitesse relative de A est nulle.

(0 [361], CEuvres, t. VI, p. 499-538.

(2) Trans. Amer. Math. Soc., vol. 14, 1, 1912.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3o3

Si la constante de Jacobi est assez grande, 11 y a trois courbes limiles fermees, la premiere entourant le corps S, la seconde le corps J et la troisiSme Finfini.

Poincare admet que la force vive dans le mouvement relatif ait une valeur determine et si grande que la courbe limile entourant S existe; il admet aussi que le corps A se trouve a Forigine du temps a Finterieur de cette courbe. Cela etant, en admettant qu'il existe une solution periodique stable, Poincare montre qu:il y a necessairement une infinite de solutioiis periodiques (ce qui n'etait demontre auparavant que pour de petites valeurs du rapport des masses de J et de S). Rappelons en peu de mots les principes de la demons- tration.

Etant donn£ Fintegrale de Jacobi, qui donne en chaque point la grandeur de la vitesse relative, le mouvement depend seulement de trois elements : les deux coordonnees relatives du point mobile A et la direction de sa vitesse relative. Poincare montre qu'on peut faire correspondre d'une mani&re univoque a chaque element un point de Fespace. A chaque solution correspond ainsi une courbe dans cet espace; et par chacun des points de cet espace passe toujours une courbe et une seule. A chaque solution periodique correspond une courbe fermee et inversement. Soit C0 la courbe fermee qui correspond a la solution periodique stable donnee. Imaginons maintenant une aire D limitee par cette courbe. Poincare suppose que cette aire D est simplement connexe et ne se recoupe pas elle-meane, et de plus qu'elle est sans contact^ c'est-a-dire qu'en aucun point de cette aire line courbe C (correspondant a une solution gene- rale) ne vient toucher la surface courbe dont cette aire fait partie.

Soit alors P un point quelconque de D, et P' le consequent de P c'est-a-dire le point ou la courbe C, qui passe par P, recoupe la procbaine fois Faire D. Poincare demontre que la transformation T qui fait passer d'un point a son consequent est une transformation ponctuelle continue de Faire D en elle- m6me. D'ailleurs, il r^sulte de la th^orie des invariants int^graux [280, chap. XXVII] (A) que la transformation T admet un invariant integral positif.

Soit maintenant ± a \J i les exposants caracteristiques de la solution periodique stable consider6e. Poincar6 demontre qu'on peut assimiler Faire D a Faire d'un cercle, an point de vue de V Analysis Situs, de cette maniere que par la transformation T ce cercle se transforms en Iui-rn6me, la p6ripherie

ayant tourne de Fannie > m etant un certain entier.

J , ° a -h m

C1) [280, chap. XXVII], Les methodes nouvelles de la mec&nique celeste, t. 3, p. 176.

304 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Un theor^me de Kronecker «cnseigne alors qu'il y a, a rinterieur de D, un nombre impair de points inalle're's par la transformation; a cliacun de ces points correspond une solution pe'riodique; une au moins de ces solutions est stable. Soit Po le point correspondant; nous pouvons choisir nos coordonne~es de sorte que ce point corresponde au centre du cercle.

Soit ± (3 Y/ i les exposants caracteristiques de la solution pe'riodique stable qui correspond a la courbe ferme'e G'0 qui passe par P0. Poincare de"montre que, par la transformation T, la region pres du centre du cercle tourne de Tangle 27r(|3 -+- n) autour da centre, n etant un certain entier.

L'aire du cercle peut £tre ccmside're'e comme une couronne dont le rayon inte'rieur est nul. Cela pos6, ftffectuons d'abord la transformation T^3, puis- sance jpifeme de T, et ensuite une seconde transformation qui tourne tout le plan du cercle de Tangle 2^71, q 6Lant un entier quelconque. En combinant ces transformations, les deux circonfe'rences de la couronne tourneront des angles

(25.)

A moins que ((3 -f- n) (a -+ rn) = i , on pourra trouver une infinite de couples de nombres entiers p et q tels que les deux angles (a5) soient de signes contraires. Le th^or^me ge'omtoique de Poincar^-Birkhoff est done applicable.

Comme p et q peuvent prendre une infinite de valeurs, cela nous fait une infinite de solutions pe"riodique s.

En variant les donates du. problome, les solutions periodiques et les exposants caracteristiques clia.ngent. Les solutions p6riodiques qui corres- pondent au couple jt?, q ne peuArent disparaitre qu'en se confondant avec Tune ou 1'autre des deux solutions periodiques qui correspondent aux courbes ferm^es C0 et C' c'est-a-diro si

On retro uve ainsi les solutions pe"riodiques du deuxieme genre.

II reste a dire que, pour depetites valeurs de la masse JJL du corps J, on pent s'arranger de sorte que Co et C;0 correspondent aux deux solutions periodiques de la premiere sorte.

fividemment, ces derni&res; recherches de Fillustre savant ouvrent des perspectives tres 6tendues sur la the"orie g6nerale des solutions periodiques. Poincare dit lui-meme qu'il entrevoit, mais d'une mani^re beaucoup plus

L'OEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3o5

vague, qa'on pourrait se servir de cette me"thode pour montrer que les solutions p<5riodiques sont uberalldicht.

12. Solutions doublement asymptotiques .

Les solutions asymptoliques qui existent au voisinage d'une solution perio- dique instable se partagent en deux families. La premiere famiDe renferine les solutions qui pour t= oo se rapprochent asymptotiquement de la solution pe'riodique; dans la seconde famille au contraire, ce rapprochement asympto- tique a lieu pour £ 4-00. II est facile d'e~tudier les solutions asymptotiques de la premiere famille pour des valeurs tres grandes et negatives de t; mais il est encore impossible de poursuivre cette etude pour des valeurs tres grandes et positives de t. Inversement, l'6tude des solutions asymptotiques de la seconde famille doit 6tre tres complique'e pour des valeurs tres grandes et negatives de t.

L'une des plus belles d^couvertes de Poincare se rattache a la the'orie des solutions asymptotiques. La the'orie des invariants inte'graux, cre'ee dans ce but, lui permet en eflet de de'montrer 1'existence de solutions doublement asymptotiques qui se rapprochent asymptotiquement d'une solution pe'riodique d'une part, pour t = oo et, d'autre part, pour £ = -|-oo [183; 280, chap. XXVII, XXVIII] (<).

Dans 1'^tude de ces solutions, Poincare se borne a un cas tres particulier, celui du probleme restreint des trois corps. II admet que le rapport p. des deux masses attirantes est tres petit. II admet aussi que la constante de Jacobi a une valeur si grande que la courbe limite entourant S existe, et que le corps A se trouve a 1'origine du temps a 1'inte'rieur de cette courbe. Alors le corps A n'en sortira jamais (cf. p. 3o2-3o3).

Les Equations du mouvement peuvent se mettre sous la forme (i) avec deux degre's de liberty. Poincare' d^montre d'abord que 1'on pent d^finir les variables canoniques x±, #2, ^i, J"a de sorte que la variable angulaire y% soit toujours croissante. II y parvient en choisissant les variables de maniere que les solu- tions pe"riodiques de la premiere sorte et a mouvement retrograde prennent une forme particulierement simple.

(x) [183], QEuvres, t. VII, p. 262-479; [280], Les methodes nouvelles de la mecanique celeste^ chap. XXVII, t. 3, p, 176; chap. XXVIII, t. 3, p. 201.

H. P. XL 39

3o6 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Enfin, pour faciliter 1'exposition, Poincar6 fait usage d'un mode de repre"- sentation ge'ome'trique. Par les conditions

o^ri<2~, o^j>-2<2^, F(>15 J?2, yi, rs; = G

se definit une multiplicity a trois dimensions. Entre cette multiplicity et les points X, Y, Z de 1'espace tout entier, Poincare' <5tablit une correspondance ponctuelle biunivoque au moyen des relations

*•*

ou v = A la surface z = const, correspond ainsi un tore autour de 1'axe

des Z. Ce tore se re"duit a 1'axe des Z pour z = o et au cercle Z o, X2 -+- Y- = i pour z = co .

Pour une orbite quelconque, le point repre~sentatif X, Y, Z tourne toujours autour de 1'axe des Z dans le sens direct. A chaque solution p6riodique corres- pond une courbe ferme'e faisant un certain nombre de tours autour de 1'axe des Z.

MQ

Regardons une solution pe"riodique instable de la deuxieme sorte et 1'en- semble des solutions asymptotiques qui y correspondent. Ces solutions engendrent dans Tespace X, Y, Z deux surfaces asymptotiques se coupant suivant la courbe ferme'e qui correspond & la solution peYiodique. Pour JUL = o les solutions asymptotiques deviennent toutes pe"riodiques, les deux surfaces asymptotiques coincident et se re"duisent a 1'un des tores mentionne"s, qui coupe le demi-plan XZ (ou X>o,Y = o) suivant un certain cercle C. Supposons maintenant fx>- o et tres petit. Admettons, pour fixer les id6es, que

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 307

Porbite periodique rencontre le demi-plan XZ en deux points M0 et Mj. Ces points se trouvent a peu prfcs aux deux bouts d'un diam&lre du cercle C. SoitPoMoAo etPiM4Ai deux parties de 1'mtersection de la premiere surface asymptotique avec le demi-plan XZ et QoMoB^ Q^Eo deux parties de Fintersection de la seconde surface asymptotique avec ce m£me demi-plan. Si p est assez petit, les deux courbes M0A0 et MiBo suivent etroitement le cercle C aussi loin que Ton peut admettre que A0 et B0 se trouvent surle mtoe rayon du cercle C. Poincare montre sur un exemple particulier que les deux branches M0A0 et M^Bo ne coincident pas en general. Gela etant, soit et B4 les premiers consequents de A0 et B0, A2 et B3 les premiers consequents de A! et Bi. Poincare montre que les distances A0A2 et B0B2 sont de 1'ordre de ^/jl, tandis que les distances A0B0 et A2B2 sont de 1'ordre infini par rapport a p.

Poincare demontre que les deux arcs A0A2 et B0B2 se coupent ngcessai- rement. S'il en est ainsi, 1'existence d'une solution doublement asymptotique est evidentc.

C'est dans cette demonstration qu'intervient la thuorie des invariants inle- graux. En partant de Pinvarianl integral

/ dtti dj-} do:* dy*

et en introduisant comme variables d'integratioii C, y*>, ^X2 + Y2 et Z, Poincare arrive a un invariant integral positif, ou la fonction a integrer est periodique par rapport a j2. En y mettant successivementy2 = o, 271, 471, . . . et en laissant de cote dC et dy%, il trouve enfin une integrate

1=

jouissant de la propriete suivante. Soit a une courbe fermee quelconque dans le demi-plan XZ. Les orbites qui passent par a- forment une surface tubulaire dont les intersections successives avec le demi-plan XZ sont 0-4 , a2, ... (appelees les consequents de <r). Alors, 1'integrale I, etendue successivement sur les aires limitees par <r, <71? o-2, . . . , aura toujours la m^me valeur. Enfin, en vertu des suppositions faites, la fonction O est fmie et positive dans tout le demi-plan.

Gomme courbe o-, Poincare choisit la courbe fermee MoAoBoMj. AtBtMo. Sa consequente o-4 sera M1AiBiM0A2B2M1. Puisque Fintegrale I aura la m6me valeur pour 1'aire limitee par a- que pour Paire limitee par Gr4, les arcs A0A2 et BoB2 ne peuvent pas £tre situes comme le montre la figure. Car alors Pinte-

3o8 L'GEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

grale I elendue sur 1'aire A0A2B2Bo serait nulle, ce qui n'a pas lieu. Ainsi les arcs A0A2 et B0B2 se coupent ne'cessairement. Par leur point de rencontre passe ^videmment une solution doublement asymptotique.

Poincare' va beaucoup plus loin en de"montrant qu'il existe une infinite de solutions doublement asymptotiques. Pour le faire voir, il choisit A0 sur la solution doublement asymptotique deja trouve"e. Alors A0 et B0 coincident d'une part et A2 et B2 d'autre part. Cela etant, de 1'existence de FinttSgrale I il n'est pas difficile de tirer la consequence qu'il passe en eilel une infinite de solutions doublement asymptotiques entre A0 et A2.

Citons enfin quelques mots dc Poincar^ en ce qui concerne ces solutions :

« Que 1'on cherche a se repr^senter la figure f ornate par ces deux courbes et leurs intersections en nombre infini dont chacune correspond a une solution doublement asymptotique, ces intersections torment une sorte de treillis, de tissu, de r6seau a mailles infiniment serrees; chacune des deux courbes ne doit jamais se recouper elle-m6me, mais elle doit se replier sur clle-m6me d'une maniere tres complexe pour venir recouper une infinite" de fois toutes les mailles du re"seau.

« On sera frappe de la complexity de cette figure, que je ne cherche me"me pas a tracer. Rien n'est plus propre a nous donner une ide"e de la complication du probleme des trois corps et en ge'ne'ral de tous les problemes de Dynamique ou il n'y a pas d'inte" grale uniforme et ou les series de Bohlin sont divergentes. )>

fividemment, en vertu de leur caractere tout a fait special, il est infiniment peu probable qu'une solution asymptotique ou doublement asymptotique se trouve jamais re'alise'e dans la nature. Ne'anmoins 1'importance de ces solutions au point de vue des recherches qualitatives ne peut 6tre estimee trop haut. Prises ensemble avec les solutions pe>iodiques, ces nouvelles solutions de"cou- vertes par Poincare" forment pour ainsi dire le canevas du tissu si encheve'tre' forme' par la totality des orbites ge'ne'rales.

13. Stabilite du mouvement.

La question sur la stability du systeme solaire n'a pas cess£ d'int^resser les astronomes et les g^ometres. Rappelons & cet e"gard les th^oremes c^lebres de Lagrange et de Poisson sur Tinvariabilit^ des grands axes et aussi les travaux

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE, 3ot>

classiques de Lag-range, de Leverrier et de Cell6rier sur le de'veloppement trigonome'trique des perturbations se"culaires des autres 6le"ments. fitant donn£ Pe*tat plutot formel de la science en ce temps-la il n'cst pas 6tonnant que les ge'ometres fussent alors convaincus de la stability du mouvemenl.

Aujourd'hui nous sommes plus sceptiques. II arrive souvent avec le d^velop- pement de la science que les difficulte's paraissent s'augmenter a la lumiere des decou^ertes nouvelles. Par ses travaux admirables sur la convergence des series trigonome'triques [93] (/), sur les solutions periodiques, asymptotiques et doublement asymptotiques, Poincare a dirige ainsi 1'attention sur de nouvelles difficulte's qui embrouillent la question de la stability du mouvement. Voila deja qui est important, car avanl de pouvoir vaincre les difficulte's il faut les connaitre.

Mais Poincare" a e'tudie aussi directement le probleme de la stability du mouvement et est arrive a des d6couvertes tres importantes. C'est encore la the'orie des invariants inte'graux qui lui a servi comme point de depart dans ces recherches [183; 280, chap. XXVI] (*).

Rappelons d'abord la definition precise de la stabilile' donne'e par Poincar^. Pour qu'il y ait stability complete dans le probleme des trois corps, il faut trois conditions :

Qu'aucun des trois corps ne puisse s'eloigner indeTmiment;

Que deux des corps ne puissent se choquer et que la distance de ces deux corps ne puisse descendre au-dessous d'une certaine limite ;

Que le systeme vienne repasser une infinite' de fois aussi pres que Pon veut de sa situation initiale.

Si la troisieme condition est seule remplie, sans qu'on sache si les deux premieres le sont, Poincare" dil qu'il y a seulement stabilite a la Poisson.

Cela 6lant, Poincar^ d6monlre qu'il y a stabilit6 a la Poisson, si le mouve- ment est limite' a un certain domaine et si, de plus, il existe un invariant integral positif et fini dans ce domaine.

Pour de'monlrer ce tb6oreme, il suffit de consid6rer le mouvement permanent d'un fluide incompressible enferm^ dans un vase. Dans ce cas, le volume d'une

H [93], CEuvres, t. IV, p. 591-98-

(-} [183], OEuvres, i. VII, p. 262-479; | W280, cliap. XXVI], Les m&thodes 7iouvelle$ de la meca- nique c&leste, t* 3, p. i4^»

3lO L'OEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

partie quelconque du fluide est invariable pendant le mouvement, c'est-a-dire Fintggrale triple qui mesure ce volume est un invariant integral.

Soit U0 un volume quelconque int^rieur du vase, les molecules liquides qui remplissenL ce volume a 1'inslant z6ro rempliront a 1'instant r un certain volume Ui, a Finstant 27 un certain volume U2, ..., et a 1'instant /zr un certain volume \Jn>

Le volume V du vase etant fini, les volumes U0, Ul5 . . . , (Jn ne peuvent pas lous 6tre ext^rieurs les uns aux autres, si n est assez grand. Si U/ et UA ont une partie commune, il en sera de mteie de U0 eL U/(_/, puisque le mouvement est permanent. On peul done clioisir le nombre a de telle sorle que U0 et Ua aient une pa'rtie commune. Apr&s dcs considerations de cette nature, Poincar^ arrive a la -conclusion, qu'il y a des molecules qui traversent le volume U0 une infinite de fois tant avant qu'apr&s F^poque z£ro, et cela quelque petit que soit ce volume.

D'autre part, en gtin^ral, il y a d'autres molecules qui ne traversent Uo qu'un nombre fini de fois. Poincar<5 monlre que ces dernikres doivent &tre regarddes comme exceptionnelles ou, pour pr^ciser davanlage, que la probability qu'une molecule ne traversera Uo qu'un nombre fini de fois est infiniment petite, si Von admet que celte molecule est a Fint6rieur de U0 a 1'origine du temps.

Enfin, ces rgsultals sont ind^pendants de la definition du mot proba- bilittS.

Les principes mentionnes s'appliquent presque sans modification an probl&me restreint des trois corps. Soit S et J les deux masses attirantes so mouvanl en cercles concentriques. Soient A la masse infiniment petite se mouvant dans le plan de ces cercles sous 1'attraction de S et J. Pour des valeurs assez grandes de la constante de Pint6grale de Jacobi, le mouvement relatif de A par rapport a la ligne tournante SJ est limits par 1'une ou par 1'autre de trois courbes ferm^es d, C2 et C;J entourant respectivement les points S, J et oo. Poincar^ admet que la valeur de la constante de Jacobi est si grande que les deux courbes Ci et C2 existent et que le corps A se trouve, a 1'origine du temps, a I'int^rieur de G* (ou de C2). Alors, le corps A n'en sortira jamais, et la premiere condition de stability est remplie.

Les Equations pouvant se mettre sous la forme canonique, il existe certai- nement un invariant integral positif. En d^signant par ^, r\ les coordonn(5es relatives de A et par £', r/ les composantes de la vitesse relative, Finvariant

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3ii

integral devient

I = f d* dt\ d% ctf\' .

Poincare montre que cette integrale est finie si Fint£gration est effectuee sur le domaine limits par la courbe C4 (ou C2) et par deux valeurs de la constante de Jacobi voisines 1'une de 1'autre. Dans 1'dtude du mouvement dont il s'agit, Fint^grale I peut done jouer le me" me role que le volume invariable d'une partie du liquide dans le cas du mouvement permanent d'un fluide incom- pressible. II en re'sulte que la troisieme condition de stabilite est aussi remplie. La masse A repassera une infinite' de fois aussi pres que 1'on voudra de sa position initiale, si Ton n'est pas place dans certaines conditions initiales exceptionnelles dont la probability est infiniment petite. La the'orie des solu- tions asymptotiques montre que de telles orbites exceptionnelles existent vraiment.

En voulant nppliquer ces considerations au probleme g6n6ral des trois corps on rencontre certaines difficulty's . Les limites que I'inte'grale des forces vives impose au mouvement ne suffisent pas pour rendre Pinvariant integral fini. Mais par Fintroduction d'une nouvelle variable inde'pendante t! au lieu du temps £, Poincare de'duit ne'anmoins un invariant integral positif qui est fini. Toutefois il peut arriver que t devient infini pour des valeurs finies de t'. En prolongeant la solution au-dela d'une telle valeur de t\ on rencontrera une autre trajectoire qui doit ^tre conside're'e comme un prolongement analjtique de Pautre. Ainsi, on arrive a la conclusion que Forbite consid6re'e et ses prolongements analvtiques mentionne's repasseront en g^ndral une infinite de fois aussi pres que 1'on veut de la situation initiale.

« II semble d'abord que cette consequence lie puisse int^resser que Fana- lyste et n'ait aucune signification physique. Mais cette maniere de voir ne serait pas tout a fait justifie'e. On peut conclure en effet que si le syst&me ne repasse pas une infinite de fois aussi pres que Fon veut de sa position primi- tive, le temps pendant lequel le p6rim£tre du triangle des trois corps reste inferieur a une quantite" donn£e est toujours fini. »

14. Theorie de la Lune.

Dans la th6orie de la Lune de 'Delaunay, les elements elliptiques sont d^velopp^s en series trigonom^triques suivant les multiples de quatre

3i2 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

arguments fr/ nit 4- «/(* = i , 2, 3, 4), fonctions lintfaircs dni temps; et /i2 sont les mojTiis mouvcmcnls de la Luno ot du Solei), n-j el n% sonl ccux du

p6rig(5e el du nccud. Delaunny pose = in. Les coefficienLs des series trigono-

m^lriques ainsi que les quanliltis 72 ;! el n\ sonl d^velopp^s suivanlles puissances de m el de cerlaines petites quantit<3s a, e', e, y qui signifient respeclivement le rapport entre les distances mojennes de la Lune el du Soleil, i'excenlricil<3 de 1'orbite terrestre, les modules de I'excentricittS et le module de 1'inclinaison de 1'orbile de la Lune. Les formules de Delaunaj ne conliennent que des puis- sances positives de w, a, e', e el y.

PoincanS d6montre [372] (l ) que, si Ton poussait assez loin les d^veloppements de Delaunaj, on arriverait a des termes ou m figurerait a une puissance nega- tive. Dans 1'expression de la longitude, les termes correspondants renferment au moins en factenr e'^ev- et dans 1'expression de la latitude au inoins ef/le*j.

La demonstration de Poincare est int^ressante aussi au point de vue de la m&Jiode. II part d'<5quations differentielles de la forme (2). Au mojen de transformations canoniqucs successives, il arrive a d'autres Equations de la m£me forme mais ou le d<5veloppement de F, jusqu'a un degr^ quelconque, est ind(5pendant des variables y et ne depend des £ et 73 que dans la combi- naison ?- -+- '<1~. En ncSgligcanl les autres termes de F, Fint^graUon des Equations est immediate. C'est peui-6tre la manure la plus rapide de demontrer les thgor&mes fondamentaux relatifs a la forme des d6veloppements qui salisfont aux Equations (2), bien que cetle methode ne puissc ^tre recommandcSe pour le calcul direct de ces d^veloppements.

En somme, 1'apparition des puissances negatives de m est due a 1'intro- duction de pctits diviscurs d'integration de 1'ordre de m3. D'ailleurs, 1' existence de ces pelits diviseurs de 1'ordre de in* depend de ce fait que, dans les expres- sions des mojens mouvements du nocud et du ptSrig^e, les lermcs en m- sont £gaux et de signes contraires, c'est-a-dire en rapport ralionnel.

En mettant £'=e=:y = o, les d(5veloppements de Delaunay ne renferment qu'un seul argument T = K\ (V2. La solution est alors p(5riodique.

En n^giigeant les param^tres a et <?', les Aquations du mouvement de la Lune deviennent particuli&rement simples. Ces Equations simplifies ont 616 1'objcl de recherches magistrales de M. Hill (2).

0) [372], OEuvres, t. VIII, p. 332-366.

(2) Amer. J. Math., voj, 1, 1^78; Coll. Works, vol. 1, p, 284.

I/CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3l3

Ce savant a calculi directement la solution pe"riodique mentionnee tout a I'lieure (pour a o). 11 a d6velopp6 los coordonn^es relatives de la Lune en series de Fourier de Fargument T. Lcs coefficients qui dependent de m appa- raissent sous la forme de series a termes rationnels qui convergent tres rapi- dement.

M. Hill ne s'est pas occup6 de la question de convergence. Les travaux g^neraux de Poincare sur les solutions p^riodiques montrent que la conver- gence a certainement lieu.

Pour etudier les solutions voisines dc la solution p^riodique, M. Hill (*) a forme les Equations aux variations. Elles peuvent se mettre sous la forme parti- culierement simple

d- z

(?,6 ) —j-^- -f- J 0Q-4- 20i COS2T -4- 202 COS \ T -+- . . . j 5 == 0.

Le coefficient 0/. contient en facteur m2li de sorte que les coefficients 0 d^croissent tr&s rapidement. On aura deux Equations de la forme (26). L'une donne les in(5galit^s du premier degr6 par rapport au module y; 1'autre les inegalit^s du premier degr6 par rapport au module e. Les parties principales des moyens mouvements du noeud et du p(3rig^e ( parties ind^pendantes de a, e1 ', e, y) sont d<5termin^es par les exposants caract^ristiques des Equa- tions (26).

Uno (5qualion de celte forme admet deux solutions

II s'agit de determiner 1'exposant caracte'ristique g et les rapports des coeffi- cients b/{. M. Hill a ramen£ le problem e a la resolution d'une infinite d'^quations du premier degr^ a une infinity d'inconnues. M. Hill admet sans demonstration que les determinants d'ordre iniini qu'on rencontre ainsi sont convergents.

Poincare' d^montre la convergence et en me* me temps la l6gitimit(5 de la m<$thode de M. Hill [91 ; 279, nos 185-189; 215] (2). Par ces travaux de Hill et Poincare', les determinants d'ordre infini ont <5t<5 introduits dans Fanalyse. II est inutile de rappeler ici Fimportance capitale de cette notion nouvelle.

(!) Acta Math., t. 8T 1886 [1877],

(2) [91], OEuvres, t. V, p. 95-107; [270, nos 185-189], Les mfthodes nouvelles de la mdcanique celeste, t. 2, p. 260-280; [215], QEuvres, t. V, p. 108-116.

H. P. XI. 4o

3i4 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Poincar6 donne aussi une autre methode pour calculer Fexposant caract^ris- tique g et les coefficients bk [214; 464, nos 332-335] (L). II developpe en effet les

inconnues COS^TT et -^ suivant les puissances des quantitt§s ©i, 02, ©a, .... En

vertu d'un th^or&me g6n£ral d6montr<§ par Poincare [69] (2), les series en ques- tion repr^sentent des fonclions enti&res et sont ainsi toujours convergentes. II est bien connu que M. E. W. Brown (:}) a 6labor<3 dans ces derniers temps une th^orie complete pour la Lune en partant des travaux mentionne's de M. Hill. Pour determiner les in6galit<§s d'un degr«5 quelconque par rapport aux quantites a, er, <?, y M. Brown est conduit chaque fois a un syst&me d'equa- tions lin^aires a seconds membres. Le sysl&me se partage en deux, Tun du quatri&me et Fautre du second ordre. L'essentiel de la m^thode de M. Brown, c'est que la valeur numerique de m est introduite d^s le commencement, de

sorte que les d^veloppements suivant les puissances de m ou de __ ^ sont

e'vit^s.

Poincar^ propose une aulre m^thode pour le calcul des lermes de degre supt^rieur [216; 464, chap. XXIX] (;'). Cette mglhode tout a fail analjtique esl tr^s originale mais moins directe que celle de M. Brown. Les d^veloppements

proc^dent suivanl les puissances de -— ? a, e', e, y. Dans la miHhode de

Poincart^, les systtjmes d'e'quations lineaires a seconds membres qu'il faul resoudre sont seulement du deuxi^me ordrc.

15. Tlxeorie des petites planetes.

A cot6 de la th^orie de la Lune, la thdorie du mouvement d'une petite plan^te trouble par Jupiler doit 6lre considered comme un cas particulier nssez simple du probl^me des trois corps.

En n^gligeant I'excentricit6 de 1'orbite de Jupiter, les Equations se mettent sous la forme (2) avec trois degre"s de liberty. On aura un couple #, y et deux

(') [214], CEuvres, 1. VIII, p. 867-382; [464, 33k2-335], Legons de mecaniqae celeste, t. 2, 2e panic, p. 4/i-4g.

(2) [69], CEuvres, 1. II, p. 3oo-/,oi.

(3) Mem. Roy. Astron. Soc., I. 53, 51 et 57.

(4) [216], CEttvres, l. VIII, p. 297-381; [464, chap. XXIX], Leqons de mecanique celeste, t. U2, 3e partie, p. 90.

I/GEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3l5

couples £, YJ; y sera la difference des deux longitudes moyennes, les autres variables x, £', Y/, £", V seront denies comme a la page 270.

Si 1'excentricite de 1'orbite de Jupiter n'est pas negligee, la fonction F depend aussi de 1'anomalie moyenne de Jupiter, c'est-a-dire du temps. Pour eliminer le temps, on petit introduire un couple xl y] (y! etant cette anomalie moyenne et x] une variable auxiliaire). Le probl&me est alors ramene a la forme canonique (2) avec qualre degres de liberty (deux couples x, y et deux couples £, 79).

En voulanl inUSgrer ces Equations par des series, il fauL distinguer les plan&tes ordinaires et les plan&tes caracteristiques. La periode de revolution de ces derni&res est a peu pres commensurable avec celle de Jupiter.

En voulant appliquer les series de M. Lindstedl aux plan&tes ordinaires et les series de M. Bohlin (generalisces) aux planetes caracteristiques, on rencontre cette difficulte que les termes en /JL dans les expressions des moyens mouvements du noeud et du perihelie sont egaux et de signes contraires. Pour eviter la difficult^ en question, on pourrait appliquer un procede analogue a celui employe par Poincare dans la ih^orie de la Lime (p. 3ia). On d^mon- trerait ainsi que les series de M. Lindstedl (pour les ast^roides ordinaires) ne renferment que des puissances positives de la masse perlurbanle ^. Au conlraire, pour les plan^tes caracteristiques, en adrnetlanl que le petit diviseur /^, dii a la commensurabilite approch6e, est de 1'ordre de y/fx, on rencontrerait (comme dans la theorie de la Lune) dans les series de M. Bohlin §6n6ralis6es des termes d'ordre n^gatif, /\ et y/jui etant du premier ordre. Toutefois dans les develop- pements des coordonn6es de 1'asteroi'de, les termes correspondants sont au moins du septi^me degre par rapport aux excentricites et a 1'inclinaison. lividemment, 1'introduction des termes d'ordre n^gatif par rapport & A et V/f* n'emp^che pas que les series de M. Bohlin ainsi g^n6ralis(5es nc renferment que des termes d'ordre positif, en admettant que chacune des quantit6s <?', e et Y est aussi de 1'ordre de y/fz. On pourrait ainsi pousser 1'approximation jusqu'a un ordre quelconque.

En mettant dans tous ces d^veloppements e'—e^y o, on rencontrerait la solution p^riodique de la premiere sorte qui correspond au rapport admis entre les moyens mouvements. Evidemment, on pourrait aussi faire la theorie de Pasteroide en partant de cette solution p^riodique (analogue a celle de M. Hill dans le cas de la Lune) et en appliquant ensuite la mtHhode de M. Brown ou de Poincare pour le calcul des termes renfermant Jes puissances de e', e et y.

3j6 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Quand il s'agit d'une the"orie approchee pormellanl de relrouvcr PasteWide pendanl quelques ccntaines d'anne'es, on pourrait se contenler des premiers termes des series mentionnees. Plusicurs aslronomes se sonl occupe"s en derail de cette question de donner des expressions ge'ne'rales permettant de calculer rapidement les perturbations les plus importantes.

Poincar6 a e"baucbe" une meHliode de ce genre applicable aux planetes carac- Igrisliques [368; 464, nos 206-2JO] (*). Les Equations sont de la forme (2) avec trois degnjs de liberte (un couple #, y et deux couples E, *)). Les E et r\ sont de 1'ordre de Pexcenlricitg et cle 1'inclinaison. En premiere approximation, Poin- car<^ neglige dans F tons les termes qni dependent de la variable angulairey, qui signifie la difference des deux longitudes moyennes. Les variables sont clioisies de sorte que I'int^gration des equations ainsi abre'ge'es nous donne les perturbations qui varient lentement a cause de la petitesse de p. ou en vertu de la commensurabilite" approcb^e enlre les moyens mouvements. Les in^galites obtenues ainsi en premiere approximation sont les plus importantes, puisqu'elles out e"t£ agrandies par les petits diviseurs. Enfin, dans une seconde approxi- mation, Poincarc lient compte aussi des termes de F qui dependent de la variable y. Les perturbations qui en resultent sont moins considerables.

16. Developpement de la fonction perturbatrice.

Dans notre systeme solaire, les masses des huit planetes principales sont tres petites par rapport a celle du Solcil. Les masses des ast^roi'des et des comet es sont m£me tout a fait insensibles. Le mouvement de Pun qnelconque de tous ces corps, qui ne se rapproche pas trop d'une planete principale, aura done lieu A. peu pres suivant les lois de Kepler au moins pendant un certain temps limits. Les forces qui emp6cbent le mouvement de rester ke'ple'rien d^rivent d'une fonction de force qui s'appelle la fonclion perturbatrice.

En choisissant dans la the"orie des planetes les variables proposers par Poin- care" (voir p. 269), la fonction perturbatrice ne sera autre chose que la fonc- tion fiFi de la page 269. Elle sera la m£me pour toutes les planetes et aura la

C1) [3G8], OBuvreSi t. Mil, p. 487-456; [464, 200-210], Lemons de mtcanique celeste, t. 1, p. 357-365.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 817

forme [164; 87; 464, 43] (A)

mt et my e"tant les masses des planetes P/ el P/, A^y leur distance muLuelle, V, el Vy les vitesses absolues des planetes P/ eL P/ (le centre de gravity de tout le systeme e"tant suppose' fixe) et enfin W/j Tangle compris enlre les directions de ces vitesses.

En introduisant pour les coordonnees relatives et les vitesses absolues les expressions des coordonnees et des vitesses dans le mouvement ke"pl6rien autour d'tin centre fixe d'attraction, la fonction perturbatrice et ses d6rive"es par rapports aux variables employees deviennent des fonctions pe"riodiques de toutes les anomalies mojennes, de'veloppables en series trigonome'triques suivant les multiples de ces anomalies, les coefficients des de'veloppements £tant des fonctions des autres elements elliptiques ou canoniques. Avant de pouvoir calculer les perturbations, il faut savoir calculer les coefficients de ces de'veloppements.

Le d6veloppement de la seconde partie de la fonction perturbatrice, ceile qui depend des vitesses, n'offre pas de difficultes se'rieuses [187; 464, 239] (-). II s'agit done avant tout de de"velopper Tinverse de la distance A de deux planetes en se"rie trigonom6trique suivant les multiples des deux anomalies mojennes.

Le de"veloppement analytique de la fonction perturbatrice a fait 1'objet de travaux d'un grand nombre d'astronomes et de g^ometres. Le de"veloppement analytique le plus simple est celui de Newcomb.

En supposant nulles les excentricit6s, le de'veloppement de la fonction A"1 suivant les multiples des deux longitudes, compte'es a partir du nceud, est assez simple. Les coefficients de ce developpement dependent des grands axes et de 1'inclinaison mutuelle des orbites et sont connus sous le nom des coefficients de Jacobi.

Newcomb a de"duit les coefficients du de'veloppement ge"ne"ral de la fonc- tion A"1 suivant les multiples des deux longitudes moyennes et des deux anomalies moyennes et suivant les puissances des excentricit6s, en effectuant

(l) [164], OEuvres, t. VII, p. 406-499; [87], CBuvres, t. IV, p. 17-24; [464, 43], Lemons de mecanique celeste, t. 1, p. 58.

(-} [187], QEuvres, t, VII, p. 5oo-5ir; [4(54., 11° 239], Lemons de mecanique celeste, t. 2, ira partie, p. 36.

3i8 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

sur les coefficients de Jacob! ccrlaines operations dilferentielles. Les operateurs de New comb sont certains polynomcs a coefficients rationnels du sjmbole

differential D ==« ? a (Slant le rapport des deux grands axes. Pour calculer successivcmcnt les coefficients de ces operateurs, Newcomb a donne des formulcs de recurrence assez complique'es.

Poincare a simplifi<§ bcaucoup [46i, chap. XIX] (*) la theorie des operateurs de Newcomb, en montrantquc ces ope"ratcurs rentrent coininc coefficients dans le developpemeiit de la fonction

a I

suivant les multiples de Panomalie mojonnc et suivant les puissances de 1'excentricite (r, a, 9 designent le rayon vecteur, le demi-grand axe et Fano- malie vraie, tandis que 5 est un nombre entier). Le developpement trigonome- trique de la fonction considered avail ete" etudie deja par Hansen.

Etant donn^e cette decouverle dc Poincar^, il etait facile de deduire pour les operateurs de Newcomb certaines formulcs de recurrence beaucoup plus simples que celles qu'avait employees Newcomb Iui-m6me. Ainsi, le calcul des termes de degre tres eleve dans le d^veloppement de la fonction perturbatrice a ete considerablement simplifie.

Soit maintenanl / et V les anomalies moyennes, u et u' les anomalies excen- triques des deux planetes. On aura les developpemeiits

(E etant la base des logarithmes naturels).

Pour etudier les coefficients Am,7n^ et Bw,m/ de ces developpements, Poincare les exprime au moyen d'integrales doubles. En mettant

il obtient la formule [209; 464, 242] (^)

A _ i (T VEQ dx dy

A«MM'«-^ajf/ A^m-fir^-i-l'

(*) [464, chap. XIX |, Lecons de mecaniqtie celeste^ I. 2, ire partie, p. b'G. (2) [209], QEuvres, t. VIII, p. 3i-3a et 33-47; [464, 242], Legons de mecanique celeste, t. 2, ire partie, p. 4i-

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3rg

V, £2 ct A2 (le carre de la distance) etant certains polynomes en x, -5 r et -•

Pour obtenir F expression de Bmj7?i/, il faut mettre V == Q ~ i dans 1'expression de Am>m/. Les integrations doivent s'effectuer suivant les cercles [ &\ i , | y \ = i dans les plans des variables complexes x et y. La fonction #2j>'2A2 est un poly- nome du sixiSme degre en x et y dont les coefficients dependent des elements des orbites.

Les coefficients Am>m^ el Bmj/n/ peuvent se developper suivanL les puissances des excentricites et de Pinclinaison. Par les travaux de Leverrier, de Newcomb et de Boquet, on connait les premiers termes de ces developpements (jusqu'au huiti&me degre inclus). Poincartf montre comment il est possible de trouver les rayons de convergence de ces developpements [209, 464, chap. XX] (1). II s'agit d'indiquer les singularites qui determinent les domaines de convergence.

Pour cela, Poincar6 se pose le probl£me general de trouver les singularity d'une fonction definie par une integrate complete prise suivant une courbe ou une surface ferm^e. En connaissant les relations qui donnent les singularity de la fonclion sous le signe d'int6gration, consid6r^e comme fonction des variables d'int^gration, il est possible d'6crire les relations qui donnent les singularity de I'inUSgrale, consid^r^e comme fonction des param^jtres. II faut exprimer que deux singularity de la fonction sous le signe d'int^gration coin- cident, et que ces deux singularity se sont irouvtSes auparavant sur des cot^s opposes du chemin d'int^gration, de sorte qu'il n'est pas possible de les <3viter en d(§formant ce chemin. II n'est pas difficile d'tScrire les conditions pour que deux singularity coincident. La difficult^ est de trouver parmi toutes les singu- larit^s possibles celles qui appartiennent a la branche consider^e de la fonction multiforme qui est d<5finie par I'int6grale donnt§e.

Poincare r^sout la question cornpl&tement quand les excentricit^s sont nulles ou quand 1'inclinaison est nulle. Pour le cas g^n^ral, la discussion devient trop compliqu6e. Mais Poincar£ arrive presque imm^diatement a la conclusion : Pour tous les coefficients Am,m/et Bm,m', les developpements poss^dent le m^me domaine de convergence.

Ensuile Poincar^ poursuit P^tude des coefficients Amjm/ et B/^/n' dans une autre direction, fividemment, le calcul de ces coefficients serait facility par 1'emploi de formules de recurrence. Poincar<§ a ebauche la question en d£mon-

C1) [209], CEuvres, t. VIII, p. 3i-3a et 33-47; [404, chap. XX], Lecons de mecaniqite ctleste, t. 2, ire partie, p. 100.

320 L'GEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

trant 1'existence de relations lindaires entre les coefficients A et B et leurs derivees par rapport aux Elements qu'ils renferment [168; 196; 206; 207; 351; 464, chap. XXI] (A).

Dans ces recherches, Poincare consid&re les integrales

iT 11 =J

etendues suivanl une surface fermtie dans le domaine des variables complexes x et y. Q et F sont des poljnomes donnas en #, a?"1, y et y~S H un poljnome arbitraire; zs est un nombre entier et impair. Poincare demontre que les inte- grales II, considers comme fonctions des param£tres qui entrent dans & et F, peuvent se reduire a un certain nombre d'entre elles qui sont lineairement independantes. Si/et o> sont les degres des polynomes F et &, le nombre des integrates II qui sont lineairement independantes est ^8(/+o))2. Si les polynomes F, Q et H sont symetriques, de sorte que leurs signes ne changent pas si x et y changent leurs signes simultanement, alors le nombre des inte- grales lineairement independantes est^4(/H~ w)2- Ces nombres ne dependent pas de s.

Les coefficients Am>m> et Bm>m/ ainsi que leurs d6riv6es partielles d'ordre quelconque par rapport aux ^l^ments sont des expressions de la forme II.

Pour les coefficients Bm>m/, on a/= 2, w o, 4(/+ w)2— I6. Si Ton envi- sage le d6veloppement de la fonction A"1 suivant les anomalies excentriques, il y aura ainsi, entre les coefficients, des relations lin^aires de recurrence dont les coefficients seront des fonctions rationnelles des elements. Ces relations permettent d'exprimer tous ces coefficients en fonction de seize entre eux. De plus, chacun des coefficients Bmj7n/, consider^ comme fonction de Fun quel- conque des elements, satis fait a une equation differentielle lineaire du seizi^me ordre au plus, dont les coefficients sont des fonctions rationnelles des elements.

Pour les coefficients Am>m/, on a/=2, w = i, 4(/+o))2— 36. Le poly- nome ^, qui depend de m et m', n'est pas le m6me pour deux coefficients A w?m/ differents. Par suite, on ne pent trouver ainsi des formules de recurrence a coefficients rationnels entre les Am,m/. Mais chacun de ces coefficients-, consi- dere comme fonction de Fun quelconque des elements, satisfait a une equation drfferentielle lineaire du trente-sixi&me ordre au plus.

C1) [168], OSuvres, t. VIII, p. 48-49; [196], OEuvres, t. VIII, p. 60-109; [206], CEwres, t. VIII, p. no-iii, [207], CEuvresi t. VIII, p. 10-26; [351], CEwres, t. Ill, p. 493-539; [464, chap. XXI], Legons de m&canique Meste, t. 2, i™ partie, p. 119.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 821

L'int6grale II est une p6riode de I'mtdgrale double inde'finie.

I =

Soil A" le nombre des pe'riodes fondamentales. Ce nombre A" ne depend pas des polynomes H el £2 mais seulement du poljnome F. Conside'rons A- -f- 1 inte'- grales II qui peuvent differer par rapport a H et £2, le domaine d'int6gration el le polynome F 6tant le m£me dans loutes. Cliacune de ces A' -f- 1 integrales II s'exprime au moyen des pe'riodes fondamentales correspondanles par la m6me fonction line'aire a coefficients enliers. Si Ics parametres qui entrant dans II decrive.nl dans leurs plans des contours forme's, les pe'riodes subiront une transformation line'airc qui sera la m6me pour tous les IT. II en r6sultc qu'il cxiste entre k 4- i quelconques des integrates II une relation line'aire a coeffi- cients uniformes par rapport aux parametres qui entrent dans F.

Pour les coefficients Bm>m^ on a k ^- 16. Alors, il en est ainsi de m&me pour 1'ensemble des coefficients A et B et de toutes leurs de'rive'es.

Ainsi, entre tous les coefficients A,,,)m/et leurs de'rive'es, il existe des relations lineaires a coefficients uniformes par rapport aux elements, de sorte que toutes ces quantite's peuvent s'exprimer par seize d'entre elles.

Poincart! senible esp6rer qu'une etude plus de'taille'e des pe'riodes de 1'inle- grale double qui correspond a B,,V;I> rnontrera que le nombre k est << 16, quand il s'agit du d6veloppement de la fonciion perturba trice.

Si les exceiitricite's sont nulles, la fonction F se simplifie de sorte que k = 4- Les relations line'aires correspondantes ^taient connues ddja par Jacobi.

Jacobi a d^montre aussi, par des considerations tout a fait 6l(^mentaires, que les B peuvent s'exprimer line'airement par quinze d'entre eux. On aurait done k ^- 1 5 dans le cas ge'ne'ral.

Arrivons maintenant aux recherches de Poincar^ sur les expressions asyinp- totiques des termes de degr<5 tres 6lev6 dans le d^veloppement de la fonc- tion A-* [120; 173; 278, chap. VI; 464, chap. XXIII].

Supposons que les moyens mouvements n et nf de deux planetes soient a peu pres commensurables de sorte que mn-^mJn1 soit une quantity tr&s petite. Alors les perturbations des longitudes qui apr&s deux integrations proviennent

(M [120], OEuvres, t. VIII, p. 5-g; [173], OEuvres, t. VIII, p. 27-80; [278, chap. VI], Les methodes nouvelles de la mecanique celeste, t. 1, p. 269; [464, chap. XXIII]; Legons de meca- nique celeste^ t. 2, ire partie, p. 157.

H. P. XI. 4<

322 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. -

du terme dont ['argument est ml -\-m!l] peuvent devenir sensibles quoique le coefficient Am,m/ soil lui-mSme tr&s petit. II serait alors important d'avoir une expression analytiquo qui se rapproche de Am,m' quand m et m' sont tr6s grands. Pour trouver une telle expression, Poincare pose

<!*(-)=

a, b) c, rf etant de petits entiers donnes. Cette fonction pent se mettre sous la forme d'une integrate simple

(-,)= _ *- .-..- C \-is-(*b+*(tl]tfo-atl-i

2 JT </ I J

</

prise le long de la oil-conference 1 1 = i. Dans A (la distance des deux plan£tes) il faut inlroduire

a et y <^tant deux entiers tels que a a + cy = i .

Pour trouver 1'expression asymptotique des coefficients A.nv+b,Cv+d pour v grand, Poincar^ applique la m<3thode importante de M. Darboux, qui donne pr^cis<5ment 1'expression asymptotique des coefficients e^loign^s d'une s£rie de puissance, quand on connait la nature des singularity de la fonction sur le cercle de convergence.

La determination des points singuliers de la fonction $(z) ne pr(5sente pas de difficultes, puisque c'est une fonction donn6e par une integrals simple prise le long d'un contour ferm£. Pas de difficultes non plus en ce qui concerne la nature de ces points singuliers, qui sont bien tels que suppose la m^thode de M. Darboux. La difficult^ provient de ce fait que tous les points singuliers qu'on trouve n'appartiennent pas a. la branche consid^r^e de la fonction <£(-£)• La discussion pour reconnaitre I'admissibilitg des points singuliers est assez delicate et a 6te jusqu'ici le principal obstacle a 1'emploi general de cette m^thode.

Poincar6 n'en a fait Fapplication que dans le cas special ou Pinclinaison est nulle, 1'une des excentricites nulle et 1'autre tr£s petite.

Ce serait certainement un travail utile de poursuivre ces recherch.es, au moins dans le cas ou les excentricites et Finclinaison sont petites.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3a3

17. Determination desorbites.

Le mouvement d'une planete ou comete qui ne se rapproche pas trop d'une planete principale reste sensiblement keplerien pendant un certain temps. Pendant ce temps, les elements osculateurs de Porbite ne varient que tr&s peu et peuvent £tre regardes comme invariables au moins dans une premiere approximation. Apres la decouverte d'un tel astre, il importe de determiner les elements de son orbite en partant d'observations separ6es Tune de Pautrc par quelques semaines. Pour le calcul des six elements, trois observations completes, donnant la longitude et la latitude geocenlrique (X et (3), sont en general necessaires.

Le probleme de la determination des orbites au mojen d'observations voisines fut resolu par Laplace en 1870. Rappelons bri£vement les principes de sa solution. En partanl des observations, au moins trois en nombre, et en employ ant la methode d'interpolajion, Laplace calcule pour une certaine epoque £0 la longitude X et la latitude (3 de Pastre ainsi que les deux premieres derivees de ces angles. Les coordonnees rectangulaires heliocentriques de 1'astre a 1'epoque to sont alors des fonctions lineaires, a coefficients connus, de la distance geocentrique inconnue p. En introduisant ces coordonnees et leurs derivees secondes dans les equations du mouvement keplerien, Laplace obtient trois equations lineaires par rapport a p et ses derivees p' et p", equations dont les coefficients dependent de la distance heliocentrique r de 1'astre a 1'epoque t0. En eliminant p' et p", il trouve une relation eiitre p et r. La resolution du triangle forme par le Soleil, la Terre et 1'astre donne encore une relation entre ces memes quantites. En eliminant r entre ces deux relations, il obtient une equation du septi&me degre qui determine p. Cette quantite connue, les equa- tions du mouvement donnent Pinconnue p' comme fonction lineaire de p. En connaissant ainsi p et p', il est possible de calculer pour t = to les valeurs initiales des coordonnees heliocentriques et de leurs derivees du premier ordre. Enfin, en partant de ces valeurs initiates, Laplace arrive facilement aux valeurs cherchees des elements.

Laplace n'avait pas elabore son procede dans tous ses details. Les methodes les plus usitees dans la pratique ont ete celle de Gauss et celles qui en sont derivees. Gauss part de trois equations lineaires entre les trois distances geocentriques inconnues pi, p2 et p3, equations qui expriment que le mouve-

32 { L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

menl est plan. Les coefficients de ces Equations dependent des deux rapports cnlre les surfaces des trois triangles plans formes par le Soleil et par deux . quelconques des trois positions de Tastre. Ces rapports soul developpables suivant les puissances des intervalles de temps t<2 ^ et t% *a. Dans les dgve- loppcments de Gauss et d'Encke, les coefficients ne dependent que de la distance Miocentrique r* ; les dgveloppements plus approch<3s d'Oppolzer renferment el /'3, landis que dans les d^veloppements encore plus exacts de Gibbs les coefficients renferment toutes les distances n, ra et ra. En <5lirm- nanl pi et p;i? Gauss et Encke obtiennent une Equation pour p2, donnant p2 avec tine erreur du premier ordre par rapport aux intervalles £2 £i et £3 t*. L'equation de Gauss pour p2 est analogue a liquation pour p de Laplace. Dans la m^thode d'Oppolzer, on aura a re"soudre deux Equations alg^briques entre pi et p3. L'erreur des inconnues qui s'obtiennent par des approximations succes- sives est du second ordre. Enfm dans la mgthode de Gibbs on aura trois Equations entre pi, p2 etps, et Perreur des inconnues est du troisi^me ordre. En connaissant les coordonnges hdioceniriques qui correspondent aux obser- vations extremes ainsi que 1'intervalle de temps £3 d, il est facile de calculer les (5l^ments. Dans les mgthodes de Gauss, d'Encke, d'Oppolzer et de Gibbs, le degr6 de 1'exactitude augmente d'une unit6 si les observations sont 6qui- distantes de sorte que t-A ^2— t% t\..

Poincar6 a perfectionn6 considerablement [371] (x) la m^thode de Laplace en choisissant pour 1'^poque ^0 la valeur moyenne des trois 6poques d'obser- vation ti: t$ et £3. Alors, les erreurs des valeurs interposes de la longitude et de la latitude g^ocentrique sont du troisi&me ordre, tandis que les valeurs des deux premieres d^riv^es de ces angles sont en erreur da second ordre par rapport aux intervalles de temps. II en r^sulte que les valeurs calculus de p, p;, etc. et de tous les £l£ments sont en erreur du second ordre. Ainsi, la me^thode de Laplace donne en g^in<5ral une plus grande approximation que celle de Gauss, quoique la rapidit6 des calculs soit la m£me dans les deux mtHbodes. Si les observations sont cSquidistantes, ces deux m6thodes sont 6quivalentes. La m^thode d'Oppolzer Pemporte sur celle de Laplace seulement si les observa- tions sont e"quidistantes, mais les calculs qu'elle exige sont plus complique's. Enfin la m^thode de Gibbs donne toujours la plus grande exactitude mais seulement au prix d'ua travail considerable de calcul. D'ailleurs, il ne faut pas

(M [371], OEwres, t. VIII, p. 893-416. '

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 3S'3

pousser ^approximation des calculs trop loin, puisquo les observations sont elles-m6mes erronees.

Les erreurs du second ordre dans la methode de Laplace dependent des derivees du troisifcme et du quatri&me ordre de la longitude A et de la latitude (3 pour t = £0. Poincare montre comment ces derivees >.m, A1Y, (3in, (31V et enfin les corrections du second ordre des elements peuvent s'exprimer par des fonctions rationnelles par rapport aux p, cosX, sinTi, A', A", cosp, sin (3, (3r, (3" (p etant lui- m6me racine de liquation deja mentionnee du septi&me degre).

Poincare demontre aussi qu'il est possible d'exprimer de la ni6me mani&re les corrections dues a 1'aberration.

Poincare indique enfin comment on peut appliquer, par la methode d'inter- polation eL au debut du calcul, la correction de la parallaxe aux coordonn^es de la Terre et oviter ainsi toute esp&co de tatonnement.

La m^lhode de Laplace, bien que presentant certains avantages dont le principal est la facility de se servir de plus de trois observations, (3tait tombee dans un injuste discredit. Grace a Poincar^, cette m^thode Elegante et pratique a £t6 enfm rehabilitee.

Les me"thodes dej^ mentionn^es et ayant pour but la determination des elements elliptiques supposent que les intervalles entre les epoques des trois observations sont petils, sans toutefois <3tre trop petits. La resolution du pro- bl^me plus general de calculer les elements moyennant trois observations quelconques est beaucoup plus difficile. On aura evidemment six equations pour determiner les six elements inconnus, mais ces equations sont transcen- dantes comrne 1'equation de Kepler. Le probl&mc est done theoriquement possible, mais les ressources actuelles de 1' Analyse ne permeitenl pas de le resoudre en toute rigueur et dans toute sa generalite.

Toutefois Poincare fait la remarque que, si 1'orbite est parabolique, il est possible de determiner les elements moyennant trois observations completes et quelconques [281] (*). En eflel, dans ce cas, les equations de condition devien- nent algebriques et le nombre des equations depasse par 1'unite le nombre des inconnues. Les equations devant £lre compatibles, on aura une certaine rela- tion entre les donnees d'observation et exprimant que le mouvement est parabolique. Toutes reductions faites, on aura enfm les elements de 1'orbite

t1) Lemons de M. Tisserand $ur la determination des orbites, preface de M. POINTOARE, Paris, Gauthier-Vi liars, 1899.

326 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

parabolique sous la forme de fonctions ralionnelles des 6poques des trois observations ainsi que des cosinus et sinus des trois longitudes et latitudes observes, fividemment, il serait int^ressant de former ces expressions ration- nelles. 11 pourrait arriver que 1'application de cette m^thode directe soil, plus simple que Pemploi des mtHhodes actuellement en usage.

18. Figure de la Terre.

Dans son travail c^lebre Figure de la Terre tiree des lois de V Hydro- statique (1740), Clairaut a 6tudit5 1'^tat d'^quilibre d'une masse fluide h<He*ro- g£ne qui se trouve en rotation lente autour d'un axe et dont les particules sont soumises a la loi de 1'attraction universelle. Si la rotation est nulle, on suppose que les surfaces d'tSgale density sont sph&riques et concentriques et que la density diminue constamment quand on s'^loigne du centre. Soit D(/') la density mojenne a 1'int^rieur de la sphere de rayon r. En vertu de la rotation lenle, les surfaces de niveau primitivement sph(5riques deviennent sensiblement des ellipsoi'des de revolution autour de 1'axe de rotation. L'aplatissement e de In surface de niveau de rayon moyen r satisfait a liquation de Clairaut :

ou n = (r/, D', e' signifient les d(^riv<5es de rj, D et e par rapport a /•).

Pour TO il faut prendre la solution particuli&re qui satisfait a la condition YJ = o pour r = o.

Rappelons aussi que si YH est la valeur de n a la surface Faplatissement e*. de la surface libre est donn£ dans la th^orie de Clairaut par la formule

5

2 '

9 6tant le rapport entre la force centrifuge a I'tSquateur et la pesanteur a la surface libre. Cela 6tant, la fonction e est compl^tement d<5termin£e ^. Tint^rieur du corps.

Ajoutons enfin que Clairaut avait d£ja d^montr^ que o < YJ± < 3 de sorte que

-<ei<-y. Poincar^ en traitant le problfeme de Clairaut, montre que la solution parti-

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 827

culiere deTmie par la condition r\ = o pour /* = o exisle loujours el qu'elle est unique [112; 203; 462, chap. IV] (*). PoincanS montre de plus qu'on a loujours

(27) O^TJ^S.

Ces megaliths lui permettent de computer un r6sullal obtenu par Radau. En parlant de la the'orie de Clairaut, ce savant avail de'duit la formule curieuse

ou I de-signe le rapport 5_A, (A et C (Slant les deux moments d'inertie prin- cipaux de la Terre), landis que £ eslune certaine valeur inconnue de •/} a Pmte'- rieur du corps.

Les valeurs de I el 9 sonl connues : la premiere esL mcsurSe par la pr^ces-

sioii des Equinoxes, la seconde par la physique. On a irouve' I ^— ^

T 288,:,8

Radau avail admis que YJ'>O, de sorte que o < £< m= Q,z*i- On a alors

K< i, 00075. Cela aant, la valeur e4= -^- (Clarke, 1880) ne peul pas salis-

sy^jS

faire a la formule de Radau. Ainsi, les valeurs admises de I et de d nesont pas d'accord avec la the'orie de Glairaut.

filant donn^e Tin^galil^ (27) de Poincare', il arrive qu'on a loujours K< i ,00073, puisque o < £ < 3. Le re'sultat de Radau subsisle done aussi dans les cas ou */)' peul devenir n£gatif a I'int^rieur du corps.

Ajoulons que les valeurs suivanies de Taplalissemenl : d = ^^ (Bessel,

I84i); ei= ~ (Helmert, 1907); e, = ^ (Hayford, 1909) ne sonl pas en

contradiclion avec la the'orie de Clairaul.

Poincare' a aussi e'crit deux M^moires qui se rapportent (5troitement aux mdlhodes actuellement en usage dans la Ge'ode'sie. II esl bien connu que les surfaces de niveau de la Terre, qui sonl orlhogonales aux directions de la pesanleur, ne sonl pas toul a fail des ellipsoides de revolution, Le ge'oide

(l) 1 112 |, CEwres, t. VIII, p. 120-124; [203], OSwres, t. VIII, p. i25-i3i et 182-142; [462, chap. IV]. Figures d^quilibres d'une masse fluide, lecons profei5s6es i la Sorbonne en 1900, Paris, 1902, 21 1 p. (Gauthier-VUlars, 6diU)«

328 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

(consliluant la surface libre moyenne de la mer prolongee analytiquement, on par des nivellements penses au-dessous des continents) presente en ve'rite' des soulevements et des abaissements de quelques centaines de metres par rapport au spheroide de reference. Rappelons aussi que les operations geodesiques ordinaires, qui embrassent des mesures de distances, d'angles liorizontaux et verticaux ainsi que des determinations d'azimuls et de latitudes que toutes ces operations ont pour but d'etudier en detail les irregularites du gooide.

Les mesures de 1'inlensite de la pcsanleur sont aussi d'une importance capi- tale dans les recherches geodesiques. Au rnoyen de ces mesures M. Helmert a determine 1'aplatissement de la Terre. II semble toutefois qu'on n'ait pas encore tire tout le parti possible de cette espece d'observations.

Dans le premier des deux Memoires mentionnes [217] (L) Poincare montre que les mesures de Pintensite de la pesanteur, si elles sont, assez multipliees et suffisamment exactes, peuvent remplacer les operations geodesiques ordinaires et qu'clles suffisent pour determiner completement la forme du geoi'de.

Mais avant de pouvoir utiliser ainsi les valeurs mesurees de la gravite, il faut y appliquer deux corrections : d'abord la correction deFaye dependant de Paltitude et donnant la reduction au niveau de la mer et ensuite une seconde correction qui s'obtient par le precede de condensation de M. Helmert. Apres 1'application de ces deux corrections, on trouve, a des quantites pres du second orclre par rapport a 1'aplatissement, la valeur gl de la gravite qu'on aurait observee sur le geo'ide, si toutes les masses situees a Fexterieur* d'une sphere S tangente interieure au geoi'de avaient ete condensees sur cette sphere. Les changements du geoi'de en vertu de la condensation sont du second ordre et peuvent 6tre negliges. Apres la condensation, on peut developper lepotentiel V du ^ 1'attraction suivant les puissances negatives de r, les coefficients du developpement etant des fonctions spheriques, et ce developpemcnt sera con- vergent sur toute la surface de la Terre.

Soit £ le soulevement du geoi'de au-dessus de la sphere S. II est clair qu'il y aura des relations simples (en negligeant les quantites du second ordre par rapport a Faplatissement) entre les coefficients correspondants dans les deve- loppements de V, de g] et de £ suivant les fonctions spheriques.

Soit maintenant

[217] OEuvres, t. VIII, p. 143-174.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 829

le developpement suivant les fonclions spheriques Xn qui donne les valeurs observees et corrigees gj. Poincare demontre que le soulevement £ du geoide au~dessus de la sphere S est donne, aux termes da second ordre pres, par le developpement

<J> etant une fonciion lineaire connue du carre du cosinus de la latitude.

II n'est pas necessaire de calculer les coefficients g-'lt1 qui convergent n6ccs- sairement ires lentement. En efiet la fonction 271 (^ £ <£) aura la forme d'une integrale, qui donne le potentiel d'une couche spherique attirante, dont la densite" est donne'e par la fonction connue g1 g\^ la loi de Pattraclion etant" representee par une certaine fonction de la distance, et coTncidant a peu pres avec la loi universelle.

En iritroduisanl dans cette integrate, au lieu de g* g\^ seulement la pertur- bation locale pour un certain lieu, 1'integrale en question dorinera le souleve- ment du ge"o-i'de qui correspond a cette perturbation.

Poincare a ddvelopp^ cette id6e aussi d'une autre maniere en ri(5gligeant, non plus le carre" de 1'aplatissement, mais le carr6 du relevement du g^oi'de au-dessus de Fellipsoi'de, c'est-a-dire une quanlite' beaucoup plus petite. Alors, au lieu de la sphere S, on aura affaire a un ellipsokle, et les fonctions de Lam6 s'introduiront au lieu des fonctions sphe"riques.

Dans un autre Me'moire, PoincartS traite la question des deviations de la verticale en G6ode"sie [3Go]. II s'agit d'un gtSo'ide tres peu different d'un ellip- soi'de de revolution. Soit M un point quelconque du geoi'de, N sa projection sur 1'ellipsoide de telle facon que MN soit normale a 1'ellipsoide. On definit la position de M en donnant la longitude / et la latitude X de N ainsi que la longueur £ de la ligne MN. Soit MP la verticale vraie au point M. On definit la deviation de cette verticale en donnant les composantes £ et Y} de Tangle tres petit de MN avec MP vers le Nord et vers 1'Est.

Le long d'une courbe quelconque sur le geo'ide, £, £, £, TQ ainsi quel'azimutcp de la tangente seront certaines fonctions de X. Soit I1 et I" les deux derivees premieres de I par rapport a X. En negligeant toujours les termes du second ordre, Poincare demontre que sur une courbe quelconque, tgcp est une fonc- tion lineaire et homogene de I1 et Y? dont les coefficients dependent de ^. II

(l) [365], OEuvres, t. VIII, p. 176-192.

H. P. XI. 42

33o L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

donne ensuite 1'equation d'une ligne geodesique quelconque sur le geo'ide. Ge sera une relation Iin6aire et homogene entre Z', I", % et 73 dont les coefficients dependent de A et cp.

Cela etant, Poincare admet qu'on decrit par des moyens ggode'siques une ligne geodesique sur le g<3oide en partant d'un point A. Admettons, pour sim- plifier 1' exposition, que 1'azimut cp s'annule en A. En suivant cette ligne geode"- sique, la longitude ne sera pas constante. Liquation de la ligne g6odesiqiu>

sera en efTet

/"cos X H- 2 /' sin X T} = o.

Ensuite 1'azimut ne restera pas constamment mil. On aura

9 = £'cosX -+- T|tgX.

II s'agit de calculer rj en connaissant cp par observation. En differential Texpression de cp par rapport a A, on aura trois relations lineaires en I1 et I11 ' . Apr6s avoir elimine I1 et I" 7 on obtient pour 73 une equation differentielle line- aire et du premier ordre. L'integration donne

Tj Tjo = 9 cot X -h / 9 cotg2 X <r/Xj

AO '

73 o et AO etant les valeurs de YJ et X au point A.

En general, on a neglige le second termc dans 1'expression de 73 r/0. Poincare veut dire que cela n'est pas permis dans les regions equatoriales si X A0 est du meme ordre que la latitude X.

Dans le cas general ou 1'azimut en A n'est pas nul, on rencontre une correc- tion analogue qu'il ne faut pas n6gliger dans le voisinage de 1'equateur.

Ainsi, si Ton veut determiner la deviation 73 en mesurant des azimuts, il ne suffit pas toujours de faire ces mesures au commencement et a la fin de Fare. Parfois, il est necessaire de les faire aussi en des stations intermediaires.

Poincare est d'avis qu'on peut expliquer ainsi pourquoi M. Oudemans dans sa triangulation de Java avait trouve que les deviations de la verticale deduites des mesures d'azimut etaient en general et systematiquement trois fois plus grandes que les deviations deduites des mesures de longitude.

19. Theorie des ma,rees.

Dans la theorie des marees, il s'agit d'etudier les oscillations de la mer sous Finfluence de 1'attraction de la Luno et du SoleiL Le potentiel de cette attrac-

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 33 1

tion se compose d'un grand nombre de termes de la forme Ge^1, C extant une fonction sph^rique du second degr£ des coordonn^es du lieu, X une constante purement imaginaire et t le temps.

fitant donn6e la petitesse de tous ces termes, qui sont divis^s par la troisieme puissance de la distance de 1'astre, il est permis d'cHudier s^par^mentles oscil- lations harmoniques causees par chacun d'eux et d'appliquer ensuite le prin- cipe de la superposition des petits mouvements.

D'apr^s leurs p6riodes, les oscillations harmoniques se partagent en plu- sieurs groupes. On aura ainsi un groupe de marges a courtes periodes (semi- diurnes et diurnes), qui dependent de la rotation de la Terre. On aura aussi des marees lunaires a longues periodes (semi-mensuelles et men- suelles) ainsi que des marges solaires a longues periodes (semi-annuelles et annuelles).

Pour determiner les rnar^es a longues p6riodes, Laplace et ses successeurs avaient n£glig6 I'acc6l<3ration et la vitesse du liquide. Le probl&me des marges est alors relativement simple et peut se re'soudre par les m^thodes de la Sta- tique. II suffit d'exprimer que le potentiel des forces agissantes est constant sur la surface de la mer. Cette condition s'^crit

(28) ' . £.£.4-nH-<2> = /r.

Ici £ d<3signe le d6placement vertical et cherch<2 de 1'eau. Le premier terme g^ est le potentiel de la gravity. Le second terme II est le potentiel du bourrelel liquide qui se trouve entre la surface soulev^e ou d<5prim6e etla surface d'6qui- libre de la mer, c'est-a-dire le potentiel au point consid6r£ d'une couche sph6- rique dont la density est donn^e par la fonction inconnue £. Le troisierne terme $ repr^sente la partie considered du potentiel de 1'astre. Enfin la constante k du second membre doit 6tre choisie de sorte que la masse totale du bourrelet soit nulle.

Le probl&me en question fut r^solu ddja par Bernouilli dans le cas ou il n'y a pas de continents, et par Lord Kelvin en supposant que IT soit nt^gligeable. £ est alors une fonction lin^aire de O, et la mar£e statique aura pour effet de modifier p6riodiquement Taplatissement de 1'ellipsoide de revolution form6 par la surface de la mer. En calculant ainsi des marges a longues periodes et en comparant les r(5sultats des calculs avec celui des observations, Darwin a trouv^ des Hearts qui ne peuvent s'expliquer que si Ton admet que la Terre n'est pas tout a fait rigide mais qu'elle se d^forme en m6me temps que la mer sous

332 I/CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Pattraclion des astres. D'apres ce savant, la Terre serai t a pen pr6s aussi rigide que 1'acier.

Toutefois, il n'est pas certain que 1'effet du bourrelet soit negligeable. Poincar6 a done resolu le probl&me dans toute sa g6n6ralit6 [t46, 49o] ('). En

introduisanl pour £ sa valeur exprim^e on II et en -^ a la surface, les Equa- tions qui definissent le potentiel II deviennent

AIT = o a Pinte'rieur de la Terre el,

a la surface. On a pose £ = ^- D'ailleurs e est = o sur les continents et i

sur la mer.

En mettant !; o, on se trouvc dans les conditions deLord Kelvin. Poincare' de'veloppe II suivant les puissances de £. II demonlre d'une mani&re tr&s ing6- nieuse que II et $ sont des fonctions mtSromorphes de £ n'ayant que des pdles simples, re'cls et positifs.

SoitH1; £3, ... cesapoles. Le re'sidu U/ de II par rapport au pole H; satisfait aux relations homog^nes qu'on obtient en supprimant $ k dans la seconde des equations ci-dessus et en y 6crivant U/ au lieu de II, £/ au lieu de 'i. On aura done, en supposant le developpement convergent,

Les constantes A/ dependent de la fonction <!> et les u-L sont cerlaines fonctions fondamentales qui dependent seulemenl de la forme des continents et qui se r^duisent aux fonctions sph^riques ordinaires quand iln'ya pas de continents. Ces fonctions satisfont aux relations

si i k si ;=*,

dv 6tant I'6l6ment de la sphere. II est done facile de calculer les coefficients du developpement d'une fonction quelconque en s6rie de fonctions fonda- mentales. fevidemment, A/ sera le coefficient de ui dans le developpement de

[146], QEuvres, t. VIII, p. igS-aSG; [195], C&uvres, t. VIII, p. 198-286 et 2^7-274.

L/CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 333

la fonction ^ (<J> A"). Les A/ son! lin^aires en k. Enfm, la constante k se

o

determine par la condition que la masse du bourrelei soil nulle.

Ainsi, le problSme des marges statiques se ram&ne a la formation des fono tions fondamentales m. Le calcul de ces fonctions dans le cas de la nature serait sans doute extrtoement compliqu6 a cause de la forme capricieuse des continents. Mais il serait dvidemment possible d'appliquer la me"thode en admettanl que les cotes sont ddfinies par certaines fonctions simples etde com- parer ensuite le r^sultat avec celui qu'on obticnt en n<5gligeant avec Lord Kelvin 1'attraction du bourrelet.

fividemment, le probl&me pent se re'soudre aussi par la methode de M. Fred- holm, puisque la relation (28) est une Equation integrate. II est intt^ressant de reconnaitre que Poincar6 avait d6montr6 d&ja en 1894 que la solution du pro- bl&me special dont il s'agit esl une fonction m6romorphe de £.

Pour <5tudier les marees qui correspondent a une valeur quelconque de \ il faut avoir recours aux m6tliodes de FHydrodynamique. En n6gligeant les termes du second ordre par rapport aux accelerations et aux vitesses du liquide, les Equations du mouvement deviennent lin^aires. Enfin, puisque la profon- deur de la mer est relativement petite, on n'aura que deux variables ind^pen- dantes : la colatitude 0 et la longitude ^. Les Equations tde la the"orie des mar6es, d^duites ddja par Laplace deviennent ainsi

f , d /. . (,d^\ d

(29) ^smO^

C est l'£l£vation inconnue de 1'eau; II est le potentiel du bourrelet, dontl'^pais- seur est £; 9 est une fonction inconnue auxiliaire; on a de plus

. X2A 2 co cos 0 ,

h <§tant la profondeur de la mer; ensuite w est la vitesse de rotation de la Torre; enfin le coefficient C dans le termc consid(5r6 du potentiel de 1'astre est une fonction sph&rique du second ordre de la forme /(8) e^^ ($ = o,±t ou ± 2).

Si la profondeur h s'annule aux cotes, la solution du probleme sera dgler- min^e par la condition que 9 reste fini. Au contraire, si h ne s'annule pas, la

condition aux limites s'^crira

do 2 co cos 6 do

* ___ . _ *_ - Q

dn X ds

les d^riv^es £tant prises suivant la normale et la tangente de la c6te.

334 L'GEUVRE ASTRONOMIQUE DE H.

En supprimanl les forces exterieures (C o), il est possible de salisfafre aux equations (29) en choisissant pour ^ ccrtaines valeurs spgciales. Les solu- tions dont il s'agit donnent les oscillations propres de la mer avec les pgriodes

^—^ Si, au contraire, C et X sont donnas, la solution des Equations (29)

qui s'annule avec C dgfinira une oscillation conlrainte ajantla pgriode " \~~

Dans le cas relativement simple ou il n'j a pas de continents et ou la profon- deur h ne depend quede 8, la fonctioncp (etaussi £) aura la forme es'V~-+'^F(0). On n'aura done qu'une seule variable indgpendanle 0. II esL alors possible d'inlggrcr les Equations (29) en dgveloppant les fonctions inconnues cp et £ en series suivant les fonctions adjointes de rang s, lesquelles enlrent comme coefficients de e^~ dans les expressions des fonctions sphgriques. M. Hough a eflectug les calculs ngcessaires en choisissant pour // quatre valeurs cons- taates (li = 2, 4, S, 17 km).

M. Hough a fait ainsi la dgcouverte intgressante qu'en faisanL lendre A vers zgro, ou n'obtientpas la marge statique de Laplace. On obtient au contraire un dial parliculier d'gquilibre, qui cst caractgrisg par I'existenco de couranls conlinus regnant sous la surface libre sans en altgrer la forme. Ce sont les marees statiques de la seconde sorte, tandis que les marges calcul^es par la ihtSorie de l^quilibre s'appellent les marees statiques de la premiere sorte.

S'il n'j avail pas de frottement, toutes les marges a longues periodes se rapprocheraient des marees statiques de la seconde sorte. Au conlraire, si le frottement glait considerable, les marges a longues pgriodes seraientapeu pros ggales aux marges statiques de la premiere sorte. M. Hough a montre qu'il fan l une dizaine d'annges pour que le frottement se puisse sentir. Par consg- quent les marees annuelles et de pgriodes plus courtes seront bien de la deu~ xi^me sorte; au contraire, la marge ajant pour pgriode 18 ans serait une marge de premiere sorte, qu'on devrait calculer par la theorie de rgquilibre.

Vu 1'importance des marges statiques de la seconde sorte, Poincarg en a " donng la thgorie compete [464, l. 3, chap. 8] (l). II s'agit de calculer le terme principal 0 de A2cp, qui resle finie pour A ~ o, Ce terme <b ne dgpend que de la variable n = -. La fonction *(YJ) satisfait a une gquation diffgrenlielle lingaire du second ordre, dont le second membre dgpend aussi du bourreletfl. On obtient $ par approximations successives en nggligeant d'abord II.

(') [464, t. 3, chap. 8], Legons de mecanique celeste, t. 3, p, 182.

g

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 335

Malheureusement Fapplication de ceLte methode au calcul des marges sta- tiques de la seconde sorle se heurte a des difficulties pratiques insurmonlables, vu la complication de la fonction h qui definit la profondeur de la mer. N6an- moins il reste un r<3sultat bien simple : les courants internes se propagent tou- jours suivant les lignes -n= const., lignes qu'on peut facilement tracer sur la carte. Toutefois ces courants sont bien faibles (leur vitesse est de quelques metres par heure seulement) de sorte qu'il est tr6s difficile de les d^celer par 1'observation.

Avant la decouverte de la mgthode de M. Fredholm, Poincar^ [195] (4) avait essay (5 d'int6grer d'une maniSre g6n£rale les Equations de la th^orie des marees en d^veloppant les fonctions inconnues suivant les puissance.s de X et en negli- geant 1'influence du bourrelet. Pour determiner les coefficients des developpe- ments, on est ramen£ a des Equations diff^rentielles lintiaires du second ordre et avec une seule variable ind^pendante. Les fonctions cp et £ consider<5es comme fonctions de A n'auront d'autres singularity queles valeurs particuli&res Aa(a i, 2, 3, . . .) qui correspondent aux diverses oscillations propres. En connaissant les valeurs Xa les plus voisines de 1'origine, il serait possible d'augmenter le domaine de convergence des d(5veloppements.

Pour trouver les Aa, Poincar6 6tudie d'abord les oscillations propres d'nn sjsteme m^canique ajant n degr^s de liberte autour d'une position d'6quilibre stable. Rappelons que les Aa satisfont alors a une Equation alg^briqtie de degr(5 2/i. Poincar^ d^montre [195, 464, chap. 1] (d) (-) que la quantity A^ est le minimum absolu d'un certain rapport Ra entre deux formes quadra tiques quise fonnent facilement, quand on connait les expressions de l'<£nergie cin6tique et de F^nergie potentielle du syst^me. Cette propri6t6 des quantity Aa peut se g(3n6ru- lisera un syst^me qui depend d'un nombre infini de param£lres. II arrive alors que la quantity AJ est le minimum absolu d'un certain rapport Ra entre deux int^grales qui renferment un certain nombre de fonctions arbitraires. Pour trouver Aa, il s'agit de determiner ces fonctions de sorte que le rapport en question soit aussi petit que possible. Mais, 6videmment, Poincar6 a trouv6 ici plutot une propri6tt^ g6n(5rale des quantity Aa qu'une m6thode pratique pour en calculer les valeurs.

II est bien connu que la th6orie des Equations integrates de M. Fredholm

(M [195], OEuvres, t. VIII, p. 198-2^6 et p. 237-274.

(2) [464, chap. 1], Legons de mecanique celeste, t. 3, p. 3.

336 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

permet de r^soudre un grand nombre de probl&mes de la Physique math^ma- tique qui ^talent auparavant inabordables. Poincar6 a appliqu<3 cette m^thode [464, chap. 10] (*) pour inl6grer complement les Equations de la th^orie des marges, quellcs que soient la forme des continents et la loi des profondeurs de la mer,

En faisant de la surface de la sphere lerreslre une representation conforme sur une carle g(3ographique et en d^signant par #, y les coordonn<5es rectan- gulaires sur celte carte du point 0, ^, les Equations de la th^orie des marges prennent la forme

i (,2 u_Ce,/)=5

fJx\ dxj dy\ dy / <)(x, r) k- S ' ^

/i etanl le rapport de similitude (la signification des autrcs quantit^s se Irou- vant a la page 333). De plus, il faut tenir compte des conditions aux limites d(5ja mentionn6es (p. 333).

Poincare fait d'abord abstraction de 1'attraction du bourrelet de sortc que II = o. AlorSj ii s'agit d'integrer une Equation de la forme

(3o) Ao = a~- •+- b-^--t- 09 H-/= F.

J dx dy ' J '

a, 6, c,/6tant des fonclions donates de x et y. Ces fonctions sont finies a moins que

h = o on X- -H f\ co- cos2 6 = 0.

Les valeurs de 0 qui satisfont a la demiere condition apparliennont w* paral- leles critiques.

Poincar6 admeL d'abord quo la mer cst limit^e par des falaises verticales et qu'elle n'est pas travers<5e par un parall&le critique. Alors les coefficients a, b, c, /son I finis.

La condition sur le contour sera

d* , r d^ - n

—, -f- Vj -7- = O.

dn ds J

G (^tant une fonclion donn6e de s ( G = 3 0) !^QS )

V ^ /

En d^signant par G(a?, y; £, YJ) la fonclion de Green g(5n^ralis^e relative k (*) [464, chap. 10], Legons de mecanique celeste, t. 3, p. 235.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 337

Paire conside're'e qui est deTinie par la condition aux limites

-j -- h-r- = 0,

an as

lafonction q> satisfaisant a liquation (3o) sera encore deTmie par I'e'qualion

2*9= fF'Gd<r',

Ff 6tant cc que devient F en j substituant pour #, y les coordonn6es H,, r? de F element dv'. En integrant par parties, pour faire disparaitre les de'rive'es de cp qui se trouvent dans 1'expression de F, Poincar£ arrive a une Equation inte'- grale renfermant une inte'grale simple et une inte'grale double. Le nojaii de Fint6graie simple devient infini comme un logarithms, celui de Pinte'grale double est infini du premier ordre quand la distance des points x, y et £, Y] s'annule. Ainsi, la me"tliode des nojaux re'ite'r^s est applicable, et la melhode de M. Fredholm peut donner 1'expression de la fonction inconnue 9.

Ensuite, Poincare' passe au cas plus ge'ne'ral, en admettantque la profondeur h s'annule aux cotes et que la mer est traverse'e par des paralleles critiques. II considere d'abord Fe'quation

Aw cu=f,

laquelle peut se r^soudre par la m6thode pr6c^dente. La solution aura la forme

G e*tant une fonction de Green ge'ne'ralise'e et/' ce que devient/ en y mettant £, Y] au lieu de #, y.

Cela e'tant, la fonction cherche'e cp satisfait a la relation

Apr^s Pinte'gration par parties, on sera conduit a une Equation int^grale. Poincare' de'montre qu'on peut d6former 1'aire d'int6gration afin d'e'viter la frontiere et les paralleles critiques ou les coefficients s,ont infinis. La me'thode de M. Fredholm reste ainsi applicable.

Poincar^ d^montre enfin que, en voulant tenir compte du bourrelet, on aura a r^soudre deux Equations inte'grales a deux fonctions inconnues 9 et £; la me'thode de M. Fredholm conduit encore au but.

H. P. XI. . 43

338 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

jSvidemment, FapplicaUott/?7Yifc'gw<? de la m<§thode de M. Fredholm au pro- bleme general des mantes conduirait a des calculs trop compliqu6s. Toute- fois, il esl probable que la m^thode se monlrera utile quand il s'agira de certains cas parliculiers plus simples.

Poincar^ se demande aussi [464, chap. 10] (*) s'il ne serait pas possible de se servir, dans la the'orie des marges, d'une me'thode toute nouvelle de M. Ritz. Celte me'lhode s'applique au cas ou Ton a a determiner une fonction par le Calcul des variations. L'expression dans Finte'grale dont il taut chercher le minimum est un polynome du second degre, non homogene, par rapport a la fonction inconnue eL a ses de'rive'es premieres. M. Rilz de>eloppe la fonction inconnue en &6rieJ?.<Znfyn suivant certaines fonctions ^4, i|;a, - dont le choix depend des conditions aux limites. Les inconnues du probleme sont alors les

coefficients a1: aa, Elles se de"terminent par une infinite d'e~quations

lin^aires.

PoincartS d&nontre que le probleme des mare'es peut en effet se require a la recherche du minimum d'une certaine int6grale. Mais il n'entre pas dans tous les details necessaires, do sorte que 1'application de la me'lhode de M. Ritz a la thgorie des marges reste encore une question ouverte.

Poincar^ a trait^ aussi [464, chap. 19] (^ la question de savoir si Failraction dela Luneet du Soleil surle bourrelet de 1'eau soulev^e ne pourrait augmenter s^culairement la dui^e de k rotation terrestre. L'importance du probleme est dvidente, puisqu'il s'agit de l'in variability de I'unit6 de temps qui nous sert a ^valuer la dur6e des mouvements des corps celestes.

Poincar^ dt5montre que le moment de la r^sultante de 1'aclion de la Lune et du Soleil sur le bourrelel des eaux souleve"es a toujours sa valeur moyenne nulle, de sorte que, s'il n'y avail pus de frottement, il ne pourrait y avoir aucun changement s^culaire dans la dur(5e de la rotation de la Terre.

En partant des recherches de M. Hough sur 1'effet du frottement des marges, Poincare' montre que Faction de la Lune par Finterm6diaire des mare'es est plus de 100000 fois trop faible pour expliquer Favance se'culaire re'siduelle de 4" que pre"sente la longitude moyenne de la Lune.

Ajoutons enfin que Darwin, en faisant intervenir les mar6es du noyau ter- restre, a pu attribuer £ celui-ci la viscosite' ne'cessaire pour obtenir Faugmen- tation voulue de la dur^e du jour side'ral.

C1) [^64 ], Legons de m&canique celeste, chap. 10, t. 3t p. 2^3; chap. 19, t. 3, p. 54o.

L'GEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 33g

20. Figures d'equilibre de masses fluides.

Une th^orie g6n6rale de 1'^quilibre relatif d'ane masse lluide h6t6rog&ne, soumise seulement aux forces interieures dues a 1'attraction newtonienne, serait c^videmment de la plus haute importance pour 1' As trophysique. Elle nous permettrait de suivre le developpement des n^buleuses et des ^toiles. Elle nous doimerait peutnHre aussi la solution de l'£nigme des 6loiles variables et des ^toiles <( nouvelles ». Poincar6 a fait fa ire a celte th^orie les plus imporlants progres.

Ainsi il a d^montr^ d'abord [ 462, chap. 2] (L) qu'une masse lluide quelconque en 6quilibre relatif se trouve ntjcessairement en rotation unitorme autour d'un axe fixe, qui coincide avec 1'un des axes principaux d'inertie de la masse.

Cela 6tant, considerons une masse fluide, anim<3e d'un mouvement de rota- tion uiiiforme autour d'un axe fixe. L'Hydrostatique montre que, dans le cas de l'6quilibre relatif, les surfaces de niveau sont les surfaces d'6gale pression et aussi d'(5gale densite. A la surface libre, la pression est nulle. La surface lib re esL done une surface de niveau, ct la r<5sultante de 1'attraction et de la force centrifuge est perpendiculaire a la surface libre. Voila des conditions necessaires pour l'6quilibre relatif.

Poincar6 fait la remarque qu'il faut aussi que ceLte r^sultanle soit dirig^e vers 1'int^rieur de la masse, autrement une partie se d^tacherait. Pour qu'il en soit ainsi, Poincar6 d^montre [94; 462, chap. 1] (4), (2) qu'il faut que

C02<2npw,

co 6Lant la vitesse de rotation et pm la density moyenne de la masse fluide.

Rappelons maintenant la condition n^cessaire et suffisante de l'6quilibre. D'apr^s le principe des vitesses virtuelles, il faut etil suffit quele travail r£sul- tant d'un d6placement virtuel soit nul. Ce travail comprend le travail de 1'attraction, plus le travail du & la force centrifuge. Soit W l'6nergie poten- tielle, I le moment d'inertie par rapport a 1'axe. La condition d'6quilibre est done que (3i) 8W+^6I = o

pour tout d^placement compatible avec les liaisons.

(r) [462], Figures d'equilibre d'une masse fluide. (2) [94J, OEuvres, t. VII, p. 17-25.

0 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Soil p la density V le potentiel et U la fonction de force totale de sorte quo

En d^signant par di Mement de volume on aura

les integrates etanl <5tendues a tout 1'espace. La condition (3i) peul done

s:6crire

( 30) / USpcfo = o

i

pour toutes les variations dp qui sont compatibles avec les liaisons.

Jusqu'ici nous n'avons pas parte de la sLabilite de 1'gquilibre.

Quaud il s'agit de l^quilibre absolu, la question est facile. La condition n^cessaire et suffisante de la stability est alors que I'gnergie potentielle W soit minima.

Au contraire, dans le cas de l^quilibre relatif, le probl^me est beaucoup plus difficile. Lord Kelvin a dislmgu6 alors entre deux sortes de stabilites : la sta- bilit^ ordinaire ay ant lieu quand il n'y a pas de frottement, et la stabilitc s^culaire qui se trouve r^alis^e m<3me avec frottcmenl. L'^tude de la stability seSculaire est beaucoup plus simple que cclle de la stability ordinaire. Lord Kelvin a enonce que la condition necessaire et suffisante de la stability

s^culaire, c'est que W + ~ I soit maximum.

Poincar£ fait remarquer [72] (l) que ce r^suliat n'est pas applicable quand il s'agit de l'6<juilibre d'un fluide. En efifet, la demonstration de Lord Kelvin suppose que tout mouvement determine un frottement, mais cela n'a pas lou- jours lieu pour la masse fluide, qui peut se d6placer d'un bloc comme un corps

solide.

Pour traiter la question rigoureusement, Poincar^ introdutt une nouvelle notion : celle du solide equivalent b la masse fluide [462, chap. 2]'(a). C'est un solide ou, b 1'instant consid^r^, les molecules ont la m&me position que dans le

(») [72], OEuvres, t, VII, p. 4o-i/io.

(a) [462]T Figures d'&quilibre d'une masse fluide.

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE 34 1

syst&me fluide. La vitesse cle son centre de gravity est la m£me que pour le fluide. Les trois moments de rotation autour des axes principaux d'inertie sont les monies que pour la masse fluide. Son mouvement est done bien dEfini a 1'inslant considErE, mais le solid e Equivalent a 1'instant t n'est pas le solide Equivalent a 1'instant t'.

PoincarE dEmontre que la force vive du fluide est Egale a la force vive T; du solide Equivalent, augmentEe de la force vive T;/ du fluide dans le mouvement relatif par rapport a des axes invariablement liEs au solide Equivalent.

Cela Etant, la condition nEcessaire et suffisante de la stabilitE sEculaire de 1'Equilibre relatif d'un fluide, c'est que 1'Energie totale

(33) ^T~W

du solide Equivalent soit minima, en considErant le moment de rotation [j. comme donnE.

Grace a la notion nouvclle du solide Equivalent, la dEmonstration de ce thEor£me important el presque immEdiate [462, chap. 2] (i). Elle repose sur le principe que 1'Energie totale T'-\-T'f W ne peut jamais croitre (principe de dEgradation de TEnergie).

PoincarE dEmontre aussi [462, chap. 2] (*) que, pour la stabilitE sEculaire, il est nEcessaire que Paxe de rotation soit le plus petit axe de 1'ellipso'ide d'inertie relatif a la masse fluide,

Retournons maintenant a la condition (3i) ou (02).

Admettons d&s maintenant que le fluide est homog&ne et que p = i . On aura alors dp = o, sauf dans le voisinage de la surface libre, ou op ± i . Alors, la condition nEcessaire et suffisante de 1'Equilibre, c'est que la surface libre soit une surface de niveau.

Etant donnE ce principe, on a trouvE, il y a longtemps, que chaque ellipsolde cle rEvolution aplati qul est animE d'un mouvement de rotation autour de son axe peut se trouver en Equilibre relatif, si seulement la vitesse de rotation est convenablement choisie. Soit s le rapport des axes. Le moment de rotation /JL croit constamment de zEro vers Pinfini, quand s augmente de PunitE vers 1'infini. Ce sont les ellipsoi'des de Mac Laurin.

Rappelons aussi qu'il j a une suite d'ellipso'ides a trois axes (ellipsoi'des de

(*) [462], Figures d'cqaiiibres d'une masse flu Ule.

342 L'OEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Jacob!) qui sont des figures d'^quilibre, si seulement la rotation a lieu autour de Faxe le plus petit et avec une vitesse convenable. Soient s et t les longueurs des autres axes par rapport au plus petit axe. t sera une certaine fonction de s.

On a toujours i < s < oo , oo > £ > i et -T- < o. Le moment de rotation p est

minimum (= p.0) quand s t = SQ el croit sans cesse vers 1'infini quand s ou t augmente de SQ vers 1'infini.

Une solution d'un probl£me d'^quilibre quelconque qui depend d'un pa^- m6tre arbitraire /JL est appel^e par Poincar^ une serie lineaire de formes

II peut arriver qu'une m£me forme d'^quilibro appartienne a la fois a deux ou plusieurs series lin^aires. Poincar<3 dit alors que c'est une forme de bifur- cation.

II peut arriver 6galement que deux series lin^aires de formes d'^quilibre r^elles, viennent, quand on fait varier le param&tre p., & se confondre, puis a disparaitre, parce que les racines des Equations d'^quilibre deviennent imagi- naires. La forme d'^quilibre correspondante s'appellera alors forme limife.

D'aprds cette terminologie, les ellipsoides de Mac Laurin et de Jacobi sont deux series lint^aires de formes d'^quilibre. Pour p. = |ji0($= ^ = ^0), les deux series se coupent dans une forme de bifurcation. Cette forme est en m£me temps une forme limite pour la s<5rie de Jacobi, qui n'existe que pour p. > p0.

Poincar«5 a fait Tune de ses plus belles decouvertes en d^montrant [72; 402 chap. 7] (j), (2) que cbacune des deux series lineaires considf$r6es de formes d'6quilibre (celle de Mac Laurin et cello de Jacobi) renferme une infinite de formes de bifurcation, ofi apparaissent de nouvelles series lineaires de formes d'gquilibre.

L'(5tude des formes limites et des formes de bifurcation est intimement li£e a l^tude de la stability de 1'gquilibre.

Pour trouver ces formes particuli^res, Poincare admet d'abord que le sys- t^me depend d'un nombre fini de variables a?i, ..., xtl. 11 s'agit alors do r6soudre des Equations de la forme

-7 = -7 = = -^ - == 0,

ax i dec*. dxn '

(l) [72], QEuvres, t. VII, p. /jo-^o.

(-) [462], Figures d'eqiulibre d'une masse fluide,

L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H, POINCARE. 343

F £tant une fonction des variables xi: ..., xn et d'un param&tre /JL. Soit %v= <pv(f*) (v = i, a, . . . , /i) une sgrie lin^aire de formes d'6quilibre.

Pour que la forme qui correspond a^^^o soit une forme limite ou une forme de bifurcation, il faut 6videmment que /m = JJLO soit une racine du Hessien de F par rapport aux #1, . . . , xn, ou Ton a pos£ #v = 9v(p-)-

Poincar6 dgmontre [72] (*) qu'on aura certainement une forme de bifurca- tion si le Hessien change son signe quand on traverse ^0-

Supposons que les Equations (34) soient satisfaites pour Xi= x^ =:... = xn=o. En d^veloppant F suivant les puissances des #v, on pent toujours ^crire les

n

termes du second degr£ sous la forme d'une somme de carr^sV a,-Yf , les Y,

*=i

6tant homog^nes et lin^aires par rapport aux a?v. D'apr^s Poincar^, les av s'ap- pellent coefficients de stabilize [72] (1).

Admetlons que F soit I'gnergie du syst^me. Pour qu'ily ait 6quilibre stable, il faut et il .suffit que tous les coefficients de stability soient positifs.

Supposons maintenant que at change son signe, tandis que les autres an ne s'annulent pas quand on traverse JJLO. Apr^s avoir ^Iimin6 ar3, . . . , xtl des Equa- tions (34), on obtient une relation

(35) <Z>O,, fx) = o

a laquelle correspond un certain nombre de courbes (au moins deux) passant par le point #4=0, f^ = ^o du plan des #1, p.. A chacune de ces courbes correspond une s^rie lin^aire de formes d'^quilibre.

En admetlant que les aa, -..,«» sont > o pour p.— /jt.0j Poincar^ d^montre qu'il yzechange destabilize pourfjL = ^0 [72] (-1). Voici ce qu'il entend par la; les formes qui se prolongenl de part et d'autre de p-o deviennent instables pour F > H-o gi e^es ^taient stables pour p. < /^0 et ?j/ce versa; enfin les branches de la courbe (35) qui partent vers le m£me cot<5 de la ligne p. = ^0 correspondent alternativement a des formes stables et a des formes instables.

Tous ccs r^sultats subsistent si la fonction F depend d'un param^tre /JL et d'une infinite de variables #l? a?2, . . . , x(). . . , en supposanttoutefois que, dans le d^veloppement de F suivant les puissances des #, les tei^mes du second degr^ (36) at#f H-a2^| + ...-Ha/?^_h>_

(x) [72], CEuvres, t. VII, p. 4o-i4o.

344 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

soient tous quadratiques et que les coefficients de stability a/ soient positifs a Pexception d'un nombre fini d'enlre eux.

Poincare' dtSmontre [72] (*) ainsi le thtforeme suivanl : Si, en tr avers ant JJLO, Vun des coefficients a/ change son signe tandis que tous les autres ne s }aji- nulent pas, la forme cCequilibre #/ = o sera une forme de bifurcation pour p = pQ; si, de plus, tous les autres a/ sont positifs pour //.== ^0, il y aura echange de stabilite pour /JL p.0.

Poincare' a applique" ces principes a I'e'tude des figures d'e"quilibre qui diffe- rent peu des ellipso'ides de Mac Laurin et de Jacobi. Soit E un quelconque de ces ellipsoi'des. La fonction (33) jouera le role de F. Une figure quelconque voisine de E est d(3finie par I'elevation C de sa surface au-dessus de la surface deE.

La the'orie des fonctions de Lame" fournit [72; 462, chap. 6] (*) (a) une suite de fonctions orthogonales y^ jouant par rapport a la surface E le m£me role que les fonctions sphe'riques par rapport a la sphere. LJel(5vation ^ peut se de'velopper en s6rie suivant les fonctions y/, de sorte que

les xi etant des constantes arbilraires. Ainsi la fonction (33) se trouve deve- loppe'e suivant les puissances des xi. Les termes du premier degre" dispa- raissent, puisque E est une figure d'^quilibre. Les termes du second degre sont de la forme (36), puisque les fonclions yi sont des fonctions orthogonales.

Les coefficients de stability a,- dependent seulement du parametre s (ou du moment de rotation p.) qui defmit completement la forme de E. En variant s (ou /*), certains de ces coefficients ne s'annulent jamais, les autres s'annulent une seule fois et en changeant le signe.

Pour les ellipso'ides de Mac Laurin, tous les a/ sont > o, tant que [* < /JLO. L'e'quilibre est alors stable. Pour |m |JLO, un premier coefficient a change son signe. On retrouve ainsi la forme de bifurcation ou apparaissent les ellipso'ides de Jacobi. Pour /JL > /JLO, les ellipso'ides de Mac Laurin sont instables. En fai- sant croitre /* a partir de /JLOJ on rencontre, parmi les ellipsoi'des de Mac Laurin, une infinite* de formes de bifurcation, ou apparaissent de nouvelles series line- aires de formes d'e'quilibre. Elles sont toutes instables.

C1) [;72], OEwres, t. VII, p. 4o-i4o.

(a) [462], Figures d'equilibre d'ttne masse fl aide.

L/CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE. 345

Pour les ellipse ides dc Jacobi, on aura une nouvelle suite de coefficients de stability a/. En verlu du principe de 1'ediange des stabilites, iis sont tous posi- tifs, quand /JL est un peu plus grand que /JLO< Soil /jL4 la premiere valeur de /JL pour laquelle un coefficient a disparait. Tant que /ULO <! p- < p-i , les ellipsoi'des de Jacobi sont stables. Pour JJL^/JL^ ces ellipsoi'des sont instables. En faisant croitre /JL a partir de /uq, on rencontre une infinite de formes de bifurcation ou de nouvelles series lin^aires de formes d'equilibre rencontrent la serie de Jacobi. Ges nouvelles figures d'equilibres sont toutes instables.

Retournons a la forme de bifurcation pour ^j. = ^.if C'est une forme limite pour la nouvelle serie lineaire de formes d'equilibre qui y apparaissent. D'apr&s les calculs de Darwin, cette nouvelle serie est reelle quand /JL est un peu plus grand que JJLJ. fitant donne le principe de 1'echange des stabilites, les nouvelles figures d'equilibre « les apioides de Poincare » sont done stables. (D'apr&s M. Liapounoff, c'est le contraire qui aurait lieu.)

Dans ce qui pr6c£de, nous avons regard^ le moment de rotation commepara- m&tre variable et la densite du fluide comme invariable. Imaginons mainte- nant que la masse fluide homog^ne se contracte lentement en se refroidissant. En vertu de la viscosit6, le fluide tendra toujours a prendrc une forme d'equi- libre relatif stable. S'il n'j a pas de forces ext^rieures, le moment de rotation restera constant. Si la masse est d'abord a peu pr&s sph6rique, elle parcourra dans son d^veloppement les formes d'equilibre stables dt5ja mentionn^es. Elle aura d'abord la forme d'un ellipsoi'de de Mac Laurin dont 1'aplatissement aug- mente constamment. D6s que la premiere forme de bifurcation sera atteinte, la masse prcndra la forme d'un ellipsoi'de de Jacobi. Le rapport du grand axe au petit axe croitra constamment; celui du mojen axe au petit axe dimi- nuera.

On arrivera ensuite a la seconde forme de bifurcation. D^sormais, la masse aura la forme d'un apioi'de de Poincare. La plus grande partic du corps tendra a se rapprocher de la forme sph^rique, tandis que la plus petite partie semblera vouloir se detacher de la masse principale. II parait difficile de suivre plus loin le developpement. Peut-6tre le corps finira-t-il par se partager en deux corps isoles. Peut-6tre aussi le developpement sera-t-il soudainement inter- rompu par une forme limite.

Alors, Pequilibre finira par 6tre bouleverse, et la masse prendra apre^s une periode d'oscillations considerables une forme d'equilibre tout a fait differente.

H. P. XL 44

346 L'CEUVRE ASTRONOMIQUE DE H. POINCARE.

Ajoutons que Poincar^ [94; 95; 72; 462, chap. 8] (1), enpariant de la condi- tion (01), a d6montr£ aussi 1' existence d'une s<3rie lin^aire de formes d'£qui- libre ou la masse fluide homog&ne prend la forme d'un anneau tr&s mince et peu different d'un tore. La vitesse de rotation GJ est tr&s petite, En faisant co infiniment petite, 1'anneau prend la forme d'un cercle de rajon infiniment grand. Ges figures annulaires sont probablement instables.

Rappelons eniin quelques r^sultats g^ntiraux sur les formes d'6quilibre de masses fluides homog&nes obtenus par Poincar^.

Si la rotation est nulle, la sphere est 6videmment une figure d'^quilibre. M. Liapounoffa d^montr^ que la valeur absolue W de P^nergie potentielle atteint son maximum absolu, si la masse a la forme d'une sphere. Poincart5 donne une nouvelle demonstration de ce th6or6me [108; 212; 462, chap. 2](-). II d^montre d'abord que, pour chaque figure d'^quilibre sans rotation, on a

T 6tantle volume et C la capacity glectrostalique du corps. II montre cnsuito que la capacity 6lectrostatique, qui depend de la forme. du conducteur, a un minimum absolu et que ce minimum est atteint seulement pour la sphere. II en r^sulte le th^or^me de M. Liapounofi".

Poincar^ est arrivd aussi [462, chap. 2] (2) au r^sultat que voici : Pour un lluide homog£ne en 6quilibre relatif, la quantity W w-[ a loujours Ic m6me signe que 27: o)'J,

11 prouve, d'autre part [462, chap. 2] (-), qu'on aura pour toutes les figures d'&juilibre la relation

vr+2i = lw,

U0 6lant la valeur constante de la fonction de force U a la surface libre. En regardant co comme paramtoe variable et le volume T comme constant, les quantity W, I et U0 varient avec o>. En partant de la relation indiqu^e tout a Fheure, Poincar^ d£montre que U0 croit toujours avec co. Si alors co peut croitre ind^fmiment sans que la figure d'^quilibre cesse d'exister, il en sera de m6me avec U0. Quand U0 sera trop grand, la surface du corps ne pourra plus rencontrer 1'axe, et la masse prendra enfin la forme annulaire.

(>) [94],'OE'apre*, t. VII, p. 17-26; [95], OBuvres, t. VII, p. 26-35; [72], OEuvres, LVII," p. 4o-i4o; [462], Figures d'tquilibre d'une masse fluide.

(2) [108], OBuvres, t. VII, p. 143-146; [212], OEuvres, t. VII. p. i5i-i56; [462], Figures d'equilibre d^une masse fll aide.

HENRI POINCARE UND DIE QUANTENTHEORIE

VON MAX PLANCK

Ada Mathematica^ 1. 38, p. 387-397 drpr).

1. Nur in seinem letzten Lebensjahre hat sich H. Poincaremit der Quanten- theorie beschaftigt, aber dies in einer Weise, die auf die Denk-und Arbeits- richtung dieses Meisters seiner Wissenschaft ein ungemein bezeichnendes Licht wirft. Denii wie das whare Temperament eines Menschen sich. dann am deut- lichsten offenbart, wenn er sich einmal unversehens einem seltsamen Ereignis gegeniibersieht, so verrat sich auch die Eigenart eines Forschers am unlriiglicli- sten in seiner Stellungnahme gegeniiber einer in seiner Wissenschaft plotzlich neu auftauchenden Hypothese, welche zu gewissen im Laufe der Zeit feslgewur- zelten Anschauungen in mehr oder minder ausgesprochenen Gegensatz tritt. Der Gealterte wird geneigt sein, die Hypothese zu ignorieren, der Enthusias- tische wird sie unbesehenwillkommenheissen, der Skeptikerwird nach Grtinden suchen sie abzulehnen, der Produktive wird sie prufen und gegebenenfalls befruchten. H. Poincar6 hat sich in dem tiefgriindigen Aufsatz (*), den er der Quantentheorie widmete, als jugendlich, krilisch und produktiv erwiesen. Die Anregung zu dieser Untersuchung empiing er olme Zweifel in den Verhandlungen des denkwiirdigen 5'o/raj-Kongresses vom Jahre 1911 (2), und der Gedanke, mit dem er an sie herantrat, wird am besten durch seine am Schluss jener Versammlung gesprochenen Worte (:t) bezeichnet. Er wirft

(!) Sur la TMorie des Quajita (J. Phys., t. 2, 1912, p. 5); OEuvres, t. IX, p. 626-653.

(2) La Theorie du Rayonnement et les Quanta, Rapports et Discussions, publics par MM, P. LANOEVIN et M. T>E BROGLIE, Paris, 1912.

(3) Loc. cit., p. 45i.

3>j8 HENRI POINCARE ET LA THEORIE DES QUANTA.

darin die grundsalzliche Frage auf, ob denn das Wesen der Qimnlcnlheorie es iiberhaupt geslallel, die Nalurgeselze durch irgcndwelche Differenlialglei- chungen auszudrucken ganz abgesehen von der speziellen Form der Glei- chungen der klassischen Meclianik— und diese Frage eben isl es, deren Priifung und Beanlworlung den Inhalt seines oben erwahnten Aufsatzes bildet.

Als Ausgangspunkt dient ihm darin die physikalische Tatsache, dass in einem abgeschlossenen System von zahlreichen, mit bestimmten Eigenperioden schwingenden geradlinigen ResonaLoren sich im Laufe der Zeit vermoge ihrer wechselseitigen Stosse ein durch die gesamie Energie des Systems vollkommen bestinimter Zustand statistischen Gleichgewichts herstellt. Gefragt wird nach dem stationaren Mittelwert der Energie eines Resonators von bestinimter Periode, unter der alleinigen Voraussetzung, dass die Slossgeselzfe durch Difierentialgleichungen von der Art der Hamilton'schen, abcr noch viel allge- ineiner als diese, geregelt sind. Urn die Betrachlung moglichst zu vcreinfa- chen, ohne ihre allgemeine Bedeutung zu beeintnichligen, wcrden nur zwei Arten von Resonatoren angenommen, namlich P Resonatoren von ,, langer u Periode, und N Resonatoren von ,, kurzer " Periode, die ihre Energien gegen- seitig durch Stosse austauschen. Diese Auswahl bringt zugleicli den Vorteil mit sich, dass dadurch die Einfuhrung des Begrifls der Temperatur ganz entbehrlich wird. Denn die mitilere Energie der Resonatoren von langer Periode ist tatsachlich nichts anderes als dass Mass far die Temperatur, weil fur diese Resonatoren, auch vom Standpunkt der Quantentheorie aus, die Gesetze der klassischen Mechanik gelten, und weil nach der klassischen Mechanikdie mittlere Energie ganz allgemein der Temperatur proportional ist.

Das Resultat, zu welchem Poi'ncar£ nach einer ausfuhrlichen, weitansgrei- fenden Untersuchung schliesslich gelangt, lasst sich inder folgenden einfachen Form aussprechen, in welcher auch die Bezeichnungen seines Aufsatzes moglichst beibehalten sind. Wird die mittlere Energie der langperiodischen

Resonatoren mil - bczeichnet, so ist die mittlere Energie derNkurzperiodisclmn Resonatoren :

(0 ^=-1

wobei gcsetzt ist :

Unbestimmt und willktirlich wahlbar bleibt hierin noch die Grosse

HENRI POINCARE ET LA THEORIE DES QUANTA. 34y

welchc dadurch definicrt 1st, dass w(r\)dri die , , AVahrscheinlichkeit 'c dafiir bedeulet, dass die Energie eines kurzperiodischen Resonators zvvischen Y) und Y) 4- dri liegt.

Der Thermodynamiker erkennt in diesen Gleichungen die Formeln wieder, welche die mittlere Energie einer grossen Anzahl gieicliarliger SysLcme von einem einzigen Freiheitsgrad mil dcm sogenannlen ,, Zaistandsinlegral il 4> verkniipft. Die Rohstante a isL der reziproke Wert von kT (T absolute Tempera tur) und das Produkt w(ri) dv\ ist die , , Wahrscheinlichkeit a priori" oder die Grosse des durch (YJ, dri) charakterisierten Elementargebiets im Gibbs:schen Phasenraum eines kurzperiodischen Resonators.

Nach der klassischen Theorie ist W(YJ) konstant, und daher nach (2) :

woraus nacli ( i ) der Aquipartilionssatz der Energie

folgt, vvelcher bekaniitlick den Erfahrun^en widerspricht.

Fragt man aber nach demjenigen Ausdruck, den man fur fv(y]) annehmen muss, um zur Quantentheorie zu gelangen, so brauchtman nur den umgekehrten Wegzu gehen, und zu dem von der Quantentheorie geforderten Wert von 73 den passenden Wert von W>(YJ) zu suclien. Nun ist, in der urspriingliclien Form dieser Theorie, die mittlere Energie eines kurzperiodischen Resonators :

wo £ die Grosse des Energiequantums bedeutet. Fur unendlich kleine £ gehl daraus wieder der Aquipartitionswert (4) hervor. Im allgemeinen folgt aber aus (5) und ( i) :

n=. » (6) <£(a)= ^ _^c = const.

und ein Vergleich mit (2) zeigt, dass nur dann Uebereinstimmung zu erzielen ist, wenn fur alle Werte von YJ, die kein ganzzahliges Vielfaches von £ sind, i = o, w&hrend fur yj= TZE, w(ri) = oo , in der Art, dass fur lim£ = o :

~m + \ (7) / w(*n) dt\ = const.

Jni %

350 HENRI POINCARE ET LA THEORIE DES QUANTA.

Dieses Resultat ist natiirlicli gleichbedeatend mil einer Verneinung dor zu AnfangaufgeworfenenFrage, ob die Slossgesetze durch Differeatialgleichungen darstellbar sind; denn derartige Gloichungen warden doch jedenfalls einen steti- gen Charakter der Funktion w(v\) erfordern. Insofern darf man also das ganzc Problem als eiiedigt betrachten.

2. Indessen bat die Meihodc Poincare"'s doch cine mehr als bios negative Bedeutung. Denn dadurch, dass sie ein Liinesveri'abren kernien lehrt, durch welches man, mittelst einer nachtriiglichen Ivorrektur der ursprunglichen unzu- liinglichen Voraussetzungen, schliosslicli doch zum gewttnschten Ziele gelangen kann, weist sie sozusagen Qber sich selber hinaus, und zeigl die Richtung, die man einschlagen muss, um der drohenden Unslimmigkcit von vornherein zu enlgehen. Wenn ein Resonator kurzer Periode wirklich nur solche Werte der Energie besitzen kann, welche ein ganzes Vielfaches von £ darstellen, so heissL dies, dass er seine Energie nnr ploizlich, sprungweise, iindern kann, oder mit anderen Worten : dass die Stossgesetze nichl durch Differential giei- chungen, sondern durch Dilferenzengloichungen dargestellt werden. Und es liegt die weilere Frage nahe, ob es n\chl moglich ist, cine Form des Stossge- setzes anzugeben, welche auf direktem Wege zu dem von der Quantentheorie geforderten Resultat fiihrt. Diese Frage mochte ich hier ein kleines Sliick wciter verfolgen.

Wir wend en uns zu diesem Zwecke v\rieder zur Betrachtung der Stossvvir- kungen zwischen den P Resonatorcn von langer Periode und den N Resona- toren von kurzer Periode, und nehmen an, dass das Energiequantum der letzteren ein ganzes Vielfaches des Energiequantums der ersiereh ist; denn sonst ware ein unmittelbarer Energieauslausch zwischen ihuen garnicht moglich. Bezeichnen wir die Zahl derjenigen langperiodischen Resonatoren, deren Energie zwischen u und u -\- du liegt, mit Pudu, und die Zahl derjenigen kurzperiodischen Resonatoren, deren Energie nt betragt, mit N;i, wobei :

(8) ^Pudu^P, und

und betrachten wir die wechselseitigen Zusammenstosse dieser beiden Arten von Resonatoren wahrend eines Zeitintervalls t. Ihre Anzahl wird ausser der Lunge des Zeitraums t den Grossen Pu die und Nn proportional sein. Daher wird die Anzahl derjenigen unter diesen ZusamrnenstSssen, bei denen i Ener-

HENRI POINCARE ET LA THEORIE DES QUANTA. 35 1

giequanten von einem Resonator der ersten Art auf einen Resonator der zweiten Art tibertragen werden, dargestellt werden durcti eiiien Ausdruck von der Form :

(9) tPuduNn-W(u, n, i),

vvobei die von u} n and i abhangige Funklion W auch als die Wahrscheinlichkeit dafiir bezeiclmel werden kann, dass zwei Resonaloren von den Energien u und fie so miteinander zusammenstossen, dass die Energiu von dem erslen auf den zweiten Resonator iibergehi. Die ganze Zahl z, die aucli Null oder negaliv sein kann, is I durch die Bedingung eingescbrunkl :

do ) - \> /^.— - n.

£ '

vvelcbe ausspricht, dass koinor der beiden cinancler stossencleii Resonaloren melir als seine ganze Energie abgeben kann. Nacli Becndigung des Stosses besitzen die beiden Resonatoren bezw die Energien :

(n) u' = u t's. ^ o und n' i = (n H- I) £ ^, o.

Die Bedingung des statistischen Gleichgewicbls erforderi clann, das der Anzahl der betrachteten Artvon Slossen eine gleicli grosse Anzahl in enlgegengesetzler Richtung erfolgender Slosse gegeniiberstelit, d. h. dass, wenn i' = i gesetzt wird,

(12) tPuduNnW(u, n, z) = ^Pn'^/N«'W(tt', n', i'),

uncl aus dieser Gleicbung gehen, wenn W als Funklion von u, /*, i bekanuL ist, die slatistischen MittelwerLe der Energien beider Arten von Resonaloren hervor. Dieselben hangen naturlich in bohem Masse von der Form des Ausdrucks fur Wab.

Wir wrollen nun die eint'acbe Hypothese einfuhren :

(13) W(MJ /i? i)du='W(u'y nf, ir)du',

und nacb der Art der ihr entsprechenden slalionarenEnergieverleilung fragen. Es folgt dann aus (12) und (i i) :

(14) PMN« = P«-teN«+/, und, fiir i = i und u = £ :

(16) Nw+i = Nw^ =N71jp,

* 0

andererseits, fur / = i und n = i :

(16) PU4.£=PW^=P^.

352 HENRI POINCARE ET LA THEORIE DES QUANTA.

Aus (i5) ergibt sich, wenn man darin flir n nach der Reihe die Werte o, 1,2, ... (n i) setzt und die daraus entstehenden Gleichungen miteinander multipli- ziert :

(17) N^No/?",

und aus (16), wenn man darin fur u die Werte p, p -\- s, p-f- 2s, ..., p + (/£ i)e (p < s) setzt, auf demselben Wege :

(18) ^ PP-Hi==Pp/>",

Die Ausdriicke (17) und (18) befriedigen die Funktionalgleiclumg (i4) iden- tisch, sie stellen also die allgemeine Losung derselben dar. Aus ihnen ergeben sich nun auch die stationaren Mittelwerte fiir die Energien der beiden Arten

von Resonatoren, die wir, wie oben, mit - und r\ bezeichnen wollen :

(19) 1 = 1 | uPudu

a J*

und

wo die Werte von P und N den Gleichungen (8) zu entnehmen sind. Bei der Integration von PM ist zu beachten, dass das Integral, bei Benutzung von (18), in eine Summe von Einzelintegralen zerfallt, deren jedes von p = o bis p = e zu erstrecken ist; also

n=X £ £ £

f°°uPudu=y^ f (P + »e)Pp^«dp=-l- f PPpd?+ tp f Ppdo.

JQ ~* */0 " ^0 ^ Pi' JQ

7Z = 0

Auf diesem Wege ergibt sich :

(20) a = pH -- ^-— und —<

^ } r

I— p I—p

wenn p die mittlere Energie derjenigenlangperiodischen Resonatoren bedeutetj deren Energie zwischen o und e liegt :

(21) p/ Pp«S?p= / pPp£?p.

*/Q 1SQ

Man sieht, dass nach unserer Hypothese YJ durch a noch nicht vollkommen bestimmt ist. Vielmehr hat man aus (20) .

(22) 71 = 1 -p.,

Hiernach erscheint die mittlere Energie y? der kurzperiodischen Resonatoren zuruckgefuhrt auf das Gesetz, nach welchem die Energie unter den langperio-

HENRI POINCARE ET LA THE*ORIE DES QUANTA. 353

dischen Resonatoren verteilt ist. Nimmt man fur diese die klassische Theorie als zutreffend an, setzt also in Uebereinstimmung mit (8) :

(23) Pp=aPe-ap,

so folgt aus (21 )

und damit nacli (22) der quanlentheoretische Wert (5) von YJ.

Die Quantenbeziehung (5) ergibt sich also nach dern von uns angeftihrten Stossgesetz mit Notwendigkeit aus der klassischen Energieverteilung ftir lang- periodiscbe Resonatoren, und darin Kegt die Bedeutung dieses Gesetzes.

3. Die hier angestellte Betrachtung kann uns aber noch einen Schritt weiter fiihren, und eben dieser Punkt ist es gerade, der mir die vorliegende Unter- suchung nahegelegt hat. H. PoincartS hat namlich seine Analyse ausser auf die ursprtingliche Formulierung der Quantentheorie auch auf die spatere Formulierung erstreckt, welche er die ,,zweite" Quantentheorie nennt (1). Diese Theorie scheint mir deshalb einstweilen den Vorzug zu verdienen, weil die Grundvorausselzung der ersten Theorie : die quantenhafte Absorption strahlender Energie seitens eines Resonators, ihrern Wesen nach unvertraglich ist mit der sonst uberall vorzuglich bewahrten elektromagnetischen Wellen- theorie der Lichtfortpflanzung im leeren Raum, und weil beim Aufbau der Quantentheorie doch jedenfalls dafiir Sorge getragen werden muss, dass die Abweichungen von der klassischen Theorie nicht schroffer ausfallen als unum- ganglich notwendig erscheint. Nach der zweiten Quantentheorie konnen auch die kurzperiodischen Resonatoren von vornherein jeden beliebigen Wert der Energie besitzen, und zwar ist im Zustand des statistischen Gleichgewichts die mittlere Energie aller derjenigen Resonatoren, deren Energie im Elementar-

gebiet /i, d. h. zwischen ne und (n -f- 1 )e liegt, gleich ( n -+- - \ s.

Dementsprechend tritt fiir die mittlere Energie samtlicher kurzperiodischer Resonatoren anstelle von (5) der Wert .

-— £ _.-£ £ <ga£~hr ^ TI~ 2 ~*~ e"t-i ~z c«— T

Es fragt sich nun, welcher Ausdruck fiir die Wahrscheinlichkeitsfunktion w(r\)

Loc. cit., p. 3o.

H. P. XI. 45

354 HENRI POINCARE ET LA THEORIE DES QUANTA.

in die Gleichung (2) einzusetzen ist, damit aus (i) der letztgenannte Wert fur ri hervorgeht. Urn dies zu entscheiden, berechnet Poincar6 aus (25) und (i) :

(26)

und findet, dass diese Funktion nur dann mit (2) ubereinstimmt wenn (V(YJ) fiir alle Werte von r\ verschwindet, ausser fur die ungeraden Vielfachen von -? fiir

die w(fi) unendlich wird. Das steht aber ofFenbar im Widerspruch mit dem Grundsatz der zweiten Theorie, dass ein Resonator jeden beliebigen Wert der Energie besitzen kann.

Dieser Befund scheint, wenn man ihn mit dem in paragraph i festgestellten zusammenhalt, ein Argument von schwerwiegender Bedeutung zu Ungunsten der zweiten Theorie und zu Gunsten der ersten Theorie zu liefern. Indessen muss zunachst daran festgehalten werden, dass ja, wie bereits oben hervorge- hoben ist, auch schon die erste Theorie sich als unvertraglich mit der Voraus- setzung einer endlichen und stetigen Funktion w(ri) erwiesen hat, dass also tatsachlich keine der beiden Theorien in den durch die Gleichung (i) und (2) festgelegten Rahmen hineinpasst. Wie steht es nun aber mit der oben fiir den Zusammenstoss zvveier Resonatoren eingefiihrten Hypothese, die sich bei der ersten Theorie gut bewahrt hat, gegenuber der zweiten Theorie ?

Um diese Frage zu beantworten, nehmen wir also jetzt an, die Energie eines der N kurzperiodischen Resonatoren konne jeden beliebigen Wert v? besitzen, und zwar sei die Zahl derjenigen dieser Resonatoren, deren Energie zwischen r\ und r\ -j- drj liegt, gleich N^ dr\, sodass :

(27)

Ferner finde der Energieaustausch beim Zusammenstoss wiederam nur nach ganzen Vielfachen i des Elementarquantums s statt, so dass anstatt ( 10) :

(28) -^i^—2.

Dann lassen sich genau die namlichen Betrachtungen anstellen, wie im vorigen Paragraphen, und man erhalt fiir den Zustand des statistischen Gleichgewichts anstelle von (i4) die Funktionalgleichung :

(29)

HENRI POINCARE ET LA TH^ORIE DES QUANTA. 355

deren allgemeine Losung durch (18) und durch

(3o) Np+wg = Npjp«

gegeben wird, wo

(30 * = £ = £-'•

"o JMo

Daraus ergeben sich dann wieder die Mitielwerte fiir die Energie der beiden Arten von Resonatoren :

(32)

wenn wir mil p' die mittlere Energie derjenigen kurzperiodischen Resonatoren bezeichnen, deren Energie zwischen o and e liegt :

(33) P' f Np4> = f pNpdp.

JQ JQ

Fiir den Zusammenhang zwischen 75 und a erhalten wir also :

(34) ^p'-jjH-I,

und hieraus, wenn wir fur p wieder den Ausdruck (24), fur r\ aber den Ausdruck (26) einsetzen :

(35) p' = J>

und dieser Wert stimmt in der Tat vollkommen iiberein mit der oben einge- fuhrten Grundannabme der zweiten Theorie, dass die mittlere Energie der im

Elementargebiet n befindlichen Resonatoren gleich ist f n-+- -Je.

Somit konneA wir als Resultat dieser ganzen Untersuchung den folgenden Satz aussprechen : Wenn fur die stationare Energieverteilung der langperio- dischen Resonatoren das Gesetz der klassischen Theorie als gultig angenommen wird, so fiihrt die Hypothese, dass beim Zusammenstoss zweier Resonatoren der Energieaustausch nur nach ganzen Vielfachen eines Energiequantums e stattfindet, und dass zwei Zusammenstosse mit entgegengesetztem Resultat gleich wahrscheinlich sind, fiir die mittlere Energie eines kurzperiodischen Resonators mit Notwendigkeit zur Formel der Quantentheorie, und zwar zur ,, ersten " Quantentheorie, wenn ein solcher Resonator keine zwischen o unds liegende Energie besitzen kann, zur ,, zweiten u Quantentheorie aber, wenn die

356 HENRI POINCARE" ET LA THE"ORIE DES QUANTA.

mittlere Energie derjenigen Resonatoren, derenEnergie zwischen o und.e liegt, gleich - ist.

4. Schliesslich liegt noch die Frage nahe, ob und in welcher Weise sich die Poincar^'schen Ansatze (i) und (2) so verallgemeinern lassen, dass man zu den Formeln der Leiden Quantentheorien gelangt, ohne auf die Schwierigkeiten zu stossen, die auf jeden Fall mit der Einfuhrung einer nicht stetigen und nicht endlichen Funktion W(YI) verbunden sind.

In formaler Beziehung erledigt sich diese Frage einfach und in positivem Shine, und zwar durch die Einfuhrung einer passenden Modification des Ausdrucks fur das Zustandsintegral (2). In der Quantentheorie bleibt die Gleichung (i) bestehen, dagegen tritt an die Stelle des Zustandsintegrals (2) die Zustandssumme :

(36) $

wo rin die mittlere Energie der im Elementargebiet n befindlichen Resonatoren bezeiehnet. Je nachdem fur ~r\n der Wert ne oder der Wert ( n -+- ~ J B angenom- men wird, erhalt man aus ( i) und (36) fur die mittlere Energie vj eines kurz- periodischen Resonators den Ausdruck (5) des ersten Quantentheorie oder den Ausdruck (zS) der zweiten Quantentheorie.

Ein anderes, weit schwierigeres Problem aber ist es, diejenigen physika- lischen Hypothesen zu ersinnen und mathematisch zu formulieren, welche mit Notwendigkeit zu dem Ausdruck (36) des Zustandsintegrals ftihren. Denn mit seiner Losung ware auch der geheimnisvolle Schleier geliiftet, welcher noch bis zum heutigen Tage die Quantentheorie von alien Seiten umgibt. Es

liegt eine eigenartige Schicksalstragik darin, dass der geniale Mathematiker

•*

und theoretische Physiker, dessen Andenken dieser Aufsatz gewidmet ist, gerade im Verlauf desjenigen Jahres, in welchem er sich fur die Quantentheorie zu interessieren begann, von seiner Arbeit abberufen wurde. Niemand kann ermessen, welch unersetzliche Werte dadurch derwissenschaftlichenForschung verloren gegangen sind. Indessen wir miissen uns zufrieden geben und dankbar sein dafiir, dass es ihm iiberhaupt noch vergonnt war, einmal selber Hand ans Werk zu legen und seiner Mitwelt damit die Schwierigkeit, aber auch die fundamentale Wichtigkeit der hier noch zu bewaltigenden Aufgabe deutlich zu machen.

TABLE DES MATIERES

DU TOME XI.

Pages

DIVERS I

Sur les points singuliers des equations differentielles 3

Sur la generalisation d'un theoreme d'Euler relatif aux polyedres 6

Sur la generalisation d'un theoreme e'lementaire de Ge'ometrie 8

Lettres de Henri Poincare a L. Fuchs i3

Gorrespondance de Henri Poincare et de Fe'lix Klein 26

Lettres de Henri Poincare a M. Mittag-Leffler concernant le Me'moire couronne du

prix de S. M. Le Roi Oscar II 66

Sur les hypotheses fondamentales de la Ge'ometrie 79

Les fondements de la Geometric 92

Reflexions sur deux Notes de M. A. S. Schonflies et de M. E. Zermelo 1 14

Ueber Transfinite Zahlen 120

La notation differentielle et PEnseignement 126

La logique et 1'intuition dans la Science mathe'matique et dans 1'Enseignement 129

NOTES 1 34

HOMMAGES A HENRI PoiNCARfi l3j

Henri Poincare, en Mathe'matiques speciales a Nancy, par P. APPELL 189

Lettre de M. Pierre Boutroux a M. Mittag-Leffler i46

L'OEuvre mathematique de Poincare, par J. HADAMARD 1^2

Die Bedeutung Henri Poincare's fur die Physik, von W. WIEN 243

Deux Memoires de Henri Poincare sur la Physique mathematique, par H. A. LORENTZ. 247

L'OEuvre astronomique de Henri Poincare, par H. VON ZEIPEL 262

Henri Poincare und die Quantentheorie, von Max PLANCK 347

PARIS. - IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS

Quai des Grands-Augustins, 55.

149625-56

Dep6t 16gal Imprimeur, 1966, 1451 D6p6t 16gal Editeur, ig56, 695

ACHEV& D'IMPRIMER, LE 20 OGTOBRE 1966.

LE LIVRE

DU CENTENAIRE

DE LA NAISSANCE DE

HENRI POINCARE

1854-1954

PARIS. IMPRIMERIE G AUTHIER-VFLL ARS 147833 Quai des Grands-Augustins, 55

LA MEDAILLE DU CKNTJ3NAIRE (due a Madame GUZMAN -NAGEOTTE).

(Au revers : Figure geometrique inspiree de la theorie des groupes fuchsiens).

LE LIVRE

DU CENTENAIRE

DE LA NAISSANGE DE

HENRI POINCARE

18S4-1954

PAiKIS

GAUTHIERrVILLARS, EDITEUR-IMPRIMEUR-LIBRAIRE

5o, quai des Grands Augustins, 55

1955

Copyright by Gauthier-Villars, ig55. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation reserves pour tous pays.

TABLE DES MATIERElS

Pages.

Composition du Comite de Patronage 5

Composition du Comite d'Honneur 6

Composition du Comite d'Organisation 9

Grades, fonctions, titres honorifiques, prix, decorations de Henri POINCAR£ n

PREMIERE PARTIE.

P^RIODE PR&LIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS.

A. La preparation du Centenaire et V edition des OEuvres de Henri Poincare. 19

Allocution de M. G. JULIA a TEcole Polytechnique le 16 novembre 1948 20

Extrail de la circulaire du Conseil National du Patronat Francais 28

B. Hommage de la Marine Marchande et de V Administration des Pastes 26

Notice des Chargeurs Reunis sur Henri POINCARE" 26

G. La journee du jeudi i3 mai 1964 au Musee Pedagogique 28

Conference, de M. R, GARNIER 29

DEUXI&ME PARTIE.

CALIBRATION DU CENTENAIRE A LA SORBONNE.

A. La journee du samedi i5 mai 1964 & la Sorbonne 49

Discours de M. J. HADAMARD 5o

Discours de M. H. VILLAT 67

Discours du Prince L. DE BROGLIE 62

Discours du Due M. DE BROGUE 71

Allocution de M. G. JULIA 78

Allocution de M. E. BOREL 81

Discours du President Andre* MARIE . . ; 84

'2 TABLE DES MATIERES.

TROISniME PARTIE.

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964.

Pages.

A. La matinee du dimanche 16 mai 1964 a VEcole Polytechnique 91

Allocution de M. G. JULIA 93

Allocution de M. L. POINCAR& 94

Allocution du General LEROY 93

Discours du General DASSAULT 97

B. Lapres-midi du dimanche 16 mai 1954 a Versailles 107

C. La matinee da lundi 17 mai 1954 a VInstitut Henri Poincare et a la rue

Claude-Bernard 1 08

Allocution de M. G. JULIA £ PInstitut Henri Poincare 108

Allocution de M. J. PERES 109

Allocution de M. G. DUPOUY 112

Allocution de M. J. PERES a la rue Claude-Bernard 1 14

D. Lapres-midi du lundi 17 mai 1964 a VInstitut de France 1 15

Allocution de M. G. JULIA 116

Presentation des Savants etrangers et remises des adresses 117

Allocution du Due M. DE BROGLIE 119

E. La journee du mardi 18 mai 1954 a la Societe des Ingenieurs Civils 120

Conference de M. N. MINORSKY 120

Conference de M. G. DARMOIS 127

Conference de M. G. DARRIEUS 1 32

F. La journee du mercredi 19 mai 1964 a la Societe Astronomique de France. i4o Extraits de la conference du Prince L. DE BROGUE i,-(o

QUATRIEME PARTIE.

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI 1964.

A. La journee du feudi 20 mai 1904 a Caen 147

Conference de M. R. APERY 148

B. La matinee du samedi 22 mai 1964 au Lycee de Nancy i53

Allocution de M. le Senateur-Maire R. PINCHARD i55

Allocution de M. L. POINCAR£ 167

Discours de M. le Ministre M. LEMAIRE 160

Etude de M. G. JULIA sur Henri Poincare^ sa vie et son oeuvre 166

G. Dapres-midi du samedi 22 mai 1954 a VUniversite de Nancy 178

Allocution de M. G. JULIA 174

Conference de M. R. POIRIER , . . , , 176

TABLE DES MATIERES. 3

CINQUIEME PARTIE.

HOMMAGE BE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE.

Pages.

A. Cloture de la premiere etape des ceremonies du Centenaire 2o3

B. La journee Internationale Henri Poincare a la Haye le samedi

ii septembre 1954 204

Allocution de M. G. JULIA 206

Conference de M. A. WEIL 206

Conference de M. H. FREUDENTHAL 212

Conference de M. L. SCHWARTZ 219

Conference de M. J. LEVY 226

Conference de M. E. W. BETH 282

Allocution de S. E. M. P. J. GARNIER 288

C. Antres manifestations a VEtranger 240

Au Venezuela 240

A Tile Maurice 240

En U. R. S. S 240

En Yougoslavie 240

En Equateur 240

D. Autres manifestations en France 241

Colloque Henri Poincare £ Plnstitut Henri Poincare 241

Hommage dela Compagnie Nationale du Rhone et de 1'Association des Ingenieurs

des Ponts et Ghaussees et des Mines 243

SIXIEME PARTIE.

DOCUMENTS ET PHOTOGRAPHIES.

Premiere enfance (i854-i865) 247

Concours des Grandes JEcoles (1878) a5a

Eleve a 1'Ecole Polytechnique (1878-1875) 255

Ecole des Mines et debut de carriere (1876-1879) 268

Fonctions fuchsiennes (1880-1882) 271

Memoires scientifiques de 1888 et 1886 280

Acad^mie des sciences et Prix du Roi OSCAR ( 1886-1889)' 284

Conferences et discours, Academic francaise ( 1900-1909) 290

Souvenirs de 1910 et 191 1 294

Souvenirs de 1912 298

Epilogue 3o3

CENTENAIRE DE LA. NAISSANCE

DE

HENRI POINCARE

COMITE DE PATRONAGE.

M. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.

M. LE MlNISTRE DBS AFFAIRES ElRANGERES.

M. LE MlNISTRE DE LA DfiFENSE NATIONALE.

M. LE MlNISTRE DE L'fioUCATION NATIONALE.

M. LE MlNISTRE DE L'lNDUSTRIE ET I)U COMMERCE.

1VI. LE PR&FET DE LA SEINE.

M. LE PRESIDENT ou CONSEIL MUNICIPAL DK PARIS.

M. LE RECTEUR DE L'UNIVERSITE DE PARIS.

M. LE DlRECTEUR DE L^ENSEIGNEMENT SlJPJ&RIEUR.

M. Albert BUISSON, Chancelier de 1'Institul.

M. Georges LECOMTE, Secretaire perp6tuel de l'Acad6mie Francaise.

M. Louis DE BROGLIE, de I'Acad^mie Frangaise, Secretaire perp^tuel de 1'Aca-

demie des Sciences. M. Gaston DUPOUY, de l'Acad6mie des Sciences, Directeur du Centre National

de la Recherche Scientifique.

L'Association des anciens fil&ves de I'Jficole Poly technique. L' Association des anciens fil^ves de Pficole des( Mines. L'Association des anciens fil&ves du Lyc^e de Nancy.

CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE HENRI POINCARE.

COMITE D'HONNEUR.

L'Acad^mie Francaise.

L'Acad^mie des Sciences.

Le Bureau des Longitudes.

Le Gomit(5 national de Mathematiques.

Le Gomit^ national de M^canique.

Le Comit^ national d 'Astronomic.

Le Gomit^ national de Physique.

Le Comit^ national de G6ophysique.

Le Comit^ national de RadiodLectricite.

La Faculty des Sciences de Paris.

L'Institut Henri Poincar6.

L'Observatoire de Paris.

L'ficole Polytechnique.

L'ficole Nationale sup^rieure des Mines de Paris.

L'ficole Nationale sup^rieure des Telecommunications.

L'Universit^ de Nancy.

L' Academic Stanislas de Nancy.

L7Uiiiversit6 de Caen.

L7 Academic des Belles-Lettres, Arts et Sciences de Caen.

L'Union Internationale de Math^matiques.

L'Union internatioriale de M^canique.

L'Union internationale d'Astronomie.

L'Union internationale de G6od£sie et G^ophysique.

L^Union internationale de Radio^lectricit^.

L'Union internationale de Physique.

A. llemagne .

University de Berlin. Soci£t£ Physico-M^dicale d'Erlangen. Acad^mie des Sciences de Gottingen. des Sciences de Munich.

CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE HENRI PO1NCARE.

Academic des Sciences de Vienne.

JBelgique.

Acad^mie Royale des Sciences de Belgiquc. University libre de Bruxelles. Institnt Solvay.

DcinemcLrk. Soci^te" Royale des Sciences de Gopenhague.

Etats-Unis.

Acad^mie nationale des Sciences de \Vashington. American Philosophical Society,

Acad^mie finnoise des Sciences et des Lettres.

Grande-Bretagne .

The Royal Society.

The Royal Astronomical Society.

The Royal Society of Edinburgh.

University d'Oxford.

University de Cambridge.

Cambridge philosophical Society.

The London mathematical Society.

The Manchester literary and philosophical Society.

Hongrie. Acad^mie des Sciences de Hongrie.

CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE HENRI PO1NCARE;

Irlande.

Royal Irish Academy (Dublin).

Italic,

Academie nationale des Lincei.

Academic nationale des Quarante.

Acad6mie des Sciences de Bologne.

Academie des Sciences de Naples.

Academie des Sciences de Turin.

Institut v^nitien des Sciences, Lettres eL Arts.

Gircolo matematico di Palermo.

Norvege. University d'Oslo.

Pays-Bas*

Soci£t6 des Sciences de Haarlem. Academie royale des Sciences.

Suede.

Academie royale des Sciences de Stockholm. Soci6l£ royale des Sciences d'Uppsala. University de Stockholm.

U. It. S. S.

Academie des Sciences de'l'U. R. S. S. Soci6t£ Math^matique de Kharkov.

Physico-Math^matique de Kasan.

CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE HENRI POINCARE.

COMITE D'ORGANISATION.

President :

Gaston JULIA, Membre de 1'Institut.

Vice-Presidents :

Joseph PERES, Membre de 1'Institut.

Pierre RICARD, President de la Chambre syndicale de la Sid^rurgie.

Membres :

Albert CHATELET, Doyen honoraire de la Faculte' des Sciences. Daniel DUGUE, Maitre de Conference a la Sorbonne. Andre* GRANDPIERRE, President de la Compagnie de Pont-a-Mousson. Robert RECHNIEWSKI, President des fitablissements Bamarec.

Secretaires :

Paul DUBREIL, Professeur a la Sorbonne.

G^n^ral GOETSCHY, Secretaire du Gomite Poincar6 des Amis de 1'ficole Polytechnique.

H. P.

JULES-HENRI POINCARE

NE A NANCY LE 29 AVRIL i854

GRADES, FONCTIONS, TITRES HONORIFIQUES, PRIX, DECORATIONS.

lil&ve au Lyc^e de Nancy, octobre iS62-aout 1873. Kl&ve a PEcole Polytechnique, admis le premier le 14 octobre 1878. fil&ve Ingenieur a Pficole nalionale superieure des Mines, nomme le 19 octobre 1876.

Bachelier &s Lettres, repu le 5 aout 1871 . Bachelier £s Sciences, recu le 7 novembre 1871. Licenci6 ^s Sciences, recu le 2 aout 1876.

Docteur &s Sciences math^matiques de FUniversitg de Paris, reculc icraout 1879.

Ing6nieur ordinaire des Mines, nojnme le 26 mars 1879, Pour pi%endre rang a

dater du ier avril 1879. Charg6 du Service du sous-arrondissement min^ralogique de Vesoul, et

attache en outre, au Service du Controle de 1'exploitation des chemins de

fer de 1'Est, du 3 avril 1879 au icl> d6cembre 1879. Attache au Service du contrdle de Pexploitation des chemins de fer du Nord,

du 24 mars 1882 au 17 novembre 1884. Ingenieur en chef des Mines, nomm& le 22 juillet 1898, pour prendre rang a

dater du icr juillet 1898. Inspecteur g£n£ral des Mines, nomm& le 16 juin 1910.

Mis par le Minis ire des Travaux publics a la disposition du Minis ire de Plnstructiou publique pour toe Charge de Cours a la Faculty des Sciences dc Caen, le i01' d^cembre 1879.

12 JULES-HENRI POINCARE.

Charg^ du Cours d' Analyse a la Facultd des Sciences de Caen, nomme le

icr dt^cembre 1879. Autorise par le Ministre des Travaux publics a accepter une chairc de Maitre

de Conferences a la Faculty des Sciences de FUniversit6 de Paris, le

2 1 octobre 1 88 1 . Mailre de Conferences d'Analysc a la faculty des Sciences de PUniversild de

Paris, nomme le 29 oclobre 1881 . Charge du Cours de M^canique physique et experimental a la Faculle des

Sciences de 1'Universite de Paris, nomme le 16 mars i885.

Professeur de Physique math^malique et de Calcul des Probabilites a la Faculty des Sciences de l'Universit6 de Paris, nomme le 22 aout 1886.

Professeur d'Astronomie math^matique el de M6canique celeste a la Faculte des Sciences de PUniversite de Paris, nomme le 5 novembre 1896.

R6p6titeur d' Analyse a 1'ficole Poly technique, nomme le 6 novembre i883.

Demissionnaire le ier mars 1897. Professeur d'Astronomie g<^n<5rale a 1'ficole Polytechnique, nomme le

icr octobre 1904.

Professeur honoraire a 1'Ecole PolyLechiiique, nomme le 3 avril 1908. Professeur d'£lectricil6 th6orique a 1'Ecole professtonnelle superieure des

Postes et des T6l6graphes, a Paris, nomme le 4 juillet 1902.

Surla demande des Curateurs de la Fondalion Wolfskehl, a consented faire six Conferences sur diverses questions de MathtSmatiques , du 22 au 28 avril 1909.

Membre du Comil<5 d'admission a rExposilioii universelle Internationale dc 1900, a Paris, pour la classe 3 (Enseignement sup^rieur), nomme par le Ministre du Commerce et de 1'Industrie le 7 oclobre 1897,

Membre de la Commission de patronage del'ficole pratique des Hautes-fitudes, a Paris, nomme le 9 d^cembre 1897,

Membre du Conseil de 1'Observatoire national de Paris, depuis le 8 novembre 1900; Vice-Pr6sident de ce Conseil, depuis le 27 mars 1908.

Membre du Conseil de perfectionnement de 1'ficole Polytechnique, depuis le 1 4 octobre 1901 .

Membre du Conseil de 1'Observatoire national d'Astronomie physique de Meudon, nomme le 2 mars 1907.

Membre du Conseil de perfectionnement de Pficole professionnelle superieure des Postes et des T£l6graphes, a Paris, nomme le 5 mai 1902.

JULES-HENRI POINCARE. 1 3

Membre du Comite de TExploitation technique des Chemins de fer, nomme le 27 mai 1911.

Membre de la Commission superieure d'Enseignement technique et profes- sionnel des Postes et T£l£graphes, nomme le 1 1 juillet 191 1.

Membre de I'Acadgmie des Sciences (Institut National de France), a Paris, elu, dans la Section de G^om^trie, le 3i juillet 1887.

President de I'Acad^mie des Sciences en 1906; Vice-President en 1906.

Membre de 1'Academie Francaise (Institut National de France), a Paris, elu le 5 mars 1908, recu le 28 Janvier 1909.

Directeur de 1'Acad^mie Frangaise, du icr Janvier au icr avril 1912.

Membre du Bureau des Longitudes, a Paris, nomme le 4 Janvier 1890.

President du Bureau des Longitudes en 1899, 1909 et 1910.

Membre Stranger de la Soci<3te Rojale des Sciences de Gottingue, elu le

26 novembre 1892; elu Membre correspondant le 3 mai 1884.

Membre Stranger ordinaire de la Sociel6 Rojale des Sciences d'Upsal, elu le

27 mai i885.

Membre Stranger de I'Acad^mic Rojale des Lincei, a Rome, elule 7 septembre

Membre correspondant de 1'Acad^mie Rojale des Sciences dc PInstitut de Bologne, elu le 21 d^cembre 1890.

Membre Stranger de la So'ci(3t(5 Rojale de Londres, elu le 26 avril i8g4-

Membre honoraire (Stranger de la Soci6t<3 Rojale d'Edimbourg, elu le 6 mai

i895.

Membre correspondant de 1'Academie imp^riale des Sciences de Saint- PtHersbourg, elu le 29 d^cembre i8g5 (v. s.).

Membre correspondant de 1'Acad^mie Rojale des Sciences de Prusse, a Berlin,

elu le 3o Janvier 1896. Membre correspondant de l'Acad£mie Rojale des Sciences d'Amsterdam, elu

le 1 1 mai 1897. Membre Stranger de 1'Acade'ime Rojale des Sciences phjsiques et math£-

matiques de Naples, elu le 20 novembre 1897. Membre correspondant de TInstitut Rojal V^nitien des Sciences, Lettres et

Arts, & Venise, elu le 27 fevrier 1898. Membre associ£ Stranger de FAcad^mie Nationale des Sciences de Washington,

elu le 22 avril 1898. Membre Stranger de la Soci£t6 Rojale des Sciences deDanemark, ^Copenhague,

elurlz 21 avril 1899.

1 4 JULES-HENRI POINCARE.

Membre Stranger de PAcadernie Royale des Sciences de Su&de, a Stockholm,

elu le 6 juin 1900. Membre correspondant de PAcademie Royale des Sciences de Bavi&re, a

Munich, elu le iSjuillet 1900. Membre associe de PAcademie Royale des Sciences, des Letires et des Beaux-

Arts de Belgique, a Bruxelles, elu le i5 decembre 1902. Membre Stranger de 1'Academie Royale des Sciences de Turin, elu le il\ juin

Membre honoraire de P Academic Royale des Sciences de Vienne, elu le

7 aout 1908, elu Membre correspondant le 3 aout 1908. Membre Stranger de PAcademie Royale des Sciences de Hongrie, a Budapest,

elu le 23 mars 1906. Membre honoraire de PAcademie Royale d'Irlande, a Dublin, elu le 16 mars

1907. Membre d'honneur Stranger de P Academic Nationale de Rounoanie, a Bucarest,

elu le 1 1 juin 1909.

Membre correspondant de PAcademie des Sciences, des Arts et des Belles-

Lettres de Caen, elu le 24 juin 1881. Membre associe lorrain de PAcademie dc Stanislas, a Nancy, elu le 17 fevrier

nt du Congr^s des Math^niaticiens tenu a Paris du 6 au 12 aout 1900. Vice-President du Bureau et Secretaire general du Congr^s de Physique tenu

a Paris du 6 au 12 aout 1900. President de la 36° Assemble g(5n<5rale de la Societe amicale de secours des

anciens fil&ves de 1'ficole Poly technique, le 25 Janvier 1903. President de la Commission des finances de PAssociation Geod^sique inter-

nationale, elu a la Conference g^n^rale tenue a Budapest du 26 au

28 septembre 1906;^ elu Membre de cette Commission a la Conference

g^n^rale tenue a Copenhague du 4 au i3 aout 1908. President de la Societe mathematique de France, en 1886 et en 1900. President de la Soci6t6 astronomique de France, en 1901-1902 et en 1902-1903. President de la Spciete Francaise de Physique, en 1902.

Docteur honoraire de PUniversite de Cambridge, elu le 12 juin 1900. Docteur honoris causa en Mathematiques de PUniversite Royale Fredericienne de Christiania, elu le 6 septembre 1902. -

Doeteur honoraire en Philosophic de PUniversit6 de Kolozsvar (Hongrie), elu le 8 Janvier 1903.

JULES-HENRI POINCARE._ 1 5

Docteur honoraire en Sciences de FUniversit6 d'Chford, elu le 24 juin 1908. Docteur honoraire en Lai de PUniversit6 de Glascow, elu le 28 avril 1907. Docteur honoris causa de l'Universit£ libre de Bruxelles, nomme le 19 novembre

Docteur honoris causa en Philosophic de l'Universit6 de Stockholm, nomme

le 7 d^cembre 1909. Docteur honoris causa en M^decine et en Chirurgie de l'Universit£ de Berlin,

nomme le 12 octobre 1910.

Membre honoraire de la Soci6t6 philosophique de Cambridge, elu le

24 novembre 1890. Membre du Conseil directeur du Cercle math^matique de Palerme, elu le

1 8 Janvier 1891 .

Membre honoraire de la Soci6t6 math^matique de Londres, elu le \l\ avril 1892. Membre honoraire de la Soci6t6 de Literature et de Philosophie de Manchester,

elu le 26 avril 1892. Membre Stranger de la Soci6t£ Hollandaise des Sciences de Harlem, elu le

21 mai 1892. Membre associ^ de la Soci£t6 Royale astronomique de Londres, elu le

9 novembre i8g4- Membre de la Soci6t6 philosophique Am^ricaine, a Philadelphie, elu le

19 mai 1899. Membre Stranger de la Soci£t£ Italienne des Sciences (dite des Quarante), a

Rome, elu le 2 Janvier 1900. Membre honoraire de la Soci£t£ des Sciences de Finlande (SocietaUs Scien-

tiarum Fennicce), a Helsingfors, elu le i5 avril 1908. Membre honoraire de la Soci6t£ math^rnatique de Kharkow, elu le 12 octobre

1908 (v. s.). Membre honoraire de la Soci£t6 phjsicomath^matique de Kasan, elu le

1 4 f6vrier 1904 (v. s.). Membre honoraire de la Soci£t6 des Sciences physiques et m^dicales d'Erlangen,

elu le 27 juin 1908.

Membre du Comit6 d'organisation du Congr&s international de Bibliographic des Sciences math^matiques (Exposition universelle Internationale de 1889), nomme par le Ministre du Commerce et de 1'Industrie le 9 novembre 1888.

President du Bureau du Comit6 d'organisation du Congr&s international de Bibliographie, elu le 16 novembre 1888.

President du Congr&s international de Bibliographie, elu le 16 juillet 1889.

1 6 JULES-HENRI POINCARli.

President du Bureau de la Commission permanente Internationale du Reper- toire bibliographique des Sciences mathematiques , clu le 19 juillet 1889.

President du Comite de redaction du Bulletin Astronomique public par TObservatoire de Paris, nomine le 4 Janvier 1897.

Pour la publication de V Inter national Catalogue of Scientific Literature : Membre du Conseil international, elu le 12 juin 1900; Membre du Comite ex£cutif, elu le 12 decembre 1900.

Rapporteur de la Commission du IIP Concours du Prix Lobatschewsky decerne le 1 4 fevrier 1904 (v. s.).

Membre de la Commission de la Medaille Guccia, d&cernee en 1908.

Membre du Comite d'honneur de la Ligue pour la Culture francaise, fondle par M. Jean Richepin le 3 juin 1911.

Prix d'honneur au Concours g£n6ral en Mathematiques elementaires (Lyc^e de

Nancy), le 12 aout 1872. Prix d'honneur au Concours g£n£ral en Mathe"matiques sp^ciales (Lyc6e de

Nancy), le 4 aout 1873. Mention tr&s honorable de 1'Acadgmie des Sciences, dans le Concours pour le

Grand Prix des Sciences mathematiques, le il\ mars 1881. Prix Poncelet de 1'Academie des Sciences de Paris, pour 1'ensemble de ses

Travaux mathematiques, decerne le 21 decembre i885. Prix Jean Reynaud de 1'Academie des Sciences de Paris , decerne le

21 decembre 1896.

Medaille d'Or de 1' Association Franc, aise pour 1'Avancement des Sciences, voice

le iei'avril 1909, decerneele, 2 aout 1909. Prix fonde par S. M. le Roi de Su£de et de Norv&ge OSCAR II, a 1'occasion de

son 6oe anniversaire, decerne le 21 Janvier 1889.

Medaille d'Or de la Societe Royale astronomique de Londres, d£cernee le 9 ferrier 1900.

Medaille Sylvester de la Societe Royale de Londres, d&cernee le 3o novembre 1901.

Prix Bolyai de 1'Academie Hongroise des Sciences, a Budapest, vote le 1 3 octobre 1901, d6cern&\§ 18. avril igoS.

Medaille d'Or Lobatschewsky de la Societe physicomathematique de Kasan, d&cernee le i4 fevrier 1904 (v. s.).

Officier d'Academie, nomme le 23 avril 1881 .

Officier de 1'Instruction publique, nommgle 1 3 juillet 1889.

JULES-HENRI POINCARE. 17

Chevalier de la Legion d'honneur, nomine le 4 mars 1889. Ofiicier de la L6gion d'honneur, proinu le 16 mai 1894. Commandeur de la Legion d'honneur, prornu le i4 Janvier 1908.

Chevalier de 1'Etoile Polaire de Su£de, nomme le i4 novembre i883. Commandeur de premiere classe de Pfitoile Polaire de Su&de, promu le 1 5 juin 1905.

H. P.

PREMIERE P ARTIE

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS.

A. - LA PREPARATION DU CENTENAIRE ET L'EDITION DES (EUVRES DE HENRI POINCARfi.

La commemoration du centenaire de la naissance de Henri PoiNCAufi a donn6 lieu, au cours de 1'ann^e 1904, a un certain nombre de manifestations, en particulier pendant la decade du i3 au 22 rnai, et ce Livre du centenaire vise a en conserver le souvenir.

Ce n'est pas en quelques jours que des manifestations de cette importance peuvent s'organiser, et la plupart de celles-ci ont gtt§ pr^par^es par un Comite National preside et anim£ par le Professeur Gaston JULIA, qui en 1948 avait ddj£ 6t6 charg^, par ses collogues de FAcad&nie des Sciences, de reprendre et d'achever l'6dition des QEuvres de Henri Poincare, dont le principe avait £16 reten.ii par 1'Acad^mie d&s 1918. En raison des difficult^ cr^es par deux guerres et des devaluations successives, trois volumes seulement 6taient sortis en 1948? il en restait sept a publier, avec tout le travail scientifique de v^ri- fication, d'annotation, et de correction correspondant.

En acceptant cette charge le Professeur Gaston JULIA s'est donn6 comme terme d'aboutissement de sa mission le 29 avril 1964, 100° anniversaire de la naissance de Henri POINGARJS, et d^s ce moment il a voulu que ce centenaire soit ftH6 avec eclat. Pour aboutir il lui a fallu susciter de g6n6reux concours, et il a pens6 que c'etait parmi les anciens polytechniciens qu'il pourrait surtout les trouver. Aussi est-ce & 1'ficole Polytechnique que, le 16 novembre 1948, il a inaugur^ sa croisade en pronon^ant a Fainphitheatre Gav-Lussac,

20 PREMIERE PARTIE.

devant un grand nombre d'anciens eleves cL dc personnalites du monde scientifique et industrial, Fallocution suivante qui est un veritable programme diction.

ALLOCUTION DE M. GASTON JULIA.

A L'ECOLE POLYTECHNIQUE LE iG NOVEMBRE i9/|8.

MONSIEUR LE GRAND GHANCELIER,

MONSIEUR LE SECRETAIRE PERPETUEL,

MONSIEUR LE RECTEUR,

MON GENERAL,

MESDAMES, MESSIEURS, MES CHERS CA.MARADES,

La reunion d'aujourd'hui est destinee a vous presenter un projet, auquel nous souhaitons que vous vous interessiez, afin que nous puissions le realiser rapidement. Disons tout de suite qu'il s'agit de poursuivre 1'edition dcs oeuvres (*) d'Henri POINCARE, 1'illustre savant qui, avec LAGRANGE et CAUCHY, partage la gloire du premier rang dans les mathe*matiques franchises.

Un Comit^ vient d'etre constitue, au seiii de la Societc des Amis de VEcole Poly technique, afin de re"unir les moyens ndcessaires a la realisation de ce projet. Nous pensons que cette realisation est une oeuvre <T inter &t national, mais dont la ported depasse nos frontieres; elle interesse non seulement tout le monde savant, mais encore tous ceux auxquels les Mathematiques apportent un instrument de travail essentiel, c'est-a-dire tous les techniciens. C'est a ce titre que nous nous adressons a vous et que nous voyons en vous les agents actifs de cette realisation.

Ne nous dites pas que 1'heure est bien mal choisie pour une telle entreprise

et que nous ne reussirons pas. On nous Fa dej'a dit. Nous pourrions repondre

, par la devise du Taciturne mais ce n'est pas la notre Nous entreprenons,

nous, parce que nous esp6rons; nous croyons que nous r6ussirons; et nous le

croyons parce que nous sommes persuades que vous nous aiderez tous. Notre

(x) II s'<^it, bien entendu, de rassembler (en 10 volumes) les Memoires ou Notes publiees par Henri POINCAR& dans un grand nombre de revues frangaises ou 6trangeres. Certaines de ces revues sont difficilement accessibles, et certains numeros introuvables. Elles sont dispersees dans les bibliotheques. Le rassemblement projet6 mettra, sous une forme commode, 1'ensemble de ces Memoires a la disposition de tous les chercheurs.

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 21

entreprise est une oeuvre de foi, que sentient notre confiance profonde dans le g^nie frangais.

A Pheure ou, press^ de toutes parts, FOCH doit c6der quelque terrain d'un cot6 et do 1'autre, il attaque encore el son offensive r^ussit. Fllustre exemple de foi et de confiance, sur un plan autrement 6leve que le notre, exemple qui doit nourrir notre espoir.

A 1'heure ou notre pays souffrant doit accepter 1'aide maUSrielle de ses amis, il est juste, il est beau qu'il offre au monde savant une contrepartie spirituelle que ce monde attend, puisque aussi bien c'cst rinsistan.ee de nombreux savants francais et Strangers qui conduisit votre serviteur a presenter a l'Acad(5mie des Sciences un voau de ces savants tendant a la reprise rapide de 1'edition des oeuvres de Poincar^.

L'Acad^mie des Sciences a public depuis 1916, trois volumes de ces ccuvres, en avan^ant les fonds n<5cessaires a 1'impression. II reste a publier sept volumes, et, en valeur actuelle, la somme n£cessaire a 1'impression est de 1'ordre de 20 millions. L'Acad^mie n'a plus les moyens de le faire : il faut que nous les lui fournissions, aiin qu'elle ne soil pas g'6n£e dans son travail et ses responsabilit^s scientifiques par des soucis cl'ordre materiel, afin que ne soit pas ind^finiment retard^e cette publication indispensable qui n'a d£ja 6t& que trop retard(5e par deux longues guerres et tousles troubles <iconomiques qu'elles entrainent.

II faut aussi que nous trouvions 1'argeiit necessaire pour aboutir dans un d^lai raisonnable, qui ne devrait pas d^passer cinq ans. Pourquoi cinq ans ? Tout simplement parce que, le 29 avril i854, naissait a Nancy Henri PoiNCARfi et parce que nous crojons qu'il serait 6l6gant, au 29 avril ig54, lorsque nous feterons le premier centenaire de cette naissance, d'apporter au public scienti- fique, qui 1'attend, la conclusion de 1'^dition des oeuvres completes. Nous voudrions aussi £diter deux volumes avant le printemps ig5o (etil nous faudra pour cela, r^unir environ 5 millions dans le courant de 1949)? afin de presenter ces deux volumes au Congr&s international de Math^matiques de ig5o; nous ferions ensuite un appel 6tendu a des souscriptions internationales, ce que nous ne voudrions pas faire avant d'avoir largement remis en train 1'oeuvre enti&re.

Voila, en quelques lignes, expos6 le projet que nous formons, ct pour lequel nous demandons votre actif concours. Que chacun, dans le service ou il travaille, dans le service ou la soci6t6 qu'il dirige, ou parmi ses relations.

24 PREMIERE PARTIE.

s?ing£nie a nous trouver le plus grand nombre de souscrip lions. Qu'il songe quo les frais d^dition d'ime telle ceuvre sont materiellement peu de chose aupr&s de cd que content les laboratoires, les services deludes .ou les essais, et que cette oeuvre est pourtant une pi6ce indispensable de tous les services de recherches qui uiilisent des math&matiques quelque peu savantes. Nous aimcrions aussi que vous puissiez inturesser a notre enlreprise tous ceux, m6me non scientifiques, a qui imporle le rayonnement de la pens^e frangaise. Sojez persuasifs, et vous le serez d'aulant plus que vous savez bien, tous, que notre entreprise est belle et qu'elle m£rite quelques efforts. Songez enfin que nos voisins Suisses ont r6uni par souscriptions deux millions de leurs francs ^Q\IT ^diter les ceuvres d'EuLER.

Les so ascriptions que nous demandons sont a fojids perdus; car nous comptons utiliser le produit de la vente des ceuvres ainsi £dit£es en 6ditant d'autres oeuvres de nos grands mathematiciens (Gamille JORDAN, etc.). II est, en effet, incontestable que nous avons (5te jusqu'ici assez lents a publier les oeuvres completes de nos grands math.6maticiens. L'^dition de CAUCHY (mort en 1 858) n'est elle-m^me pas terming. Dans d'autres pays, au conlraire, il n'est pas rare que les oeuvres completes de leurs grands mathematiciens soient publics de leur vivant. Nous pensons, et vous penserez, j'en suis siir, avec nous, qu'il faudrait rendre plus fncilement accessible notre patrimoine scienti- fique, et c'est la forme la plus g&n£rale de notre ambition.

Le professeur Gaston JULIA a tenu a ce que', non seulementles anciens de 1'ficole Poly technique, mais aussi les nouvelles promotions participent a cette ceuvre, et il a fait appel <5galement aux d6ves presents a 1'ficole a cette 6poque.

B.6pondant au vceu de M. Gaston JULIA, le Patronat fran^ais, dans son Assemble g^n^rale du ier juillet 1949? accueillait avec chaleur la suggestion qui lui 6tait faite par M. Pierre RICARD, Vice-Pr6sident de son Conseil National, et autorisait ce dernier a associer le Patronat franc,ais a la sous- cription nationale ouverte sous les auspices de 1'Acad^mie des Sciences, pour permettre d'achever la publication des ceuvres de Henri POINCAR&. Aussi, en mars 1950, M. Pierre RICARD lanc.ait-il un appel a ses adherents pour pr^ciser les raisons et les modalit^s de cette souscription, dont nous reproduisons ici l§s principaux passages. :

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 2o

CIRCULAIRE DU PATRONAT FRANQAIS

A PROPOS DE LA SOUSCRIPTION NATIONALS

POUR LA PUBLICATION DES OEUVRES D'HENRI POINCARE.

11 ne m'appartient cerles pas do rappeler tout an long les titres d'Henri POINCAR& a figurer parmi les plus illustres savants de tous les temps; en

bref on peut dire que son nom porte te"moignage, avec une douzaine d'autres,

i

quo dans 1'histoire do la pense"e humaine, la France aura brille" au premier rang : les temps que nous vivons et qui sont durs pour notre amour-propre national, donnent toute sa valeur de re"confort a une reflexion de ce genre.

Henri PoiixcAuti a e'te' un ge"nie encyclope'dique, et probablement, a une ere ou la specialisation devait finir par tout envahir, le dernier ge'nie encyclope'dique.

« Henri PoiNCAiifi, e"crivait Paul PAINLEVE en 19 13, e"tait vraiment le cerveaus vivant des Sciences rationnelles. Mathe"mathiques, Astronomie, Physique, Cosmogonie, Ge'ode'sie, il a tout embrasse", tout pe'ne'tre', tout approfondi. Inventeur incomparable, il ne s'est pas borne* a suivre ses inspirations, a ouvrir des voies inattenducs, a de"couvrir dans 1'univers abstrait des mathe'ma- tiques mainte terre inconnue. Par tout ou la raison d'un homme a su se glisser, si subtils, si he'risse's qu'aient 6te ses cliemins, qu'il s'agit de te"le*graphie sans fil, de phe"nomenes radiologiques ou de la naissance de la Terre, Henri POINCAR£ s'est gliss^ pres de lui pour aider et prolonger ses recherches, pour suivre le pre'cieux filon.

« Avec le grand math^maticien frangais disparait done le seul homme dont la pens6e fut capable de faire tenir en elle toutes les autres pens^es, de comprendre jusqu'au fond, et par une sorte de de'couverte renouvel^e, tput ce que la pense'e humaine peut aujourd'hui. comprendre. Et c'est pourquoi cette disparition pre'mature'e 7 en pleine force intellectuelle, est un de"sastre. Des d^couvertes seront retarde"es, des tatonnements se prolongeront parce que le cerveau puissant et lumineux ne sera plus la pour rapprocher des recherches qui s'ignorent, ou pour jeter, dans un monde de faits obscurs brusquement regie's par 1'exp^rience, le coup de sonde hardi d'une th^orie nouvelle.

A cet,e"loge d6ja ancien. on peut aj outer aujourd'hui que dans inaint dom^ine de la th6orie physique, POINCAK& aura e'te' un ^tonnant pre'curseur :. .qu'il

24 PREMIERE PARTIE.

s'agisse de la mecanique de la Relativite, ou de la theorie des Quanta, il avail pressenti et annonce le caract&re ndcessaire de la revolution profonde que les theories modernes devaient apporter apr£s sa mort dans le majestueux Edifice de la Physique mathematique classique.

Enfin si nous devons nous en rapporter aux seuls inities pour admirer sur parole les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste ou les inoubliables Memoires Sur les fonctions fuchsiennes, tout esprit cultive trouve dans ces Ouvrages de Philosophic scientifique dont La Science et VHypothese est la plus parfaite reussite, une vigueur de pensee et une maitrise du style qui font songer a PASCAL.

Cette oeuvre considerable et d'une richessse deconcertante est appelee, pour peu qu'elle soitjudicieusementdiffusee, a jouerlonglemps encore, nousdisentles voix les plus autorisees de PAcademie des Sciences, un role fecond dans les recherches les plus diverses, non seulement de Mathematiques pures, mais de Mathematiques appliqu^es a la Physique et a 1'art de PIngenieur.

Le monument que la gratitude nationale se doit d'elever a cet illustre Francais consiste a rassembler les quelque 5oo Memoires ou Notes qu'il a publics dans un grand nombre de revues franchises ou eirang&res dont beaucoup ont aujourd'hui cesse d'exister et dont les collections disperses dans les biblioth&ques scientifiques sont difficilement accessibles : il convient de les r^unir, les ordonner, les annoter, pour mettre Fensemble de Fceuvre a la disposition de tous les chercheurs. Le tout doit faire dix gros volumes in- quarto, chacun d'environ 600 pages.

Leprojetn'estpas nouveau, ... la publication a 6te d^cid^e par le Minist^re de PInstruction Publique d^s 1918, au lendemain m^me de la mort de Henri POINCARJ, et le soin de la surveiller et diriger confi<§ au Secretaire perp^tuel de PAcademie des Sciences, Pillustre geomtoe Gaston DARBOUX; il' prefagait ainsi, en 1916, le premier volume :

« Je ne verrai pas Pach^vement de la publication; mais ce sera Phonneur de ma carriere d'en avoir provoqu6 et commence Pexecution. »

Jamais sans doute, DARBOUX n'aurait imagine, en cette annee 1916 ou malgre les angoisses de la guerre, la France se sentait une grande nation, que 33 ans plus tard Poeuvre resterait encore aux deux tiers inachev^e; deux volumes seulement se sont ajoutes au premier, Pun en 1928, Pautre en 1934 et

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 25

il en reste sept a parailre .... Ruintje entre temps par les devaluations succes- sives, l'Acad6mie des Sciences n7a plus les mojens materials d'achever la publication ....

L'Acad6mie des Sciences a besom de pr6s de i5 millions de francs en quatre ans, dont environ 5 millions tout de suite et le solde 6tal6 par tranches <3gales sur les ann^es igSi, igSs, ig53.

M. Robert LACOSTE, quand il 6tait encore Ministre de 1'Industrie et du Commerce, avait bieii voulu, a ma demande, d'une part promettre la partici- pation active des grandes Soci6t£s nationalises (contacl^es directement par M. BOUTTEVILLE), d'autre part autoriser les Centres techniques industriels a souscrire. (M. LE THOMAS, Directeur du Centre technique de la Fonderie s'est charge de les sollicker. )

II reste alors a trouver 10 millions r<3partis en quatre annuit^s. J'ai pens6 que, devant ce devoir a assumer et cet exemple a donner, le Patronat francais ne se d^roberait pas a 1'appel de FAcad^mie des Sciences. Le President Georges VILLIERS m'a confirm^ dans cet espoir. Apr&s Paccueil fait en juillet dernier par noire Assemble g£n6rale a ma proposition de principe, je ne doute plus de la re^ussite.

Grace a Faction personnelle de M. Gaston JULIA, grace au d^vouement des collaboraleurs dont il a su s'entourer, grace a la facon dont tout le monde a repondu a son appel, le dixi&me et dernier volume des ceuvres de Henri PomcARfs 6lait pr£t pour la date fix<5e, et c'est uniquement pour des raisons mat^rielles d'organisation que les grandes C(5r6monies comm^moratives ont 616 reporters du 29 avril au milieu de mai 1954.

On trouvera ci-apr^js, journe'e par journ<5e, le texte des discours on confe- rences qui ont marqu'6 les c£r6monies du mois de mai. Aiin de les replacer dans leur cadre, il a paru ntScessaire de les accompagner d'un r6cit des manifestations au cours desquelles ces discours ou conferences ont 6i6 prononc^s. L'ensemble de ces r^cits donnera un apergu de la fagon dont a 6t6 ctil^bre le centenaire de la naissance de Henri POINCARE.

La Composition du Comit^ de Patronage, qui est reproduite en t&te de ce

livre du Centenaire, montre le prix que les plus hautes aulorit^s de 1'fitat ont

bien voulu attacher a la calibration de ce Centenaire; celle du Comit^

d'Honneur Pint6r<H que le monde scientifique lui a accord^, presque toutes

H. P. 4

26 PREMIERE PARTIE.

les institutions glrangfcres auxquelles Henri POINCARE avail appartenu a un litre quelconque ont tenu a y figurer; enfm la lisle des Membres du Comit<§ d'Organisalion donne les noms de ceux auxquels doil aller une parliculi&re reconnaissance.

B. - HOMMAGE DE LA MARINE IARCHANDE ET DE L' ADMINISTRATION DES POSTES.

Mais avant de passer a mai 1984, il faut remonter un peu en arri&rc et rappeler que, a 1'inilialive du Professeur Gaston JULIA, Tarmement francais a tenu a rend re hommage a la m^moire de celui dont on allait bienlot feier le centenaire. La Compagnie Maritime des Chargeurs R6unis a en effet donn6 le nom de Henri Poincare a un de ses paquebols mixtes les plus r^cents. Construit par les Ateliers et Cliantiers de Penhoel, celui-ci a 6t6 Ianc6 a Saint-Nazaire le 3i octobre igSs, et inaugur<§ a Marseille le 8 d(5cembre ip53. Grace a cette nouvelle unit6 de notre Marine Marchande, qui assure depuis le 1 6 d^cembre 1968 le service de la ligne d'lndochine, le nom de Henri PoiNCAitfi continue a servir, outre-mer3 le preslige de la France.

Une courte notice sur Henri PoiNCARfi, que nous reproduisons ici, avail &t6 ins6r6e dans la plaqueite 6dit(5e par les Chargeurs R6unis pour Finauguration du paquebot; une m^daille a 1'effigic de Henri PoiNCARfi a 6t6 frapp^e d'autre part pour rappeler cette inauguration.

NOTICE DES CHARGEURS RfiUNIS SUR HENRI POINCARE.

Lorrain par son p&re et par sa m&re, Henri POINCAR$ est n6 a Nancy le 29 avril 1864, et c'esl la qu'il connut 1'invasion en 1870 et Foccupation en 1878. Son ame avail <5t6 forlement marquee par ses ann^es de jeunesse, et il n'est pour s'en convaincre que de lire les pages si vibranles dans lesquelles il parle des souffrances ou de la mission de la France et de 1'amour pour la Patrie. Tcwile sa vie il a eu en vue la grandeur et le service du Pays.

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 27

Entre premier a. 1'Ecole Polytechnique, il en est sorti dans le Corps des Mines. Devenu docteur &s sciences en 1879, il a ete detache a la Faculty des Sciences de Caen, puis a la Sorbonne a Paris, et il a pu se consacrer tout entier a la Science et a Penseignement superieur. II j a donne immediatement toute sa raesure, et c'est par un veritable feu d'artifice de Notes a PAcade'mie des Sciences on n'en compte pas moins de dix-huit dans la seule anne'e 1881 et par sa decouverte des fonctions fuchsiennes qu'il s'est fait conuaitre dans le monde savant. Aussi d&s le debut de^iSS?, alors qu'il n'avait pas encore 33 ans, Henri POINCAR& etait elu a PAcademie des Sciences.

Au debut de 1889, son nom atteint le grand public, quand, 1'emportant sur des savants Strangers chevronnes, Henri POINCARE recoit le prix fonde par le Roi OSCAR II de Su&de. II n'est pas possible d'enumerer son ceuvre scien- tifique qui est considerable ; en dehors des Ouvrages ou des cours publics en volumes, Pedition complete des Notes, Memoires ou Articles originaux qu'il a donnas a diverses occasions comportera dix tomes.

Mais Henri POINCAR& n'etait pas seulement un savant, c'etait aussi un philo- sophe, et les quatre livres de la biblioth&que de Philosophie scientifique qu'il a laisses, La Science et VHypothese, La Valeur de la Science, Science et Methode, Dernieres pensees ont fait participer un public d'intellectuels a ses reflexions sur les fondements de la Science ou Porigine des connaissances humaines. On y trouve « la profession de foi d'un esprit passionn^ de v^rite, et qui sait que la recherche de celle-ci n'est possible qu'avec le scalpel du doute. C'est, si Pon peut dire, le principe de la relativity de la v£rit6 scien- tifique », mais on y trouve aussi des enseignements d'une haute valeur morale.

Henri POINCARJ& n'a pas cherche les honneurs, et sa gloire n'a rien change a sa vie tranquille et reguli&re ni a sa simplicity. Mais apr^s PAcad^mie des Sciences, PAcademie Francaise, et toutes les Academies scientifiques du monde ont voulu le compter dans leurs rangs. Apr&s la medaille d'or du Roi OSCAR, pour ne parler que des etrangers, la medaille d'or de la Societe Astronomique de Londres, la medaille Sylvester de la Societe Royale de Londres, la medaille d'or Lobatschewsky dc la Societe physicomathdmatique de Kasan, le prix Bolyai de PAcademie hongroise des Sciences de Budapest lui ont ete decernes. S'il en a ressenti quelque fierte, ce n'est pas pour en tirer vanite pour lui-m£me, mais parce qu'il etait heureux d'etre Partisan d'un plus grand rayonnement de la France dans le monde.

Ceux des savants frangais ou etrangers qui ont cu a apprecier son oeuvre,

28 PREMIERE PART1E.

soil de son vivant soil apr£s sa mort survenue le 17 juillet 1912 alors qu'il n'avait encore que 58 ans, se sont plu a reconnaitre en lui une puissance d'analyse prodigieuse, et ime intuition remarquable qui le faisait entrer de plain-pied dans toute recherche scientifique si sp^ciale et ^loign^e de ses trayaux personnels qu'elle fut.

De son cot6, rAdministration des Postes a £dit6, quelques mois avant le Centenaire, un timbre Henri POINCAR^ du au graveur J. PHEULPIN qui a donn£ lieu a un tirage limits.

C. - LE JEUDI 13 MAI 1954 AU MUSEE P^DAGOGIQUE.

La premiere en date des c£r£monies du Centenaire a £t6 organis^e le jeudi 1 3 mai 1954 au Mus6e P<3dagogique par 1'Association des Professeurs de Math6matiques de 1'Enseignement Public, et par le Centre de Documentation P^dagogique. Plac6e sous la pr^sidence de M. Albert CHATELET, Doyen honoraire de la Faculty des Sciences de Paris, cette cer^monie comportait 1'inauguration d'une exposition de souvenirs et de documents d'archives de, et sur Henri POINCARE, et une conference de M. Ren£ GARNIER, Membre de 1'Acad^mie des Sciences et professeur a la Sorbonne, sur la g^om^trie de Henri POINCARE.

L'exposition, que M. MONJALLON, President de 1'Association, a pr£sent£e en quelques mots, ^voquait successivement la vie de Henri POINCARE, vie d'^tudiant, vie de professeur ou vie priv^e (sous la forme de devoirs d'^coliers, de cahiers de notes prises a 1'ficole des Mines, de lettres et de souvenirs ou photographies); son ceuvre, math^matique et philosophique (sous la forme de lettres, de manuscrits ou d'Ouvrages imprimis) et le rayonnement de son oeuvre en France ou a l^tranger (sous la forme d'articles de presse r^cents ou anciens et de traductions en diverses langues de certains de ses Ouvrages). Cette exposition ne faisait pas double emploi avec celle que le Comit£

PERIODS PR£LIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 29

National avail organised a PEcole Polylechnique, qui ne devait s'ouvrir que le 1 6 mai, dont il sera parl<5 par suite a cette date.

On trouvera ci-apr£s le texte de la conference de M. GARNIER, qui a 6t£ suivie d'une allocution improvis^e de M. le Doyen CHATELET. Gelui-ci apr&s avoir remerci6 M. GARNIER de son expos6 magistral a <5voqu6 le d£sint£res- sement de H. POINCARE qui a donn6 le nom de Fucus aux fonctions qu'il a d^couvertes, alors que les travaux de FUCHS n'avaient fait que le mettre sur la voie et qu'il avait tous les droits de r£clamer la paternity complete de ces fonctions. M. le Doyen CHATELET a rappel£ cette phrase de Henri POINCARE Iui-m6me, qui montre 1'idde qu'il se faisait des savants. Ceux-ci, dit-il, « devraient 6tre indiflferents a la gloire; quand on a le bonheur de faire une d^couverte, que peut 6tre la satisfaction de lui donner son nom, aupr&s de la joie d'avoir contempt, un instant, la v6rit£ face a face ».

CONFERENCE DE M. RENfi GARNIER

AU MUSEE PEDAGOGIQUE, LE i3 MAI 1964.

Les fonctions a,utomorph.es de Poincare et la Geom£trie.

MON CHEII DOYEN, MESBAMES, MESSIEURS,

C'est avec Emotion que j'apercois au premier rang de cette assistance, des repr^sentants de la famille du grand g^om^tre dont nous ct5l6brons aujourd'hui la m&noire; je voudrais leur exprimer mes sentiments de profonde deference.

Laissez-moi aussi remercier M. MONJALLON et 1'Association des Professeurs de Math^matiques pour m'avoir demande' cet expose'. Je n'oublie pas que la preparation a Fagr^gation a 6t6 Tune de mes fonctions pendant de nombreuses ann^es de ma carri&re; j'ai particip<§ aussi, pendant longtemps, aux jurys de ce concours. Et aujourd'hui, je suis heureux de renouveler le contact, une fois de plus, entre nos ordres d'enseignement. Mais, surtout, je voudrais dire a 1'asso- ciation toute ma gratitude pour m'avoir invit£ a parler de H. POINCARE.

L'ceuvre de POINCARE est immense, en profondeur comme en 6tendue; et chaque fois qu'il a abord6 un probl&me, il y a laissg, suivant 1'expression de

3o PREMIERE PARTIE.

CASTELNUOVO: « la marque inddUbile de son grille univcrsel » (4). L'examen d'un seul de ses Mtemoires suffirait a remplir de nombreux exposes. Aujourd'hui, je ne pourrai done vous donner qu'un apercu bicn sommaire des d^couvertes de POINCARE dans un domaine, ou, d&s Fage de 26 ans, il a affirms sa maitrise; il s'agit de ses recherches sur ce que Ton a appel£, depuis, la th^orie des fonc- tions automorphes. Ces travaux ont eu les plus profondes repercussions sur les domaines les plus divers des Math^matiques : TArithm^tique, FAlg&bre, la ThSorie des groupes, P Analyse, la Th^orie des Equations differentielles. Dans eel expos£, nous nous limiterons en princtpe a certains aspects g6om6triqucs de la question.

Presentons d'abord quelques considerations prdliminaires sur la GtSomtJtric dite cayleyenne. Vous connaissez tons la d^couverte de LAGUERRE : en i853, a Tage de 19 ans il rattachait la notion d'angle a celle de birapport. Six ans plus tard, GAYLEY reprend 1'id^e de LAGUERRE en remplacant 1'ombilicale par une quadrique. Placons-nous dans un espace projectif rdel S3 (que Ton pourra d'ailleurs prolonger par un espace complexe), et supposons acquises les notions de point, de droite, de plan, de quadrique. Dans S3 consid6rons une qua- drique &, sans point double, d6finie par une Equation r6elle. Elle peut 6tre imaginaire, ou convexe, ou a generatrices r^elles. La premiere hypoth^se est celle de la GeomStrie elliptique, la derni&re ne conduit a aucun r^sultat utili- sable; limitons-nous a la seconde; elle nous donnera une Geometrie identique a celle de LOBATCHEWSKY : la G6om6trie liyperbolique.

Les points situ^s a I'int&rieur de la quadrique convexe, ou « absolu », Q sonl dits accessible* ; les droites et les plans qui contiennent des points accessibles sont dits accessibles. L'angle V de deux plans accessibles H*, n2 sera d^fini par la formule du type de LAGUERRE,

v= ^iog(Hi, n2,n',nr),

2. If

n;, 11^ etant les deux plans tangents a Q qui appartiennentaufaisceau (nl5 n2) : cette expression satisfait a la loi de CHASLES. II en est de m6me de Texpression

Ma, M', M'),

C1) Ces paroles ont etc prononcees en 1928 au Congres international de Bologne a propos d'un travail de POINOAR^ qui reste encore, £ Thetire actuelle, la seule voie d'acces a un theoreme fonda- mental de G6om6trie alg6brique (voir OEuvres de Henri Poincare, U YI, Paris, Gauthier- Villars, 1963, p. 178).

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 3 1

ou MI, M2 sont deux points accessibles, cl M;, M" les intersections de la droite MiM2 avec Q. On peut done definir d comme Yabscisse de M2 sur une certaine demi-droite issue de Mj ; M! et M" sont les points a Vinfini de la droile.

On appellera deplacernents les homographies H de 1'espace qui conservent &, ou, plutot, qui conservent chaque systeme de generatrices de Q : les deplace- ments conserveront done les angles et les distances. Une syinetrie plane S , c'est-a-dire une homologie harmonique conservant un plan, edhangera les deux systemes de generatrices de £2, et il en sera de me" me des produits HS ou antideplacements . On montre que le deplacement reel (D le plus general resulte de la composition de deux deplacements (ou rotations) qui conservenl respectivement et point par point deux droites DI et D2, conjuguees Tune de 1'autre par rapport a £2. En general DA et D2 ne sont pas tangentes a £2 : Tune, soit DI, est accessible, et le deplacement qui conserve chaque point de D4 est une rotation elliptique Re (autour de DI). Le de"placement qui conserve les points (inaccessibles} de D2 est une rotation hyperbolique IU autour de D2.

Soit x- -{- j'2 -j- z^ ^2=o liquation de £2; les generatrices des deux sjs- temes ont des Equations de la forme

x -h i y , t z x iy t z

- iL = X - —. et - = IJL = - r- - x iy t H- z x iy

le deplacement (ft induit sur les generatrices du premier systeme (par exemple) des substitutions de la forme

, . # X H- 6

ou, sous forme canonique

On montre que Tangle forme par un plan issu de DA et par son transform^ par R<> est egal a 9 ; et la distance d'un point de DA a son transforme par RA est egale a ty. Enfin, & cote des rotations precedentes on doit signaler les rotations paraboliques R.p; une telle rotation conserve point par point une certaine tan- gente a ^2; elle se traduit par une substitution telle que

(2)

On dit encore que pour ^~o la substitution (i) est elliptique; pour

32 PREMIERE PARTIE.

sin^ o, cllc eslhyperboliyue; dans le cas general ellc eslloxodromique. La substitution (2) estparaboligue.

Nous avons ainsi r£alis<5, sulvant CAYLEY, un module de G<5om6trie lobat- chewskyenne. Mais ce n'est pas celui qu'utiliseraPoiNCARfi. Pour oblenir 1'outil de POINCARE, le plus simple sera d'employer la transformation de DARBOUX sous la forme analytique.

y

2X ~ 2Y ~" i Xs— YS— Za n-X2-i-Y2H-Z* 2Z

OU

X_Y_ z = i = x2-t-Y°-4-zs

( ^ ~& " y ~" \/t*—a;* ->?*—** " £ -4- * ~~ £ *

Les points accessibles (#,/,£, ^)deS3 rendent £2 #2 j2 £2 positif et Ton prend g^n^ralement £2 x1 y~ z* = i et ?;>o. Aux points accessibles de S3 correspondent les points (X, Y, Z) du demi-espace Z > o de POINCARE; aux plans et aux droites de S^ correspondent des demi-sph6res 2 ou des demi- circonferences I orthogonales au plan n, ou Z^= o. L'angle cayleyen de deux droites ou de deux plans de S 3 est 6gal a Fangle euclidien des deux F ou des deux 2 correspondantes ; la distance cayleyenne m.L m% est £gale a log (Mi M2 M' M"), ou MI etM2 sont les images de et m2 et ou MA, M;/ sont les intersections de II avec la demi-circonference F passant par MA et M2. La longueur cayleyenne d'un arc de courbe ab, soit

/ \jdtf -+- dy* -i- dz* dr- (P x*-— j2 z* = i) ,

Jal

est £gale a I'int^grale / ^—^ + c ^tendue a Fare-image. (C'est la « L » •^B L

Les points de Q ont pour images les points de II; chaque g6n£ratrice de ^ contient un point r£el m et un seul; Fimage M de m a pr6cis£ment pour affixe X + ^Y = X. Tout d6placement cayleyen se traduit ainsi par une substitution homographique sur >t, de Fun des types ddja mentionn^s. Et de m£me qu'une rotation cayleyenne est le produit de deux sym^tries par rapport a deux plans, de m&me une substitution sur X est le produit de deux sym^tries par rapport a deux droites ou de deux inversions par rapport a deux circonferences ; et, selon que ces circonferences (par exemple) seront s^cantes, tangentes on sans point commun, la rotation cayleyenne sera elliptique, parabolique ou hyperbolique.

Ces propri^t^s si simples jouent un rdlc cssentiel dans les recherches de

P^RIODE FR£LIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 33

PoiNCARfi. Les r^sultats suivants ne sont pas moins imporlants. Supposons qu'un groupe de d<£placements cayleyens conserve un plan accessible P, et choisissons le Le'lraedre de reference de facon que P ait pour Equation y = o. Soil A 1(3* pole de P par rapport a £2; soienl encore in^x^zt] un point de P (n'appartenant pas a &), rn' un point de Q situe' sur mh.] on a (avec £2 Xs* z-~\)

yV2 $'- z'"1 y'

X

X

z

z

SI

Fig. i.

X H- «Z =

•) Y'I »Y'

= A = A. -h 2 I .

Quand m tend vers C, intersection de Q par P, m; tend vers 6, et A (qu'on d£finira au moyen de #', j;, ^A, ^) tend vers une valeur r6elie. Tout d^place- ment qui conserve P se traduit done par une substitution (i) qui change A r^el en lf r^el; les rapports mutuels de a, b, c, d, sont doncr^els et a, b, c, d, peuvent £tre supposes r^els. Les d(5placements des points de P pourront 6tre interpr6te's a volonte' d'une maniere identique, soit dans le demi-plan n(Z = b,Y^o) soit dans le demi-plan H^Y—OjZ^o), orthogonal a H le long de F axe OX) (i).

(») Sur la figure i, le point M, de II, est I'image de m'; le point M', de IIf, est Timage de m. « H. P. 5

34 PREMIERE PARTIE.

Si le plan P avait une Equation de forme ggnSrale, 1'axe re"el serait remplac6 par une circonference du plan II et le demi-plan II' par une clemi-sphere issue de la circonference pr6ce"dente.

Tel est 1'outil ge'ome'trique qui scrvira a PoiNCARti des ses premieres recherches. II nous faut parler rnaintenant de 1'origine de ces recherches.

D'une maniere un peu simpliste, on pourrait la situer dans un probleme de pavage introduit par la the'orie des fonctions analjtiques. Les e'coliers apprennent que Ton pent r^aliser un pavage plan par des poljgones e*gaux; triangles e'quilate'raux ou rectangles, Carre's, rectangles, hexagones rSguliers, etc. Vous sayez que la the'orie des fonctions elliptiques conduit a paver le plan euclidien par un re'seau de parallelogrammes. -Or, depuis les travaux C!'HERMITE on pouvait r&iliser un pavage du plan hyperbolique. Gonside'rons les pe'riodes de I'inte'grale elliptique de premiere espece

envisages comme fonctions de #, ces pe'riodes satisfont a liquation diffe^ rentielle

i

(4) x(i x)y (i jy 4- j

or on peut de'fmir deux pe'riodes 20), 2co;, Aites primitives, Lelles que 1'expres-

sion y-~~x ~~^ fonction dn rapport r = ~ reste invariante si 1'on effeclue 27 x^(l #)2 L L co

sur T une substitution

(5) T'= a~^b

^ } c-z H- d

&. coefficients entiers et de de'terminant 6gal a i . Si 1'on pose r TI H- /r2 (TI et T2 re'els) et que 1'on trace la demi-circonfe'rence r(rj + T^ = i , t2^> o) el

les demi-droites TA = ± -? (^2!> y3); on aura de"fini dans le demi-plan analy-

tique supe'rieur r2>o un triangle T, ou: plus exactement, un quadrilatere, poss^dant en T=? un angle plat, et que Ton peut engendrer a partir de la moiti6 de gauche T^(T < o) en la compliant par une syme'trie illative a, TI = o. Si 1'on continue a prendre les syme'triques de Tf par rapport a ses cote's rec- tilignes, son inverse relativement au cot6 curviligne, et ainsi de suite, ind^fi- niment pour chacun des nouveaux domaines ainsi obtenus, on aura constitue' un re'seau de triangles qui, apres un nombre suffisant d'ope"rations finit par

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS.

35

Fig. a.

Fig. 3.

30 PREMIERE PARTIE.

recouvrir toute region bornEe situEe au-dessus de la droite r2 = s (ou e esl arbitrairement petit); on a rEalisE ainsi la division modulaire du demi-plan supErieur (fig'. 2) (*); la figure 3 se dEduit par inversion de la figure prEcEdente; la figure 4 les traduit toutes deux dans Pespace cayleyen (xyzt). Tout point r' du demi-plan supErieur se dEduit d'un point r convena- bleraont choisi dans T mojennant une substitution (5); on dit que T' est equi- valent a T; par contre, deux points quelconques intErieurs a T ne sont Equiva- lents par aucune substitution (5). En tous les points Equivalents a T, #(T) reprend la m£mc valeur. Par definition, T est un domaine fondamental du

Fig, 4.

groupe modulaire (5). Or, les substitutions (5) peuvent Eire conside're'es comme d^finissant des dEplacements du plan hyberbolique; tous les domaines Equivalents a T sont des images dans II de domaines Egaux ou cojigrueiits entre eux, au sens de la GEomEtrie hjperbolique. On a ainsi rEalisE un pavage rEgulier du plan hyperbolique.

Signalons enfin 1'existence d'un sous-groupe du groupe modulaire

a~i==d, &==o==c (mod 2)

possEdant pour domaine fondamental un quadrilatere symEtrique d'angles nuls (fig. 5 et 6). Ce quadrilatere est aussi un domaine fondamental pour la fonction #(T), ou x a la mtoe signification que dans 1'intEgrale I.

SCHWARZ avait cherchE a genEraliser les rEsultats prEcEdents en effectuant des pavages a Taide de triangles dont les angles sont des sous-multiples de TT (2);

(J) La figure 2 et les suivantes sont extraites des Ouvrages de KLEIN et FRICKE cit6s a la bibliographic. Sur la figure 2, w a la signification de la variable T du texte.

(2) La figure 7 se rapporte au cas ou les angles du triangle sont e~gaux &£,£,-.

6 4 7

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 87

les fonctions invariantes correspondant a ces pavages se rattachaient encore a des Equations (4) du type hyperge'ome'trique. Mais le probleme ge'ne'ral restait intact : comment determiner tous les pavages du demi-plan analytique ou merne

or* -2.

Fig. 5.

Fig. 6.

du plan tout entier a partir d'un polygone (coiivenablement choisi); et un tel pavage ayant 6te" r^alis6, comment construire toutes les fonctions analytiques me'romorphes qui reprennent la m£me valcur en des points Equivalents du pavage? Ces problemes, qui se posaient si naturellementj avaient r6siste' a tous

38

PREMIERE PARTIE.

les efforts, lorsque POINCARE, a 1'aube m&me de sa carriere scientilique, s'y attaqua, pour les r<3soudre, suivant le mot de DARBOUX, avec une simplicity inesp<3r<3e. II ne saurait 6tre question ici de retracer, m£me en ses grandes

Fig. 7.

lignes, la m^tliode de POINCAH£; pourLaut, je voudrais meltre en relief quelques faits essentiels.

Considerons uu groupo G de substitutions de la forme (5), mais a coeffi- cients a, (3, y? $ quelconques. Nous dirons que G est proprement discontinu dans une region ferm^e, R, de 11, s'il existe un entierN tel que R ne contienne jamais plus de N points Equivalents entre eux par G; par exemple, le groupe inodulaire est proprement discontinu au-dessus de 1'axe r^el; il ne Test plus

PERIODS PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 89

dans unc region qui conlient cet axe. Dans les applications a F Analyse, la pro- prie'te' pr<5ce"dente rev£t une importance essentielle : si /'(r) est une fonction analjtique uniforme dans R et invariable par les substitutions de G, le groupe G doit £tre proprement discontinu dans R.

PoiNCARfi cherche d'abord a determiner tous les groupcs conservant 1'axe re"el et proprement discontinus, comme le groupe modulaire, au~dessus de Faxe re"el; interprets dans 1'espace cayleyen, ce sont les groupes qui conservent un plan hyperbolique P (et que 1'on appelle aussi groupes de rotation, ou groupes a cercle fondamental). II montre comment on peut construire un polygone Q (a cote's rectilignes dans P, done circulates ou reetilignes dans fletlf) tclque les transformed de Q par les substitutions de G remplissent P sans trous, ni duplicature, ce qui entraine la discontinuity propre. Par exemple, si Q n'a pas de cote's sur 1'axe re"el, ses cote's devront se grouper par couples de m&me lon- gueur respective ; ses sommets devront se grouper en cycles tcls que la somme des angles d'un meme cycle soit un diviseur de arc. POINCARS montre que ces conditions sont suffisantes; a cet effet, il observe que deux points de II non silue's sur 1'axe r<5el peuvent elre relics par une courbe G de longueur cayleyenne finie, et il en d^duit que C ne peut traverser qu'un nombre fini de poly- gones Equivalents a Q. Gette demonstration tres simple comblait une lacune importance d'un M^moire de SCHWARZ, et elle donnait le droit de cite" a une famille de groupes infiniment plus elendue que celle des groupes de SCHWARZ : ce sont les groupes que PoiNCAHfi a de"signe"s sous le nom de groupes fuchsiens (l).

En principe, cet expos6 se limite aux aspects g^om^lriques des premiers travaux de PoiNCAiifi; pourtant, il m'est impossible en ce moment de ne pas dire un mot de $&$ functions fuchsiennes que Pome ARfi aassoci^es aux groupes qu'il venait de de"couvrir; suivant le mot de Guido FUBINI, c'est la une des conceptions les plus geniales du grand mathe"maticien. Soient done

(l) PoiNCAR^ a donne lui-m^mej clans Science et Methode (p. 5o), des indications sur la genfese de sa decouverte.

4o PREMIERE PARTIE.

les substitutions du groupe fuchsien G, et H(T) une fonction rationnelle quel- conque; POINCAR& forme la seric

(6) e(T)

etendue a toutes les substitutions du groupe; apr&s avoir etabli, grace a la Geo- metrie cayleyenne, la convergence uniforme de

dans tout domaine interieur a II, il montre que (6) est absolument ct unifor- mement convergente dans le m6me domaine et que Ton a

D&s lors, le quotient de deux de ces series thetafuchsiennes sera invariant par toute substitution de G : ce sera une fonction fuchsienne.

montre encore qu'on peut former une Equation different! ell e

ou R(^) est rationnelle ou alg^brique, suivantla definition de Q, et qui est telle que x soit une fonction fuchsienne du rapport des integrates de liquation : c'est la generalisation la plus complete de la propriete signalee anterieurement pour liquation, hypergeometrique (4).

Revenons a la theorie des groupes. Les premiers Memoires de POLNCARE so rapportaient aux groupes de rotations et non aux groupes de deplacements les plus genera ux; or, des exemples tres simples, dus a SCHOTTKY et a KLEIN, montraient que la subdivision du plan analytique tout entier en polygones equivalents pose des problkmes encore plus ardus que les premiers cas elu- cides; une etude directe du probl&me general par les precedes precedemment employes semblait impraticable. G'est alors que POINCARE songea a transporter dans Fespace a trois dimensions les methodes qu'il avait introduces dans le demi-plan 11^. A ses yeux ce serait la un simple artifice ; mais les mathematiciens

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 4l

en ont toujours jug£ autrement; en introduisant 1'espace a trois dimensions a propos d'un probl£me du plan, POINCAR^ a d6cel6 les raisons profondes des propri6U$s de la solution, et, suivantle mot de FATOU, il s'agit vraimentla d'une de'couverte capitale. Ainsi done, PomcARfi d^finit un poly&dre g£n£rateur & et lui impose des conditions n^cessaires C pour que *£- introduise un groupe pro- prement discontinu. On peut faire a ce sujet deux hypotheses : ou bien la subdi- vision de 1'espace cayleyen en poly&dres congruents, a partir de Q admet £2 pour fronliere; on a alors un groupe polyedrique, int^ressant au point de vue g6om£trique, mais sans application en th^orie des fonctions ; ou bien la subdi- vision de 1'espace d6borde au-dela de £2, et son empreinte sur & (ou 1'image de cette empreinte dans II) d^finira des regions de discontinuity propre d'un groupe kleineen. POINCA.RE associe a ces groupes «des fonctions invariantes ; ce sont les fonctions kleineennes; toutefois, les demonstrations d'existence ou de convergence ne peuvent proc^der comme pour les fonctions fuchsiennes, car, par exemple, les notions de longueur ou d'aire ne sont plus d^finies sur £2.

Donnons quelques exemples. Consid^rons un t6tra6dre 6, dont quatre aretes, formant quadrilat&re gauche, sont circonscrites a Q et adjoignons-luison sym6- trique cayleyen par rapport a une face. On constitue ainsi un hexa&dre et Ton montre qu'il v&rifie les conditions C. Or, les traces des faces de <& sur i2 ont pour images quatre circonf6rences ou droites KI, Ka, K3, K4 auxquelles des inversions appropri^es peuvent donner 1'une ou 1'autre des dispositions ci-contre (fig- 8 et 9); les substitutions de G seront des produits d'un nombre pair d'inversions ou sym^tries par rapport aux cot^s. Si Ton n'envisage que les produits d'un nombre pair d'inversions par rapport a trois cercles choisis une fois pour toutes, on obtient un sous-groupe de G qui admet un cercle fonda- mental, le cercle orthogonal aux trois cercles choisis; il existe quatre sous- groupes G/ et quatre cercles orthogonaux H< du type pr6c6dent. Les cercles K; limitent deux quadrilat^res P et Q.

La partie de P situ6e au-dessus de Ha et ses homologues par les transforma- tions de G2 recouvriront la region situ^e au-dessus de H2 (jig- 8). G sera pro- prement discontinu sur le segment ouvert fq de H2; il cesse de l'£tre en c, point parabolique, en y, point de PONCELET du faisceau (K1? K3) done point hyperbolique, et en un ensemble infini E de points doubles Equivalents aux H. P. 6

42 PREMIERE PARTIE.

pr6c6dents, ainsi qu'en Pensemble E; d^riv&de E. En faisant appel aux substi- tutions de G3, GI, G,, on recouvrira la region situ^e au-dessous de H3, ainsi que

Fig. 8.

Fig. 9.

rint&rieur de Ei et H4. Dans la bande (Hi? H*) les points ou G cesse d^tre proprement discontinu sont situ^s en premiere approximation a 1'int^rieur des

PERIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 43

triangles apb, bqc. La combinaison des substitutions de G4, G2, G3, G4, permet de recouvrir d'autres regions sans cesse plus 6tendues appartenant aux deux triangles pr6c6dents, de sorte que les points ou G n'est pas proprement discontinu ferment un ensemble situ£ a Fint^rieur d'une chaine de triangles arbitrairement petits. On congoit ainsi que G cst proprement discontinu en

Fig. 10.

deux regions s^par^es 1'une de Pautre par une courbe de Jordan C- Gette courbe n'est pas analjtique : aux points paraboliques tels que b elle a manifes- tement une tangente, mais son paratingent n'y est pas lin^aire et elle n'j poss^de pas un cercle de courbure, car il y a des points de C arbitrairement voisins de b sur H4, comme sur HI- Des considerations analogues montrent

44

PREMIERE 'PARTIE,

qu'elle n'a pas de tangente en un point hyperbolique, tel quo q] et aux points loxodromiques deux arcs de la courbe s'enroulent en spirale sans se rencontrer (fig- 10).

Examinons rapidement d'autres exemples. Faisons varier par continuity la figure formee par K1? K2, Kn, EU de manure que K:, devienne tangent a Kj. Le quadrilat&re P se subdivise en deux triangles!3', P"; les symelriques ou inverses de P vont engendrer un r^seau de triangles remplissant I'mterieur

Fig. ii.

d'un cercle comme la division modulaire; et il j aura une infinite de reseaux analogues (fig* 11). La courbe C se transforme a la limite en un ensemble infini de cercles tangents et en sa fermeture.

Si maintenant les cercles K1; K2? R;$J K, sont tangents deux a deux, chacun des quadrilat£res P et Q est subdivis^ en deux triangles. La subdivision de 1'espace hyperbolique se rattache a la construction d'un t6tra6dre dont les six ar&tes sont tangentes a fl (et dont les faces coupent Q suivant les quatre cercles pr6c^dents). Supposons le t£tra£dre r^gulier et introduisons les sym£-

PERIODE PRELIMINAJRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS, 45

Fig. 12.

46 PREMIERE PART1E.

tries par rapport aux plans bissecteurs ; on retrouve une infinite^ de fois le r6seau modulaire (fig* 12).

Citons encore le cas d'un domaine fondamental construit a partir de quatre circonferences sans points communs; Pensemble des points ou G cesse d'etre proprement discontinu ne pent plus 6tre enchain^ il ne forme plus de continu (fig* i3). Nous mentionnerons un reseau construit a partir de cinq

Fig. 1 3.

circo&f^rences tangentes limitant un pentagone, un quadrilat&re et un triangle. La courbe fronti£re des regions de discontinuity propre comprend une courbe non $nalytique et des cercles orthogonaux aux triangles d'une infinite de r^seaux (fig* i4)-

L'examen que nous venons'de faire a 6t6 n(5cessairement tr^s rapide. Peut- ^tre vous aura-t-il fait pressentir la richesse des perspectives et des voies nouvelles ouvertes par PowcARfi, et qui, actuellement encore, sont loin d'etre conipl^tement explordes. La notion de pavage du plan euclidien conduisait a des figures tr&s simples, connues depuis longtemps. La m^me notion introduite

P^RIODE PRELIMINAIRE ET PREMIERES MANIFESTATIONS. 4?

dans le plan hyperbolique donne naissance aux configurations les plus complexes et fait appel aux concepts de la G£om6trie directe et de la theorie des ensembles. POINCAR£ nous aura montre, ainsi, entre beaucoup d'autres r^sultats, une difference aussi essentielle qu'inattendue entre les deux Geometries,

Fig. 14.

BIBLIOGRAPHIE.

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48 PREMIERE PARTIE.

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dantes qui s'y rattachent, aa ed., t. II (Fonctions automorphes), Paris, Gauthier-Villars, 1980.

Ce tome a ete redig^ par P. FATOU (mort avant d'avoir pu en corriger les £preuves); sa

lecture s'impose k to us ceux qui veulent s'initier k la theorie. R. FRICKE et F. KLEIN, Vorlesungen aber die Theorie der automorphen Funktionen, t. I et II,

Leipzig, Teubner, 1897 et I9IX*

G. FusiNi7 Introduzione alia teoria dei gruppi discontinui e delle funzioni automorfe, Pisa, Spoerri, 1908.

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H. POINCAR£, GEuvres, t. II, Paris, Gauthier-Villars, 1916.

DEUXlfiME PART1E

CALIBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE

LE 15 MAI 1954.

A.- LE SAMEDI 15 MAI 1954 A LA SORBONNE.

Le samedi i5 mai, dans le grand amphitheatre de la Sorbonne s'eslderoulee la stance solennelle de commemoration du Gentenaire en presence de M. Rene COTY , President de la Republique. A la table d'honneur, avaientpris place, a cote du President Andre MARIE, Ministre de Pfiducation Nationale, M. Georges LECOMTE, Secretaire perpetuel de 1'Academic Franchise, le Due Maurice DE BROGUE, President de PAcademie des Sciences ct Membre de PAcademie franchise, M. Franc, ois-Alberl BUISSON, Secretaire perpetuel de PAcademie des Sciences morales et politiques, Chancelier de PInstitut, le Prince Louis DE BROGLIE, Secretaire perpetuel dc 1'Academie des Sciences, Membre de 1'Academie Francaise, M. Georges DAVY, Membre dc PAcademie des Sciences morales et politiques, Doyen de la Faculte des Leiires, represcntani le Recteur de PAcademie de Paris qu'un voyage en Hongrie retenait eloigne de la capitale, M. Jacques HADAMARD, Membre de PAcademie des Sciences, M. fimile BOREL, Membre de PAcademie des Sciences, Directeur de PInstitut Henri POINCAR&, M. Henri VILLAT, Membre de PAcademie des Sciences, M. Gaston JULIA, Membre de PAcademie des Sciences, President du Comite d'Organi- sation des fetes du Cenlenaire, M. Joseph PJ&R&S, Membre de PAcademie des Sciences, Doyen de la Faculte des Sciences de Paris et M. Paul DUBREIL, Professeur a la Sorbonne qui assistait M. Gaston JULIA.

De nombreux savants etrangers sont venus d'Allemagne, d'Autriche, de

Belgique, du Danemark, des fitats-Unis, de Finlande, d'ltalie, deNorvkge, des

Pays-Bas, d'U.R.S.S. ou de Yougoslavie, pour participer aux ceremonies du

Centenaire. Parmi ceux-ci, les delegues officiels des Academies, Universit^s

H. P. 7

5o DEUXIEME PARTIE.

ou Soci6te"s savantes auxquelles Henri POINCARE a appartenu, avaient leur place sur 1'estrade, avec les Acad^miciens dont beaucoup, pour la circonstance, avaient rev&tu Phabit vert.

Au cours de celte stance qualre cliscours out retrace" Fceuvre de Henri PoiNCARfi dans les diverses branches de son activite'. M. HADAMARD a rappele' ce que fut le mathe"maticien, M. VILLAT ^a parl6 du me'canicien, le Prince Louis DE BROGUE et le Due Maurice OE BROGUE ont pr^sente" rcspectivement le phjsicien et le philosophe.

Puis M. Gaston JULIA, dans une allocution, a rendu compte de Fachevemenl de la mission que 1'Academie lui avait confie'e, et il a rernis solennellement au Secretaire perptHuel de 1'Acade'rme des Sciences le dixieme et dernier volume de l'6dition des oeuvres de Henri POINCAR&, qui comme il s'y etait engage, etait sorti des presses de la maison Gauthier-Villars, quelques jours avant la calibration du centenaire.

Apres que M. Emile BOREL eut rappel^ en quelques mots, la fondalioii de Tlnstitut Henri Poincare", le President Andr6 MARIE a cloture' cette grande stance par un discours tres remarque" ou il a bross6 un tableau de 1'homme, da savant et du philosophe.

Entre les discours, afin de reposer un peu Tattention des auditeurs, 1'orchestre a vent de la Garde r<5publicaine, sous la direction, du Commandant Frangois-Julien BRUN, Chef de la musique de la Garde, a fait entendre succes- sivement 1'ouverture de Guillctume Tell de ROSSINI, la Rapsodie norvegienne d'fidouard LALO, 1'ouverture du Carnaval romain d'Hector BERLIOZ, un Lar ghetto pour clarinette de MOZART, et la Marc fie lorraine de Louis GANNE, sans oublier la Marseillaise joue'e pour accueillir le President de la Republique.

Une reception dans les salons de la Sorbonne a suivi la ce"r^monie officielle qui constituait 1'hommage du pays el de PUniversite" a la me'moire de Henri Poincare'.

DISCOURS DE M. JACQUES HADAMARD

DE L'ACADfeMIE DES SCIENCES

Henri Poincare et les mathematiq;ueb .

La France celebre aujourd'hui une de ses gloires nationales. Le nom de Henri PomcARfe doit toe connu de tous, et 6veiller un juste orgueil dans Pame de tout frangais, comme il Paurait fait de son vivant m£me, s'il s^tait agi d'un

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAJRE A LA SORBONNE LE l5 MAI 1964. 5 1

autrc champ d'activit6 de 1'esprit liumain. L'oeuvre du math^maticien n'est pas apparente, elle est la base, la base cach^e, d'<3difices que chacun pent admirer mais qui n'ont pu s'6lever que grace a la solidit6 dcs fondations.

Quand on entrcprend, comme 1'honneur m'en 6choit aujourd'hui, la tache pen ais£e de caract^riser en quelques instants une grande oeuvre, une de celles qui marquent une <3poque de 1'csprit humain, on veut a juste titre j trouver une unit6, en d^gager une personnalite individuelle d'autant plus marquee qu'il s'agit d'un g6nie lui-m$me plus original et plus puissant.

II ne faut pas, cependant, nous placer aujourd'hui a ce point de vue : je croirais, en 1'adoptant, diminuer en m<5me temps que dthiattirer 1'oeuvrc de Henri POINCARK.

a Nous sommes plutot serviieurs que maitres en Math^maliques » m'a ditun jour HERMITE. Tout an plus, le savant suit-iJ en ggntSral son temperament dans le choix des probl^mes qu'il so pose. Ainsi pent proc^dcr la mojenne des chcrcheurs.

La moyenne dcs cherchours, mais non pas PoiiscAufi. II emprunta ses sujets non aux ressources de son esprit, mais aux besoins de la Science. C'est d'eux que partait sa pens£e. Elle naissait en quelque sorte en dehors de lui et une « force sup^rieure » autre parole chftre a HERMITE, faisait apparaitre en lui une lumi&re visible pour lui seul eL qu'il faisait briller pour tous.

Qu'il me soit permis de rappeler sommairement quel <Hait au moment de sa venue 1'etat de la Science math^matique.

Le xviii0 si^cle avait I<5gu6 au xix° deux grands problSmes : Fint^gration des Equations diff^rentielles et celle des Equations aux d£riv6es partielles. La Science du xix° si^cle ouvrit a cet 6gard une voie nouvelle. Elle apprit a 6clai- rer d'une lumi&re inattendue les propri^t^s qui s'offraient a son ^tude en donnant sjst^matiquement aux variables qu'elles introduisaient non plus seule- ment des valeurs rdelles, mais aussi des valeurs imaginaires.

Cette « th^orie des fonctions » ou plutot « des fonctions analytiques » fut surtout en France Fceuvre de CAUCHT, en Allemagne celle de WEIERSTRASS. Us fond6rent chacun de son cott5 la thdorie des fonctions analytiques el pos^rent un premier fondement de la th^orie des Equations diffiSrentielles.

CAUCHY mourut en 18.07; WEIERSTRASS lui surv^cut ansj et fut dans la Science allemande Pobjet d'un enthousiasme sans bornes. Mais un de ses plus illustres disciples, MITTAG-LEFFLER, nous a rapports qu'a la fin de sa carri&re il voy^it, non sans quelque m^lancolie, la primaut<5 qu'il avait assur^e & 1ft Science allemande passer a noire pays,

52 DEUXIEME PARTIE.

C'csL qu'en ode I un grand uv6ncment scientifique venal t do sc produire. Les fonctions fuchsicnnes venaient <c d'^clalcr », suivanL un mot prononc^ a PcSpoque, dans ime serie de Memoires de Henri POIMCARE.

L'un des plus beaux iriomphes de la thgorie des fonctions analytiques avail 616 la theorie des fonctions ellipliques. Or avec la grandiose generalisation apportee par Henri POINCAR£, un ensemble de proprietes aussi belles que celles qui appartenaient aux fonctions elliptiques 6tait etendu a une infinite d'&tres relevant d'uue m£me theorie gtfn^rale, si profondement differents qu'ils fussent les uns des autres.

Les fonctions fuchsiennes appor talent, a-t-on pu dire, « les clefs du monde alg6brique » et resolvaienl dans un cas important, celui des Equations Iin6aires a coefficients alg6briques, 1'autre grand probl&me dont nous avons parle en commengant, 1'integration des Equations differentielles.

Avant m£me le M6moire sur les fonctions fuchsiennes, POINCAR£ avait public quelques courtes Notes sur des questions d'Arithm^tique. Je dirai un mot de Tune d'elles qui me paralt ^clairer un aspect de sa personnalite. Elle est con- sacr6e a la mtHhode de la reduction continuelle, c6l£bre invention d'HERMiTE qui excite notre admiration, mais sans que nous puissions comprendre com- ment son auteur a 616 conduit a 1'imaginer.

Or ce que nous ne devinons pas chez HERMITE apparait en pleine lumitire avec POI^CAR^ ; et cc caract^re non seulement lumineux, mais parfaitement direct de POINCAR£ ne se dementira pas a travers toute son ceuvre.

Serait-ce done que, contrairenient au grand pr^dt^cesseur qu'il explique en cette occasion, POINCARE n'6tait pas guides par une secr&le intuition ? II est impossible de 1'admettre, ne serait-ce qu'en presence du r^cit bien conmi de ces illuminations soudaines qui ont marqud le d^but de sa carri^re et ont abouti a la fondation de la th^orie des fonctions fuchsiennes. En outre un exemple bien typique de 1'intervention de Finconscient se trouve dans le tome III des Methodes nouvelles de la Mecanique celeste, ou POINCA.R& est conduit a parler du Calcul des variations. A ce moment, le Calcul des varia- tions venait d'etre dol6 par WEIERSTRASS d'une m^thode rigoureuse qui donnait £ la question une response parfaite et definitive. Seulement WEIERSTRASS, vers U fin dc sa carri&re d^daignait de publier ses r^sultats lesquels, en consequence, sont pendant longtemps restes exclusivement connus de ses auditeurs.

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE LE l5 MAI ig54. 53

avait-il soit connu, soit retrouv^ cette me*thode de WEIKRSTJIASS? La lecture de son celebre Ouvrage est troublante : dans une m£me page figurent une phrase qui ne peut avoir £16 e'crite que par'quelqu'un qui ignorait la m^thode de WEIERSTRASS eL une autre laquelle lie peut avoir e'te' e'crite que par quelqu'un qui la connaissait. Ce veritable dedoublement de la personnalite car e'en esl un manifcsle Pinter vention d'un el m£mc de deux inconscients doiit chacun suit sa propre voie sans que nous sojons renseigne's sur les e tapes de son clieminement.

Mais ce cas est tout exceptionnel. Si profondtjment puisees a Pinconscient quo puissent 6 Ire les id£es de PoiNCARft, leur marche est parfaitement explicite'e ct donne a cliacun Pillusion qu'il aurait sans doulc pu en irouver autant.

Apres la th6orie des 1'onctions fuchsiennes, Padmiration des mathematiciens ne devait pas s'iiiterromprc. Ellc nc cessa d'etre entretenuc par la rapidit6 incroyable avec laquelle se succederent les decouvertes dont un seul volume, le tome XT du Bulletin de la Societe Mathematique de France contient trois Me'moires apportant tons de profondes renovations aux theories qui en etaient Pobjet.

Dans les annees qui suivirent, les Me'moires decisifs se succe'dcrent encore avcc une merveilleuse rapidite.

Dans quelles directions se sont eflectuees ces recherclies si fecondcs?

Dans toutes. II n'est peut-^tre pas une grande question qui ait arr£te les ge'ometres et ou le g^nie du jeune savant ne nous ait montro la voie a suivre.

La the'orie des fonctions analytiques d'abord, dont deux grands chapitres j usque-la inexplore"s et qui se sont regie's particulierement difficiles furent ainsi tir^s du n^ant. Decouvertes de premier ordre qui, venant de tout autre auteur, attireraient toute notre attention, mais dont il nous est impossible de parler, obliges que nous sommes d'en venir au grand sujet des Equations diffe'rentielles.

Nous ne pouvons me1 me pas parler des progres que PoiNCARfi a fait faire a cette derniere etude sous les points de vue ou Pon s'6tait plac6 jusqu'a lux. Mais en m^me temps qu'il poursuivait ces voies, il en ouvrait une profonde'- ment nouvelle dont il montra la fe"condite" et qui, d^laissant le domaine com- plexe, s'attachait aux formes possibles des courbes replies satisfaisant a Pe'quation.

54 PEUXIEME PARTIE.

lei se rotrouvc une circonstance deja apparue dans d'autres chapitres de 1'histoire des Mathematiques. Lorsqu'il s'est agi de la resolution d'unc equation alggbrique, les premiers algebristes, et cola jusqu'au dernier quart du xvnic si£cle, parent raisonner isolement sur une racine de I9 equation, mais ils i'urent d(5finitivement arrelgs dans cette voie. Les recherches v^ritablement lecondes entreprises sur ce problem e ont procedtS tout autrenient en raisonnant sur Tensemble des racines el sur les relations quc 1'on peut tHablir entie elles. POINCAR& nous apprend a nous conformer a ce m6me principe dans I'gtude des equations diff<Srentielles.

Que peut-on dire des diverses conrbes qui satisfoni a une m£me equation diflferentielle, supposed du premier ordre pour commencer ? S implement ceci, que deux d'entre elles ne peuvent jarnais se couper, sauf aux points singuliers. Cette base fragile au premier abord a suffi comme point de depart a Poincar6.

II j a cependant ajout£ une consideration essentielle et qui avait echapp^ a tous ses pr^decesseurs. C'est a RIEMANN que se rattache une remarque enfantine au premier abord dont la pu£rilit6 apparente rend plus remarquable encore le role essentiel qu'elle a jouts dans la Science. Si CAUGHT, dans le premier M^moire qu'il ait public (i8i3), ne 1'avait par m^connue, il n'aurait pas, 4o ans plus tard, laisse a RIEMANN la gloire de computer la th^orie des fonctions alg^briques. Lorsque a son lour RIEXMANN reconnut ce principe et s'en servit pour computer cette th^orie, il ne comprit pas que son application n'<5tait pas Iimit6e au probl£me dont il venait de s'occuper. II ^tait donn6 a PoiNCARfi de le montrer indispensable dans l'<Hude des Equations diff'^rentielles et de discuter, grace a lui, les formes possibles des courbes que ces Equations d(^finissen.t.

Ce que pouvaient toe ces formes, on pouvait 6tre tente de se 1'imaginer d'apr^s les exemples que fournissent les cas simples des Aquations 6l^mentai- rement intt^grables. II j avait la une erreur a laquelle doit r£fl£chir quiconque s'iixt^resse & la m^thode scientifique. Voici un probl^me que nous savons trailer dans certains cas particuliers. D'apr^s les caract&res que pr^sentent les solutions connues dans ces cas-la, nous pr6jugeons de ce qui doit se passer dans d'autres probl^mes qui nous semblent analogues. Nous ne pouvons gu6re faire autrement, mais il ne faut pas oublier qu'entre les uns et les autres doivent n6cessairement exister des differences profondes quoique cach^es ^ nos yeux et dont doit nous avertir le fait m&joae que nous sommes capables de traiter les uns et non de trailer les autres .

C'est ce qui se produit effectivement pour liquation diflferentielle du pre-

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mier ordre. Si celle-ci pouvait, comme dans les cas t^mentaires, se trailer a 1'aide d'une integrate, c'est-a-dire en 6galant a une constante une certaine fonction des coordonn^es, elle ne pourrait pas donner lieu a des figures telles que celles que POINCARU mei en Evidence.

Mais F6tudu de Fequation different! elle du premier ordre ne represente qu'une premiere etape. L'<5tude des Equations du second ordre rapproche POINCAR£ de Fobjet principal sur lequel, avec toute F Analyse moderne, il ne cesse d'avoir les yeux fix£s : a savoir les Equations diff^renlielles de la M6ca- nique celeste, celles qui r^gissent les mouvemenls des plan^tes sous Faction non seulement de Fattraction du Soleil mais aussi de leurs attractions mutuelles.

II ne peul pas £tre question d'int^grer un pareil sysl&me d'dquations au sens 6l£mentaire du mot. II faudrait pour cela disposer d'int<5grales en nombrc suffisant. On est loin de compte et PomcARfi raontre qu'il faut renoncer a en a j outer aucune aux dix integrates classiques.

Par contrc, un premier fait a d'autre part gouvernti ses recherches : Fexis- tence de solutions p&riodiques. Si une plan&te (par exemple la Terre) £tait seule en presence du Soleil et soumisc a sa seule attraction, elle se comporterait comme Fimaginait PTOLfiMfiE et m^me KJ&PLER, c'est-a-dire qu'au bout d'un an elle se retrouverait exactement dans la m6me position qu'au depart et anim^e du m^me mouvement, pr^te <a une seconde revolution exactement identique a la premiere. Le mouvement serait p^riodique. II n'en est pas ainsi en r6alit<§, parce que la Terre est 6galement soumise ^ Fattraction des autres plan^tes lesquelles d'ailleurs r^agissent aussi les unes sur les autres et troublent leurs mouvements. Peut-il, mtee dans ces nouvelles conditions, exister pour le systkme r^duit a trois corps pour commencer par le cas le plus simple des mouvements p^riodiques? C'est la question que n'a cess6 de se poser PoiNCARfi, et cela d&s ses premieres ann^es de travail dont nous avons dit F extraordinaire f£condit6, et aussi jusqu'au moment ou la mort le guettait, jusqu'& ce dernier M^moire dont la tragique introduction ^voque les craintes malheureusement trop fondles que lui inspirait sa sant6.

Ges solutions p^riodiques qu'il apprit ainsi a dc5celer se sont montr^es entre ses mains la seule voie par laquelle on a pu p£n6trer dans une place jug6e jusque-k inabordable.

A ce point de vue, le cas relativement simple de liquation difi^rentielle du

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second ordre, d^finissant une courbc dans 1'espace ordinaire, est deja typique. Si une pareille courbc est fermee, les courbes-solutions voisines le seront approximativement et 1'une quelconque d'entre elles issue d'un point de depart d<Hermin6 reviendra p&riodiquement passer au voisinage du m£me point. Mais les dispositions qu'affectent ces arcs successifs dispositions que dans certains cas les m^thodes institutes par POINCARE permettent de discuter d?une manure entitlement rigoureuse monlrent d'une part quelles dispositions Granges et a peine intelligibles peuvent affecter ces mouvements lorsqu'on les suit a la fois dans Pavenir et dans le pass^; de 1'autre, combien les difficult^ rencontrees dans les mtHhodes classiques de la Mdcanique celeste tiennent a la nature des choscs.

Pendant qu'il arrivait a ces conclusions de caractere en un sens n<3gatif et qui montraient comme relativement pr^caires les progrtjs stir lesquels on comptait, POINCARJ^ ouvrait d'autre part une voie permettant d'avancer sur un terrain solide. La notion dont il montrait la puissance s'apparente a ces m6mes int^grales qu'il est, nous le savons, vain de recliercker dayantage. La notion d'invariant integral montre a nouveau combien il est utile de consid^rer non , pas une solution isol^meiit, mais les, ou au moins des solutions. C'est une integrate, c'esl-a-dire une quantite qui reste constante en vertu des Equations diff^rentielles, mais c'est une int^grale collective portant sur un ensemble de solutions. C'est cctte notion qui, entre les mains de POINCAR£, donna en parti- culier les r^sultals les plus essentiels que nous poss<5dions sur la question si fondamentale de la stabilite du sjst^me solaire.

C'est a ces nouvelles et puissantes m^thodes qu'est consacr<5 le c^l^bre Ouvrage qui s'appelle Les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste. Chaque jour met davantage en Evidence le role qu'elles sont appel^es a jouer non seu- lement dans toute la science astronomique, mais dans bien d'autres probl^mes de Mecanique.

Nous n'avons parl6 que bien incompletement des grandes conqu^tes que nous devons a PoiNCARfi dans le vaste domaine des Equations diff^rentielles. Mais d'autres probl^mes pos^s par les applications physiques avaient tent6 la science a partir du moment ou elle s'6tait occup^e des Equations aux d£riv6es partielles. Probl^mes que 1'on a pu croire un instant analogues, avec quelques complications nouvelles, aux premiers, qui en 6taient en r6alit6 profond^ment diflferents, et dont le type est ofFert par le c£l&bre probl^me de DIRICHLET.

Que d'efforts consacr^s a cet attachant probl^me ! Aux nombreuses m^thodes

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propose'es pour le trailer, POINCARE en ajoute une nouvelle, la me'thode du balayage. Une telle addition e"tait-elle importante ? La re'ponse, une re'ponse eclatante a tite" fournie par la marche ult^rieure de la the'orie. A partir de Pappa- rition de la me'thode du balayage, tous les travaux sur ce sujet ont d£pendu d'elle ; elle gouverne depuis ce temps toutes nos id^es sur ce chapitre.

Que de grandes d^couvertes il me faudrait rappeler dont il m'a ^te' impos- sible de parler, quoiqu'elles constituent, elles aussi, les foiidements ne'cessaires de progres futurs. Et que d'autres conquStes, que de points de vue fondamen- taux la Science n'e"tait-elle pas encore en droit d'attendre de POINCAR& lorsque la mort est venue nous Penlever.

Ceux qu'il nous a laisse's et dont je n'ai donne' que de brefs et insuffisants apereus, ce sont ceux qui, depuis plus d'un demi-siecle, sonl a la base des pro-, gres de notre Science ct, sur beaucoup de points, des progres essentiels de P esprit humain.

DISCOURS DE M. HENRI VILLAT

DE L'AGADtiMIE DES SCIENCES.

Henri Poincare et la Mecanique.

Gc n7est pas une laclie facile que dc tenter de re"sumcr Pccuvre colossalc d'Henri PoiNCARfi. Si la grandeur d'mn poeme est dans ses resonances , que dira- t-on de Peffarante grandeur de la pense'e de PoiNCAHfi, alors que les prolongements de cette pens6e s'6tendent inde'finiment sur tout Pavenir de la Science.

Les savants d^veloppements qui viennent d'etre exposes, par une voix plus autoristJc que la mienne, ont d(5ja mis Paccent sur Pimportance et la profon- deur dc Poeuvre de PoiNCAiifi dans Pordre des Math^matiques pures ct de la Ge'ome'trie. Je dois maintenant^dire en quelques mots ce que la Me'caniquc et P Astronomic doivent a son merveilleux g^nie.

Les disciplines que je viens de citer firent ne"cessairement Pobjet des pr6- occupations de PoiNCAiifi, pour des raisons tres pre'cises : en i885, il fut charg6, a la Sorbonne, d'assurcr Penseignement de la Me'canique physique et exp^ri- mentale; puis, en 1886, il devint titulaire de la chaire de Physique mathe'ma- tique ct de Calcul des probabilit6s. Ces circonstances contribuerent e"videmment a orienter les ide'es de POINCAR^ vers les sujets dont nous allons parler.

Nous savons cependant que, quelle qu'eut pu etre Pimpulsioii initiale, H. P. 8

58 DEUXIEME PARTIE.

I'amenant a examiner tel cm Lei doinaine de nos connaissances, il aurait avec la m&me maitrise realise d'aussi prodigieux progr&s.

En ce qui concerne 1'Astronomie, la force irresistible de son genie 1'a amene a etendre d'une facon surprenante les limites de la Science.

Laplupart des travaux astronomiques de POINCARJ& se raltachent au probl&me des 7^ corps, et particulierement au mouvemeni des plancHes et des satellites de notre syst^me solaire. Pour bien faire comprendre 1'importance de ces travaux, il convient de rappeler bri^vement 1'histoire de ce probl&me cel^bre.

II est bien connu que la decouverte de 1'attraction universelle avait 616 gran- demenL facilitee par ce fait, que les masses des plan&tes sont petites par rapport a celle du Soleil. De m6me7 la plupart des methodes qui ont pour but le calcul du mouvement des corps celestes, doivent leur succes a cette petitesse des masses. Ainsi les fondateurs de la Mecanique celeste ont developpe les coor- donnees ou les elements des planetes, suivant les puissances d'un petit para- metre, de Pordre des masses. Ces developpements ont permis de determiner quantitativement, pour quelque temps, les mouvements des plan&tes, avec une exactitude comparable avec celle des observations.

Toutefois, ces theories classiques no peuvent pas suffire pour des intervalles de temps extr&mement longs. Cela a cause de ce qu'on appelle les termes s6cu- laires, qui font intervenir le temps en dehors des signes trigonometriques. El d'ailleurs, pour cette m£me raison, les series classiques ne nous apprennent rien sur la stabilite du syst^me solaire.

Pour d<3montrer cette stability, et afin d'(5tudier en general les orbites du point de vue qualitatif, LAGRANGK avait d^velopp^ les perturbations s^culaires les plus importantes en series trigonometriques, apr^s lui DELAUNAY, GYLDEN et bien d'autres ont creus£ plus avant ce sujet ardu.

Mais la resolution complete du probl^me dont il s'agit 6tait r<5servee a PoiNCARfi. En bref, POINGAR^ ddmontrc que les elements canoniques des plan&tes peuvent se developper formellement en series de FOURIER, suivant les multiples d'un certain nombre d'arguments lineaires par rapport au temps. Ges series sont ordonnees aussi suivant les puissances des masses, et de certaines quanti- tes, de Tordre des excentricites et des inclinaisons. Mais PoiNCARfi va beaucoup plus loin : il montre, d'unu part, que les series en question ne sont pas conver- gences, mais cependant il prouve qu'elles sont semi-convergentes, et qu'elles suffiront aux besoins des astronomes pendant des temps extr6mement longs.

Pour etudier les solutions du probldme des n corps, et d'autres probl&mes

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de Dynamique beaucoup plus generaux, POINCAR& s'est engage dans une autre voie : il commence par cliercher les solutions sp6ciales les plus simples : il est ainsi amene aux solutions periodiques, dans lesquelles le syst&me reprend, apr£s un temps fini, sa configuration et ses vitesses relatives initiales. II decouvre aussi une classe de solutions plus generates : celle des solutions asymptoliqucs, qui se rapprochent indefmiment d'une solution periodique au bout d'un temps tr&s long. Pour demontrer leur existence, POINCAR& invente une notion nouvelle etextr6mement feconde, celle des invariants integraux. La theorie de ces invariants integraux lui permet aussi de traiter la question de la stability.

Dans cette recherche, d'une complexity extreme, POINCAR& fait progresser la question a pas de geant ; les resultats qu'il obtient ferment le terrain solide sur lequel les chercheurs de Favenir pourront s'appuyer avec confiancc.

Les solutions periodiques sont surtout utiles quand il s'agit de calculer le mouvement d'un syst&me dont les conditions initiales sont voisines de celles qui correspondent exactement a une solution periodique. On prend alors cette solution periodique comme point de depart, et 1'on developpe la solution cher- chec suivant les puissances d'un certain nombre de quantites petites. On reussit ainsi a resoudre des probl^mes auxquels les m^thodes anciennes ne sont pas applicables.

Dans le Calcul des probability, le d<5veloppement de 1'inverse de la distance de deux plan&tes suivant les multiples des anomalies moyennes, est d'une importance capitale. En vue d'^tudier les coefficients de ce d^veloppement, PoiNCARfi applique ses m6thodes sur les singularites, ct sur les p&riodes des integrates doubles, il fait egalement un usage opportun des m^thodes ing<5- nieuses de DARBOUX quant a 1'expression asymptotique des fonctions de tr£s grands nombrcs.

Tous les r&mltats dont aous venons de parler auraient suffi a assurer la gloire imp^rissable d'un savant. Mais POINCAR& a traite encore avec le m&ine succ^s une foule de questions non moins importantes.

En Astronomic, il a perfection^ la m^thode de LAPLACE pour la determina- tion des orbites, et son elegante methode est devenue la plus efficace dans la pratique actuelle des Observatoires.

En Geod6sie7 POINCAR£ a attire 1'attention sur les mesures de lapesanteur, en montrant que ces mesures suffisent pour determiner, les irregularity dugeoide. Tl a signale aussi Fimportance des inesures des azimuts dans les triangulations geodesiques.

Go DEUXIEME PARTIE.

La theorie des Mar6es est certainement Fune des plus difficiles de la Meca- nique. Avant Poincare, on ne savait trailer que des cas tr&s particuliers, sous des hypotheses denuees de sens pratique. D&s 1896, POINCAR& a recherche la solution gen£rale du probl&me. Les m()thodes qu'il a proposees et les resultats obtenus d&s cette epoque, ont eula plus grande influence sur le developpement recent de la Physique mathematique. En 1902, lorsque FREDHOLM eut fait con- naitre sa belle theorie des Equations integrates (qui prolongeait d'ailleurs les idees de POINCARJJ lui-m^me), POINCARE a son tour appliqua ce nouveau concept a la theorie des Marges. Ce travail, qui illustre le troisi&me volume des Lecons de Mecanique de notre auteur, est d'une elegance et d'une clarte saisissantes.

La theorie des figures d'equilibre relatif des masses fluides est d'une impor- tance capitale pour FAstrophysique et la Cosmogonie. Une telle theorie nous permettrait de suivre le developpement des nebuleuses et des astres, et nous renseignerait probablement sur les causes de la variability des etoiles. Malheu- reusement ces probl&mes ne sont pas encore abordables dans toute leur gene- ralit6 : d'une part nos connaissances sur la constitution de la mati&re au sein des 6toiles, sous les pressions et les temperatures 6normes qui y r^gnent, sont encore insuffisantes pour une mise en Equations correcte des probl&mes; d'autre part, m^me dans le cas id&d ou les probl&mes pourraient ^tre analyti- quement bien pos6s7 les difficult^s d'int^gration paraissent encore insurmon- tables dans leur ensemble, a moins que Fon ne se trouve dans le voisinage d'une solution particuli£re simple.

Malgr6 ces circonstances, PoiNCARfi est parvenu a des r^sultats d'une grande g&n£ralit6. II a montr£ que la rotation d'une masse fluide doit ^tre uniforme autour d'un des axes principaux d'inertie ; il a trouv6 une limite sup6rieure de la vitesse de rotation, et il a 6tabli la condition n^cessaire et suffisante pour la stability de F^quilibre relatif, en tenant compte de la viscosit6 du fluide.

M£me si le fluide est suppos^ homogenc, les difiicult^s analytiques a vaincre sont considerables. L'une des plus belles d^couvertes de POINCAR& se rapporte a ce cas ideal. Par une m^thode extr£mement feconde, il demontre Texistence d'une infinite de nouvelles figures d'equilibre, se rattachant, pour certaines valeurs des donn6es initiales, aux ellipso'ides, deja connus, de MAC LAURIN et de JACOBI. II introduit dans cette theorie la notion nouvelle des coefficients de sta- bility lesquels presentent d'interessantes analogies avec les exposants caracte- ristiques des solutions periodiques dans les probl&mes de Dynamique. PomcARfi demontre que les ellipsoi'des de MAC LAURIN peu aplatis, et les ellipso'ides de

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JACOBI les moins allonges forment une suite continue de figures d'e'quilibres stables. Cette suite se prolonge par des figures piriformes auparavant inconnues, dont la matiere semble vouloir se partager en deux parties.

Quoique les corps celestes ne soient sans doute pas homogenes , ces de'couvertes de PoiNCARfi jettent un jour singulier sur la genese des etoiles doubles, et sur 1'origine de la Lune. Ces considerations ont servi de base aux beaux Ouvrages de JEANS sur la Cosmogonie, parus en 1919 eteni929.Desrecliercliestoutes recentes de LYTTLETON, en Angleterre, nous apprendront sans doute prochainement des consequences essentielles de ces theories quant a Texplication du monde.

PoiNCARfi lui-meTne, dans son grand Ouvrage sur les hypotheses cosrnogoni- ques, a expose" toutes les idees e'mises sur cette matiere, et en a fait une critique approfondie . Avec ses formules rigides , son texte precis , avec la loyale incertitude quiluisert de conclusion, ce livre estl'un des plus e'mouvants qu'on puisselire.

II est certainement impossible de caracteriser en peu de mots 1'esprit des travaux de POINCARJ&. Toujours, ce sont les problemes fondamentaux qui attirent son attention ; il fait preuve d'une faculte de generalisation saisissante, et son imagination est sans limites. Ses exposes se distinguent par une elegance etune limpidite extraordinaires.

II est evident que, justement a cause de sa grande generalite, Toeuvre de PoiNCARfi restera longtemps une mine inepuisable pour les chercheurs qui vou- dront y penetrer. Ces chercheurs y trouveront d'ailleurs autre chose encore, dans 1'exemple du savant qui sut allier au genie le plus eblouissant les plus hautes qualites humaines. Comment oublierions-nous ce qu'il a ecrit un jour: « la pensee est un eclair entre deux longues nuits, mais c'est cet eclair qui est tout ». L'amour infini que lui inspirait la Science lui a fourni

« la clef de diamant qui ferme TUnivers ».

C'est pourquoi je crois, et j'espere qu'il aurait approuve les lign.es suivantes, par lesquelles je veux terminer, et qui traduisent peut-e*tre une part de son message :

Homme, entends battre au fond de toi le cceur du monde ! Ce n'est qu'en exercant ton sens de Feternel, Que tu sauras survivre a 1'ultime seconde, En transposant ta vie a Pordre universel.

Donne-toi sans repit, donne-toi sans reserve : Seul qui se donne sent 1'allegresse du jour. Tout geste de repli rend Fame triste et serve : Vis et meurs dans le rythme unique de 1'amour !

62 DEUXIEME PARTIE.

DISCOURS DU PRINCE LOUIS DE BROGLIE

DE L'AGAD^MIE FRAN£AISE, SECRETAIRE PERPfiTUEL DE L'ACADlilMIE DES SCIENCES.

Henri Poincare et les theories de la Physique.

L'ceuvre de Henri POINCAR& est immense : elle int<5resse toutes les branches des sciences physicomathematiques. Analyse sup^rieure, Geometries non eucli- diennes, Arithmetique, Analysis situs (ou Topologie), M^canique, Astronomie, Physique mathematique, i! n'est pas une seule de ces sciences diverses a laquelle il n'ait apport6 des contributions essentielles et imprime la marque de son genie. Mort a 58 ans, il a laisse une ceuvre qui etonne par son ampleur : il parait presque impossible d'avoir accompli dans une vie relativement courte tant de travaux divers et d'une telle valeur.

Je parlerai ici seulement de Toauvre de POINCARE en Physique mathematique, car je 1'ai beaucoup etudiee dans ma jeunesse. Tous les jeunes gens de ma generation qui s'interessaient a la Physique mathematique se sont nourris des livres de Henri POINCAR^. L'enseignement de la Physique math^matique a la Sorbonne 6tant alors un peu vieilli, Paul LANGEVIN n'ayant jamais publi6 ses beaux cours du College de France, c'est dans les livres de POINCAR£ que nous pouvions trouver, exposes sous une forme parfaite, les rgcentes theories de la Physique et cette lecture <5tait de celles dont, bien des ann^es plus tard, on ressent encore les bienfaits.

. Certains auteurs ont distingu^ la Physique th6orique de la Physique math<3- matique : c'est la une distinction que Henri PoiNCARfi lui-m^me dans ses c^l^bres livres de Philosophic scientifique (La Science et VHypothese, La Valeur de la Science, Science et M6thode, Dernieres pensees) n'a jamais faite. Je crois cependant qu'elle correspond a quelque chose d'important. La Physique math^malique, c'est Fexamen approfondi et critique des theories de la Physique par un esprit entrain^ aux speculations math^matiques ajGn d'en am^liorer, d'en rendre plus rigoureuses les demonstrations, afin aussi d'y trouver des themes pour ses propres recherches math^matiques, la Physique ayant souvent, on le sait, guide les geqm&tres dans leurs d<3couvertes. La Physique th6orique au contraire, c'est la construction de theories aptes a rendre compte des faits experimentaux et a guider le travail des homines de

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laboratoire : elle n^cessite, surtout a 1'heure actuelle, des connaissances mathematiques etendues, mais n'est pas ordinairement 1'oeuvre de veritable* mathematiciens : ello exige une grande connaissance des fails experimentaux et surtout une sorte d'intuition physique que tous les mathematiciens ne poss£dent pas.

POINCARE, mathematicien de haute classe, esprit penetrant et critique, etail particuli^rement design^ pour s'occuper avec fruit de Physique mathematique au sens que nous venons de definir. II n'y manqua pas et son ceuvre dans ce domaine est considerable. Quelques-uns de ses remarquables M^moires, plusieurs de ses admirables livres sont, aumoins enpartie, consacrds a preciser les demonstrations des theories classiques de la Physique et a en affermir les bases par de nouveaux modes de raisonnements. Qu'on se rappelle certaines methodes nouvelles, nolammentla cel&bre methode dubalayage qu'il a inventee pour demontrer dans des cas de plus en plus etendus le principe de DIRICHLET dans la theorie du potentiel newtonien, ainsi que les belles analyses qu'il a consacrees a la theorie de la propagation de la chaleur de FOURIER. C'est uniquement dans son livre sur la theorie de FOURIER que les etudiants du temps de mon adolescence pouvaient trouver un expose complet de la theorie des int6grales de FOURIER qui est, et de jour en jour davantage, necessaire aux physiciens : les integrales de FOURIER, bagage indispensable pour le futur theoricien, etaient alors, comme les fonctions de BESSEL et beaucoup d'autres connaissances capitales pour les applications, a peu pres compl&tement ignorees de 1'enseignement general dss Mathematiques a la Sorbonne. C'est egalement en etudiant la propagation de la chaleur que Henri POINCAR^ a reussi par de belles et mgenieuses methodes a justifier Fexistence de ce que nous nommons aujourd'hui les <c valeurs propres » d'une equation differentielle pour des condi- tions aux limites donnees, ainsi que la validite des developpements en serie de fonctions propres. Toutes ces questions, apparentees, comme POINCAR£ a su le montrer par de profondes analyses, & celles relatives au principe de DIRICHLET, ont considerablement progresse, peu apr&s les travaux de POINCARE, par la decouverte et 1'etude des equations integrales, puis par Tintroduction due a, HILBERT de 1'espace abstrait qui porte son nom. II est inutile de rappeler le r6le capital que toutes ces questions jouent aujourd'hui en Physique quan- tique et ceci suffirait a montrer la portee des recherches de POINCARE dans ce domaine.

A la Physique mathematique, se rattache aussilebel expose, reste classique,

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que PoiNCARfi a fait de la Thermodynamique. On sail que cette science austere, surtout quand on se prive volontairement des ressources de Pinterpreiation statistique et mole'culaire de BOLTZMANN et de GIBBS, est difficile a presenter correctement et que son enseignement est plein d'embuches. L'expose de Henri POINCARE est reste un des modeles du genre et aujourd'hui encore ceux qui enseignent la Thermodynamique onl inte'ret a s'y reporter. D'ailleurs, si PoiNCARfi savait a 1'occasion s'en tenir au point de vue rigoureux de In Physique des principes, il n'ignorait pas la valeur des theories mole'culaires et statis- tiques dont il a dans plusieurs Memoires etudie les divers aspects : c'est ainsi qu'on trouve, avec un peu de surprise mais beaucoup de profit, un expose' de la theorie cinetique des gaz dans son beau livre sur Les Hypotheses cosmo- goniques.

Mais, si POINCARE a apporte comme il etait naturel, etant donne'e la forme de son esprit, d'edatantes contributions a la Physique mathematique entendue comme nous 1'avons definie plus haut, il a aussi su faire ceuvre utile et origi- nate en Physique the'orique. G'est surtout dans le vaste domaine de 1'Optique et de 1'filectromagnetisme, alors en pleine p6riode de renouvellement, qu'il a su lui-me'me accomplir une oeuvre de theoricien en allant de 1'avant et en decouvrant des id6es et des interpretations nouvelles. II connaissait admira- blement toutes les anciennes theories me'caniques de la lumiere qui s'^taient succe'de' depuis FRESNEL et il les avaient onalyse'es dans de beaux Ouvrages. II avait approfondi la the'orie de MAXWELL, alors peu e'tudie'e en France, et il savait comment elle englobe et generalise toutes les tentatives pr^cedentes en r^alisant une admirable fusion de 1'Optique et de Pfilectricite. II avait suivi pas & pas la ddcouverte des ondes hertziennes et de leurs propriet6s, remar- quables verifications des conceptions de MAXWELL : il avait, dans les debuts de la Radioelectricite, critique de pres les resultats experimentaux, developpe les interpretations theoriques, tenu les ingenieurs au courant des derniers progres en la matiere dans de savants cours faits a Fficole superieure des Telegraphes ; il avait m6me fait des exposes plus simples pour le grand public tels que le resume des premiers principes de la T. S.F. contenu dans un fascicule de la collection Scientia. Partout il avait £te sur la breche, sachant evidemment critiquer et preciser, mais sachant aussi, suivant Tesprit de la Physique theorique, s'elancer en avant pour conquerir un terrain nouveau sans trop se preoccuper de rigueur ou de perfection.

Dans de beaux Memoires et aussi dans son grand Ouvrage Electricite et

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Optique, il avail discuie les df verses formes re'centes de la lli^orie eleclro- magnetique, et en particulier la the'orie des Electrons de LORENTZ dont il appre'ciait loule la porle'e. Q avail beaucoup r6fl6clii a la question du naouve- menl absolu el du mouvemenl relalif donl il a souvenl parle" dans ses 6crils philosophiques : il e'tail convaincu que le mouvemenl absolu n'avail aucun sens el qu'on ne saurail le meltre en Evidence el il ne prenaii pas assez au se'rieux 1'exislence de l'6lher pour croire qu'on parviendrail a d^celer le mou- vemenl relalif d'un observaleur par rapporl a ce milieu ficlif. Aussi n'£lail-il nullemenl surpris par le r6sullal ne'galif des experiences du genre de celle de MICHELSON el suivail-il avec inie'r^l, el sans doule un peu d'ironie secrele, les efforls fails par LORENTZ el d'aulres ihe'oriciens pour concilier ce r£sullal ne'galif avec 1'exislence de I'e'lher.

En 1904, & la veille des iravaux de'cisifs d'Alberl EINSTEIN sur ce sujet, Henri POINCARE posse'dail lous les e'le'menls de la ihe'orie de la Relalivile' . II avail approfondi loules les difficulie's de 1'fileclrodynamique des corps en mouvemenl el il connaissait les arlifices inlroduils successivernenl sous le nom de temps local de LORENTZ el de conlraclion de FITZGERALD pour lenir comple de 1'invariance des equations de I'fileclromagne'lisine el des r^sullals de Fexp6rience de MICHELSON. II voyail clairemenl que ccs hypolhkses fragmen- laires inlroduiles arbilrairemenl Tune apres 1'aulre devaienl faire place a une ih^orie g6n6rale donl elles ne seraient que des cons6quences parliculi^res. La dynamique de l'6leclron a masse variable avec la vilesse, d^ja 6ludi6e par LORENTZ, lui e'tail bien connue : sachanl qu'elle enlraine pour les corps male'riels 1'exislence d'une limile supe'rieure de la vilesse ^gale a la viiesse de la lumiere dans le vide, il en apercevail loul de suile les consequences quand il £crivail (Science et Methode, p. 252) : « On pourrail 6Lre lenie de raisonner comme il suil : un observaleur peul alleindre une vilesse de 200000, km/s; un corps dans son mouvement relalif par rapporl a 1'observaleur peut atleindre la m^me vilesse : sa vilesse serail alors de 400000^mJ ce qu^ serail impossible puisque c'est un chiffre sup^rieur a la vitesse de la lumi^re. Ce n'esl la qu'une apparence qui s'6vanouil quand on lienl compte de la fagon donl LORENTZ lvalue les lemps locaux ». Ce lexie monire que POINCARE connaissail, avani EINSTEIN, les formules de composilion relalivisle des vilesses el d'ailleurs, dans un remarquable Memoire £cril avanl les iravaux d'EiNSTEiN el paru dans les Rendiconti del Circolo matematico di Palermo, ou il a 6tudi6 la dynamique de 1'electron d'une fagon approfondie, il a donn^ les formules de la Gin£ma- lique relalivisle.

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II s'en est done fallu de pen que ce soil Henri POINCARS et non EINSTEIN, qui, le premier, developpe la theorie 'de la Relativity dans toute sa g6neralite, procurant ainsi a la Science francaise la gloire de cette decouverte. N'ecrivait-il pas, en effet, dans Science et Methode (p. 240), resumant toute son expe- rience de la question : « Quoi qu'il en soil, il est impossible d'echapper a cette impression que le principe de relativity est une loi generale de la Nature, qu'on ne pourra jamais, par aucun moyen imaginable, mettre en Evidence que des vitesses relatives, et j'entends par la non seulement les vitesses des corps par rapport a 1'ether, mais les vitesses des corps les uns par rapport aux autres. Trop d'experiences diverses ont donne des r£sultats concordants pour qu'on ne se sente pas tente d'attribuer a ce principe de relativity une valeur comparable a celle du principe d'equivalence par exemple. II convient en tout cas de voir a quelles consequences nous conduirait cette facon de voir et de soumettre ensuite ces consequences au controle de 1'experience ». II est impossible d'etre plus pr&s de la pensee d'EmsTEiN.

Et cependant POINCA.R& n'a pas franchi le pas decisif ; il a laisse a EINSTEIN la gloire d'apercevoir toutes les consequences du principe de relativite et; en particulier, d'etablir, par une profonde critique des mesures de longueurs et de durees, le veritable caract&re physique de la liaison que le principe de la rela- tivit6 6tablit entre Pespace et le temps. Pourquoi POINCAR^ n'a-t-il pas 6t6 jusqu'au bout de sa pens^e? C'est sans doute la tournure iin peu trop hyper- critique de son esprit, due peut-6tre a sa formation de mathematicien pur, qui en est la cause. Comme on le rappellera tout a Theure, il avait une attitude un peu sceptique vis-a-vis des theories physiques, considerant qu'il existe en general une infinite de points de vue differents, d'images variees, qui sont logiquement equivalents et entre lesquels le savant ne choisit que pour des raisons de commodite. Ce nominalisme semble lui avoir parfois fait meconnaitre le fait que, parmi les theories logiquement possibles, il en est cependant qui sont plus pr&s de la realite physique, mieux adaptees en tout cas a Tintuition du physicien et par la plus aptes a seconder ses efforts. C'est pourquoi le jeune Albert EINSTEIN age alors seulement de 25 ans et dont Tinstruction mathema- tique etait rudimentaire en comparaison de celle du profond et genial savant frangais est cependant arrive avant lui a la vue synthetique qui, utilisaut et justifiant toutes les tentatives partielles de ses devanciers, a balaye d'un seul coup toutes les difficultes. Coup de maitre d'un esprit vigoureux guide par une intuition profonde des realites physiques !

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Cependant I'e'blouissant success d'EwsTEiN ne doit pas nous faire oublier combien le probleme avait 6t6 profond^ment analyst avant lui par 1'esprii lumineux de POINCAJUB et combien celui-ci avait apporie' de contributions cssentielles a sa future solution. Sans LORENTZ et sans PoiNCARfi, EINSTEIN n'eut pu aboutir.

Et puisque nous avons 6t6 amenti a citer le beau Me'moire de POINCAII& dans les Comptes rendus du Cercle mathernatique de Palenne, n'oublions pas de rappeler que, 6tudiant la stability de 1' electron, Imminent ge'ometre montrait qu'elle ne peut 6tre assure'e que si, aux forces electromagne'tiques connues, s'ajoutait une force de nature inconnue « la pression de PoiNCARti » : cette force contrebalancant 1'effet de la repulsion mutuelle des diverses parties de 1' electron lui permet de subsister malgre' cette repulsion. Ce fut la une de"cou- verte 'essentielle et aujourd'hui encore, bien que la the'orie de 1'existence et de la structure des particules ele'mentaires ait beaucoup e'volue', sans parvenir d'ailleurs a un stade vraiment satisfaisant, on entend de nouveau souvent parler de la pression de POINCAR&.

Si Ton ajoute a tons ces travaux sur PElectromagne'tisme et les electrons ceux ou POINCARB a 6tudi^ les ondes hertziennes, leur production, leur propa- gation et leurs proprie'te's , on voit a quel point il fut a un moment donne' a Fextr^me pointe de 1'avant-garde des the"oriciens de la Physique dans leur marche conque'rante.

* *

Une question qui pre'sente une grande importance a la fois pour la Physique the'orique et pour la Philosophic naturelle tout entiere et sur laquelle Henri POINCARIS est bien des fois revenu est celle du de'terminisme et corr6la- tivement celle de la conception du hasard que la croyance au de'terminisme entraine. Aujourd'hui ou ces questions ont e'te' consid^r^es sous des jours nouveaux, il est tres int^ressant de relire les textes de POINCARE. Comme tous les savants ses contemporains, POINCAR^ ne parait jamais avoir mis en doute que tous les phe'nom&nes physiques jusqu'aux plus e'le'mentaires sont r6gis par des lois rigoureuses, par un de'terminisme inflexible qu'expriment des Equations diffe'renlielles dont les solutions sont entierement de'termine'es quand on connait un nombre suffisant de donne'es initiales. Gette foi dans le de'termi- nisme Famenait ne'cessairement a prendre en face du probleme du hasard Tattitude qui avait e'te' celle du grand LAPLACE dans ses Ouvrages fondamentaux sur le Calcul des probabilite's. Pour POINCAR& comme pour LAPLACE, le hasard

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veritable n'existe pas : s'il j a un liasard apparent dans certains ph&iom&nes de la Nature, cetle apparence est due soil a notre impuissance de r^soudre un probltjme trop ardn pour les forces de noire esprit, soit a notre ignorance des donnees n^cessaires a sa solution.

Or, Ton sait qu'a la suite du d^veloppement de nos connaissances sur les ph£nom6nes de l^chelle atomique ou les quanta inter vienneiil d'une manure essentielle, Popinion de la plupart des physiciens sur cette question est devenue tout a fait diflferente. Pour eux, a 1'echelle atomique, les ph6nom£nes sont purement al^atoires et si, a l^chelle microscopique, il nous sembley avoir des lois rigoureuses, c'est parce que les ph^nomenes macroscopiques sont le r^sultat statistique d'un nombre immense de ph£nom£nes 6l£mentaires. Ce point de vue est exactement Finverse du point de vue classique encore soutenu par PoiNCARfi : ce ne serait pas la loi rigoureuse qui serait la r6alit6 profoiide, la loi statistique n'^tant qu'une apparence macroscopique; ce serait au contraire la loi statistique qui serait a la base, la loi rigoureuse n'^tant qu'nne apparence macroscopique. Avec cette conception et, bien que la loi rigoureuse perde sa place priviligi^e, on ne peut cependant pas dire que la Nature n'ob6it qu'au caprice puisqu'il y a encore des lois statistiques.

Ces id^es nouvelles et sub tiles, g6n£ralement admises par les physiciens quantistes d'aujourd'hui, ont 6t6 sugg^r^es par des d6veloppements th^oriques que PoiNCARfi n'a pas connus. Elles ne pouvaient done lui 6tre accessibles. Aussi parait-il £tre rest^ toute sa vie partisan intransigeant du d^terminisme congu a la fagon classique et de la conception du hasard qu'ilentraine. Adeptes convaincus de I'interpr^tation purement probabiliste de la M£6anique ondu- latoire, la plupart des physiciens th(5oriciens affirmeraient done a Theure actuelle que PoiNCARfi s'^tait tromp^.

Mais s'est-il r^ellement tromp^ sur ce point?

Sans vouloir entrer ici dans des explications qui m'entraineraient trop loin, je rappellerai cependant que des savants aussi 6minents que MM. PLANCK, EINSTEIN et SCHRODINGER, qui furent parmi les fondateurs et les pionniers de la th^orie des quanta lors de son 6closion, n'ont jamais admis I'lnterpr^tation purement probabiliste qu'on a ensuite donn^e de la Physique quantique. Je rappellerai aussi qu'une tentative fut faite en 1927 pour donner de la M6ca- nique ondulatoire, encore toute jeune, une interpretation causale et d^termi- niste conforms aux conceptions classiques : cette tentative, la th6orie de la double solution, j'en fus moi-m£me Tauteur, trois ans apr&s avoir 6nonc^ les

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premieres id^es de la M^canique ondulatoire. Mais, d^couragtS par le peu d'attention qu'avaient accord^e a ma conception la plupart des autres physi- ciens th^oriciens d&s lors s^duits par Interpretation purement probabiliste de MM. BORN, BOHR et HEISENBERG, effrayg aussi des difficult^ math6matiques considerables que soulevait le ddveloppement de la th^orie de la double solu- tion, je renongai a ma tentative et pendant des ann6es je me suis ralli6 a Interpretation couramment admise. A ce moment je pensais done et j'ai ecrit que Henri POINCARE avait fait fausse route en s'obstinant dans 1'opinion tradi- tionnelle que la probability, quand elle s'introduit a la place du determinisme dans les theories de la Physique, provient toujours de 1'ignorance ou de la reconnaissance d'un determinisme cache. A 1'heure actuelle, je suis sur ce point moins affirmatif qu'il y a quelques annees. Depuis environ deux ans, en effet, a la suite des travaux de jeunes physiciens, je suis revenu a une etude plus approfondie de mes idees d'il y a 20 ans sur la double solution. Je n'ose- rais certes pas affirmer que Ton puisse parvenir a justifier enticement 1'inter- pretation deterministe de la Mecanique ondulatoire propos6e par la theorie de la double solution, mais je crois Dependant pouvoir dire que quelques pas onl £t£ faits dans cette direction. Si 1'on parvenait a aboutir dans cette voie, alors on aurait obtenu une image causale des ph6nom&nes d6crits par la M^canique ondulatoire, et les lois de probability, qui sontaujourd'hui classiques en Physique quantique et qui sont certainement exactes, apparaitraient, an m$rne titre que dans la th^orie cin6tique des gaz ancienne, comme resultant de notre incapacity a suivre dans son detail un d6terminisme cach6. Nous obtiendrions ainsi une image assur^mentbeaucoup plus claire des ph£nom£nes de l'6chelle corpusculaire que celle qui est aujourd'hui consid6r^e comme orthodoxe par la presque unanimity des physiciens quantistes. Sans retrouver int^gralement toutes les conceptions de la Physique classique (car une r6vo- lution aussi considerable que celle de 1'apparition des quanta en Physique laisse toujours des traces profondes), nous nous serions cependant beaucoup rapproch^s d'elle et 1'ardeur de POINCAR^ a maintenir intangibles les conceptions traditionnelles dans la Science sur le d6terminisme et le sens de Fintervention des probabilites en Physique nous apparaitrait a nouveau comme entikrement justifi^e.

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Terminons par quelques mots sur les derniers travaux de POINCAR£ relatifs a la th^orie des quanta. II ne semble pas que 1'illustre savant, absorbs par tanl

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de travaux et soumis aux nombreuses obligations quc sa cel^brit^ lui imposait, ait suivi avec attention les premiers debuts de la theorie des quanta. Les textes qu'il a ecrits avant 1910 n'en font jamais explicitement mention bien qu'alors les premiers travaux de PLANCK fussent d^ja vieux de plusieurs ann6es. Sa participation au Conseil de Physique Solvay en octobre 1911, reunion ou furent discut^s tous les aspects encore fragmentaires de la nouvelle theorie, attira vivement son attention sur 1'importance des id£es de PLANCK. II £crivit un beau M^moire pour montrer que, si Ton voulait rendre compte des r^sultats exp^rimentaux, il <3tait impossible d'^viter d'adopter avec PLANCK I'hypothtjse des quanta. Dans le volume posthume Dernier es pensees, on trouve resumes en langage ordinaire quelques-unes des remarques et des conclusions auxquelles 1'avait amen6 l'6tude de la theorie des quanta. II avait du d'ailleurs laisser la plupart des questions sans r6ponse bien nette et les progr^s de la Science dans ce domaine ont depuis lors 6t^ tels que les considerations d^velopp^es a cette 6poque n'ont plus aujourd'hui un grand int£r£t. Gependant on peut noter que Henri POINCAR£ avait tr6s bien vu qu'un quantum de lumi&re ne peut interf^rer qu'avec lui-m£me, fait essentiel qui aujourd'hui sert de base a Interpretation statistique de la theorie quantique de la lumi&re et plus g6n£- ralement de la M^canique ondulatoire.

Peu de temps apr£s avoir efFectu^ ces recherclies sur la theorie des quanta, Henri POINCARE mourait stibitement au d^but de juillet 1912, a la suite d'une operation, a Fage de 58 ans. II est infiniment regrettable que ce puissant cerveau n'ait pas pu suivre le d6veloppement rapide des nouvelles theories relativistes et quantiques et appliquer a leur 6tude les ressources de son g6nie math^matique, de ses immenses connaissances et de son esprit si finement critique. Sans doute, il n'aurait pas vu sans 6tonnement la Physique renoncer a quelques-unes des id6es qui lui <$taicnt les plus chores, comme celle du d^terminisme des ph^nom&nes. Mais il ^tait trop perspicace pour nc pas s'adapter rapidement a des id^es nouvelles, en comprendre Tint^r^t ou en discuter Pexactitude. Quels services il eut pu rendre a la jeune theorie des quanta encore si incertaine dans ses demarches, a la future M^canique ondu- latoire aux debuts si difficiles !

Qu'on me permette de terminer par un souvenir personnel. Ag6 en 1912 de 19 anSj je suivais avec passion le d6veloppement de la Physique nouvelle et je relisais, sans me lasser, les cours de Physique math&natique et les Ouvrages de Philosophie des Sciences de Henri POINCARE. Partant pour la campagne au

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debut des grandes vacances, j'appris dans le train en lisant le journal la mort subite de ce grand penseur : j'eusl'impression d'une catastrophe qui decapitait brutalement la Science francaise au moment ou la grande revolution que je sentais se preparer en Physique rendait sa presence si ne'cessaire. J'ai souvent pense depuis que je ne m'etais pas trompe en ressentant si vivement la perte irreparable que la Science venait de subir.

DISCOURS DU DUG MAURICE DE BROGLIE

DE L'ACADEMIE FRANCAISE, PRESIDENT DE L'ACADEMIE DES SCIENCES.

Henri Poincare et la Philosophic.

Henri POINCAIIJS a ete un mathematician, de genie, mais ce ires grand savant fut aussi un pbilosophe qui s'est penche sur le sens qu'il convenait d'attribuer a nos conceptions et a nos theories.

En acceptant de me risquer a dire quelques mots sur la philosophic de ce maitre Eminent, j'avoue que j'ai quelque inquietude.

D'abord, je ne suis pas un philosophe et ensuite je sens bien que ce n'est pas en consacrant un court espace de temps a lire les Ouvrages de Philosophic d'Henri POINCAR^ qu'il est legitime de porter sur eux un jugement serieux. Une seule chose me rassure un pen : ces Ouvrages datent deja d'une cinquan- taine d'annees ; la Science a fait depuis de grands progres auxquels ma gene- ration a assiste, on peut done se rendre compte de la facon dont PoiNCARti considerait 1'avenir de cette Science et apprecier dans quelle mesurej ce qui etait le fulur pour lui, devenu le present pour nous, a justifie ou infirm e quelques-uns de ses points de vue : c'est cela seulement que je vaisrelracerici.

On peut imaginer un jeune homme d'aujourd'hui trouvant dans la biblio- theque de ses parents, La Valeur de la Science, La Science et VHypothese, , Science et Methode^ volumes probablement bien relies comme on le faisait alors pour dcs Ouvrages dont le contenu paraissait precieux; ce jeune homme est attire par leur lecture en esperanty trouver des lueurs prophetiques sur 1'avenir que cette fin du xix° siecle portait en gestation et qui s'est revele si charge de decouvertes et de conceptions nouvelles ; faut-il dire qu'en refermant le volume on pourra lire quelque deception dans sa curiosite et quelque embarras dans son jugement; c'est cependant cc qui aura eu chance de se

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produire, cc qu'il faut bien constater et chercher a expliquer dans 1'ceuvre d'un homme dont le genie math^matique comme la profondeur de pens^e sont egalement incontestables.

II ne faut pas oublier la date a laquelle ces Ouvrages furent Merits; on ne pcut pas s^parer un homme de son ^poque, si grand que puisse £tre son g^nie, surtout si c'est un £crivain scrupuleux et defiant vis-a-vis des £lans proph£~ tiques vers le futur.

La Valeur de la Science est de 1900, La Science et VHypothese de 1906, Science et methods de 1908 et le livre posthume intituled Dernier es pensees a paru en igi3.

Pendant le dernier quart du siecle dernier, les tr&s grands d^veloppements de la Science avaienl donn6 a toutc une g£n6ration Fimpression que celle-ci £tait en train de se cristalliser, que toutes ses grandes avenues avaient pris leur direction definitive et que les perfectionnements futurs ne porteraient plus que sur des details destines a mieux ordonnancer la majestueuse structure des fails et des theories. Cepcndant dans les toutes derni&res ann^es du xixc si&cle, de grandes d^couvertes s'^taient r£v(U<3es, les quanta de PLANCK, la relativity d'EiNSTEiN, la radioactivite de BECQUEREL et des CURIE; mais leurs developpements, bien que rapides, n'en avaient pas encore degag6 la pleine signification. Ce nouval essor n'avait certes pas (5chapp6 a Henri POINCARE; il le suivait avec grand int£r6t.

En 1911, d^ja gravement atteint par la maladie qui devait 1'emporter ljann<5e suivante, il s'dtait rendu a Bruxelles pour suivre les travaux du premier Congrtis Solvay; le temps, Mas, devait lui manquer pour en tirer toutes les consequences.

Louis DE BROGLIE parle aujourd'hui des theories do Physique math&nalique que POINCARE a etudi(5es; il rend hommage aux contributions pleines de valeur qu'il a apport(5es dans la presentation et la perfection math&natique de cette partie de son ceuvre, je n'insisterai done pas sur ce point, mais je ferai seule- ment allusion a la diflf<5rence profonde qui s<3pare ce que Ton appelle souvent la Physique th^orique et la Physique mathtoatique. La premiere de ces disciplines concerne les theories que les physicians ^laborcnt pour guider les recherches et presenter des points de vue nouveaux deslin^s a ouvrir des voies neuves a rexp6rimentation; la seconde comprend 1'examen math&matique et critique des ih^ories d^ja assises pour leur apporter la rigueur qui doit en

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faire une branche satisfaisante des sciences math^matiques. Dans sa lee. on inaugurate du College de France en 1962 M. Andr£ LICHNEROWICZ a magistrale- ment analyst les divergences de ces deux attitudes et soulign6 les imperfections que pre*sentent souvent les id^es 6mises par les physiciens th£oriques, imper- fections qui ne les emp£chent aucunement de rendre les plus ^minents services.

Ce sont le plus souvent ces embryons hatifs et quelque peu £chevel6s de th^orie qui ont jou6 le role fondamental dans les progr&s de la Physique a Fdpoque contemporaine et donn<5, sous ce rapport, une grande c£l^brit6 a leurs auteurs; le travail des math£maticiens est moins spectaculaire etl'on s'explique ainsi comment il se fait qu'Henri POINCAR& n'ait pas attach^ sonnom aux mani- festations les plus connues de ces guides et de ces promoteurs de la Recherche, parce qu'il s'agit en r£alit6, la, de deux orientations bien diflferentes del'esprit.

Les grands novateurs ne s'embarrassent pas des difficult^ que pr^sente ce qu'il y a parfois de contradictoire et d'inachev^ dans leurs conceptions; pour n'en citer qu'un exemple la th^orie de BOHR sur les orbites 6lectroniques de Fatome, pr6sent6e sous sa forme initiale £tait une sorte de monstre, s'appuyant d'une part sur les theories classiques et d'autre part sur des id£es nouvelles incompatibles avec la continuity qui est a la base des premieres. Cela ne 1'a pas emp£ch6 d'avoir rencontr6 tout de suite un succ&s <5clatant et d'avoir jet6 la lueur la plus vive sur la constitution des atonies et remission de leurs spectres demission et d'absorption, tout a fait inintelligibles auparavant. Les raffine- ments viennent ensuite, mais souvent alors aussik th^orie primitive a tellement £volu£ qu'elle se pr^sente sous un jour tout nouveau. Lahardiesse et 1'intuition d'un c6t^, la rigueur et 1'esprit critique de 1'autre, voila les caract^ristiques de chacun de ces points de vue.

On a toujours une certaine repugnance a abandonner la logique bien qu'on soit souvent un peu trop port£ a le faire aujourd'hui, cependant la rigueur absolue est une chim&re dans cet ordre d'id^es.

On peut faire une carte exacte des fitats-Unis d'Am^rique, quoiqu'il y ait des regions inexplor<5es dans FAfrique centrale ou le bassin de FAmazone, mais la nature est une, et dans tous les cantons de la Physique, on ne peut esp^rer raisonner correctement, alors qu'il y a tant de choses inconnues dans les myst&res de la Mati&re.

PoiNCARfi, Iui-m6me, reconnait nettement les diflferentes tendances des mathgmaticiens quand il 6crit :

« Que Fesprit du math6maticien ressemble peu a celui du physicien ou & H. P. 10

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celui du naturaliste, tout le monde en conviendra, mais les mathe'maticiens eux-me'mes ne se ressemblent pas, les uns ne connaissent que Pimplacable logique, les autres font appel £ 1'inluition et voient en elle la source unique de la de"couverte » ; il dira plus loin : « La logique qui peut seule donner la certi- tude est Pinstrument de la demonstration, Pintuition est 1'instrument de Pinvention ».

La notion du temps, commc celle de Fespace, et de ses dimensions est une de ses preoccupations favorites, il 1'examine avec une profondeur qui n'a guere et£ de'passee; on sent chez lui, Pinfluence des idees premieres de la Relativit6 et de ses convictions dtHerministes ausquelles il aurait beaucoup de repugnance a renoncer.

Dans le chapitre intitule' « 1' Analyse et la Physique », rinfluence du langage employe" retient son attention. A propos de la chaleur et de Pelectricite", il montre combien d'erreurs sont re"sulte"es de ce que la chaleur n'est pas une chose qui se conserve, tandis que, plus heureuse, I'appelhtion d'e'lectricite' contenait implicitement un principe de conservation qui n'a pas. e"te" dementi par la Physique la plus re'cente.

Tout le chapitre destin^ a montrer les services mutuels que se sont rendus 1' Analyse et la Physique n'a pas vieilli et reste plein d'enseignements. POINCAR£ insiste sur PAstronomie qu'il avait tant approfondie et qu'il considere comme la mere des theories de la Physique. Sa grandeur et sa simplicity, sa conception de forces centrales e'manant en premiere approximation de points mathe'ma- tiques, le triomphe qu'elle assui'a a la me'canique en font un modele que s'efforcent de suivre les physiciens du xx° siecle. C'est un beau sujet de mgdi- tations qu'il ne manque pas de de"velopper avec puissance et darte*.

Parlant ensuite de Phistoire de la Physique mathe"matique, il y trouve d'abord la Physique des forces centrales, inspire'e par PAstronomie et ou la notion de centres de forces introduit force'ment Pid£e d'atomes ou de molecules, et la Physique des principes qui permet, dans des raisonnements du type thermodynamique, de ne'gliger le de'tail des me'canismes.

Mais ces principes, que sont-ils? C'est la peut-^tre, que notre grand savant subit Pinfluence de son £poque, mais il voit les perils qui menacent la certi- tude affirme'e de ces principes. Les experiences de GOUY sur le mouvement brownien ne vont-elles pas mettre en p6rille principe de GARNOT, la d^couverte du radium ne risque-t-elle pas d'^branler notre confiance dans le principe de la conservation de IMnergie? PorN<HR£, un peu inquiet, cherche a se rassurer

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en songeant que toutes les derogations observees ne concernent que des infi- ment petits, nous verrons plus tard que la chose est plus grave et nous aurons Foccasion d'y revenir.

Quand 1'auteur s'occupe de la notion du raisonnement mathematique, de la definition des operations sur les nombres, ilmontre 1'importance fondamentale du raisonnement par recurrence pour creer une science, puis il passe aux incommensurables, au continu mathematique a une ou plusieurs dimensions et en arrive a son sujet de predilection, les considerations sur Fespace, espace tactile, espace visuel, espace abstrait, diverses geometries possibles et il conclut sur une proposition qu'il reproduira souvent ailleurs. La G^ometrie, dit-il, la Geometrie fondee sur 1'experience ancestrale de 1'humanite n'est, en realitu, que la plus commode : la Geometrie n'est pas vraie, elle est avantageuse.

Science et Methods est un Ouvrage d'un genre un peu different et qui ne semble pas s'adresser tout & fait a la m&me categorie de lecteurs qiie les precedents; on peut y noter que 1'auteur, en constatant, helas! il y a 4o ans, que 1'Europe domine actuellement le monde, attribue cette superiorite a 1'heri- tage des Grecs dont 1'elegance et la beaute ont prepare la suprematie intellec- tuelle des Europeens sur les Barbaras.

PoiNCARfi revient souvent a propos de 1'avenir des matliematiques sur la notion d'harmonie et d'elegance, qui pennet aux solutions qu'elle inspire d'atteindre au grand rendement et de mesurer ainsi la valeur des conceptions nouvelles.

Passant alors a la Mecanique, POINCAR& commence par insister sur le fait que cette science, contrairement a certaines tendances qui la presentaient comme une connaissance deductive et a priori, est au fond une science purement experimentale; c'est un point, de vue exact, mais qu'il a beaucoup contribue a faire triompher. Malgre son appareil mathematique souvent imposant, la Mecanique est aussi experimentale que la Physique.

II y avait la, quand m6me quelque chose d'un peu inquietant. Bien que POINCAR& trouve superflues les craintes exprimees par HERTZ quand il disait : « Dans 1'opinion de beaucoup de physiciens, il apparaitra comme inconcevable que 1'experience la plus eloignee puisse jamais changer quelque chose aux inebranlables principes de la Mecanique et cependant, ce qui sort de 1'expe- rience peut toujours £tre modifie par Pexp6rience », on sent qu'il n'est plus tout §. fait & 1'aise quant ^t la perennite de ses principes.

L' Ouvrage posthume Dernier es pensees debute par des considerations sur

76 DEUXIEME PARTIE.

Involution des lois de la Nature : question alors pose"e par BOUTROUX. L'auteur essaye d'^valuer par les lois de la Thermodynamique le temps qui s'est e'coule' depuis que le Soleil a pu verser sa chaleur et trouve 5o millions d'anne'es, cliifFre e"videmment peu compatible avec les estimations de la Geologic. Nous posse'dons aujourd'hui des donn^es bien diff^rentes sur 1'origine et le maintien de la chaleur des etoiles; mais POINCARJ& avait bien vu qu'une confrontation entre les diverses sciences posait des problemes qui paraissaient alors insolubles.

Uii peu plus loin se trouve cette profonde remarque :

<c A quoi bon se demander si dans le monde des cltoses en soi, les lois peuvcnt varier avec le temps, alors que dans un pareil monde le mot de temps est peut-£tre vide de sens. De ce que le monde esL, nous ne pouvons rien dire, ni rien penser, mais seulement de ce qu'il parait, ou pourrait paraitre a des intelligences qui ne difFereraient pas trop de la noire ».

Laissons de cote" les reflexions math6maliques sur 1'espace, la logique do I'infhri, et venons-en aux derniers chapitres, inspires par le voyage de I'auleur a Bruxelles pour le Congres Solvay de 1911. « On peut se demander », ecrit-il, « si la Me'canique n'est pas a la veille d'un nouveau bouleversement, les physi- ciens de Bruxelles parlaient d'une me'canique nouvelle qu'ils opposaient a la mecanique ancienne, or, qu'e'tait-ce que cette me'canique ancienne, 6tait-cc celle de NEWTON? non, c'e"tait celle de LORENTZ avec le principe de relativito, qui, il y a cinq ans a peine, paraissait le comble de la hardiesse ». Je me rappelle qu'un jour a Bruxelles, comme EINSTEIN exposait ses idees, POINCARS lui demanda : « Quelle mecanique adoptez-vous dans vos raisonnemcnts ? » EINSTEIN lui r6pondit : « Aucune me'canique » ce qui parut surprendre son interlocuteur.

POINCAR^, continuant le d^roulement de ses reflexions e'crit : « Une hypo- these s'est d'abord presentee a Fesprit de M. PLANCK, mais tellement Strange qu'on etait tente de chercher tous les moyens de s'en afFranchir; ces moyens, on les a vainement cliercli6s jusqu'ici. Et cela n'emp^clie pas que la nouvelle the'orie souleve une foule de difficulte's, dont beaucoup sont r^elles et ne sont pas de simples illusions dues a la paresse de notre esprit, qui r6pugne a changer ses habitudes.

« II est impossible, pour le moment », poursuit-il, « de pr^voir quelle sera Tissue finale; trouvera-t-on une autre explication entierement diff^rente? ou bien, aucontraire, les partisans de la nouvelle the'orie parviendront-ils a ^carter

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE LE l5 MAI 1964. 77

les obstacles qui nous emp&chent de 1'adopter sans reserve? La discontinuity va-t-elle regner sur 1'univers physique et son triomphe est-il d6finitif ? ou bien reconnaitra-t-on que cette discontinuity n'est qu'apparente et dissimule une s^rie de processus continus. Le premier qui a vu un choc a cru observer un ph6nomene discontinu, et nous savons aujourd'hui, qu'il n'a vu que 1'effet de changements de vitesse tres rapides, ma is continus. Chercher des aujourd'hui, a donner un avis sur ces questions, ce serail perdre son encre ».

Telles furent les dernieres pense"es d 'Henri PoiNCARfi. De son temps on tendait a envisager le noyau de 1'atome comme un monde ferm^, complement ind^pendant du monde ext^rieur, toute la Physique nucl&ure est pr^cise'ment base'e sur le contraire.

Cela s'explique par Te'tal de la Science qui, m6me dans les dernieres ann6es du XXe siecle n'6tait pas parvenue a mettre en ceuvre les moyens nouveaux. qui permettent de franchir cette barriere qui entoure le noyau; le plus efficace d'entre eux, le neutron, ne devait £tre d(§couvert que bien longtemps apr£s.

Qu'un esprit exceptionnel, comme celui de POINCAR£, n'ait pu soupconner tout cela, c'est la preuve de 1'immense bond en avant qu'il 6tait reserve" a la Physique d'accomplir dans la p^riode qui commencait a s'ouvrir.

Ces quelques citations permettent de dire qu'Henri POINCAR^, malgr^ la tournure parfois un peu sceptique de son esprit, avait bien entrevu la vo- lution qui se pr^parait, et font regretler encore davantage sa disparition pre"maturee. Sans doute, au contraire, si le flambeau de sa merveilleuse intelligence avait pu nous e*clairer un peu plus longtemps aurait-il illuming les nouvelles routes que les sciences physique s'appr6taient a suivre,

Que dire du dernier chapitre, La Morale et la Science qui termine cet Ouvrage? L'auteur voit bien les exces des deux tendances qui, Tune, estime que demain la Science batira la Morale comme elle a bati 1'Astronomie et la Physique et par les m£mes proce'de's, et 1'autre, au contraire, craint qu'en laissant agir les savants, il n'y ait bientot plus de Morale du tout; il croit g£n£reusement que sans pouvoir, a 'elle seule, cre'er une Morale, la Science peut contribuer par son influence, a 1'aflermir. La question est toujours ouverte; maintenant que Fhomme a sur la Nature, une puissance qu'il n'a jamais posse'de'e auparavant, peut-on dire que la Morale a progress^, ou m&me qu'elle n'a pas recule", le fanatisme a-t-il diminu^ sur la Terre? Le respect dela personnalit^ humaine et I'ide'al de la liberty ne sont-ils pas plus gravement menaces que jamais? Nous sommes loin de la s^r6nit6 de la Philosophic des sciences.

78 DEUXIEME PARTIE.

ALLOCUTION DE M. GASTON JULIA

DE L'ACADEMIE DES SCIENCES PRESIDENT DU COMITE D'ORGANISATION.

L 'Edition des CEuvres d 'Henri Poincare.

MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,

MESSIEURS LES MINISTRES,

MON CHER SECRETAIRE PERPETUEL,

J'ai 1'honneur de vous remetlre le dixieme volume des oeuvres d'Henri POINCARE.

Avec ce dixieme volume s'acheve Petition entreprise des la mort d'Henri PoiNCARfi par Gaston DARBOUX, Secretaire perpe"tuel de notre Acade'mie.

MESDAMES, MESSIEURS,

Dans Fe'loge historique du disparu, qu'il prononga au cours de la stance du 1 5 d6cembre 1918, Gaston DARBOUX s'exprimait ainsi :

« Pour nous, qui le regretterons toujours, nous lui rendrons 1'hommage auquel il aurait e'te' le plus sensible, en veillant, avec le concours et 1'assen- timent de ses proches, a la publication de ses ceuvres mathe'matiques. Le monument que nous lui eleverons ainsi , sera celui qu'il aurait le plus volontiers agre'e'; il prolongera son action et lui suscitera des eleves qu'il n'aura pas connus. »

EjDfectiveinent, dans le courant de 1916, paraissait d'abord le tome II, dont notre Eminent ami le Professeur N. E. NORLUND, ancien eleve d'Henri POINCAR^ et d'fimile PICARD a la Sorbonne, venait d'e"tablir le manuscrit. Ce tome II rendait accessible aux mathe'maUciens tout Fensemble des travaux sur les fpnctions fuchsiennes, qui e"tait devenu introuvable dans les bibliotheques, les tomes des Aota mathematica qui les contenaient ayant le plus souveht 6migr6 ^ d$s collections prive'es. Je me souviens, aujourd'hui encore, de 1'extra- iiiipres,si0n de grandeur quc je ressehtis, lorsqu'au d^but de 19*7, p©Ur uJa mois dans une cellule du Val de Gr&ce sous Finculpation de

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE LE l5 MAI 1054, 79

diphterie, je devorai litteralement ce tome II que j'avais reclame pour me distraire.

La guerre ayant, par ses suites financiSres, rendu tr&s difficile la poursuite de 1'edition, il fallut attendre que la journee Pasteur fournit a 1'Academie les moyens de continuer; c'est ainsi que Paul APPELL, assiste de Jules DRACH, publia le tome I en 1928, et que Jules DRACH publia le tome III en 1984.

Les vicissitudes que vous connaissez interrompirent encore une fois 1'edition.

En juillet 1948, un congr&s de mathematiciens a Geneve manifesta par un vo3u son desir de voir reprendre au plus tot 1'edition interrompue et il me chargea de le communique a 1'Academie. Mais les conseilleurs ne sont pas souvent les payeurs, et 1'Academie, appauvrie par les devaluations successives, ne pouvait que manifester le m6me desir et constater son impuissance. Songez aux ruines qui couvraient encore a cette epoque notre pauvre pays.

C'est alors que nos secretaires perpetuels voulurent bien m'encourager a presenter a 1'Academie un plan, que je leur avais soumis d'abord, pour poursuivre 1'edition en associant les « Amis de 1'ficole Polytechnique » a sa realisation. Bien entendu, nous voulions, pour le Centenaire, avoir public les sept volumes restants, afin de rattraper le retard anterieur. II etait done urgent de ne plus attendre.

On sait ce qu'en d'autres circonstances aurait dit LYAUTEY. Comme il fallait reboiser toute une region devastee de 1'Atlas, les forestiers debordes faisaient observer qu'il n'y avait pas urgence, car il faut plus de 5o ans pour que les cadres atteignent une taille raisonnable. c< Vraiment, r^pondit LYAUTEY, raison de plus pour commencer tout de suite ». C'est ce que nous fimes.

Le plan propose fut adopte et la Commission academique correspondante nomm^e dans la m6me stance; nos secretaires perpetuels me charg^rent d'etudier sa realisation pendant les vacances. A la rentree, la Commission dut examiner un projet de demarrage immediat et un plan de realisation de Tensemble des sept volumes, grace au concours d'un Comite Poincare, en formation a 1'ficole Polytecbnique, qui assumerait les charges financi&res.

Les premiers fonds nous furent donnes par le C. N. R. S., FUnion astro- nomique internationale, et par nos el&ves de 1'ficole Polytechnique des promotions 46 et 47 > a qui il me suffit d'expliquer 1'utilite et 1' urgence de cette reprise, pour qu'ils s'inscrivent immediatement comme bienfaiteurs . Nous pftmes ainsi publier un volume,

Le Comite Poincare s'etant mis d'accord avec nos secretaires perpetuels >

80 DEUXIEME PARTIE.

restait la difficile recherche de moyens mal6riels representanl im nombre respectable de millions. Dans celtc recherche, landis que le C. N. R. S. avec Joseph PERES et Gaston DUPOTIY nous continuait son genereux appui, nos amis Roger BOUTTEVILLE et Pierre RICARD intervinrent avec la plus grande efficacite : le premier aupr&s des Societes industrielles nationalisees, le second aupr&s des Societes industrielles privies et des Chambres de commerce, en mettant a notre disposition et son indiscutable autorite au sein du Conseil national du Patronat frangais et toute 1'organisation de ce Conseil pour la collecte des fonds necessaires. D£s la fin de 19^0 nous etions rassures, autant qu'on pouvait I'&tre a cette epoque, sur Tissue favorable de notre entreprise.

D'un autre cote, un re'confort nous vint, car la Compagnie des Chargeurs Reunis decida de donner le nom d'Henri POINCAR£ a Tim de ses beaux paquebots mixtes alors en construction.

On comprend, dans ces conditions, que nous tenions a adresser nos remer- ciements les plus vifs a tous nos souscripteurs, en particulier aux biejifaiteurs, au nombre de 485 dont nous donnons la liste dans la preface du tome X, qui nous ont fourni, a e-ux seuls, pr&s des deux tiers de la somme totale; a nos amis du Comity Poincare, a ses presidents successifs les generaux BLANCHARD et HARTUNG, a son devoue secretaire-tresorier le General GOETSCHY, et tout particuli&rement a Roger BOUTTEVILLE et a Pierre RICARD.

La recherche des collaborateurs comp^tents, charges d'^tablir les manuscrits nous fut beaucoup plus ais^e, grace a 1'aide de la Commission acad^mique, et plus particul^rement d'Andr^ DANJON et de Louis DE BROGLIE. La encore, la decision prise de mettre en train simullan^ment la preparation des diff^rents volumes nous permit de fournir, sans arr&t et sans perte de temps, les manuscrits successifs a 1'Imprimerie Gauthier-Villars, qui, de son cote, fit un effort exceptionnel. Que tous les collaborateurs de Pceuvre, nos collogues Georges VALIRON, Albert CHATELET, Rene GARNIER, Jean LERAY, Jacques LEVY, Pierre SEMIROT, Gerard PETIAU, sans oublier la propre famille d'Henri POINCAR^ pour 1'aide et les facilites de toute sorte qu'elle nous a accordees, trouvent ici 1'expression de notre plus sincere reconnaissance.

Aujourd'hui la grande entreprise est achevee. Nos jeunes geom^tres pourront commodement etudier ces travaux illustres, et pour conclure avec DARBOUX : « ils y recueillent une foule de suggestions fecondes; puissent-ils en m&me temps, s'inspirer des vertus de leur auteur, et, comme lui, concilier le culte de la Science avec celui de la famille et de la Patrie. »

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE LE l5 MAI 1964. Si

ALLOCUTION DE M. fiMILE BOREL.

MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, MESSIEURS LES MINISTRES, MESDAMES, MESSIEURS,

Apres les quatre beaux discours que vous venez d'entendre je suis confus de prendre la parole, car tout a 6t6 dil, qui pouvait 6tre dit en un court laps de temps, sur Fceuvre du grand Francais que nous cele"brons aujourd'hui. On a juge", avec juste raison, que pour 1'honorer dignement, il 6tait desirable que quatre savants e*minents prennent la parole. Sans doute, chacun d'eux aurait pu, si on le lui avait demands, trailer de tous les aspects de son oeuvre ; mais il a paru preferable que chacun de ces aspects fut e'voque' par le savant le plus d^signe* par ses propres travaux.

Si nous imaginons que Henri POINCARE ait vecu assez longtemps pour parti- ciper, en 1'honneur de ces quatre savants, a une de ces ceremonies jubilaires dont 1'usage se r^pand de plus en plus, il aurait et£ le plus qualifie pour parler de chacun d'eux. Cette simple remarque est un te"moignage eclatant de Tuni- versalite' de son g^nie, universality que 1'on rencontre a peine une ou deux fois par siecle dans les p^riodes les plus f^condes de l'humanit.6.

Ne pouvant redire ce qui a 6t6 si bien dit sur son a^uvre, je me bornerai a e"voquer quelques souvenirs.

POINCARE 6tait atteint d'une maladie qui n6cessitait une intervention, fort dangereuse a cette epoque. N'ignorant pas le risque grave qu'il courait, il tint a remplir son devoir jusqu'au bout. Quelques jours avant l'ope"ration il assista a une stance du Conseil de la Faculty des Sciences ou il devait exposer les titres d'un math^maticien de grande valeur qu'il souhaitait voir venir de Province a Paris.

En m6me temps il avait r6dig£ son dernier M^moire, dans lequel il laissait en suspens une difficult^ qu'il n'avait pas eu le temps d'elucider completement. C'est le mathematicien^americain Georges BIRKHOFF qui d6montra rigoureu- sement ce que 1'on a appel6 « le dernier the"or&me de POINCARE ».

H. P. ii

82 DEUXIEME PARTIE.

C'est pr£cis<5ment un voyage de Georges BIRKHOFF a Paris qui dtjcida de la creation de 1'Institut Henri Poincar<§. II 6tait venu, mandate par une des plus importances fondations dues a ROCKFELLER, F International Education Board, en vue de doter la France d'une institution propre a promouvoir les progr£s de la Science. BIRKHOFF consulta diverses personnes a ce sujet el voulut bien retenir la suggestion que je lui fis. Nous £tions tomb^s d'accord sur le fait que la Science math^matique francaise occupait le premier rang dans le domaine international, mais qu'il n'en 6tait pas de m£me pour la Physique, malgr£ 1'enseignement de professeurs tSminents tels que Paul LANGEVIN, Jean PERRIN et Mmc CURIE. II apparaissait done desirable, par la creation de chaires, par des conferences demand^es a des savants Strangers, d'int<3resser a la Physique th^orique des jeunes gens trop exclusivement attir6s par les Math^matiques.

Une telle fondation ne pouvait 6tre mieux plac^e qae sous 1'^gide d'Henri PoiNCARfi. Ce nom 6tait a la fois un rappel du pass£ et une promesse d'avenir. II a certainement contribu^ a attirer des 6l£ves et des conferenciers, a susciter des vocations, de sorte que, apr&s sa mort, Henri POINCARE a continue a servir la v£rit£ comme il 1'avait fait toute sa vie.

II n'est pas possible de proposer aux jeunes chercheurs 1'exemple d'Henri PoiNCARfi, car on ne peut demander a chacun d'avoir du g£nie; il est cependant permis de se mettre a son £cole et de chercher modestement a profiler de ses lemons.

, Le trait le plus frappant de son caract&re, pour ceux qui 1'ont approch<§, c'est sa passion pour la recherche scientifique et son d^sir d'y consacrer tout son temps, sans en d^tourner une parcelle dans des travaux qu'il regarde comme accessoires. II n'accepta jamais des fonctions ad minis tratives, comme celles de doyen ou de secretaire perp^tuel, non qu'il en m^connut 1'utilit^, mais il pensait qae d'autres pouvaient 1'y remplacer, tandis que lui seul pour- rait r^soudre certains probl6m.es .

Le souci d't5conomiser son temps se manifesiait dans les plus petits details. G'estainsi qu'un jour ouje lui demandais un tirageapart d'un de ses M&noires, il me dit : « Je ne fais plus faire de tirages a part, car c'^tait ma femme qui les envoyait et, depuis que nous avons des enfants, elle n'en a plus le loisir ».

En me remettant les (Spreuves d'un article, qu'il avait bien voulu ecrire pour La Revue du mois, il me dit : « Bien enteixdu, je n'ai corrig£ que les fautes qui trahissaient ma pens6e ; c'est 1'affaire des ixnprimeurs et des secretaires de

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE LE 10 MAI 1964. 83

redaction de d^couvrir les fautes typographiques ; je ne perds jamais mon temps a les corriger, m6me si je les apercois ! »

Quand il inventa les fonctions fuchsiennes, il constata qu'il y a 6conomie de temps a appeler droites les cercles qui ont leur centre sur Faxe des X et de definir ^galement les angles et les distances d'une manure qui correspond a une certaine g^om^trie non euclidienne. Ces manures de parler abr£g£es sont commodes, done tout se passe comme si elles etaient vraies ; de la a dire que les diverses geometries non euclidiennes sont 6galement vraies, il n'y a qu'un pas qu'il franchit aisement,

De rn£me, lorsqu'il decouvre la divergence des series de la Mecanique celeste, il ne perd pas son temps a rechercher des series convergentes ; il pr<3- fere montrer que les series divergentes peuvent £tre aussi utiles et efficaces que des series convergentes.

En Calcul des probability, il montre que la definition de la probability 6l6- mentaire peut comporter unc fonction arbitraire assujettie seulement & des conditions tr&s larges de continuity, sans modifier les consequences les plus importantes.

II en est de m&me dans la th^orie de la Relativity. L'espace-temps de NEWTON est parfois le plus commode, tandis que pour d'autres probl^mes, ce sont les formules de la Relativity generale qui doivent 6tre employees.

G'est dans le m&me esprit qu'il a traite les questions poshes par la Physique nouvelle, notamment pour les quanta, mais je n'ai pas a revenir sur ces ques- tions dont on vient de parler mieux que je ne saurais le faire.

Certains ont regard^ POINCAR^ comme un sceptique, d'autres comme le pr<3- curseur des theories axiomatiques ; mais il aurait refuse de se laisser embri- gader dans une secte quelconque, m6me si cette secte pouvait se r^clamer de sa pens^e.

Pour lui, la morale du savant se resume en une r^gle que r^prouve la simple morale : la fin justifie les moyens.

La fin, c'est la connaissance de FUnivers, c'est 1'accord entre les r^sultats numeriques deduits des formules et les nombres inscrits par les physiciens et les astronomes sur leurs cahiers d'observations. Les moyens, pour le mathe- maticien, ce sont des formules et un langage qu'il a le droit de cr6er a sa convenanc^ du moment qu'ils lui sont commodes ; cos moyens ne sont jamais immoraux, ils ne sont ni vrais ni faux et le savant doit Stre laiss^ libre de les chpisir ^L son gre.

84 DEUXIEME PARTIE.

DISCOURS DE M. LE PRESIDENT ANDRfi MARIE,

MINISTRE DE L'EDUCATION NATION ALE,

A n'en pas douter, le premier devoir etait do rassembler dans une Edition definitive les ceuvres de Henri POINCAR^.

M. Gaston JULIA a retract la longue ct difficile histoire de cette Edition. Je voudrais lui exp rimer pour ses pred^cesseurs, pour ses collaborateurs et pour lui, les felicitations du Ministre de 1'fiducation Nationale et la gratitude de la Pens6e francaise.

Mais c'est a vrai dire la Pens£e universelle qui incline aujourd'hui son hommage devant ce genial savant dont le centenaire rassemble toutes les nations, que d'eminents digue's repr^sentent aupr&s de nous. Je leur apporte les remerciements chaleureux de l'Universit£ et de la Science franchise : leur presence parmi nous atteste que POINCAR& a parle assez haut pour que sa voix parvienne encore au-dela de toutes les fronti&res. Nous lui en faisons nous- m£mes homieur, mais nos h6tes ^minents ajoutent a sa gloire le credit de leur propre renomm^e, Qu'ils sachem, bien notre tres vive gratitude.

La Science vient de rendre a la m^moire d'Henri POINCAK^ 1'hommage auquel il eut 6t6 le plus sensible. Ma lire toujours admir^ des Matli^matiques et de la Physique math&natique, c'est a cette reunion de ses pairs qu'il eut £t£ d'abord attentif. Mais c'est le destin des grands hommes de n'Stre pas les maitres de leur souvenir. Leurs survivants les font revivre a leur mode. Pench^s sur Poeuvre des disparus, ils y d^couvrent des aspects choisis et parfois des signi- fications nouvelles. Ils lui conftrent une port6e authentique, mais impr^vue. Ainsi plusieurs gloires se r6unissent aujourd'hui autour d'Henri POINCAR£; la gloire du matn£maticien, celle du physicien math^maticien, celle du philo- sophe de la science, et enlin, cet obscur et juste prestige qui entoure toujours ce savant dans la grande admiration commune.

Ges gloires multiples, la pi<H6 de ses continuateurs vient de les c^ldbrer en des termes d'une simplicity si definitive que jene serais a aucun 3gard pardon- nable de tenter de r<*paer le fondement d'une telle c^l^brit^. Peut-6tre pourtant

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE LE l5 MAI ig54, 85

attend-on de celui que le protocole d^signe pour £tre le dernier orateur qu'il tente de rassembler les traits intellectuels du savant. Cette synthSse, aussi imparfaite qu'elle soit, sera du moms un aulre hommage a cet esprit qui ne se satisfaisait jamais de vues sur elles-m£mes ferm^es.

Je ne pense pas qu'il soit n^cessaire de vous proposer de parcourir avec moi la vie et le cursus honorum de Henri POINCAR£. Sa prdcocit^ presque prodi- gieuse, son entree au premier rang a PEcole Poly technique, puis a 1'ficole dcs Mines, ce c6l6bre M6moire qu'il publie a 24 ans au Journal de VEcole Poly technique, sa th&se rapidement et brillament soutenue, et puis, tot aprks le succ£s, la renomm^e, la gloire; son Election a 33 ans a 1'Academie des Sciences et bientot aux grandes Compagnies scientifiques du monde entier, les prix et les m^dailles d'or, ce sont la les triomphes discrets que le savant trouva sur sa route pour recompense d'une ocuvre immense.

Les existences des grands hommes se cleveloppent parfois dans un mouve- ment continu el r^gulier : chaque progr&s appelle un progres voisin; leur science et leur renommee suivenL un sillon d6s longtemps trac£. Chez d'autrcs, 1'avancement se fait selonune ordonnance moins exigeante. Tel etait POINCARE. Dega tout jeune el&ve, ses camarades, qui le croyaient au travail, le irouvaient « allant, venant, sautillant dans 1'apparLement familial ». Et puis, tout a coup, « il s'approchait dc la table et posant un genou sur la chaise, il preiiait sa plume de la main gauche ou de la main droile, an hasard , ecrivait quelques mots ou quelques lignes : le devoir <Hait fait ». Plus tard, il devait inqui<3ter beaucoup son professeur de Math6matiques sp^ciales en s'obstinanl a ne prendre pour tout cahier qu'un faire-part de d^Jc&s.

A 1'ficole Poljtechnique, il <3coute, neglige m^meles cours polycopi^s el s'en va r6fl(5chir en se promenant dans les couloirs. Et Ton verra son jeune g£nie composer un roman, un plaidoyer pour le grec et le latin, et m£me un petit Ouvrage a 1'usage des enfants.

Maitre de son savoir, il dira qu'il n'ach£ve jamais un M^moire tant il a hate d'en 6crire un nouveau. Cette apparente fantaisie <3tait a vrai dire le reflet d'un mouvement d'esprit dont la richesse s'accommodait mal dc la continuity et de la r£gle.

La production scientifique d'Henri POINCAR^ le fait bien voir. Ce n'est pas qu'il 1'ait conduitc au hasard. A vrai dire, et M. HADARURD 1'a vivement soulign^, ses guides ce sont les besoins de la science, ou qu'il les constate, ses 6nigmes ou ses lacunes, en quelque endroit qu'elle les ait consenties. D£S qu'il

86 DEUXIEME PARTIE.

remarque que la theorie dcs fonctions analytiques de CAUGHT a conduit a la theorie des fonctions elliptiques, il y porte son effort, comme s'il pressentait la une grande voie inconnue, qu'il faut decouvrir ou forcer. Et c'est, par une generalisation ou apparait bien Forientation de son genie, la theorie des fonctions fuchsiennes, ces « clefs du monde algebrique ». Les questions qui passionnent POINCAR&, ce sont colles qui a vaient j usque-la arr£te les g6om<Hres. Parce qu'il a voulu ici, et la, et plus loin, sans ordre apparent, s'attaquer a toutes les difficultes, parce qu'il a ete en m&me temps, et presque avec un egal genie, mathematician, physicien et philosophe, sonceuvre risque parfois de ne pas montrer au premier regard Funite de son inspiration et la fermete de sa pensee. II arrive qu'un mathematician soit seulement mathematicien, POINCAR*; ne le pouvait pas. Son g6nie 1'appelle a tous les probl^mes, a ceux de la Mathemafique pure, a ceux de la Physique mathematique, a ceux de la Philo- sophic des sciences, jusqu'a cotoyer quelquefois la Metaphysique elle-m&me. Onpeutdire de lui, et pour sa gloire, que dans Fordre de la pensee aucune question ne lui fut etrang&re pourvu qu'elle fut difficile.

Pourtant il n'entendait pas se borner a juxtaposer les solutions. Deja Fexemple des fonctions fuchsiennes avait souligne son gout profond de la synth&se. G'est a cette rare vertu de Fesprit et au tr&s haut point ou son g^nie la porta, qu'il dut pour la plus large part ses ^clatants succ^s.

Mais je crois que ses triomphes precedent aussi d'une autre source. On est frappe de la place importante que POINCAIUS a conferee dans ses recherches^ aux probl^mes du r£el. La marque de son g^nie, autant que nous puissions la saisir, c'etait son universalite. Tous les probl^mes et tous les aspects du monde venaient se rejoindre en lui.

Aussi ne pouvait-il s'abstraire d'une constante reference aux donn<5es. M^me en Math^matiques, il parait porter une secrete preference par exemple a ces equations difTerentielles de la Mecanique celeste, qui M. HABAMARD nous 1'a magistralement montre semblaient constituer un probl&me inabordable, en raison de 1'insondable imbrication des attractions reciproques. En Physique mathematique et c'est cette fois M. Louis DE BROGUE qui en a apporte ^illustration. ce sont aussi des probl&mes presque concrets qui retiennent 1'attention du mathematicien : sa theorie de la propagation de la clialeur, sa mise en forme de la thermodynamique, sont encore des reprises, des complements sur des points essentiels et difficiles, ou la science avait jusque- la trebuche et hesite.

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE LE l5 MAI 1954. 87

Et si 1'on en vient a recherclier pourquoi ce math^maticien s'est adonn£ a la 'Physique th^orique avec lant d'entrain, c'est encore en invoquant sa passion de la synth&se qu'il faudra r^pondre. L'entliousiasme dans lequel il appro- fondit 1'histoire des theories de la lumiere depuis FRESNEL, Padmirable amour qu'il met dans son etude, cette passion contenue avec laquelle il salue 1'extraordinaire synthese que propose la tlieorie de MAXWELL entre les ph^no- m&nes optiques et les phenom&nes electriques, autant de signes decisifs de son desir de regrouper la science, de sa volonte de constituer le savoir dans des ensembles consents et ordonnes.

On serait sacrilege si 1'on laissait entendre que le g6nie de PoiNCARfi comportait une lacunc. II n'avait point de lacune; il suivait une orientation. Le reel lui proposait les objets de sa recherche ; mais lorsqu'il s'en etait empare, c'etait pour les absorber dans son g6nie mathematique. II songeait rarement a y revenir pour rapportcr la theorie aux exigences experimental. II etait mathematicien, et le souci de 1'experience ne 1'obsedait pas. II professait assez volontiers que les theories ne sont que des figurations equivalentes de la r^alite. Aussi n'apercevait-il pas aussi compl&tement que les physiciens de notre temps 1'exigence pleni^re de la confrontation physique, 1'importancc de 1'intuition exp^rimentale. Peut-^tre son nominalisme n'eut-il pas 6t6 6loign6 d'approuver ces interpretations trop idt^alistcs de la science, selon lesquelles le savoir physique serait, dans ses plus hauts degr^s, une rationalisation si pouss<5e du r£el qu'il deviendrait comme une collection ordonn^e de purs 6tres math^ma- tiques. Si Albert EINSTEIN devait, au m^me moment ou PoiNCARfi frolait la d^couverte de la Relativity, en construire la doctrine, c'est sans doute parce que le physicien Pemportait chez lui sur le math^maticien, tandis que PoiNGARfi chacun son g<5nie ! accomplissait 1'inverse.

Les m£mes inclinations de la pensge inspirent I'ceuvre philosophique de POINCAR^. Le probl^me du d6terminisme 6tait au centre de sa reflexion. Sa volont6 imp^rieuse de synth&se et d'ordre math^matique acccptait mal les premieres menaces que le mouvement brownien et la d^couverte de la radio- activit^ faisaient d^ja peser sur les principes consacr^s. Comment eiit-il r^agi devant cet ind6terminisme fondamental que, pendant un temps, les prodiges de la Physique atomique et nucl^aire ont inspire §. certains des plus illustres physiciens ? POINCA.R& vous eut-il suivi, cher Monsieur le Secretaire perp^tuel Louis DE BROGLIE, dans ces hesitations qui font le plus grand honneur £ votre soumission de grand physicien aux exigences du r6el? Je ne le crois pas. Nous

88 DEUXIEME PARTIE.

pouvons &tre a peu pr&s surs qu'il cut applaud! a votre reconversion recente aux principes de determinisme. Son sens profond de 1'ordre et de 1'unite du reel 1'eut sans doute conduit a penser qu'il etait sage de ne point transposer en une loi de la Nature les infortunes provisoires de son esprit. Sans doute eiit-il pense, un peu comme le profane, que le determinisme molaire ou statistique s'accorde mieux avec raffirmation d'un determinisme elemenlaire qu'avec racceptation de la fantaisie nucleaire. Tant il est vrai que, si le determinisme est la charte de notre pensee, ce n'est point tant une convenance de notre esprit qui nous 1'impose mais plutot la constante lecon de F experience. Tant il est vrai que notre esprit n'est ni le serf du reel, ni son inventeur. Tant il est vrai que notre savoir doit sa vertu a I'indissociable et feconde conjugaison de ses normes et des imperatifs de 1'experience.

Seduit par les difficultes, desireux de se mesurer avec elles et de leur imposer la clarte de son intelligence, POINCAR& ne s'enfermait nullement dans la science. Nul n'a eu3 comme le dit DARBOUX, plus d'ouverture d'esprit, plus de propensioii a accueillir et a discuter les idees nouvelles, plus de desir de mettre en Evidence la part de verite qu'elles conticnnent, le role utile qu'elles peuvent jouer dans le developpement de nos connaissances.

L'indifference a la gloire lui semblait devoir £tre une des vertus du savant, et une vertu en quelque sorte naturelle : « Quand on a eu le bonheur de faire une decouverte » ecrit-il, « que peut 6tre la satisfaction de lui donner son nom, aupr^s de la joie d'avoir contempt un instant la v6rit6 face a face ? ».

En 1870, il avait ressenti profond^ment les malheurs du Pays. Dans son discours de reception a FAcadeSmie Frangaise, en 1908, il s'exprime ainsi : « Apr^s les heures sombres de la guerre, vint 1'heure encore plus sombre de la paix, celle ou la France dut se r^signer a cette grande douleur, qui nous laisserait deux fois inconsolables si jamais nos fils semblaient s'en consoler. Quand on nous demande de justifier par des raisonnements notre amour pour la Patrie, nous pouvons 6tre tr&s embarrasses; mais que nous nous repr^sentions par la pensee nos arrnees vaincues, la France envahie, tout notre cceur se soul&vera, les larmes nous monteront aux y eux et nous n'ecouterons plus rien ».

Mais ce patriotisme ardent est un patriotisme sans haine, car ajoute : « La haine est nefaste, et ce n'est pas elle qui fait les vrais heros ».

CELEBRATION SOLENNELLE DU CENTENAIRE A LA SORBONNE LE ID MAI 1904. 89

Si la hauteur do vuos n'excluait chez lui ni la diversile ni la fantaisie, elle n'interdisait pas 11011 plus cet humour sans mechancete qui est souvent F apanage du savant. A la Revue bleue, qui faisait une enqueue sur la participation des savants a la polilique, POINCARE repondait : « Vous me demandez si les savants politiques doivent combattre ou appujer le bloc ministeriel ? Ah ! s'il y a des savants dans la polilique, il faut qu'il y en ait dans tous les partis; et, en effet, il esl indispensable qu'il y en. ait du « cote du manche ». La Science a besoiii d'argent, et il ne faut pas que les gens au pouvoir puissent se dire : la Science, c'est Fennemi ! ».

Les « gens au pouvoir » ne profereront, ne peiiseronl janiais semblable heresie. Les exigences materielles de la Science ne leur e'chappent pas. Et si ce ii'est pas le lieu d'indiquer ici F effort que la Re'publique accomplit pour la Science, du moins, permettra-l-on peut-6tre au Minis Ire de l'j£ducation Nationale de dire la satisfaction intime qu'il a 6prouvee a voir dote cette ann<5e de moyens financiers imporlants ne depassent-ils pas un milliard etdemi, ce Centre national de la Recherche scientifique dont Henri POINCAR& n'eut pas manque d'applaudir le developpement et les prestigieux travaux.

Mesdames, Messieurs, celte grande commemoration d'Henri PoiNCARfi, de 1'uii des plus grands savants du monde et de Thistoire, apporte a FUniversito de France la fierte d'avoir contribue' a sa formation, et de 1'avoir compte'parmi ses maitres. Sa pense'e est to uj ours vivanle, de iiombreux disciples lapr^cisent et la prolongent. Les grands noms qui se rassemblenl aujourd'hui pour ce'le'brer sa m^moire attestenL la perennite' de sa gloire.

T6moin d'une illuslre famille, Henri PoiNCARfe est aussi Fun des grands te"moins de la permanence de Fesprit franc, ais. En lui rendant hommage, nous nous donnons a nous monies nos meilleures raisons de croire en notre Pa trie, de nous ddvouer a la Science, et de les rassembler Fune et Fautre dans notre orgueil et notre foi.

H. P.

TROISIEME P ARTIE.

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1954.

A.- LA MATINEE DU DIMANCHE 16 MAI 1954 A L'ECOLE POLYTECHNIQUE.

Le dimanche 16 mai, 1'Ecole Polytechnique fttait a. son tour le iooe anni- versaire de la naissance da major de la promotion 1878, ou pour £tre plus precis du major d'entr6e, car on sait que Henri POINCARE, par suite d'un 10 malheureux en st6rdotomie n'a 6t& classe que second a. Fexamen de sortie.

La cer&nonie, plac^e sous la presidence de M. le President Ren6 PLEYEN-, Ministre de la Defense Nationale, comprenait deux parties : inauguration d'un m(5daillon a 1'effigie de Henri POINCAR^ dans le hall du pavilion des £l&ves, dit pavilion JofFre ; discours du g£n£ral DASSAULT, Grand Ghancelier de la Legion d'honneur, lui-m^me ancien <§l£ve de 1'ficole Polytechnique et Membre de PAcad^mie des Sciences.

An cours de la premiere partie, M. GastoiV JULIA, qui est aussi professeur a Fficole Polytechnique, a remis a Pficole, a titre de President du Comit£ d'Organisation, le m^daillon ceuvre de Mme GUZMAN-NAGEOTTE qui dans le hall du pavilion Joffre fait maintenant face a celui qui represented Marshal. Puis, au norn de la famille de Henri POINCARE, le fils du grand savant a fait don au

g2 TROISIEME PARTIE.

mus<5e de FEcole Polylechnique de Pgp6e de polylechnicien el de 1'habil vert de son p£re. Le g£n6ral LEROY, Commandant 1'Ecole, a remerci£ le Comit£ d'Organisation et la familio de Henri PoiNCARfi et il a rappele" la fid£lit<§ de celui-ci envers Fficole Polytechnique qui 1'avait forme.

La seconde partie s'est dt^roul^e dans la cour des 6l£ves, ou une estrade avail et£ dress^e. En presence du bataillon des el&ves, sous les armes, le g£n6ral DASSAULT dans un magistral discours a dress6 un tableau complet de Henri Poi.NGA.nfi el de son oeuvre scientifique et pliilosophique sous ses divers aspecls.

Le general LEROY qui, apr&s la c6r6monie, offrail dans ses salons du pavilion Boncourl, une reception aux invil^s de marque el aux d6l£gu£s Grangers les a conduits d'abord devant les vilrines d'une exposition de souvenirs de Henri PoiNCARfi, obligeammenl pr^l^s par la famille. Celle exposilion devait resler ouverte an public, dans la salle du Conseil de 1'Ecole, jusqu'a la jSn du mois de mai.

Sur la chemin^e irois busies celui de JOFFRE, celui de FOCH el celui d'Henri PoiNCARfi paraissaient pr^sider 1'exposilion. Us rappelaient Irois promolions voisines 1869-1871-1873, celle derni^re promolion comporlanl d'ailleurs aussi un Mar^chal de France, le Marshal FAYOLLE qui en esl sorli avec le 116. Cette exposilion rassemblail des pholographies, des lellres, des manuscrils ou des pieces officielles se rapporlant a 1'enfance de Henri POINCAR£, a son passage a l'£cole Poljlechnique et a 1'ficole des Mines, aux debuts de sa carri&re, ou aux principaux 6vdnemenls de celle-ci : d^couverie des fonclions fuchsiennes, grand prix du Roi OSCAR II de Su&de et de Norv&ge, entree a 1'Acad^mie des Sciences a 33 ans, el plus lard a 1'Acad^mie Frangaise. De nombreux diplomes d'Acad^mies ou Universil^s ^Irang^res, el surloul une grande carle, sur laquelle t^laienl soulign^s les noms des villes qui abrilenl une Acad^mie, une Univer- sil6, ou une Soci&t^ savanle donl Henri POINCAR^ 6 tail Membre, Iraduisaienl d'une manure frappanle 1'imporlance de son rayonnemenl a 1'^lranger. Plus inlimes el plus 6mouvanles, Irois vilrines nous monlraienl enfin Henri POINCAR£ en famille, les derniers manuscrils ou les derni&res lellres qu'il a £criles, et la pholographie de la picrre lombale sous laquelle il repose au cimeli^re Monlparnasse au milieu des siens.

On Irouvera dans la sixi^me partie la reproduction en fac-simil£ d'un cerlain nombre des documenls pr6senl6s a celle exposilion.

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1954. 98

ALLOCUTION DE M. LE PROFESSEUR GASTON JULIA

A L'ECOLE POLYTECHNIQUE. MON GfiNtiRAL,

Au nom du Comit^ d'Organisation du Cenlcnaire que nous c£l6brons aujourd'hui, j'ai 1'honneur de vous remettre le m^daillon, qui rappellera a nos 6l£ves les traits et conservera la m£moire d'un des plus grands savants que 1'ficole ait form6s.

Ce n'est pas par hasard que ce medallion fait face a celui qui perp^tue dans notre Ecole le souvenir d'un des plus grands homines de guerre qu'elle ait aussi formes.

Nous avons pens6, en effet, que, dans ce hall du Joffre, face a 1'effigie du vieux Marshal, calme comme un roc a 1'heure du plus pressant danger, si intr^pide qu'il put demander a des troupes £cras6es de fatigue cet immortel demi-tour qui sauva notre Pays, il convenait de dresser 1'effigie du savant illustre dont la pens^e lucide, « comme un Eclair dans une longue nuit », fait reculer la limite de 1'inconnu, afin qu'en un saisissant raccourci, ces deux effigies pr6sentent a nos 6l6ves une illustration complete de la devise de 1'ficole : « pour la Patrie, les Sciences et la Gloire ».

Rappelons-nous ce temps qui vit entrer a 1'ficole Henri PoiNCARfi. G'est Fannie 1878. POINCARS est Lorrain. II a v<3cu a Nancy pendant Poccupation. II y a deux ans que FOCIT a quittg Saint-Cl6ment de Metz pour entrer a 1'ficole ; puis il a quitt6 1'ficole apr^s un an seulement, pour embrasser cette carri^re des armes qu'il va illustrer de sa fougue ggniale, comme JOFFRE, qui 1'a pr6c^d6 ici de deux ans, 1'illustrera de son calme in^branlable, et tons deux de leurs males vertus.

Pour PoiNCARfi, c'est la carri&re scientifique qu'il va embrasser, et il 1'illus- trera comme ses anciens ont illustr6 la carri^re des armes, et ses immortelles d^couvertes ajouteront a la gloire de 1'ficole un pacifique et imp6rissable laurier*

Cette providentielle conjonction dans le temps de nos plus pures gloires polytechniciennes, nous avons voulu, mon G6n6ral, la rappeler dans ce hall, ou nos 6l&ves circulent tous les jours, afin qu'elle soit pour cux g6n6ratrice de nobles ambitions et excita trice d'efforts.

Veuillez, mon G6n6ral? accueillir dans vos murs Fimage de ce grand math6- maticien, qui fut aussi un grand astronome, un grand physicien et un grand philosophe, et qui, plaisons-nous a le souligner ici, fut, en tout, un grand, un Eminent Frangais.

i)/i TROISIEME PARTIE.

ALLOCUTION DE M, LEON POINCARE

V L'ECOLK POLYTECHNIQUK

MONSIEUR LE PRESIDENT, MONSIKVR LK GR\>D CHANCKLIKR, MESSIEURS LKS GfiisjfeRAux, MESDAMKS, MESSIEURS,

J'aurais voulu d'abord vous donner connaissance du message du Doyen d'age des polytechniciens que j'ai reou hier. Le colonel CROS de la promo- tion 1874? qui esl done un conscril do mon pere el, qui est anssi centenaire inherit de sa main, en re"ponse a un aiot que je lui avais adress6 ;

« Mon ge"ne"ral,

« Je vous remercie d'avoir pens6 aux anciens pour la celebration du cente- naire de votre illustre pere » .... Plus loin il parle « des sentiments de ses 20 ans » .... Mais malheureusement mes officiers du chiffre sont rest^s deTaillants, et force m'est de me contenter de vous lire la note explicative qui £tait jointe a cet envoi.

La voici :

« Je crains qu'il vous soit difficile de de"chiffrer les quelqnes mots que vous adresse le colonel CROS, et, cependant il a et6 tres sensible a votre communi- cation et a plaisir de vous dire combien il a gard6 intacts le souvenir et Fadmi- ration qu?ils avaient tous pour le grand savant qu'elait Henri POINCAR£. Certains details m^me sont rested vivants dans sa me"moire. (Exemple). La pr6sidence du jury qu'avait votre pere d'un tribunal qui avait attribu^ la cote « rogne )> a 1'eleve CROS. »

MOK GfiNfiRAL,

Apres le souvenir de cet authentique t^moin, qui est le seul a avoir ^t^ 6l^ve de 1'ficole en meme temps que Henri PoiNCARfi, je voudrais vous remettre, pour le mus^e de Fficole un autre t^moin des anuses 1878-1875, authentique lui aussi. C'est l^p^e de polytechnicien de mon pere, la tangente qu'il portait il y a 80 ans; connaissant 1'attachement qu'il avait pour Pficole Polytechnique,

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 95

je suis sur d'etre dans la ligne qu'il aurait aim(3e, comme je suis sur quo dans voire mus^e du souvenir cette £p£e sera pieusement conserved.

Le culte des glorieux antiques est une tradition de 1'Jilcole, nous savons que les promotions a veiiir n'y failliront pas. Mais il n'est peut 6tre pas inutile de souligner le geste qu'ont fait les promotions prdsentes a 1'Ecole au moment ou tut ouverte la souscription qui devait permettre au Professeur Gaston JULIA de remettre hier a M. le Secretaire perp<5tuel de 1' Academic des Sciences le dixi&me et dernier volume des ceuvres de mon p&re.

Marquant la voie a leurs antiques et a 1'industrie, qui les ont tr&s g6n£reu- semenl suivis, ils ont tenu a ce que les 6l£ves de 1'Ecole Polyteclinique soient inscrits parmi les premiers bienfaiteurs. Au premier appel ils ont verse les 200 ooo francs qui donnaient droit a ce titre. Je suis heureux de saisir 1'occasion qui m'est offer te aujourd'liui de les en remercier publiqueraent, et bien qu'ils aient agi au nom des promotions pass^es, pr6sentes et a venir, de donner la reference de leurs promotions 1946-1947, 194-7 SP el *948 sp.

Avec l'6p^e de polytechnicien de Henri POINCARI^, je vous remets aussi, mon GtSneral, son habit d'acad^micien qui, pr£sent£ dans les collections de 1'ficole, incitera, je 1'esp^re, quelques-uns des jeunes conscrits des promotions futures, a s'adonner a la science d£sint£ress6e, et a montrer que la formule de notre vieille ficole qui unit la discipline scientifique a la discipline tout court, reste valable aussi bien pour la formation des homines de science que pour celle des hommes d'action.

ALLOCUTION DU GENERAL LEROY,

COMMANDANT DE L'ECOLE POLYTECHNIQUE.

MONSIEUR LE PRESIDENT,

MONSIEUR LE GRAND CHANCELIER DE LA LEGION D'HONNEUR,

MESDAMES, MESSIEURS,

Hier la Science rendait hommage au grand savant Henri POINCARE.

Aujourd'hui, la c6r6monie est plus intime; elle est familiale, car Tillustre mathematician ^tait des ndtres.

Je vous remercie, Messieurs, vous tous qui 6tes venus ici partager notre joie de cette gloire.

96 TROISIEME PARTIE.

A vous Madame, a vous Messieurs les e"minents repre'senlnnts de la Science raondiale, je tiens, comme Commandant de cette Ecole, a vous dire combien votre presence nous est pr6cieuse en ce jour.

MONSIEUR LE PRESIDENT DU COMITJ&,

C'est pour 1' Ecole Poljtechnique une grande satisfaction ct un honiieur insigne de recevoir aujourd'hui ce me'daillon a la me'moire d'Henri PoirscAHfi, Tun des plus grands X de ces cent dernieres anne"es.

J'en remcrcio le Comit6 que vous pre'sidez.

Je vous sais gr6, Monsieur le President, d'avoir rapproche' tout a 1'lieure ces deux figures si dissemblables par leurs caracteres, si semblables par leur gloire : Henri POINCAR£ et JOFFRE.

Gar leurs effigies, place'es face a face, dans ce meine hall, constitueronL pour les generations polyteclmiciennes a venir, une illustration 6clatante de la vocation universelle de cette Ecole capable de donner a la civilisation aussi bien les hommes qui la batissent que ceux qui en assurent la garde.

MONSIEUR L'ING£NIEUR GfiNfiRAL,

Recu, en m^me temps qu'a 1'Ecole Poljtechnique, a 1'ficole Normale Sup6~ rieure, Henri POINCAR^:, votre pere, a choisi d'etre instruit ici m£me.

Tous les Polytechniciens sont tres fiers de ce choix.

II est e"videmment vraisemblable, il est probable m£me, qu'un tel ge'nie, form^ ou que cela soit, se fut d^velopp^. Mais a quoi bon supposer : La re"alite", c'est que notre ficole, et elle seule, a 6tabli la solide charpente de sa pens^e scientifique et aussi PunivorsaliuS de son esprit.

Son attachement a TX se retrouve d'ailleurs autant dans le cours qu'il j professa que dans le simple fait que vous-m£me, son fils, 6tes aussi Poljtecknicien.

L'X pretend done a Torgueil tegitime et exclusif d'avoir initie, pour la France un savant Eminent, et pour FUniversit^ le maitre incontest6 qu'elle c^brait hier.

Aussi Pficole, qui n'oublie pas, a-t-eUe encourage', tout naturellement et sans attendre le succes, les beaux efforts de M. JULIA pour faire ^diter les ceuvres d'Henri PoiNCARfi.

Tous ces liens avec Tun des nOtres, parmi les plus grands, vous disent bien,

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 97

Monsieur FInge'nieur General, coml)ieii FEcole esL honoree quo vous ayez songe* a lui confier la garde de reliques familiales.

Soyez assure que cetle e'pe'e, quo eel habit d'acad6micien, que vous me remettez aujourd'hui, recevront ici une place d'honneur aupres des souvenirs des antiques les plus celebres, et rendront plus vivace encore le cuke des polyleclmiciens pour Fun. des ge'nies mathe'matiques les plus complets de Fhisloire du monde.

DISGOURS DU GENERAL DASSAULT,

GRAND CHANCELIER DE LA LEGION D'HONNEUR A L'KCOLE POLYTECHNIQUE.

L'Ecole Poly technique, a Foccasion du centenaire de la naissance d'Henri PoiNCAiiti, se devnit de manifester solennellement sa fidelite' au souvenir dn plus illustre savant qu'elle ait jamais forme". Cerles une telle gloire d^borde largement le cadre d'une e'cole et m6me d'un pays; c'est ce qu'a si justement exprim6 M. Emile BOREL , lors de la disparition du celebre ge'ometre, en declarant : « L'intelligence humaine est en deuil : Henri PowcARfi n'est plus. » Cependant, FEcole Polytechnique a tenu une place privile'gie'e dans la carriere et dans le cceur de POINCARE : elle Fa connu comme 6leve, comme r6p^titeur d'Analyse, comme professeur d'Astronomie g^n^rale et comme Membre de son Gonseil de perfectionnement; elle lui conserve une particuliere reconnaissance pour tout le lustre dont elle lui est redevable : c'est ainsi que, lors d'une ce're'- monie memorable, le President du Conseil de F6poque, parlant ici-m6me, apu dire : « II me suffit, pour attester le role de Fficole Polytechnique, d'invoquer ces deux grands noms : Henri PoiNCARfi, le plus grand des penseurs de ce dernier siecle, et le vainqueur dela plus grande des guerres : leMare'chalFocn.))

Pour donner une image aussi fidele que possible d'Henri POINCAR£, il a semble' qu'un expose', m^me essentiellement destine' £ comme'morer son ceuvre scientifique, devait tout d'abord mettre en lumiereles traits caract^ristiques de Fhomme.

Du point de vue moral, Henri POINCARE n'a cess^ de montrer un sentiment du devoir, une ge'ne'rosite' et un de'sinte'ressement admirables. Pour illustrer cette assertion, trois exemples seulement vont 6tre cit^s.

H. p. i3

9* TROISIEME PARTIE.

Son sentiment du devoir, il le manifesta en particulier, comme tout jeune ing^nieur des mines, en n'hgsitant pas a descendre, au m^pris d'un p^ril mortel, dans une mine ou couvait 1'incendie a la suite d'un coup de grisou terriblement meur trier.

Sa generosity, il en fit la preuve en dormant auxcel&bres fonctions fuchsiennes, dont il est le pere incontest^ et dont Pinvention reste un des plus beaux ileurons de sa couronne, lenom du professeur allemand FUCHS pour reconnattre les efforts tenths par celui-ci dans la m6me direction : c'etait une preuve bien remarquable d'altruisme que dc se dgpouiller ainsi d'une partie de sa gloire scientifique, le plus precieux des biens au coeur d'un savant.

Quant a so*n d^sint^ressement, 1'exemple qui va etre domig est rapporte d'apr&s Maurice d'OcAGNE, personnalit<5 scientifique bien connue a 1'Ecole Poly technique. A la mort de CVLLANDREAU, Professeur d'Astronomie et de G<£odt!sie, le Ministre de la Guerre de l'6poque d^cida de supprimer ce cours pour raison budgtStaire. Atterr6 par la disparition d'un enseignement aussi important, POINCARE, bien que d^ja surcharg'6 de besogne, se proposa pour le professer sans aucune remuneration. Le Ministre accepta, et c'est dans ces conditions que POINCAR£ fut charge a Pficole du cours d'Astronomie g^nt^rale.

Toutes ces vertus, Henri PoiNCARti, n6 et 6lev<3 a Nancy, les devait pour une partason terroir lorrain qui le dota en outre d'un ardent patriotisme, etsurtout a son milieu familial dont tant de membres firent preuve d'une e^minente distinction : son p6re, L(5on POINCAR^, fut professeur a la Facult6 de M^decine de Nancy ; son oncle, Antoni, polytechnicien, fut inspecteur g6n&ral des Ponts et Ghauss^es; ses cousins germains (Haient Raymond POINCARE, futur President de la R^publique, et Lucien POINCAR^, futur Recteur de FAcadgmie de Paris; sa jeune soeur, qu'il ch^rissait, devint la femme et la collaboratrice de Fillustre philosophe fimile BOUTROUX. Henri POINCAR£ fit ses Etudes au Lyc6e de Nancy ou il se r6v6la aussitot comme un 6l6ve extraordinairement dou6 aussi bien d'ailleurs pour les lettres que pour les sciences. Son seul point faible 3tait le dessin et, par la suite, il eut quelque peu a en souffrir. II ne quitta sa ville natale et safamille que pour entrer a 1'ficole Polyteclmique, premier de sa promotion.

En ce qui concerne la « vie intellectuelle », pour parler le langage des psychologues, celle d'Henri PoiNCARfi 6tait essentiellement marquee, d'une part, par un pouvoir exceptionnel de concentration de 1'esprit et, d'autre part, par

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI igo/j. , 99

une extraordinaire memoire. Cerles, on ne peut songer a analyser le don transcendantal qu'est le genie, mais on est en droit de penser que la reunion de ces deux facultes, surtout elevees a un si haul degrg, doit en augmenter singu- lierement le rendemeni.

La puissance de concentration de 1'esprit de 1'illustre savant etail evidente pour tous ceux qui Ton bien connu. Maurice d'OcAGNE, en particulier, a park de ces periodes ou POINCARE, poursuivant sa meditation, perdait la notion de 1'ambiance ou il so trouvait. « Cette absence, dit d'OcAGNE, se lisait sans hesitation sur ses traits; il n'avait alors aucune conscience de ce qui se passait autour de lui. » D'liabitude il semble que la faculty d'abstraction et la puissance de concentration de la pensee soient Fapanage des jeunes geom&tres et qu'ellcs diminueraient plulot avec 1'age. Tous les grands geom&tres d'ailleurs, comme PoiNGARfi Iui-m6me, ont ete pr£coces, et certains, bien que tr£s tot disparus, ont pu laisser une ceuvre originale et feconde, par exemple, ABEL ou GALOIS, ce dernier tug en duel a 21 ans.

Quarit a la memoire dont etait dote POINCARE, tous*-ceux qui Font approche, tels APPELL, DARBOUX, d'OcAGNE et LECORNU en sont restes emerveilles. APPELL declare que POINCARE enfant pouvait toujours dire a quelle page, a quelle ligne d'un livre il avait vu telle ou telle chose , et ajoute qu'il a conserve une memoire aussi remarquable pendant toute sa vie, ce que confirme LECORNU qui a ete el6ve a I'ficole en m£me temps que POINCARE, puis son collogue comme professeur et son confrere k 1'Academie des Sciences. II est hors de doute que la fecondite de POINCARE qui, mort a 58 ans, alaisse a la posterite une ceuvre non seulement d'une incomparable valeur, mais comprenant une veritable multitude de travaux, de cours, de memoires et de notes interessant les branches les plus variees de la Science , n'aurait pu se manifester a ce degre sans la memoire extraordinaire dont il etait doue. Un autre que lui, oblige de se reporter a des references, de proceder a des verifications toutes operations que lui evitaient Tetendue et la fidelite de sa memoire n'aurait pu, a genie egal, trouver en aussi peu d'annees le temps de realiser une production si etonnamment

abondante.

*

,

Les grandes inventions, chez POINCARE plus que chez tout autre, ont poiu> bases des rapprochements. Ce fait avait frappe Jacques HADAMARD : « Nulmieux que POINCARE, a-t-il ecrit, ne sut decouvrir ces relations imprevues, sans doute parce que personne ne sut mieux dominer la Science de tous les cdtes &. la

K/0 TROISIEME PARTIE.

fois. x> Et PoiNCARfi Iui-m6me a declare : « Parmi les combinaisons que 1'on choisira, les plus fecondes seront souvent celles qui sont form^es d'6l6ments emprunt^s a des domaines tr£s £loign6s. »

La question s'eclaire en se reportant an texte classique ou PoiNCARfi nous conte la gen6se des fonctions fuchsiennes. Successivement il est conduit a des rapprochements avec la serie hypergeom^trique, avec les fonclions elliptiques, avec les transformations de la Gtioin^trie non euclidienne, avec les transfor- mations arithmeiiques des formes quadra tiques ternaires ind^finies. Certains de ces rapprochements etonnenl d'ailleurs POINCAR^ lui-m£me. II prononce le mot d7 « illumination »; dans d'autres textes il parlera d'intuition, d'inspiration, d'^tincelle sacr^e ou d'titincelle divine. En r6alitt5, ce qui est en cause n'est autre que le g<5iiie math^matique. Mais POINCARE nous precise qu'avant que surviennent ces illuminations, un long travail de concentration de Pesprit, conscient et peut-6tre surtout inconscient, est indispensable. II convient aussi d'ajouter que Fgtincelle sacr6e ne peut intervenir que si une m^moire active et cxtr6mement ^tendue telle celle de PoiNCARfi lui pr^sente les mat^riaux

permettant a la flamme de jaillir.

*

^ «

II ne saurait &tre question d'^tudier ni m^me seulement d'^num^rer ici les travaux de POINCAR&; ils int(5ressent en effet toutes les sciences rationnelles : Matn6matiques , Physique, Astronomic, M^canique, G^od^sie et aussi la Philosophic scientifique. Dans cet expos^ on se bornera done essentiellement a indiquer les voies principals qu'a ouvertes POINCAR^ et a tenter de dggager un apercu d'ensemble de Foeuvre gigantesque qu'il a accomplie.

G'est dans le domaine de la Mathematique pure, aristocratie de la Science, que PoiNCARfi porta son effort principal. II s'est, en particulier, propose d'int(5grer toutes les Equations diff^rentielles lin^aires a coefficients alggbriques. C'est poury parvenir qu'il a imaging ces nouvelles transcendantes, les fameuses fonctions automorphes dont il vient d'etre parl6. II en a d6velopp6 la thSorie, donn^ la representation par des series et a finalement abouti, non seulement a Fint^gration recherch^e, mais aussi a montrer que les coordonn^es d'un point d'une courbe alg^brique quelconque peuvent s'exprimer par des fonctions fuchsiennes.

Ge sont ces magnifiques r6sultats que visait Gamille JORDAN, que j'ai eu Fhonneur d'avoir ici-m6me comme professeur, lorsqu'il disait .: « II faut le reconnaitre : nous assistons en ce moment a une revolution de tous points

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI IQS/f. 101

comparable a celle qui s'est manifestee il y a un demi-sieicle par 1'avenement des fonctions elliptiques, »

Les travaux de POINCARE en Mathemaliques pures sont si nombreux el si importants qu'il est difficile d'op^rer un choix parmi eux. On menlionnera encore pourtant ceux consacr^s a la th^orie des nombres et le Mt5moire c6l£bre ou il etend aux integrates doubles la theorie de CAUCHY relative aux integrates prises le long d'un contour ferme.

Mais il faut aussi signaler spe'cialement d'autres M^moires, relatifs ceux-la a la theorie des courbes d^fiiiies par les Equations diflferenlielles. Le butpoursuivi est de se rendre compte, dans le champ r£el, de 1'allure gen^rale des courbes int^grales ; l'6tude en cause est done puremenl qualitative et rejoint ainsi le domaine de V Analysis situs (aujourd'hui nomme'e Topologie) que POINCAR*: avait en particuli^re affection et a laquelle il a consacr6 plusieurs Mgmoires.

U Analysis situs est une des disciplines les plus profondes de la science math^matique. On sait que cette discipline, d'un caract&re essentiellement qualitatif, etudie les relations qui subsistent dans une figure lorsqu'on la d^forme d'une mani^rc quelconque, mais sans d^chirure ni soudure. Du point de vuo de V Analysis situs un cercle, par exemple, est Equivalent a une ellipse ou m6me a toute courbe ferm^e sans point double, mais ne 1'est pas a un segment de droite parce que celui-ci n'est pas ferm^.

UAnalys situs donne lieu a une s^rie de propositions parfaitement enchain6es et, en les prenant pour base, RIEMANN avait etabli une des theories les plus int^ressantes et les plus f^condes de 1'Analyse pure. POINCAR^, qui lui a donne un remarquable essor, a fait appel a elle dans nombre de ses travaux mathe- matiques et en particulier dans ses Etudes sur 1'int^gration qualitative des Equations difF^rentielles.

* *

Dans le domaine de la Physique le genie de PotNCAiifi s'est manifest^ avec le m6me 6clat et il n'existe d'ailleurs gu^re de fronti^re entre la Maththnatique pure et la Physique math6matique. Mais, tandis que 1'ceuvre math^matique de PoiNCARfi s'est d6velopp6e tout enti^re avec une majestueusc continuity, ses conceptions en Physique, soumises pendant longtemps aux seulcs lois de la M^canique classique, se sont trouv^es ensuite affect(5es par Tav^nenient de la Physique relativists, a la naissance de laquelle il a d'ailleurs puissamment contribute, puis de la Physique quantique.

C'est principalement pendant les dix ann^es ou POINCAR£; occupa a la Faculld

102 TROISIEME PARTIE.

ties Sciences la cliaire de prolcsseur de Physique mathe'inatiquc qu'il r^alisa la premiere parlie de son oeuvre. Ses cours, d'une incomparable quality, ne se bornaient pas a mettre les auditeurs au couraiit des Iravaux deja fails stir les questions trailers; ils pre"cisaient en outre bien des points jusque-la laisse's dans Pombre et comportaient des de'veloppements importants entitlement originaux. Parmi ces cours on peut citer et admirer : Thermodynamique; Capillarite"; Propagation de la chaleur; Oscillations electriques; Electricity et Optique. Dans ces derniers il faut mentionner particulierement la partie relative aux theories de MAXWELL et a la theorie electromagnetique de la lumiere, alors presque inconnues en France; et egalement celle relative aux travaux de HERTZ que PoiNCARft ne se borna pas a cxposer, mais auxquels il ajouta des precisions toutes nouvelles et apporta m&me des rectifications necessaires.

C'est dans cette mfime periode que POINCARE etablit ses celebres Memoires sur les Equations aux de'rive'es partielles de la Physique roathe'matique.

En ce qui concerne Favenement de la Physique relativiste, le role de Poincare' a ete" d'une importance capitale et peut-e"tre non apprecie a sa valeur veritable. Les travaux de LORENTZ Favaient vivement inte'resse' et il y avait apport6 une contribution personnelle de premier plan. En particulier dans un remarquable M^moire, (5crit avant la publication des travaux d'EiNSTEiN etparu dans les Comptes rendus du Cercle matliemalique de Palerme, l'6tude pe'ne'trante qu'il fit de la dynamique de l'6lectron assura a la the'orie de LORENTZ une parfaite coherence, et il est certain que ce Me'moire restera classique dans 1'histoirc du principe de la relativite'. Rendant a POINCAR£ un juste hommage, M, Louis DE BROGUE a pu 6crire : « Sans LORENTZ et sans POINCARE, EINSTEIN n'eut pu aboutir. »

De ce qui precede, il reunite qu'Henri POINCARE a fait largement b6n6ficier de son ge'nie la Physique math^matique et la Physique the'orique. S'il n'a pas e'te' personnellement un expe'rimentateur, il s'est tenu au courant de toutes les experiences et en a m6me provoqu6. II a d'ailleurs proclam^ bien haut : « L'expe'rience est la source unique de la ve'rite' : elle seule peut nous apprendre quelque chose, elle seule peut nous donner la certitude* »

Dans le domaine de MAstronomie et de la M&canique celeste, Henri s'est ^galement acquis une renomm^e universelle.

On mentionnera toul d'abord son magnifique succes a un concours ouverl

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. Io3

aux mathematicians du monde entier pour 1'obtention d'un prix fonde en 1889 par Ic roi de Su&de eL Norv&ge a. 1'occasion de son 6oc anniversairc. Parmi les membrcs du jury figuraient HERMITE et WEIERTRASS; parmi les concurrents Henri POINCAR£ et Paul APPELL; c'est assez dire qu'il s'agissait d'une epreuve de tout a fait exceptionnelle quality. Le prix revint a POINCAR^ pour son Memoire Sur le probleme des trois corps et les equations de la Dynamique. Les principaux r^sultats £nonc6s dans ce M6moire furent ensuite repris et developp^s par POINCARE dans son Ouvrage Les Methodes nouvelles de la Mecanique celeste et dans les lecons dc Mecanique celeste qu'il professa a la Sorbonne a partir de 1896. Dans ces travaux, aprtjs avoir mis en Evidence les defectuosit^s des meHhodes anterieurement suivies, POINCARE fait appel a des instruments nouveaux, les « invariants int6graux », les « solutions p^riodiques » ou les trois corps reviennent periodiquement dans les m£mes positions relatives et les « solutions asymptotiques » qui, sans &tre p^riodiques, tendent a le devenir au bout d'un temps infini.

On citera encore, puisque la aussi il taut cboisir, la th^orie des marges et surtout le c6l^bre M^moire sur les figures d'^quilibre d'une masse Iluide en rotation, ou POINCARE montre qu'il peut exister d'autres figures d'^quilibre que 1'ellipsoi'de de revolution de MAC LAURIN et que 1'ellipsoide a trois axes inegaux de JACOBI.

PoiNCARfi a (Sgalement ^tudi^ la Cosmo gonie dans ses Lecons sur les hypotheses cosmogoniques. II y fait un examen critique magistral de toutesles hypotheses (5mises par des savanls aussi <3minents que LAPLACE, ARRIIENIUS, HELMHOLTZ et Lord KELVIN au sujet du plus ardu et du plus d^licat des problSmes : celui de 1'origine du monde, et, avcc sa haute probit6 scientifique, il n'h^site pas a declarer : « Apr^s ceL expose on attend sans doute de moi une conclusion et c'est cela qui m'embarrasse. Plus on 6tudie cette question de 1'origine des astres, moins on est press^ de conclure...» II fallait cependant, ditDARBOUx, un savant tel que POINCARE pour suivre, avec autant de penetration, ces discussions qui exigent la reunion des connaissances du geom&tre, du physicien et m^me du ggologue.

La Geodesie, enfin, a toujours vivement retenu 1'attenlion de POINCARE qui a consacr^ un chapitre de Science et Methods a, la gloire de la g£odesie frangaise, Lorsque l'Acad6mie des Sciences obtint du Gouvernement 1'envoi a Ffiquateur d'une mission charged de repi^cndre 1'ceuvre g6od6sique qui avait honore notre

104 TROISIEME PARTIE.

Pays an xvin1' siecle, c'est POLNCUIE qui presida el anima la Commission de conlrole des operations. On doit encore spe'cialement mentionner son. important Me'moire sur les mesures de gravitu et la geodesic.

Reprenant la tradition des PASCAL, des DESCARTES el des LEIBNITZ, Henri POLNCARE ne s'est pas contente d'etre un homme de Science eminent : il a egalement accompli, dans le domaine de la Philosophic, une ceuvre remarquable et qui, d'ailleurs, a fait sensation des sa publication. POINCARE proc6dait, principalement dans son premier Ouvrage La Science el V Hypo these ^ a la critique des fondements de nos connaissances scientifiques. Cette attitude d'un aussi illustrc savant provoqua dc profonds remous dans 1'opinion et beaucoup allerent jusqu'a taxer POINCARE de scepticisme.

Cortes PoiNCAttfi a pousse tres avant la liberty d'oxamen vis-a-vis de notions essentielles qui beneficaient d'un prestige paraissant hors de toute atteinte. Mais rechercher la verite', sans Lenir compte de la tradition ou de Fautorite', c'est en re'alite' 6tre proprement carte'sien, et non pas sceptique. Un sceptique s'exprimerait-il comme le fait POINCARE dans un autre de ses Ouvrages La Valeur de la Science ou Ton pent lire des passages tels que ceux-ci :

« Si j'ajoute que Pharmonie universellc du inonde est la source de toutc beaute', on comprendra quel prix nous devons attachcr aux lents et penibles progres qui nous la font pen a pen mieux connaitrc. »

Et ailleurs : « La meilleure expression de cette harmonie, c'est la loi ».

Ou encore : « Non, les lois scientifiques ne sontpas des creations artificielles ».

Quelles sont les causes de ce malentendu sur la position philosopliique r^elle de POINCARE ? Elles sont de deux sortes :

Entrain^ par 1' extraordinaire engouement qu'avait provoquti La Science et VHypothese, un vaste public, dont la plus grande partie n'6tait nullement pr^par^e a rexamen de semblables problemes, avait pris partaleur discussion. G'est ce qu'a not6 Fillustre phjsicien LIPPMANN en ces termcs pleins de sens et aussi dj humour :

<c La philosophie de VoiNCAiifi qui implique une profonde connaissance de la M^canique et de la Physique mathe'matique, qui est une des plus abstruses et des plus inaccessibles qu'on puisse trouver est, par surcroit, devenue populaire : co qui montre combien elle est difficile a comprendre ».

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1954, 105

A celle premiere cause de malenlendu il fauL encore ajouter que certains ecrivains, bien que de tendances tres differentes de celles de POINCARE, etaient fort de"sireux de s'annexer, inline au prix d'une interpretation assez abusive, une recrue aussi thninente.

En fait, Henri POINCAR^ se refusait a admettre aveugl^ment les axiomes et les propositions premieres et avait re'solu d'en rechercher la valeur fondamen- tale re'elle : il est d'ailleurs a noter que si son libre examen a abouti a (Sbranler nombre de ces notions essentielles, les prog-res si rapides de la Physique et de la M^canique relativistes et quantiques les ont ensuite perturbe'es beaucoup plus profonde'ment encore.

Mais, pour suivre Pordre chronologique, c'est d'abord dans le domainede la Ge'ome'lrie que s'exerca la critique de POINCARE. Vivement inte'ress6 par la Ge'ome'trie non euclidienne, a laquelle il eut recours pour le d6veloppement de sa magistrate the'orie des fonctions fuchsiennes, il rappelle Fimpossihilite' de d6duire le celebre Postulatum d'EucLiDE des autres axiomes qui sont a la base de la Ge'ome'trie, ce qu'avaient vainement tente" de faire des savants aussi illustres que LEGENDRE et LAGRANGE. II montre que la ge'ome'trie de LOBATSCIIEWSKY par exemple, ou 1'on admet la possibility de faire passer par un point plusieurs paralleles a une droite donn^e, comporte une suite de the'oremes d'une logique aussi impeccable que la Ge'ome'trie euclidienne; il montre aussi que 1'on pent passer d'une ge'ome'trie a 1'autre de telle sorte qu'il ne pourrait y avoir de contradiction dans 1'une qui ne fut aussi dans 1'autre. Du point de vue de la logique pure les deux ge'ome'tries sont done e'galement valables. Ainsi le Postu- latum d'EucuDE n'est qu'une convention. Mais le choix de cette convention n'est pas arbitraire : la Ge'onKHrie euclidienne est en effet, dit POINCARE, la plus « commode ». II faut noter au passage que ce terme de « commode » revient a de multiples reprises dans son ceuvre, et cette expression familiere et quelque peu vague a certainement contribue a accr6diter la l^gende du scepti- cisme de PoiNCARfi a I'e'gard de la Science. En re'alite' POINCARE explique que par « commode » il faut entendre : simple etpropre a la satisfaction de nos besoins.

Dans le domaine de la Me"caniquc et de la Physique classiques, POINCARE aboutit a des re'sultats du m6me ordre : « La loi de I'acc^le'ration, la regie de la 'composition des forces ne sont-elles que des conventions arbitraires ? Conventions ? oui; arbitraires ? non; elles le seraieiit si 1'on perdait de vue les experiences qui, si imparfaites qu'elles soient, suffiscnt a les justifier. » Quant

I06 TROISIEME PARTIE.

aux masses, ce sont seulemenl des « coefficients qu' il est commode d'introduire dans les calculs ». En ce qui concerne les theories physiques, Fhypoth^se y joue un role capital, a Or ces hypotheses ne peuvent pas 6tre vraies ou fausses, dies ne peuvent tHre que commodes ou incommodes. »

Mais, malgr6 le haul inter£t dc tes discussions relatives a la M^canique et a la Physique classiques, il est d'un interet encore plus grand et plus actuel d'examiner comment POINGAUJ& a r^agi en presence des theses relativites et quantiques qui, comme il a ett; dit, atteignent encore beaucoup plus profon- dtSment les theories classiques que les reserves qu'il avait formulas. C'est surtout a partir de 1904 et apres le Congr^s de Saint-Louis, ou il se rendit avec Paul LANGEVIN, qu'il apporta le concours de son puissant g£nie aux theories de la relativity, « II voyait avec un peu d'inqui^tucle, nous dit LANGEVIN, ebranler le vieil edifice de la Dynamique newtonienne. » Mais bientot POINCAR& allait lui-m£me apporter une contribution capitale a la construction de Fedifice nouveau .

Quant aux theories quantiques, la mort survenue brusquementFemp£cha de prendre une position definitive a leur <§gard. Dans ses Dernier es pensees il fait loutefois ressortir leurs graves consequences : av^nement de la disconti- nuit6 dans les lois naturelles et atteinte a la tradition classique de la repr<3sen- tation des phtoom^nes par des Equations differentielles .

De tout ce qui pr6c£de il r^sulte que la philosophic de PoiNCAnfi est caract«5ris6e par la profondeur, Foriginalit6 et Find^pendance qui <3taient les

attributs de son genie.

* + *

Telle est 1'ceuvrc dc g6ant qu'a accomplie Henri PoiNCARfi et donfle present expose? ne pent donner qu'un faible apergu. Elle suffirait a assurer la renomm(5e de plusieurs savants de tr&s haute distinction. Le plus beau monument qu'on ponvait songer a Clever a la m^moire d'Henri PoiNCARfi, « celui qu'il aurait le plus volontiers agr<§g », a dit en 1918 DARBOUX, alors Secretaire perp^tuel de 1'Acad^mie des Sciences, 6tait la publication de ses oo'uvres scientifiques.

Grace a FAcad6mie des Sciences el en particulier a M. le Professeur Gaston JULIA qui fat Fame dc Fentreprise, grace a la Society des Amis de Fficole Polytechnique et a 1'ficole Polytoclmique elle-m6me? grace au Centre National de la Recherche scientifique , grdce au g^nereux concours de FIndustrie francaise, ce monument a la m6moire d'Henri POINCAR£ est aujourd' il cojistitue le reliquaire de son incomparable g6nie.

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 107

B.- L'APRES-MIDI DU DIMANCHE 16 MAI 1954 A VERSAILLES.

Apres un dejeuner intime a la maison des X ofiert par le Comite" d'Organi- sation, ies delegue's Strangers ont 6t6 conduits a Versailles ou une visile du chateau avail 6l& pre"vue spe'cialement a leur inlenlion. Sous la conduite de Mll° ERLICH, qui a fail profiler son audiloire de sa connaissance de'laille'e des lieux el de sa grande e"rudilion, ils ont pu admirer non seulemenl la chapelle, Ies grands apparlements, la galerie des glaces, la chambre de Louis XIV ou la salle de 1'ceil de boeuf, mais aussi Ies pelils apparlemenls de la reine qui ne sonl pas normalemenl ouverls au public. Ils onl pu enfin jeler un Irop rapide coup d'oeil sur Ies grandes eaux el le bassin de Neptune.

Pour permellre aux dele'gue's Strangers de prendre quelque repos avant de regagner Paris, le President de la Chambre de Commerce de Versailles, M. BAMBERGER, avail bien voulu organiser pour eux une reception dans Ies salons de la Ghambre de Commerce, situs's dans 1'ancien holel de Mme DU BARRY, el qui onl conserve" loul leur cachel du xvni° siecle. En quelques mols M. BAMBERGER a souhail^ la bienvenue a ses holes, pre"cisant que, en dehors du chateau, Versailles poss&de de nombreuses demeures plus modesles mais donl le charme el l'int($r&t hislorique ou archilectural fonl le prix. M. le Professeur SEVERI, repr^senlanl 1'Acad^mie Nalionale de Lince'i et l'Acad6mie Nalionale des Quarante a re"pondu au nom des de'le'gue's Strangers. II a remerci<5 la Chambre de Commerce de son accueil, dil le plaisir, apres la visile du chateau, d'avoir pu connailre aussi le cadre plus inlime d'un viel hotel d'^poque. II a rappel6 enfin qu'il avail connu Henri POINCARE, lorsque celui-ci est venu a Rome en 1908, et que c'esl au cours de son sejour dans la capilale ilaliennc que Henri POINCAR^ a subi Ies premieres atteintes du mal qui devail provoquer qualre ans plus lard 1'inlervenlion chirurgicale dont il semblait se rcmellre, lorsqn'Une embolie 1'a lerrass^.

10g TROISIEME PARTIE.

0.- LA MATINEE DU LUNDI 17 MAI 1954

A L'INSTITUT HENRI POINCARE ET A LA RUE CLAUDE-BERNARD.

L'Instilut Henri PoincanS, 1 1, rue Pierre-Curie, qui est I'lnstittit de Math6- matiques de la Faculte des Sciences de Paris se devail de feHer aussi le centenaire de celui dont il porte le nom. C'est par la pose d'un m^daillon que 1'Institut Henri Poincar6 a voulu comm6morer ce centcnaire, en m£me temps que Tinauguration de la surel^valion des biitiments de Flnstitut. M. Gaston JULU a done fait remise au Doyen de la Facultd des Sciences, et an Directeur de rinstitut d'une rgplique du medallion de FEcole Polytechnique, et il a prononct; a cette occasion une courte allocution a laquelle ont r6pondu M. Joseph PERES, Membre dc FAcadSmie des Sciences ct Doyen de la Facult6 des Sciences, et M. Gaston DUPOUY, Membre dc I'Acad^mie des Sciences, Directeur du Centre national de la Recherche scientifique, tandis que M. Emile BOREL (5voquait lui aussi, en quelques mots improvises, les origines de FInstitut Henri Poincar6, et son d^veloppement, attest^ par les agrandis- sements actuels.

ALLOCUTION DE M. GASTON JULIA

A L'INSTITUT HENRI POINCARE. MON CHER DlRKCTEUR,

MON CHER DOYEN,

En un temps ou, dans les sciences exactes, Fabstrait aurait plutot tendance a tout envahir, et ou la connaissance des relations entre individus y importe souvent plus que la connaissance de ces individus eux-m6mes; ou cependant les relations sociales r6clament plus dc chaleur humaine, d'(5changes directs, en un mot de charity, nous avons pense^ qu'il serait bon, pour nos (^tudianls de Math&natiques, d'apercevoir en passant, pour entrer dans eel Institut Henri

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 109

Poincare, Peffigie de Pilluslre savant qui lui a donng son nom, et avec qui nous voudrions qu'ils fisscnt amide".

La vcrlu d'une telle amitig, MONTAIGNE 1'a exprime'e en termes gmouvanis; il csL plus difficile do Pexpliciter que d'gnoncer maint thgorfcme eL corollaire. Beaucoup cependanL comprendront, pour qui la Science n'est pas exclusive de ccllc amiti<5, dans laquelle s'accordent etsc dgveloppenlles temperaments divers.

L'Institut Henri Poincarg a maintenant 26 ann^es. Les concours bienfaisanls grace auxquels il a pu naitre et grandir sonl inscrits sur ces plaques quo nous avons devant nous. Nous avons pensg que les traits dc son parrain, Tun des plus t^minents matht^maticiens que la France et le monde aient produit, devaient re'chauffer ce marbre un peu froid, pour gvoquer familierement ct fortement une presence, une puissance dont nous pouvons £tre fiers, et nous avons demand^ a Mmc GUZMAX-NAGBOTTE, dont les r&issites sont nombreuses, de les graver pour nous dans le bronze.

On juge souvent des autres d'apres soi-mSme. Je ne puis pas oublier en ce moment, Pe'motion que j'^prouvai il y a pres de 23 ans, lorsque, dans le petit cimetiere de Gottingen, je rencontrai la tombe de GAUSS, que je cherchais. Auparavant, GAUSS c'e'tait, pour moi, un grand nom? une belle ceuvre; ce jour-la ce fut comme une presence.

Eli ! bien, notre ambition, que certains trouveront peut-etre un peu naive, c'est que ce m^daillon nous soit ici comme une presence; nous croyons fermement, inon cher Directeur, mon cher Doyen, que nos e'tudiants s'en trouveront bien.

C'est dans cet esprit, qu'au nom du Comit<5 d'Organisation je vous remets ce beau me'daillon en vous remerciant d'avoir bien voulu le placer la ou nos ^tudiants pourront chaque jour Papercevoir, afin qu'Henri POHSCAR£ soit pour eux un ami, un conseiller, et le meilleur des guides.

ALLOCUTION DE M. JOSEPH PfiUfiS

A L'INSTITUT HENRI POINCARE, MON CHER JULIA,

Le Comit^ que tu presides avec tant de dynamisme a eu la pens^e tres deli- cate de pr^voir, a Pentr^e de ces batiments d^di^s a Henri PoiNCARfi, Padmirable m^daillon qu'a grave" Mme GUZMAN-NAGEOTTE. Au norn du Conseil de Direction de PInstitut Henri Poincar6 et mandate par son Directeur, notre maitre fimile

110 TROISIEME PARTIE.

BoRfiL, an noni de toute la Faculle dos Sciences, j'ai Fagreable devoir do lemoigner ici de notre vivo gratitude. El j'ai aussi le plaisir de remercier Mrac GUZMAN-NAGKOTTK d'avoir si bicn su fa ire revivre, apres plus de ans, celui quo nous ne pouvuns oublier.

MKSIHMES, MESSIEURS,

KS CIIERS COLLEGUES ET AM IS,

Je n'am^ai pas routrecuidance dc revenir, apres les beaux exposes que nous avons entendus, hier et avant-hicr, sur les caracleres de 1'oeuvre d'Henri POINCARE. Permettez-moi cependant, mon cher Maitre, quelques mots a propos du principe que vous avcz de'gage' samedi dernier, en nous rassurant d'ailleurs sur saparfaite inde'pendance des lois morales, lorsqu'on Fulilise en Mathe"ma- tiques. Le principe est d'une application tres large en Mathe'maliques appli- qutses, on en abuse peut-6tre parfois, on 1'utilisc inconsciemment comme M. Jour dain faisait de la prose. En lYsvoquanl vous vouliez sans doute nous faire sentir, par un exemple que son apparencc de paradoxe rendait plus frappanl, combien la puissante intuition de POINCARE dominait problemes et me'thodes, combien elle e"tait ouverte a toute forme de demarche vers la ve'rite', Cela peut etre me'dit^ ici-m^me.

Ceux d'entre nous qui ont suivi les cours d'Henri POINC^RE le revoient dans les locaux qui furent le domaine des mathe'maticiens, presque sous les toils do la Sorbonne, au-dessous de la tour qui domine la rue Saint-Jacques et que couronne une demi-sphere, assez agrdablement patine'e et qui abrita peut-toc, mais la tradition s'en est perdue, un instrument astronomique d'observalion. PoiNCARfi enseignait dans Pamphithe'alre Le Verrier, ou ceux de ma ggndralion ont pu entendre aussi les lemons de MM. HADAMARD et.fimile BOREL, deDARBOux et de PICARD. Get amphitheatre a un tableau tr^jslong devant lequel se trouve done une piste de marche a pied fort plaisante (je 1'ai e'prouve' beaucoup plus tard) pour ceux qui aiment agr^menter le travail de reflexion par un peu d'exercice. S'il m'en souvient bien, POINCARE ^tait de ceux-la et j'ai eu, hier matin, confirmation de ce souvenir en visitant Texposition organised a Fficole Polytechnique : dans une Revue des Ombres, il est question de raisonnements subtils qui s'achevent en un demi-tour, e'videmment a une des limites d'oscil- lation.

L'amphithe'atre Le Verrier est actuellement presque entierement abandon^ par les mathe'maticiens et vous comprenez ainsi combien 6tait opportun le

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. Ill

transfert en ces lieux, que nous devons an Comite" du Centenaire, de la presence figure'e' cl'Henri POINCARE.

M. fimile BOREL vous a rappel<3 avant-hier par quels concours avail (He" rendue possible, au cours de la socondo decade de noire siecle, la construction de Flnstitut Henri Poincare". SI j'y reviens ici, c'esl pour souligner que c'esl par son initiative et grace a son autorite' qu'ont e'te' reunis les concours et qu'il a e'te' ve'ritablement le maitre de 1'ceuvre. Nous ne saurions 1'oublier.

L'Inslitut Henri Poincare, destin6 en principe aux Services de Physique mathe'matique et de theories physiques, a accueilli ulte"rieurement 1'ensernble des Services de Mathe'matiques. Par suite du d6veloppemenl normal des ensei- gnements, de 1'accroissement du iiombre des (Hudianls et du nombre des chercheurs du Centre national de la Recherche scientifique, il (Stait devenu beaucoup trop petit. Son agrandissement posait des problemes difficiles, mais la Faculty des Sciences avait alors heureusement a sa t6te le Doyen CHATELET que les difficulties ne faisaient pas reculer, qui s'attachait a les vaincre et qui les a surmonte'es. La largeur de vue de M. DUPOUY, Directeur du C. N. R. S. et de M. DONZELOT, Directeur de 1'Enseignement supe'rieur, a permis, par une heureuse association, de financer les travaux. Nos profonds remerciements vont au Doyen CHATELET, aux Directeurs DONZELOT et DUPOUY. Je suis particu- lierement heureux de saluer ici M. le Directeur DUPOUY et de lui dire combien sont pre'eieux les liens qui sont e"tablis entre la Facult6 des Sciences et 1'orga- nisme qu'il dirige, liens qui se sont resserre's encore re'cemment pour le bon fonctionnement, en ces lieux, des Services de recherches de Mathe'matiques.

Par une heureuse coincidence, les agrandissements projete's, qui doublent et au-dela la surface utile de Flnstitut Henri Poincare', sont terminus aujourd'hui. Ce n'est pas un simple hasard, mais c'est bien grace a la competence et a la diligence des architectes et des entrepreneurs charges de 1'oeuvre, que j'ai plaisir a f^liciter aujourd'hui.

MESSIEURS LFS DELEGUES ETRANGERS,

Je suis heureux de vous souhaiter aujourd'hui la bien venue dans cette maison des Mathe'matiques et de vous remercier de 1'honneur que nous fait votre presence. Beaucoup d'entre vous connaissaient sans doute 1'Institut Henri Poincar6 d'hier. Avant de faire un tour rapide dans les installations actuelles, je veux exprimer le souhait sincere de vous revoir souvent dans ces murs.

II2 ' TROISIEME PARTIE.

ALLOCUTION DE M. GASTON DUPOUY

A UINTITUT HENRI POINCARK.

Le C. N. R. S. a lenu a s'associer a I'liommage rendu an celebre mathSma- ticien Henri PoixcARfi en donnant aux. mathe'maticiens francais de nouveaux moyens de travail, groupes a I'lnstitut Henri Poincare'.

Ceci s'est r^alis^ dans des conditions que je vais rappeler brievement.

Les sciences expgrimentales ne sont pas les seules a avoir des besoins mate"riels. Les recherches de Malh^matiques et de Physique rnathe'matiquc s'effectuent aujourd'hui dans divers pays dans des centres remarquable- ment installe's et e'quipe's.

En France nous disposons, a Paris, de Flnstitut Henri Poincar<3 construit avec des credits provenant en partie de la fondation Rockefeller.

Mais cet Institut construit en 1928, ne pouvait plus suffire aux besoms actuels; d'une part les locaux n'e"taient plus assez vastes, ensuite 1'organisation et I'e'quipement devaient e"tre adapt^s aux n^cessit^s pr^sentes de la Recherche.

Tenant compte de ces faits et du devoir de require au minimum les de'penses, le Groupe de Math6matiques du Comit^ national de la Rceherche scientifique a propos6 la creation d'un Centre de recherches de Math6matiques et de Physique math^matique dans les conditions suivantes.

Le Centre se d^velopperait autour de ce qui existe de"ja a I'lnstitut Henri Poincar6.

La question des locaux pourrait 6tre r£solue en sur^levanL de deux Stages I'lnstitut Henri Poincar6.

3" Ilserait proc^d^ a une reorganisation de 1'ensemble des services.

Des que ce projet lui fut soumis, la Direction du C. N. R. S. s'y inte"ressa tres vivement et s'engagea imme"diatement a fournir la moiti^ des credits n^ces- saires pour les constructions pr^vues.

Pour aboutir, de nombreuses reunions se sont tenues au C. N. R. S. et & Tlnstitut Henri Poincar6 sous la pr&sidence de notre tres distingu6 confrere M. E. BoRELj President du Conseil d' Administration de I'lnstitut Henri

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. Il3

Poincare'. Qu'il nous soil permis de lui rendre un chaleureux hommage pour sou inlassable activity en faveur de la Ptecherche scientifique francaise.

M. Louis DE BROUMK, nous a, bien des fois, aide de ses avis et de ses conseils pour la mise an point du projel en question. Nous le prions de bien vouloir Irouver ici 1'expression de notre reconnaissance.

M. le Doyen CIIATELET a eu la lourdc tache cle rcSaliser les vceux de nos col- legues mathe'maticiens. C'est grace a son activity et a son denouement quo les Iravaux ont pu <Hre men^s a bonne fin. Et cela lui vaul de nouveaux litres a la reconnaissance des mathe'maticiens et des cherclieurs francais.

Aujourd'hui les Lravaux sont acheve"s, les math6maliciens frangais disposent maintenant de nombreuses salles de reunion et de travail pour nos cherclieurs. Nos collegues de Province, de passage a Paris, y trouveront des locaux pour les accuetllir; ce sera aussi le cas pour les mathe'maticiens venus de 1' (Stranger prendre contact avec leurs collegues francais.

Dans les nouveaux locaux les chercheurs en Physique mathe'matique, les physiciens theoriciens, les e'conometres pourront 6tre heberges ; ils y connai- tront des conditions confortables de travail.

La bibliotheque de Flnstitut s'est agrandie; elle sera organised de facon moderne. Nous en profiterons pour regrouper les biblioth6ques de mathe'ma- tiques, pour proce"der au renouvellement et a 1'harmonisation des collections existantes.

Un secretariat technique sera rnis a la disposition des mathe'maticiens pour 1'ensemble de leurs travaux et de leurs besoms.

Le Centre national de la Recherche scientifique fournira le personnel technique ne'cessaire pour mener a bien ce programme.

Le C. N. R. S. est de'sormais repre'sente' au Conseil d'Administration de I'lnstitiit Henri Poincare'. Airisi, 6troitement associ6 a sa vie et a son de'velop- pement, il aura a coeur de favoriser le travail des jeunes chercheurs frangais afinque ceux-ci, s'engageant sur les traces de leur illustre ain6, puissent faire briller d'un nouvel e"clat le renom de 1'ficole franchise de Mathe'matiques,

Le Comit^ d'Organisation, ayant pens^ qu'il 6tait convenable de rappeler aux passants que Henri POINCARE avait ve'cu au 63 de la rue Claude-Bernard les a5 dernieres ann^es de sa vie, a voulu qu'une plaque commemorative soit H. P. i5

Il4 TROISIEME PARTIE.

appos6e sur eel immouhle. L'inauguralion de celte plaque, qui porte 1'inscription :

HENRI POINCARti

MATHEMATICS PIIYSICIEN-PIULOSOPIIE

(1834-1912)

a v^cu dans cette maison de 1887 jusqu'a sa mort

a eu lieu a la fin de ccLle m&me matinee du lundi 17 mai. De la rue Pierre- Curie, les personnes presentes se sont done rendues devant la maison de la rue Claude-Bernard, et M. le Doyen PORES' a 6voqu6 quelques souvenirs d'avant la guerre de 1914? et de ce coin de quartier ou liabitaient tant de savants el de penseurs, dans les termes suivants :

ALLOCUTION DE M. JOSEPH PfiRES.

HUE CLAUDE-BERNARD.

MESDAMES, MESSIEURS, MES CHERS COLLEGUES,

G'est une tres heureuse initiative que celle a laquelle nous nous associons aujourd'hui, en nous reunissant devant la plaque conm6rnorative que le Comit6 du Centenaire a fait poser sur la maison qu'habita Henri POINCARE. JULIA nous disait tout a 1'heure P^motion qu'il avait ressentie en trouvant, au cimeti&re de Gottingen, la tombe de GAUSS. J'ai £prouv£ des sentiments du m6me ordre en d6couvrant fortuitement, a Strasbourg, la plaque qui marque la maison natale de Paul APPELL et aussi, dans le petit cimeti&re d'Ariccia, devant la tombe de Vito VOLTERRA, portant encore des traces des combats de liberation des Castelli Romani. Nous retrouvons aujourd'hui, en commun, une Emotion de m^me quality.

Les pierres de ce quartier peuvent 6voquer le souvenir de nombreux maitres disparus. De ce cot6 de la rue Claude-Bernard il convient d'en rappeler au moins un, qui, je crois, succ^da a Henri PoiNCARfi dans la chaire de Pbysique math^matique de la Faculty des Sciences lorsquece dernier pritl'enseignement de-M^canique celeste. Joseph BOUSSINESQ demeurait tout pr&s d'ici, rue

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1954. Il5

Berthollet, et on Ic rencontrail journcllemenl, dans les anuses d'apres-guerre, faisant, avec Mmc BOUSSIXKSQ, a heures tr6s r£guli£res, une petite promenade sur ce trottoir ensoleill^.

Henri POINCAR*;, nomm6 Charge de Cours a Paris en octobre 1881, habila d'abord rue Gaj-Lussac. II s'est install^ au 63 de la rue Claude-Bernard en 1887 et/ Mmc Henri PojNCARfi est rest^e dans le m6me appartement jusqu'a sa mort en d6cembre 1934. La fen&tre au-dessus du porche, au troisi&rne <3tage, fut celle du bureau d'Henri POINCARE, les deuxfen£tres voisines cellcs du salon, les deux suivantes celles de la salle a manger. Dans un p£rim6tre restreint se groupaient d'ailleurs les habitations de parents tr6s proches : Mme L6on PoiNCARfc, m6re de Henri et de Mme BOUTROUX, rue des Ursulines, le manage BOUTROUX, 220, rue Saint-Jacques, jusqu'au moment ou le philosophe fimile BOUTROUX devint Administrateur de la Fondation Thiers; enfin le grand chimiste Albin HALLER, mari6 avec une cousine germaine de Henri POINCAR*;, demeurait au 86 de la rue Claude-Bernard.

La plaque qui vient d'etre pos^e sera certainement Fobjet de pieux p^lcri- nages et, pour celui qui, vivant dans ce quartier, la verra journellement et connaitra, de fagon plus ou moins precise, 1'ceuvre du savant et du philosophe, elle sera toujours 1'occasion d'une pens6e, peut-^tre rapide, mais la somme de ces pens^es est un hommage non n^gligeable a la m^moire de I'liomme admi- rable dont nous c6l£brons le centenaire.

D.- L'APRfiS-MIDI DU LUNDI 17 MAI 1954 A L'INSTITUT DE FRANCE.

L'apr^s-midi du 17 mai, I'Acadthnie des Sciences a recu, au cours de sa stance ordinaire de travail, les d6l£guds 6trangers venus a Paris pour ftter le centenaire de la naissance de Henri POINCAR£. En presence de ceux-ci, le Professeur Gaston JULIA a d£pos£ sur le Bureau de TAcadthnie le tome X des OEuvres de Henri Poincarl, consacrd a la Physique math^matique et public sous sa direction avec la collaboration de M. Gerard PETIAU.

IlG TROISIEME PARTIE.

L'edition cles QEuvres de Henri Poincare, faitc sous les auspices do P Aca- demic, grace an concours du Centre national de la Recherche scientifique et de nombreux bienfaiteurs, dont les souscriptions ont ete suscitees par M. Pierre RICVRD, Vice-President du Conseil national dn Patronat francais, ou par M. BOUTTKVILLE, se trouve ainsi termin^e 1'annee meme ou est celebre le centenaire de la naissance de I'eminent mathe'maticien.

En quality de President da Comit6 dc ce Centenaire, M. Gaston JULIA a remis a T Academic, pour son medaillier, un exemplaire de la me'daillc commemorative qui a e'te' frappee a cette occasion, et qui est due a Mmc GUZMAX-NAGEOTTE.

M. Gaston JULIA a pris ensuite la parole pour presenter a PAcademie les savants (Strangers de'le'gue's par leurs Academies ou Universite's pour les repre*- senter aux ceremonies du Gentenaire.

ON CHER

MES CHERS CONFRERES,

Je vais avoir Phonneur de vous presenter les savants Strangers d^l^gu^s a la calibration du centenaire de notre illustre confrere, Henri POINCARE, par les Academies et Universitt5s qui avaient voulu se Fattacher comme Membre correspondant, associe' Stranger, ou docteur honoris causa.

Notre Comite' d'Organisation a estim6 en effet, que ces Academies et Univer- site's, par la distinction qu'elles avaient marque'e a notre confrere, devaient ^tre associe'es a la famille spirituelle des Academies, Universites, Ecoles fraiicaises, qui c^lebre aujouz^d'hui le centenaire de sa naissance.

Nous avons, par consequent, invite toutes ces Academies ou Universites a figurer dans notre Comite d'Honneur et a nous envojer un de'le'gue'. Presque toutes ont repondu a notre appel, et nous leur en sommes tres reconnaissants ; si le nombre des dengue's n'est pas le double de celui que vous voyez, c'est que, la p^riode des examens retenant en ce moment dans leurs pays respectifs un grand nombre de nos collegues Strangers, d'une part quelques-uns des dengue's qui vont vous 6tre pre"sente"s ont bien voulu accepter de repr^senter ici plusieurs institutions, d'autre part quelques institutions ont choisi de se faire repr£senter par certains de nos confreres ou correspondants frangais :

L'Union Internationale de Math6matiques, par !VL Jfirnile BOREL; 1'Academie des Sciences de Turin, par M. Joseph P^RES; 1'Union internationale de Radio- electricity, par M. Pierre LEJAY; PUnion internationale d'Astronornie, par

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 117

M. Andr6 DANJON; la « R.oyal Society of Edinburgh », par M. Maurice FRECHET. Enfin 1'Union Geod^sique et Gttophysique internationale est repr^sent^e par son Secretaire g6n6ral, M. Georges LACLAVERE.

Le Comit6 d'Orgaiiisalion se rejouit de la presence de ses invites. S'il les pric d'excuser la simplicity d'un d^cor qu'cnnoblit le souvenir d'illustres sa\rants qui s'y sont succede, il les remercie tr&s sincerement et tres cordiale- ment d'avoir bien voulu prendre part a la calibration d'une des gloires les plus authentiques et les plus chores a notre cocur frangais.

M. GasLon JULIA a pn$senl6 ensuile a 1'Academie chacuii des digue's dans 1'ordre alphabetique des pays represents, en indiquant 1'organisme qui Fa. d(5sign6.

AlleinagJie. MM. Alexander DINGIIAS, dc 1'Univcrsite de Berliii-OuesL, Max DEURING, de TAcad^mie des Sciences de Gottingen, GeorgFABEii, dc 1'Aca- d^mie des Sciences de Munich, O. BERNINGER, de la Soci^te Physicom^dicale d'Erlangen.

Autriche. M. Joliann RADONT, de l'Acad(5mie des Sciences de Vienne.

Belgique. MM. Lucien GODBAUX, de l'Acad6mie des Sciences de Belgique, Franz VAN DEN DUNGBN, de FUnion inlernationale de M6canique, Pierre BAUDOUX, de FUniversite" libre dc Bruxelles, Paul GILUS, de 1'Institut Solvay.

Danemark. M. Niels Erik NORLUND, Correspondant de I'Acad^mie, de I'Acad^mie des Sciences de Copenhague.

EtaLs-Unis cPAmerique. M. John Gamble KIRKWOOD, de FAcad^mie des Sciences de Washington et dc 1' « American Philosophical Society ».

Finlande. M. Pekka Juhana MYRBERG, de l'Acad(3mie des Sciences dc Finlande.

Grande- Bret ague. MM. John Henry Constantino WHITEIIEAD, dc la <c Royal Society of London » ct de FUniversit<3 d'Oxford, Louis Melville MILNE- THOMSON, dc la « Royal Astronomical Society »7 Miss Mary Lucy CARTWRIGHT, de l'Uiiivci>sit<5 de Cambridge, de la Socidt6 Math6matique de Londres et de la « Cambridge Philosophical Society », M. Lt^on ROSENFELD, de la « Manchester Literary and Philosophical Society ».

H8 TROIS1EME PARTIE.

Hongrie. MM. Frederic RIESZ, Corrcspondant de FAcad^mie et Georges ALEXITS, tous deux dc 1'Academie des Sciences de Hongrie.

Irlande. M. John Lighten SYNGE, de la « Royal Irish Academy ».

Italic. MM. Francesco SEVERT, des Academies Nationales des « Lincei » et des XL, Nicolas MINORSKI, de F Academic des Sciences de Bologne.

Norvege. M. Ralph Tambs LYCHE, de FUniversite d'Oslo.

Pays-Bas. M. Luitzen Egbertus Jan BROUWER, dcFAcad^mie des Sciences de Holiande.

des Republiques Socialities Sovietitjucs. MM. Paul ALEXANUROFF et Andrei MARKHOV, tons deux dc FAcad^mie des Sciences de 1'U. R. S. S., de la Societe Math&natique de Kharkov el de la Societe" Physicomath&natiquc de Kasan.

M. le Due DE BROGUE, President de F Academic des Sciences, a remis alors a chaque d£legu6 la m^daille du Centenaire, et il a recu dc ceux-ci les adresses qu'ils avaient apport^es au nom de FUniversitd libre et de la Societe Mathe- matique de Berlin, de la « Bayerische Akademie der Wissenschaften », de la « Physikalisch-Medizinische Sozietat zu Erlangen », de 1'Acad^mie Autri- chienne des Sciences, de 1'Acadtfmie Royale de Belgique, de 1'Union interna- tionale de Mt5canique theV>rique et appliquf5e, de 1'Universit^ libre deBruxelles, de 1'Acad^mie Royale des Sciences et des Lettres de Danemark, de la « National Academy of Sciences » de Washington, de « 1' American Philosophical Society », de TAcad^mie Finnoise des Sciences et des Lettres, de la « Royal Society », de la « Royal Astronomical Society », du cc Royal Naval College » de Greenwich, de la « London Mathematical Society », de la « Cambridge Philosophical Society »? de la « Literary and Philosophical Society » de Manchester, de la « Royal Society of Edinburgh », de I'Acaddmic des Sciences de Hongrie, de la « Royal Irish Academy », des « Accademia Nazionale dei Lincei» et« deiLX », deFUniversit^ d'Oslo, dcFAcad^mie Royale N^erlandaise des Sciences*" d7 Amsterdam, de FAcad<3inie des Sciences de I'LL R. S. S., de FUniversit6 de Bordeaux.

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI IQ54. 119

M. le Due DB BROGUE a prononc6 ensuite les quelques mots suivants :

L'Acad^mie des Sciences, lifts fiftre d'avoir compt6 Henri POINCAR£ parmt ses Membres, s'honore grandement de voir ici reunis les repr^sentants des Academies et Universit6s £trang6res quipartagent avec nous la gloire del'avoir 6lu parmi leurs associ^s. Us ont bien voulu se joindre aux calibrations du centcnaire d'un grand savant dont la memoire appcnrtient au monde enticr. L' Academic les accueille avec reconnaissance eL leur tt5moigne toute sa grali- tude; les continuateurs de 1'oeuvre de Henri POINCARJ que nous saluons ici comptent parmi les illustrations scientifiques actuelles des diverses branches des Matht5matiques, c'est a eux-m£mes el ta leurs oeuvres que rious tenons a apporter notre liommage. Us repr6scntent au-clessus des vicissitudes des temps actuels, le pur rayonnement de la Pens^e scientifique internationale et, par ce fait, donnent a leur presence une port6e profonde que nous accueillons avec Emotion.

L'Acad6mie des Sciences veut aussi exprimer aux membres du Comit^ d'Organisation du centenaire de Henri POINCAR£ ses remerciments pour cette calibration a laquelle ils ont su clonner toulc 1'ampleur qu'elle m^ritait.

Pendant que I'Acad^mie achevait sa seance en Gomit6 secret, les Strangers ont 6 16 invites a visiter la bibliothftque de PInstitut r<3serv6e norma- lement aux Acad^miciens, et la biblioth^que Mazarine qui est au contraire ouverte au public. Ils ont pu admirer la richesse de ces deux biblioth&ques qui est faite du nombre des volumes qui s'accroil chaque jour, et des collections de livres anciens qu'elles contiennenl.

Une reception oflerte par PInstitut a-r<5uni ensuite au mus6e de Caen, les Membres des cinq Academies et les d6l6gu6s (Strangers ainsi que ceilaines personnalit^s du monde savant.

120 TROISIEME PARTIE.

E.- LE MARDI 18 MAI 1954 A LA SOC1ETE DBS INGEN1EURS CIVILS.

La Sociele des Ingenieurs Civils de France et FUnion des Associations scientifiques eL industrielles franchises, ont tenu a organiser aussi une stance commemorative du centenaire de la naissance de Henri POIXCARE, et a rappeler 1'influence quo Henri POINCARC avail eue sur les sciences de Ping<5nieur.

Sous la presidence de M. Albert CAQUOT, Membre de 1' Academic des Sciences, suppleant M. Gaslon JULIA souffrant, le professeur Nicolas MINORSKI, M. Georges DARMOIS et M. Georges DARRIEUS, Membre de I'Acaclemie des Sciences, et ancien President de la Socie"t6 des Inge'nieurs Civils de France, out parle successivemenL : de V Influence de Henri Poincare sur Involution moderne de la theorie des oscillations non" line air es^ de la Repercussion des travaux de Henri Poincare dans le domaine du Calcul des proba- bilites et de ses applications et - des Contributions diverses de Henri Poincare a V electro technique.

CONFERENCE DE M. N. MINORSKI

AUX INGENIEURS CIVILS.

Influence d'Henri Poincare sur revolution moderne de la theorie des oscillations non lineaires.

La repercussion des travaux d'Henri POINGAUJ& s'est fait sentir dans presque tous les domaines des sciences appliqu^es, mais c'est surtout dans la theorie des oscillations qu'elle a provoqu(5 de tels changements que cette theorie est aujourd'hui passablement diff^rente de ce qu'elle (Hail.

Pour pouvoir aborder ce sujet, il est utile de rtfsumer, en quelques mots, ce qu'^tait Fancierxne theorie au commencement de ce si&cle. Le mouvement har- monique simple jounit un role important dans cetle theorie ct le principe de la superposition simplifiait pas mal de choses. La presence simullange de plusieurs

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 121

oscillations dans uii syst&me physique quelcorique se ramenail a 1'etude de series trigonometriques, le plus souvent celles de FOURIER. Uanalyse harrrio- nique, comme on appelle quelquefois 1'ensemble de ces probl&mes, est trop bien connue dans les applications pour y insister da vantage. De m&ine, 1'etude des oscillations regies par des equations differentielles parfois assez compliquees pouvait se faire assez aisement grace a la methode des petites oscillations qui simplifiait de pareils probl^mes d&s le debut, en sorte qu'il n'y avait aucune difficult^ ni dans la determination des frequences des oscillations, ni dans celle des rapports de leurs amplitudes. Quant aux amplitudes elles-m6mes, elles s'obtenaient ais^ment en imposant les conditions initiales voulues.

Toutefois, on rencontrait, de temps en temps, des probl^mes non lineaires proprement dits, ce qui exigeait Papplication de methodes appropriees a chaque probl&me particulier, car il n'existait aucune methode generale susceptible de traiter ces probl&mes uniformement, comme dans le cas des probl£mes lin^aires. Les travaux importants de Lord RAYLEIGH, HELMHOLTZ et d'autres physiciens de cette epoque donnent des exemples des tentatives diverses faites pour s'afFran- chir du long r&gne de la theorie lineaire dans ce domaine. Toutefois, au fur eta mesure que la Physique experimental apportait des faits nouveaux, la situa- tion devenait de plus en plus compliqu^e et il fallait souvent remplacer les precedes analytiques par toutes sortes de constructions graphiques pour pou- voir aboutir a des conclusions m^me purement qualificatives. C'est surtout dans le cas des oscillations entretenues par des arcs electriques, des decharges dans les gaz et phenom^nes analogues, que les constructions graphiques ont commence a remplacer, peu a pen, 1'etude analytique de ces phenomenes qui echappaient a la theorie lineaire.

En plus de ceux qui pouvaient ^tre encore analyses partiellement par des methodes mixtes de ce genre, on rencontrait, de temps en temps, des pheno- m&nes qui ne pouvaient pas &tre expliques du tout et qu'on devait «laisser de cote » pour ainsi dire, pendant de longues annees, parfois m&me des si^cles.

Par exemple, si 1'on considere comme le commencement de la theorie lineaire 1'epoque ou GALILEE (1569-1647) a decouvert la loi de 1'isochronisme, il est interessant de mentionner un phenom^ne curieux observe par HUYGENS ( 1629-1659). Ce savant, en plus de ses autres travaux, s'interessait beaucoup a Fhorlogerie. II est, en effet, 1'inventeur du mecanisme de 1'echappement. Dans un de ses Memoires, il mentionne 1'observation suivante :

Deux pendules leg&rement dereglees quand elles etaient fixees sur un mur, H. p. 16

122 TROISIEME PARTIE.

se synchronisaient automatiquement quand on les fixait sur une paroi mince. Ce fait curieux avail 61^ compl&tement cubing mais un jour, plus de deux si£cles plus tard, on 1'a retrouv^ dans les circuits 6lectriques et c'6tait un autre Hollandais, M. Balth. VAN OER POL, qui a donne la th^orie moderne de ce ph6- nom^ne connu aujourd'hui sous le nom de « synchronisation ».

Toutefois, le « coup de grace » a la the"orie line'aire a et£ porte par la d^cou- verte des oscillateurs a lampes iriodes et c'est le grand mdrite de M. VAN DER POL d'avoir attircS 1'attention sur 1'impossibilite de formuler le fonctionnement de ces oscillateurs dans le cadre de la th(5orie Iin6aire. Guid6 par une intuition physique remarquable, VAN DEH POL a reussi a former une Equation difF6- rentielle non Iin6aire qui porte aujourd'hui son nom et a constater (1920), par le proc6d(5 grapliique des isoclines, qu'elle poss^de une solution p&riodique repre^sent^e dansle plan de phase par une courbe ferm6e.

Ce n'est, cependant, que neuf ans plus tard, par une Note ins£r£e dans les Comptes rendus (1929), que le physicien russe ANDRONOV attirait 1'attention sur ce que la courbe fermge de VAN DER POL n'est autre que le cycle limite de la throne de PoiNCARfi.

Une fois cette constatation faite, le d^veloppement de la th^orie nouvelle a progress<3 de fagon rapide et les premieres Stapes de ces Etudes ont dt(^ faites presque exclusivement en U. R. S. S. sous la direction de deux physiciens £minents, MM. MANDELSTAAI et PAPALEXI, entre 1980 et 1940, avec la collabo- ration de nombreux savants.

Le d^veloppement de la nouvelle th6orie fut guid6 principalement pendant cette p^riode initiale, par les trois ceuvres suivantes de POINCARE :

1. Sur les courbes definies par une equation differentielle ;

2. Tome premier du Trait6 : Les methodes nouvelles de la Mecanique celeste;

3. Les figures d'equilibre dune masse fluide animees dun movement de rotation.

C'est par la premiere oeuvre que ces Etudes ont commence. Dans son M^moire, POINCAR^ (^tudie la structure topologique de courbes int6grales nies par les Equations difFt^rentielles de la forme

-CO =x(,) = Y,

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI

Or, c'est precisement aux Equations de cette forme que se ramene liquation de VAN DER POL avec ses generalisations ulterieures par MM. E. et H. CARTAN, A. LIZARD el autres. De cette facon, la theorie mathematiquc exposee dans ce Memoire a acquis rapidement une signification physique grace a une serie d'identifications presque evidentes. Ainsi, les points singuliers ont regu une interpretation physique de positions d'equilibre; les cycles limites, celle de mouvements stationnaires et ainsi de suite. La question de la stabilite" a trouve une formulation malhematique commode dans les equations aux varia- tions (deuxieme ceuvre) et, de cette facon, on a idenlifie la stabibilite d'equi- libre avec la stabilite de points singuliers; les structures topologiques simples envisagees par POINCARE ont ete facilement generalisees a la lumiere de doanees experimentales pour des systemes oscillatoires ayant plus d'un seul cycle limite, etc.

Tout s'est passe, pendant cette premiere periode d'etudes, comme si les idees mathematiques du grand geometre n'altendaient que des donnees expe- rimentales pour donner naissance a une theorie physique.

Cette premiere etape franchie, on est passe au developpement du cote quan- titatif de la theorie. C'est ici la deuxieme ceuvre de POINCAR£ qui a servi de base pour ces etudes. En particulier, les developpements de la theorie des approxi- mations ont suivi de pres sa methode d'integration par des series ordonnees selon les puissances ascendantes d'un parametre. Or, ce parametre figure deja dans Pequation de VAN DER POL, en sorte que, par ce moyen, toute la theorie des oscillations autoentretenues s'est rangee sans difficulte dans le cadre de la theorie de POINCAR& sans qn'on soit oblige d'ajouter quelque chose de plus.

L'importance du troisieme Memoire est apparue un peu plus tard lorsqu'on a aborde 1'etude de problemes plus compliques dans lesquels figurent plusieurs cycles limites et il est utile d'insister un peu plus sur ce point. Dans ce Memoire, PoiNCARti introduit un parametre auxiliaire (a ne pas confondre avec le para- metre qui vient d'etre mentionne au paragraphe precedent) et etudie comment les solutions de 1'equation difFerentielle varient en fonction de ce parametre. Si, pour une petite variation du paramelre autour d'une valeur quelconquc, la solution de 1'equation difFerentielle varie aussi peu sans aucun changement dans sa structure topologiqae, une parcille valour du paramelre est appelee ordinaire. II existe, toutefois, certaines valeurs critiques ou de bifurcation du parametre pour lesquelles a une petite variation de ce dernier correspond un changement qualitatif de cette structure et c'est dans ce cas qu'on aboutit a des

!«24 TROISIEME PARTIE.

conclusions nouvelles. Cette theorie de bifurcation a trouve une application extr^mement int^ressante dans la nouvello the'orie des oscillations et a permis d'un seul coup d'expliquer un grand nombre de phe'nome-nes qui restaient jusqu'ici sans aucune explication.

Gomme il vient d'etre mentionne, les conclusions de la theorie de POINCARJ& out pu elrc generalises grace mix donnces exp6rimentales qui ont rev£l6 F existence de problfcmes dans lesquels figurcnt plusieurs cycles llmilcs. Cela arrive generalement dans les cas ou la fonction non lineaire entrant dans Tequation de VAN DEU POL est represent^ par un polynome d'un degr£ suffi- samment elev^. Or, etant donne une structure topologique de ce genre, les cycles limites successifs sont generalement contenus les uns dans les autres a la facon de cercles concentriques. Dans une pareille configuration, les cycles stables alternent toujours avec des cycles instables, le point singulier au centre de la configuration etant considere conime un cycle rc^duit a un seul point. II est clair que, si Ton fait varier le param&tre, ,une pareille structure subit des variations aussi et il arrive souvent que, pour une valeur de bifurcation du parametre, un cycle stable s'approche indtfiniment d'un cycle instable voisin et les deux se d<Hruisent mutuellement en disparaissant aiiisi a la limiic. PoiNCARfi a dit a ce sujet : « Les solutions p^riodiques disparaissent par couples a la facon des racines r<5elles des Equations alg^briques. »

II est clair que, si le ph&iom&ne oscillatoire 6tait localise sur le cycle stable qui disparait de cette facon, 1'affixe qui suivait ce cycle se trouve brusquement dans la zone d'attraction d'un autre cycle celui qui reste encore et il en resulte ainsi un saut quasi discontinu du regime oscillatoire d'un cycle a 1'autre. Ces phe'nome-nes sont connus depuis assez longtenips, mais c'est grace a la tht§orie de bifurcation de PoiNCARfi que leur nature a pu £tre expliqu^e d'une fagon precise. Un autre ph^none-me du m^me genre se manifeste par le fait que 1'evolution du ph£nom£ne oscillatoire en fonction du parametre n'est pas la m£me quand ce dernier croit que lorsqu'il d^croit. MM. APPLETON et VAN DER POL, qui ont decouvert ce ph6nomcine, 1'appellent « I'hyst6resis oscillatoire » et, de nouveau, sa formulation se fait facilement dans le cadre de la m&me throne de POINCAR£.

Le progr^s rapide de ces Etudes s'est ralenti, toutefois, quand on a abord6 1'^tude de ph^nom^nes r6gis par des equations diff&rentielles de la forme

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI ig54. T25

dans lesquelles la variable ind^pendante t (le temps) entre explicitement. A celte classe de ph£nom&nes appartiennent la resonance sous-harmonique, 1'excitation param^trique, les phe"nom£nes de Faction asynchrone et quelques autres.

II est impossible de ne pas apercevoir la difficult^ qui se presente ici. En effet, dans le cas d'^qualions diflferentielles du type (r), la variable t s'6li-

mine aist^ment. II en r^sulte une Equation difftSrentielle ~- = ^ qui m6ne a: une

£tudepurementg<5omt5trique des courbes integrates (M^moire 1). Or, dans le cas des Equations (2), il est impossible de se servir dela notion des points singuliers, cycles limiles, etc., qui £tait si commode dans le premier stade de ces Eludes.

II est a remarquer qu'aucune difficult^ de ce genre ne se presente dans l'expos£ de POJNCAR£ (M^moire 2) qui commence l'6tude par des Equations diff^rentielles du type (2) et passe ensuite a celles du type (j) comme cas par- ticulier. Cela est du uniquement a ce que les M^moires 1 et 2 ne sont nulle- ment lit;s dans l'expos£ de POINCARE, tanclis que, pour former la th^orie des oscillations sur cette base, il a fallu tenter de lier ensemble ces deux theories pour obtenir une th^orie unique. Tant qu?il s'agissait des Equations diff6ren- tielles du type (i), il n'y avail aucune difficult^ a le faire, la difficult^ est apparue dans les probl&mes r^gis par des Equations difF^rentielles (2), comme il vient d'etre mentionnt5.

II y avait un proc£d6 normal pour r^soudre ces problemes, savoir : suivre les m^thodes g^n^rales de la Mt§canique celeste (M<5moire 2) en renongant a la representation topologiqiie commode a laquelle on s'est habitu6 d^ja dans la premiere ^tape de ces Etudes. C'^tait la marche qu'ont suivie MM. MANDELSTAM et PAPALEXI dans leur M^moire classique sur la resonance non lin^aire. Cepen- dant, cette £tude conduit a des Equations aux variations ayanL des coefficients p6riodiques, ce qui m6ne a un calcul assez p^nible des exposants caracteris- tiques. Le problem e fut r^solu, mais au prix de complications plus grandes que celles rencontr^es dans la premiere 6tape de ces travaux.

Pour cette raison, une autre tendance est apparue ensuite, en essayant de transformer, par un artifice de calcul quelconque, les Equations differ entielles du type (2) en Equations du type (i). Effectivement, en se basant sur la th^orie g^n^rale des transformations d'^quations diff^rentielles, on peut montrer que cela est toujours possible, mais en tenant compte de quelques conditions sup- pl^mentaires qui re"sultent de cette transformation. Une fois que cette trans for- mation est effectutte et le probldme £tant ramen6 dans le cadre du M6moire I de PoiNCARfi, le reste ne presente plus de difficult^,

I2(> TROISIEME PARTIE.

J'ai essayd cTesquisser, a grands traits, les contacts principaux entre les travaux de PoiNCARfi et la tbeorie dos oscillations dont revolution a <H6 guide'e par ces travaux. Si Ton considere le changement de la th^orie dans son ensemble en laissant de cote" ces questions de detail, on pent returner, en quelques mots, la situation de la facon suivante :

Le role privil6gi6 et, en quelque sorte, artificiel, jou6 par 1'oscillateur harmonique dans 1'ancienne theorie, est remplace' maintenant par celui de 1'oscillateur a cycle limite qui semble 6lre beaucoup plus approprie" a I'^tude de phe'nomenes oscillatoires naturels a Te'tat stationnaire, En efFet, dans tons ces phe'nomenes, 1'tHat stationnaire ii'est nullement defini par les conditions initiales comme dans les problemes lineaires, mais se determine uniquemenl en fonction de parametres de liquation diffe'rentielle elle-m6me. Ainsi, par exemple, le fonctionnement d'une pendule ou d'un oscillateur a lampes triodes n'a rien a faire avec los conditions initiales avec lesquelles ces systemes ont e'te lance's an dAut, mais depend seulement de parametres qui apparaissent dans leurs Equations differentielles. II est bien cntendu que ce qui vient d'etre dit s'applique seulement aux systemes non conservatifs avec lesquels on a affaire dans nos experiences terrestres. II est visible que ces changements ne concernent pas les systemes conservatifs.

La nouvelle tb^orie oflre un cadre commode pour 1'etude d'un grand nombre de phe'nomenes qui <5cbappaient a 1'ancienne tbe'orie lin^aire. Ainsi, le fonctionnement de divers oscillateurs susceptibles d'osciller en regime pei^- manent, celui des me'canismes a ^chappement, les fluctuations biologiques et ^conom6triques7 etc., tout cela commence a 6tre traite" pen a peu d'une facon uniforme par la nouvelle the'orie.

II est difficile de trouver dans Fhistoire de la Science un autre exemple cle th^orie math^matique de'veloppe'e saus aucune relation aux applications (dont la plupart n'e"taient m6me pas connues, du reste, a cette (?,poque) qui ait pre'sente' une base aussi parfaite pour I'e'tude de phe'nomenes iunombrables qui se sent re've'le'es depuis lors, sans qu'il y ait presque rien a changer a cette th^orie un demi-siecle plus tard.

C'est aujourd'hui seulement que Ton commence a se rendre compte de la porte'e des paroles du grand ge'omelre, quand il dit :

« CB qui wous rend ces solutions pe'riodiques si pr6cieuses, c'est qu'elles §ojtt7 pour amsi dire, la seule br^che par ou nous puissions essayer dep^n^trer dans une place jusqu'ici r^put^e inabordable »,

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 127

CONFERENCE DE M, G. DARMOIS

AUX INGENIEURS CIVILS.

Repercussion des travaux d 'Henri Poincare dans le domaine du calcul des probabilites et de ses applications.

Henri PoiNCARfi a &t& nomrn£ le 22 aout 1886, a la chaire de Physique math<3- matique et Galcul des probabilites. II avait alors 82 ans, et enseignait d6je\ depuis cinq ans a la Sorbonne. II avait (H£ successivement Maitre de Confe- rences d'Analyse en 1881, puis charg6, en mars i885, du cours de Me^canique physique. En aout 1886, il devint titulaire de la chaire de Physique math^ma- tique et de Calcul des probability. Fondle en septembre 1884, elle n'6tait occup^e que depuis 1840. Le premier titulaire avait 6t<5 le fameux ComteLrBRi, c£l6bre ad'autres litres, et qui mourut a Londres, ou il s'6tait enfui en 1848. La chaire demeura vacante jusqu'en 1801, ou elle fut occup6e peu de temps par L.iMfi,

Les pr£d£cesseurs imm^diats dePoiNCARfi £taient BuiOTetLippMANN. POIXCARE restitua pleinement a cette chaire son caract^re, car il y enseigna pendant dix ans la Physique math6matique et le Calcul des probability, comme 1'attestent, dans une collection d'une douzaine de volumes, des cours sur la Thermodyna- mique, 1'filasticit^, la Th^orie de la lumi^re, la Capillarity les Tourbillons, la ThtSorie de la chaleur, le Calcul des probabilites. Tous ces cours, d'une admi- rable clart<5, t^moignent de la rapidit^ foudroyante avec laquelle POINCAR^ mattrisait des questions si diverses. Je me suis souvent demand^ pourquoi, dans le groupe 6tendu de jeunes math^maticiens et physiciens qui r^dig^rent ces cours, et parmi les autres auditeurs, si peu s'^taient dirig^s vers la Physique math^matique. POINCAR^, sans doute, on Pa dit souvent, d6testait perdre son temps, mais il 6tait bienveillant, et, a-t-on dit ^galement, d'une am6nit£ par- faite, m^me avec les irnportuns qui deniandaient un consoiL

Parmi ces auditeurs et r^dacteurs figarent fimile BOREL, Ren^BAiRE, LeRoY. Sans donte, Finfluence de Jules TANNERY a Fficole Normale, les grands suce&s de la th^orie des fonctions, qui frapp^rent les jeunes mathematicians, sont une r^ponse tr^s forte a ma question. D'autre part, POINCAR^ lui-m^me, dans son ceuvre prodigieuse d'ampleur, a peut-^tre mieux employ^ son temps a r^soudre

I28 TROISIEME PARTIE.

lui-mCme les questions dont il aurait pu conseilier l^tude. II faut d'ailleurs reconnaitre qu'en ces temps, que j'ai connus, aborder an professeur nous faisait h^siter bien longtetnps, sauf quand nous avions un rdsultat a lui pr6- senter. Je pense que c'cst mieux maintenant, a condition, bien entendu, que le professeur dttfende un peu son temps.

Mais la disparities, en 1912, de Henri POINCAR^ fut comme si une grande lumiere eteinie, Fe'difice de la Physique mathe'matique se trouvait dans une quasi-obscurit^. Le caractere vraiment irreparable de sa disparition, ressenti sans doute imme'diatement, se manifesta surtout a la naissance de la Relativite' g^n^rale; les tres difficiles problemes qu'elle posait n'auraient pu trouver d'intelligence mieux adapted que celle de Henri PoiNC^Rti, qui unissait les Mathe'inatiques pures a la Physique mathe'matique et la Mc'canique. II aurait, d'un coup d'ceil, vu le champ tout entier de la th^orie nouvelle.

Si j'insiste sur ces points, c'est pour faire sentir le danger que ce fut pour la France de manquer d'une 6quipe de Physique math^matique et a quel point nous devons porter notre attention sur le rnaintien d'un e'quilibre entre les diverses formations mathematiques.

Mais revenons a PoiNCAufi Iui-m6nie; j'ai d(^ja dit le caractere foudroyant de ses progres dans les problemes que lui posaient a la fois le monde du concret et sonenseignament. On a dit qu'il n'6tait pas de voie royale en Mathematiques, entendant par 1^ qu'il n'y a pas de raccourci facile pour les rois de ce monde, mais il existait une voie royale pour POINCAR£ lui-m^sme.

Et, venant eniin aux probabilit6s, qui sont Tobjet de cette conference, nous verrons comment, en m£me temps que la forme concrete des problemes, lui apparaissent imme'diatement les correspondents abstraits, la construction mathe'matique, 1'outil efficace qu'il utilise ou qu'il fabrique. Que le probleme soil concret assure en general, comme dit Jacques HADAMARD, qu^il est bien pos^, c'est-a-dire qu'il a une solution. Les problemes qui se pr^sentaient les premiers a 1'esprit de POICAR& 6taient ceux qui etaient siu cceur d'une question

Prenons, par exemple, le probleme, pose' et rdsolu par lui, du battage des cartes. Pour appliquer le Calcul des probabilit^s aux jeux de cartes, on admet g^n^ralement qu'il y a e*gale probabilite' pour toutes les permutations, pour tirer une carte ou une autre, et Ton peut calculer sur cette base d'uniformite' toutes sortes de probability pour des structures de jeux. En ve'rile', tout le monde sait que, pour des observateurs attentifs, la structure du jeu de cartes

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 129

faiblement battu est influence par la structure initiale. POINCAR£ s'est demand^ pourquoi, si le jeu a £t£ battu longtemps, nous admettons que tous les ordres, toutes les permutations possibles, doivent &tre consid£r£es comme £galement probables.

II s'agit done de 1'influence du nombre de battages, et le probl&me est de d^montrer que, si ce nombre augmente ind^finiment, il y a une limite commune pour les probability de toutes les permutations.

lmm£diatement, dans son esprit, apparait le groupe des baltages, au sens de la th^orie des groupes. Comment, d'ailleurs, intervient le joueur ? Ses habi- tudes de battage attribuent, dit POINCAR£, une probability determinate a une certaine permutation. Voici le joueur, on le batteur, remplac^ par une suite de probability, de somme £gale a i, de remplacer un ordre initial So par un ordre S4.

POINCARE introduit alors un nombre hypercomplexe P 'Zpili, les ei 6tant des unites complexes, auxquelles il impose une r&gle ^vidente (pour lui) de multiplication. Alors, la loi, au bout de n coups, c'est Pn et il faut montrer que, si n augmente ind^finiment, P" a pour limite

G'est ce probl&me qu'il r^sout compl&tement par utilisation des valeurs propres, donndes par liquation caract6ristique introduite par filie CARTAN,

Ges questions ont 6t6 reprises, on pent dire amplifi^es, certaines solutions gtant plus 6l6mentaires, mais la m6thode de POINCAR& s'applique aussi aux cas singuliers ou, certaines permutations 6tant exclues par le joueur, le r^sultat g6n6ral ne s'applique pas. Sa m^thode ^tait la plus puissaiite.

Idee generate. POINCAR^ s'est pos6 le probl^me general de nivellement des probabilit($s par passage a la limite, soit qu'il s'agisse d'un morcellement de 1'espace, le nombre des cellules augmentant ind6finiment, soit qu'il s'agisse d'une sorte d'infinit6 de tirages au sort, d'actes al^atoires comme dans le probl^me pr^c^dent.

La roulette. Le premier probl&me est celui de la roulette, gto&ralisd par la me^thode des fonctions arbitraires. Pourquoi est-il raisonnable de supposer qu'a la roulette, si 1'on imprime une rotation qui fait parcourir un grand nombre de secteurs rouges et noirs, la probability est la mtoie pour un rouge et un noir.

l3o TROISIEME PARTIE.

II esL clair que ce no serait pas vrai avec ane impulsion faible ; Puniformisa- tion tient au grand 'nombre de secteurs parcourus. POINCARE a montre qu'en prenant arbitrairement la loi des probability's elementaires de Tangle total de rotation, la difference des probabilites totales pour les deux couleurs lend vers zero quand leliombre de sectcurs parcourus augmente indefiniment. Fonction arbitraire qui n'est pas tr£s precise. La demonstration de PoiNCiufi a ete ge ralisee dans cette direction par BOREL, puis FR&CHET. On voit 1'idee Ces notions de probabilites simples, acceptees dt?s le debut, ne sont iiullement necessaires, et Puniformisation se fait par les grands nombres.

HOSTIXSK.Y a beaucoup developpe ce point de vue en decoupant en cellules Pespace des realisations, une cellule correspond au succes, la voisine al'echec. L'uniformisation se fait quand le nombre des cellules augmente indefiniment. En particulier, il a traite le cel^bre probl&me de 1'aiguille de Buffo n et montr^ que, si le nombre n des parall^les aagmente indt^finiraent, la probability de

rencontre tend vers la valeur classique -

Principe ergodique. C'est ici le deuxi&me point de vue, I'mfinit^ des operations successives.

Alafmdela deuxi^me edition (revue et augmentee, 1912) du Calcul des probabilites, POI^CAR£ developpe largement ses idees et les probl^mes qu'elles posent sur le melange des liquides; il s'agit de molecules roses disposecs arbi- trairement au temps t^a, et dont Texperience nous apprend qu'elles sont uniformement reparties au bout de quelque temps,

II s'agit, on le voit, et POINCARE le dit, du fameux postulat ou principe ergo- dique. MAXWELL, en i85o, avail, IP premier euonce cette hypoth^se que les moyennes temporelles prises sur une trajectoire avaient la m^me valeur que les moyennes statistiques ou moyennes d'ensemble prises sur tous les Slats pos- sibles du syst&me etudie. POINCAR£ parle du problfeme de MAXWBLL-BOLTZMANN.

On ne peut se defendre de penser que PoiNCARfi craignait de n'avoir plus le temps de trailer Iui-m6me cette question. La phrase du debut est la suivante : « Je ne dirai que quelques mots d'une autre question dont Pimporlance est tres grande, mais que je ne suis pas en rnesure do r<§soudre. »

II est d'ailleurs remarquable que POINCAR*, ^ la fin des 12 pages qu'il a consacr^es a cette question, fait une allusion precise au processus stochastique de Involution des molecules qu'il est Svidemment plus facile d'etudier quand on peut ne pas tenir compte de Fhistoire anterieure.

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI IQ54. j3l

ti signale dans le detail 1'importance de la difficult^, les cas d'excep- tion du principe ergodique. II y a un pea plus de 20 ans que G. D. BIRKHOFF a donn6 la premiere solution rigoureuse, la premiere demonstration du th6or5me ergodique : les r&mltals ont 6tti otablis depuis avec des hypotheses moins strides. La theorie a sa forme la plus parlante dans le langage de la th^orie des fonctions al^atoires ou processus stochastiques.

On voit qu'il a fallu 20 ans apres la mort de POINCAR& pour me tire au point, et 20 autres annees pour parfaire, la solution de ce probl^me qu'il jugeait, avec raison, difficile.

On peut, dans un doniaine plus modeste, signaler un probl&me d'ajustement traits au passage par POINCARE, et qui, par son importance pratique, o,ccupe encore les biologistes, economistes, statisticiens. ...

PoiNCARfi dit : « On vise une trajectoire rectiligne. Les points ne sont pas en ligne droite. Comment ajuster ? »

II propose, dans le cas le plus simple, une droite des moindres carr^s, mais des carr^s des distances des points observes a la droite cherchtfe.

En v£rite, cela suppose une loi d'erreur de LAPLACE-GAUSS, et qu'elle soit connue. De tr&s nombreux travaux, soit th^oriques, soit de calculs et d'essais numeriques, ont 6t6 faits, et sont encore en cours, pour 1'application de cette m^thode d'ajustement, qui met evidernment en jeu, dans le cas g^n^ral, les valeurs propres relativement a une forme quadratique a n dimensions, g£n6ra- lisant le grand axe de 1'ellipse considt5rt5e par POINCAR& dans les quelques lignes qu'il y a consacr^es.

Repercussion. VInstitut Henri Poincare. La plus grande repercussion des travaux d'HenriPoiNCARfiest clans les m^moires des chercheurs qui, dans le monde entier, ont poursuivi et ne cessent de poursuivre les travaux qu'il a commences ou indiqu^s.

Mais il existe une repercussion vivante. G'est Flnstitut Henri-Poincar6. Comme 1'a dit, le samedi i5 mai ^ la Sorbonne, Emile BOREL qui Pa fonde et fait vivre avec des dons g£n6reux (de Rockefeller en particulier), il fallail d^velopper en France et dans le monde le Calculdes Probability et la Physique mathematique. Ge Cut le premier but. Le nom prestigieux d'Heuri POIISTCAR£ a permis de faire venir a Paris, pour des cours et des conferences, les savants du monde entier (France comprise) qui travaillaient a la Physique mathematijque, Physique theorique, Th^orie des probabilit^s.

132 TROISIEME PARTIE.

Pour le centenaire, une grande oeuvre a £t6 terming : 1'agrandissement de Flnstitut Henri Poincare, par les efforts unis du C. N. R. S el de la Faculte des Sciences de Paris. Les Math&natiques pures y out maintenantleur maison, avec tout ce qui s'y trouvait d6ja, et qui s'agrandit aussi des applications du Calcul des probability, de la Statistique, et de Pficonomgtrie. Sur cet ensemble rayonne 1'esprit de POINCARE, qui garantil 1'avenir.

L'ann6e ou nous c^lebrons le centenaire de la naissance de POINCARE cst, pour le Calcul des probability, et de deux facons diflferentes, un tricentenaire.

En effet, c'est dans la deuxi&rne moili^ de 1'ann^e i654 que PASCAL et FERMAT £changeaient leur ctSl&bre correspondance, qui pent 6tre consid£r£e comme posant les fondations du Calcul des probability. A la fin de Fannie i654, naissait a Bale Jacques BERNOULLI, auteur du premier Trait^ (Ars Conjectandi) de Calcul des probabilities .

Dans cette lign^e de princes de 1'esprit, POINCARE a une place que le destin semble avoir choisie ; il a lui aussi sem6 les id6es les plus profondes, et son souvenir reste attach^ a quelques-uns des plus beaux, des plus profoiids et des plus f^conds d6veloppements du Calcul des probability.

CONFERENCE DE M. G. DARRIEUS

AUX INGKNIEURS CIVILS. Contributions diverses d'Kenri Poincare a 1'filectrotechnique.

En dehors des d(3couvertes capitales qui font apparaitre Henri comme Fun des plus grands mathdmaticiens de tous les temps, et en marge des contributions si imporlantes du grand savant a la Physique mathe^matique, se placent au d£but de ce si&cle un certain nombre de travaux, relativement peu connus, qui m^ritent la reconnaissance particuli^re des (Slectriciens.

Henri POINCARE, ing6nieur des Mines, bieri que ses dons exceptionnels et une vocation imp6rieuse 1'aient dirig^ presqueimm^diatementvers la recherche et 1'enseignement, parait n^anmoins avoir gard6 sans cesse le souci de servir son corps d'origine, ainsi que 1'artde Ping^nieur dans lequel il avait (H6 forni(5,

Que cette attitude, delib£r£e, ait 6t6 inspire par un sentiment 6lev6 de son devoir et par le souci du patriote lorrain de servir son Pays, ou qu'elle proc^dat d'une juste preoccupation du th^oricien de ne pas perdre le contact avec les r6alit£s exp^rimenlales et les applications de la Science, il demeure qu'Henri

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI IQ54- 1 33

a su, toute sa vie, accorder aux travauxdes ing^nieurs etaux questions industrielles une attention syrnpathique et efficace.

Nous bornanL ici a ce qui concorne plus particulierenientl'Electrotechnique, rappelons que, parmi les electriciens illustres de la grande epoque 1890-1910, contemporains de PoiNCARft, se trouvaient plusieurs polytechniciens : POTIER, BLONDEL, Maurice LEBLANC, qui avaient notamment la charge d'enseigner la technique naissante, aux tCcoles des Mines et des Ponts et Chaussees.

POINCARK fit Iui-m6me un cours a 1'Ecole Suptkieure des Postes et Tel<§graphes en 1900 et 1904. Enfin, Joseph BLONDIN, a la redaction attentive et d6vou6e duquel nous devons la publication d'un grand nombre des volumes ou se trouvent reproduces les c6lebres legons de Physique math^matique que POINCARE a profess^es en Sorbonne, tHait alors directeur de ¥ Eclair age Elec- trique, la principale revue d'Electricite" de cette e"poque. C'est sans doute a cette circonstance que nous devons la contribution assezr£guli6re que POINCARE a- donne'e a cette publication, sous forme d'une trentaine d'articles, depuis 1 8g4 jusqu'a sa mort en 191?,.

Les premieres de ces Etudes portent en ge"ne"ral sur des problemes de Phy- syque th6orique ou exp^rimentale li(^s a la question, alors a 1'ordre du jour, des oscillations electriques, et sur 1'examen critique approfondi des grandes theories en voie d'elaboration, telles que celles de LORENTZ et de LARMOR.

C'est sans doute en tres grande partie a Finfluence et a I'autorite' de PoiNCARfi que nous devons Facclimalation en France de la th^orie de MAXWELL. Bien que le grand traite' d'j£lectricit6 et de Magne'tisme eut6t6 traduit quelques anne'es plus tot, les conceptions, a beaucoup d'^gards r^volutionnaires, du g6nial savant anglais, heurtaient le plus souvent les physieiens frangais, qui, en d^pit de I'e'tude attentive que leur avaient prele'e des initiateurs ^minents comme POTIER ou MASCART, 6prouvaient quelque peine a se d^prendre de la beaute" classique du magnifique Edifice construit par P^cole des NEWTON, LAPLACE, POISSON, AMPERE, GAUSS, WEBER, alors oi6me que les progres de la Science en appelaient imp^rieusement l'6largissement.

Si, dans les exposes qu'il a consacre's ^t cette th<5orie, POINCARE parait par endroits, notamment a l'6gard de la notion du courant de d^placement, c^der aux reticences ou aux objections de son entourage, c'est dans la mesure ou il partage avec lui le gout traditionnel des Latins pour les constructions ration- nelles que leur apparente perfection peut faire passer quelque temps pour defi- nitives; mais, dans 1'ceuvre g^niale que la fin prematur^e de MAXWELL ne lui a

134 TROISIEME PARTIE.

pas laisse le loisir de refondre harmonieusement, ni de parachever, la surety et la profondeur de I'inluition de POINCAR£ ont tut fait de lui faire reconnaitre les traits indeniables de la Verite.

Outre divers chapitres de ses Ouvrages bien connus de Philosophie scienti- lique, POINCARE a consacre a cette theorie 1'un de ses petits chefs-d'oeuvre d'ini- tiation, la Theorie de Maxwell et les oscillations hertziennes, ou il excelle a donner, sous une forme elementaire, el sans calculs, en degageant claireraent les principes et proce'dant par analogies, I'expose des questions les plus difficiles. C'est ainsi que, traitant de 1'emploi, farmlier aux physiciens anglo-saxons de 1'epoque victorienne, des modeles me'caniques, il en precise la signification, circonscrit la portee et souligne 1'indeterrnination, en montrant que leur principal inte're't, outre celui, parfois temporaire ou changeant, de servir 1'intuition sensible, consiste dans 1'illustration qu'ils fournissent des principes fondamentaux que la Physique the'orique, m^me celle moderne, semble devoir toujours emprunter a la Dynamique classique.

Le m£me petit Ouvrage, apres lui avoir permis de montrer, sur desexemples simples, 1'application de ces principes, lui fournit 1'occasion de de'crire et d'interpre'ter, en manifestant de"ja une intelligence remarquable des details exp6rimentaux, les travaux contemporains les plus marquants sur les oscilla- tions electriques a haute frequence et les debuts dela telegraphic sans fil.

Une controverse sur 1'induction unipolaire, amorc^e par une etude d'ailleurs interessante et orthodoxe de C. RAVEAU, donne a POINCAR& 1'occasion d'^carter des paradoxes et de montrer comment des conclusions errone'espeuventre'sulter d'une application defaillante ou incomplete de la notion intuitive du mouve- ment des lignes d'induction de "FARADAY, qui conduit cependant a un r^sultat exact a condition d'etre correctement appliqu^e.

A l:6gard du principe me"me de cette representation, dont les travaux ulte- rieurs, notamment ceux de MM. HADAMARD et LI^NARD, devaient montrer qu'elle souleve en certains cas de serieuses difficultes, POINCAR^ ne se prononce pas, mais, ouvert comme d'ordinaire a toutes les possibilites et ne repoussant a priori aucune solution, il se contente de souligner son caractere indetermine ou hypothetique et 1'impossibilite de trouver dans les experiences de cette. nature aucun experirnentum crucis en faveur de Tune ou Fautre des concep- tions opposees (lignes d'induction immobiles dans 1'espace ou tournant avec Faimant), pourvu que soit respecte a chaque instant le caractere conservatif du flux d'induction.

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI ig54- l35

La question se trouve de nouveau pos6e quelques annexes plus tard dans une correspondance entre POTIER et POINCARE au sujet desrecherchesde V. GREMIEU, el par la suite S. R. MILNER a rt^ussi a d6finir les conditions auxquelles la representation si suggestive et si f^conde de FARADAY peut <Hre pr£cis6e el concili^e avec les exigences du principe de relativity.

II parait d'ailleurs permis de pcnser que le sujet n'est pas 6puis<5 et qu'une intelligence plus profonde de la structure g£om6trique et de la quantification du champ 6lectromagn<Hique r6introduira quelque jour sous une forme conve- nablement 6pur6e, dans le cadre de la Physique moderne, 1'essentiel tout au moins de certaines des conceptions a premiere \ue les plus na'ives ou les plus grossieres de FARADAY et de MAXWELL.

L'6valuation precise que donne POINCAR^ a cette occasion de la force £lec- tromotrice d'induction le long d'un circuit materiel d^formable ou en mou- vement, trouve aujourd'hui son application, non seulement dans les grandes machines a induction unipolaire que le d6veloppement moderne des pompes 6lectromagii£tiques pour liquides conducteurs (m^taux fondus pour piles ato- miques) parait devoir remettre a 1'ordre du jour, mais aussi dans 1'^tude des courants de convection que d^terminent les forces 6lectrodynamiques dans le bain des fours m^tallurgiques a induction, ou dans les theories modernes que suscite Interpretation de maints ph6nom£nes de G^ophysique et d'Astronomie solaire ou stellaire sous le nom d'effet « dynamo ».

Le m&me mode de raisonnement devait trouver quelques ann£es plus tard une nouvelle application lorsque POINCARE fut en 1902 sollicit^ d'intervenir dans la coiitroverse c^l^bre qui divisait les sommit^s Electro techniques de 1'^poque.

Le dereloppement rapide, r(5alis^ ou entrevu, des applications des machines a collecteur a courant alternatif, notamment de celles a courant polyphas^, posait alors le probl^me du comportement de leur induit tournant dans un champ variable, a 1'^gard de la frequence. Alors que ce problSme, maintenant r^solu par la separation devenue famili^re des forces 6lectromotrices dites de rotation et de transformation, nous parait aujourd'hui bien simple, nous avons peine a imaginer qu'il put, il y a 5o ans, faire broncher ou douter des 6lectri- ciens aussi (5minents que BLONDEL et Maurice LEBLANC. Ge dernier, notamment, pensait pouvoir d^duire d'un raisonnement, a premiere vue correct, que 1'inductance de 1'armature entre balais devait se montrer ind^pendante de la vitesse de rotation, tandis qu'un jeune 6lectricien, Marius LATOUR, la veille

l36 TROISIEME PARTIE.

encore inconnu, mais puur lequel cotle circons lance devait marquer le debut d'une brillante carriere d'invenleur, reconnaissait d'emblee, comme facleur de la reactance effective, la vitesse relative entre Parmature et le champ tournant.

En vue de departag-er les opinions qui s'aflrontaient ainsi, et sans se prononcer lui-meme, BOUCIIEROT fit realiser aux Etablissement Postel-Vinaj 1'experience qui donna raison a Marius LATOUR, en mettant en Evidence pour 1'inductance apparente enlre balais d'un induit a collecteur polyphase, une valeur qui, de positive qu'elle etait an repos, diminuait lorsque 1'armature etait mise en mou- vement dans le sens du charnp tournant,, pour s'annuler, puis changer de signe au-dela du synchronisme.

C'etait la fameuse realisation, par 1'emploi d'organes essentiellement induc- tifs, mais avec adjonction de contacts glissants, d'une inductance negative dquivalenie a celle de condensateurs slatiques et que Maurice LEBLANC, recon- naissant son erreur, mitd'ailleurs aussilot a profit en inventantle compensateur de phase, lequel, monte en cascade dans le circuit rotorique a basse frequence des moteurs asynchrones, assure la compensation de leur puissance reactive.

A cette occasion, POINCAR£ montra, en deux articles sur les proprie"t£s des anneaux a collecteur, comment ce r^sultat aurait du 6lrepr6vu, par une Evalua- tion correcte de la force electromotrice ou de la variation du flux magne'tique qu'embrasse la se>ie d^finie des conducteurs qui constituent a un moment donn6 une voie d'enroulement, compte tenu de 1'apport ou du pr^levement des spires en commutation.

Quelques ann^es plus tard, au terme d'une pe'riode qui comporte, outre la publication de diverses Etudes sur les rayons cathodiques, celle du cours sur la propagation du courant le long d'une ligne inunie d'un rtScepteur, ainsi qu'une assez longue ^tude sur le r^cepteur t6l6phonique, alors qu'il venait de donner au Gercle mathe'matique de Palerme le c6lebre Me"moire sur la Dyna- mique de Te~Iectron qui devance I'6nonc6 par EINSTEIN du principede relativity POINCARE revient, dans LEclairage Electrique, sur Quelques theoremes relatifs a I' Electro technique, qui retiendront plus particulierement notre attention.

Ce M<5moire assez important comporte la demonstration de rimpossibilite de 1'autoexcitation de courants da'ns un r6seau ou systeme de conducteurs quel- conque, sans collecteur, ni contacts glissants, ni resistances variables, enfm sans la presence concomitante de capacit^s et d'inductances.

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 187

Cos propositions sonl elablies a partir des equations g6nerales (LAGRANGE el HAMILTON) do la Me"canique analytique, que MAXWELL, en les appliquant aux circuits electriques, d6montre, pour un sysleme dynamique quelconque a liaisons, presque sans calculs, par des considerations ires elemenlaires, mal- heureusement incompletes, mais qu'il serait inte'ressant de reprendre pour leur conferer plus de rigueur, en raison de leur caractere e"minemment simple et suggeslif.

POINCAR& a ainsi beaucoup contrihue a implantcr parmi les e"lectriciens, outre Femploi des puissantes meHhodes de la Physique mathe'malique, 1'usage si fecond des principes g^neraux el des concepts de la Mecanique analylique, dont il savait d'ailleurs metlre en Evidence Faspect physique et intuitif, en se mettant a la ported d'un auditoire que sa formation ordinaire avait mal pr<5parcj a reconnaitre 1'imporlance du nouvcau point de vue.

II est me" me permis de penser qu'aujourd'hui encore, renseignemenlele'men- taire de la Physique et nolamment de 1'filectricit^ dans notre pays demeure, par ses programmes, et par les habitudes tradilionnelles de ses maitres, trop impre'gne d'une forme classique qui a connu son.apog^e dans 1'ceuvre admirable des grands physiciens du debut du siecle dernier, mais qui, aujourd'hui de'passe'e, et couple, dans une large mesure, du couranl des recherches expe"ri- mentales et des problemes pratiques moderates, ne manifeste plus a present la me'me fe'condite'; et, si les ide'es de MAXWELL, qui n'ont plus a faire leurs preuves dans les domaines plus jeunes de 1'Electricite', comme la Radiolech- nique et, d'une maniere plus ge'ne'rale, les concepts emprunt^s a la the'orie des champs, ne sont pas, aujourd'hui encore, aussi farniliers qu'il serait desirable aux techniciens du courant fort, le guide et 1'exemple de POINCARII: pourront longtemps encore exercer leur salutaire influence.

A ces considerations, d'une port^e tres ge'ne'rale, se rattache un th^oreme enonce" vers la m^me epoque (1908) par SCHWARZSCHILD, et qui est d'autant plus remarquable que son expression, des 1'origine conforme aux exigences du principe de relativite", quoique ant^rieure de deuxans a. la de'couverle d'EiNSTEiN ( ipo5), n'a trouv6 1'explication de son invariance naturelle a 1'^gard des trans- formations de LORENTZ ou des changemenls du systeme de reference, que dans 1'interpre'tation g^niale de MINKOWSKI en 1908.

Or, le concept, si important en Physique th^orique, d'action stationnaire, (Jclaire de maniere inattendue une question pratique d'filectro technique qui s'est trouv6e fort debattue il y a une trentaine d'anne"es.

H. P. 18

l38 TROISIEME PARTIE.

II s'agit de la notion, introduilo principalement par BOUCHEROT, de puissance reactive, et de sa generalisation en courants quelconques non sinusoidaux. Tandis qu'une premiere tentative, conduisant a une representation complexe en composantes, dites deformantes, dans une sorte d'espace d'HiLBERT, parais- sait ne presenter qu'un caract&re trop purement formel, sans interpretation physique, nous avons montre en 1981, encourage par LANGEVIN qui avait pres- senti d'emblee l'inter£t de cette remarque, que la grandeur physique a consi- derer, dont la generalisation s'introduit naturellement et dont la mesure s'efTectue en consequence sans artifice par une adaptation simple des compteurs existants, est non pas une energie, mais une « action ».

Cette proposition aboutit a un theor&me de conservation qui rattache a 1'expression d'une densite de potentiel cinetique (fonction de LAGRANGE), diffe- rence entre 1'energie electrocinetique (ou magnetique) et 1'energie electrique distribuees dans le champ, la balance entre, d'une part, la variation, de 1'etat initial a 1'etat final, d'un certain contenu d' « action » et, d'autre part, 1'inte- grale de surface ou le flux, aux limites du syst&me, d'un certain courant d'action.

Tandis que, notamment dans 1'expression applicable aux milieux continus, la densite de potentiel cinetique est une fonction d'etat determinee par les seules composantes du champ electrornagnetique, les autres termes dependent, au moins en apparence, directement du potentiel vecteur, dont la signification physique, niee dans la thdorie classique (invariance de jauge), est supposee parfois, notamment dans quelques travaux modernes, devoir inter- venir directement et non plus seulement par le champ electromagnetique que determine ce potentiel.

De ce theor^me decoule immediatement une proposition curieuse, enoncee par HEAVISJBE et demontree par LORENTZ, suivant laquelle la demi-difference entre 1'energie fournie a un syst&me electromagnetique au cours de la periode variable qui suit 1'application brusque de forces constantes, et celle depensee dans le m^me intervalle de temps en periode stationnaire, est egale, au signe pr&s, au potentiel cinetique.

Gitons enfin, parmi les prolongements modernes de ces recherches, que PoiNCARfi, avec sa maitrise de la Mecanique analytique, aurait sans doute illu- minees de la clarte de son genie, jeelles qui soulignent sans cesse de nouveaux aspects, des plus profonds en Physique theorique aux plus elementaires en Ijfectrotechnique, de la dualite evidemment fondamentale entre les facteurs

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1 054. l3g

emplacement q et moment conjugue /?, de F « action » sous ses diverses formes.

A l'6gard de la recherche experimental, alors que le developpement si rapide des Mathematiques et le caractere de plus en plus abstrait et difficile- ment accessible de la Physique thdorique tendent a elargir le fosscS qui sdpare les differentes categories de chercheurs, 1'attitude et le comportement de POINCARE constituent une edifiante legon. Bien que ses biographes le montrent handicape" par sa myopie, maladroit en dessin, et gauche dans la manoeuvre des instruments, il ne cesse de manifester son souci de garder le contact avec les experimentateurs, et de se tenir au courant, de maniere attentive et avise"e, du detail de leurs travaux. C'est ainsi qu'il a suivi, avec une sympathie qui peut surprendre a premiere vue, surtout aujourd'hui, les recherches d'un jeune physicien, V. CREMIECJ, qui avail cru pouvoir mettre en defaut I'e'quiva- lence, postulee par MAXWELL et LORENTZ et confirmee par ROWLAND, des efFets electrodynamiques du courant de convection et des courants de conduction.

Le re'sultat negalif annonc^ par GREMIEU 6tait, en r^alit^, dii a une interpr^- tation erron^e des conditions de 1'essai, mais, 1'attitude de POINCARE en cette affaire montre bien sa determination constante de ne rien rejeter a priori, et sa disposition a accueillir, quel qu'il pnisse ^tre, le verdict de Texp^rience, dont il suppute et entreprend de"ja de d^velopper les consequences, avec une remarquable absence de parti-^pris ou d'idee pr^concue.

En un temps ou la Physique theorique peut 6tre particulierement tent<5e de poursuivre, dans un d^veloppement trop formel, I'id6al d'une construction logique peut-6tre satisfaisante pour Tesprit, mais relativement vaine et parfois sterile, il est bon que POINCARE nous rappelle avec son irrecusable autorite que : « 1'experience est la source unique de toute ve"rite ».

l4o TROISIEME PARTIE.

F. - LE MERCREDI 19 MAI 1954 A LA SOClfiTE ASTRONOMIQUE DE FRANCE.

De son cote la Societc Astronomique cle France s'est re'unie le 19 mai pour feter le centenaire de celui qui fut son President de 1901 a 1908, et qui fut nomm6 President d'honneur en 1912. Devanl une nombreuse assistance le Prince Louis DE BROGUE, reprenant et compliant son discours de la Sorbonne, a parl6 sur Henri Poincare et les theories de la Physique. En particulier il a ajout6 cinq pages sur les conceptions philosophiques de Henri POINCAR&, qui forment un tout et que nous reproduisons ci-apres, en nous excusant d'y faire figurer a nouveau une vingtaine, puis une quinzaine de lignes qu'on aura de"ja lues dans la reproduction du discours de la Sorbonne. Nous reproduisons aussi trois aline*as qui completent la derniere partie de ce discours du Prince Louis DE BROGLIE.

EXTRAITS DE LA CONFERENCE DU PRINCE L. DE BROGLIE

A LA SOCIETE ASTRONOMIQUE DE FRANCE.

Les savants n'ont pas en g6ne"ral de c< philosophic » qui leur soit propre. Us se mgfient des systemes philosophiques trop vagues et trop ambitieux, ils ^prouvent une certaine repulsion en face des raisonnements a leurs yeux peu convaincants et du langage souvent alambique' des philosophes de profession. Certains savants cependant aiment a de'velopper des ide"es g^ne'rales sur les sciences qu'ils cultivent, sur leurs progres et leurs perspectives d'avenir : par- fois m&me, ils s'inte'ressenl au fonctionnement de ixotre esprit dans la recherche scientifique et se livrent a une critique de la connaissance, Henri

POINCARE fut de ceux-la et, dans de beaux articles Merits dans une lan^ue

o

e'le'gante, il a pass6 au crible d'un esprit critique fin et profond les id6es essen- tielles des sciences math^rnatiques et physiques de son temps. Ces Etudes sont

MANIFESTATIONS PAR1SIENNES EN MAI 1964. l4l

pour la plupart r^unies dans les qualre volumes c6l£bres dont j'ai d6ja eu Foccasion de citer le litre. Je n'entreprendrai point d'analyser celte partie importante de 1'oeuvre de POINCAR£ et je me contenterai de rappeler 1'altitude assez sceptique qu'il a adoptee vis-a-vis des theories physiques.

PoiNCARfi a plus d'une fois insist^ sur le caracLere, dans une large niesure arbitraire, des theories physiques. Pour lui, il existe toujours un grand nombre de theories qui sont logiquement e'quivalentes, et qui rendent compte avec le m£me degre' d'exactilude des faits observes. G'est uniquement, pense-t-il, pour des raisons de « commodity » que les savants adoptent 1'une ou 1'autre de ces explications possibles. II va me"me jusqu'a penser que les principes des sciences physiques sont des sortes de conventions que 1'on poui- rait toujours, quels que soient les fails expe'rimentaux, justifier au prix d'hypotheses plus complique'es si on le trouvail utile. Pour Stayer cetle attitude nominaliste, ce « commodisme » comme on 1'a appele^ il a donne", a Fappui, de nombreux exemples. C'est ainsi que dansZa Science et L'Hypo- these (p. 119), apres avoir monlr£ que le principe de 1'inertie en Me'canique classique se ramene essentiellement au fait que, dans cette Me'canique, les Equations de base sont des Equations diflferentielles du second ordre, il ajoute : « Je suppose maintenant que nous observions n molecules et que nous constations que leurs coordonn^es satisfont a un systeme de 3n Equations diffe'- rentielles du quatrieme ordre (et non du second ordre comme 1'exigerait le principe de 1'inertie). Nous savons qu'en introduisant 37^ variables auxiliaires, un systeme de 3 n Equations difFe'rentielles du quatrieme ordre peut 6tre ramen^ a un systeme de 6 n Equations difFe'rentielles du second ordre. Si alors on suppose que ces 3/i variables auxiliaires repr^sentent les coordonn^es de n molecules invisibles, le r^sultatest de nouveau conforme a la loi de 1'inertie ». Ainsi le principe de 1'inerlie serait unc sorte de convention dont on pourrail toujours re'tablir la validite' a 1'aide d'hypotheses appropri^es si les faits expe'- rimentaux paraissaient le contredire. De me"me, et cette affirmation de PoiNCARfi a fait sensation a l'e"poque ou elle fut ^nonc^e, 1'hypothese de la rotation de la Terre n'est qu'une hypolhese cornmode : on pourrail tout aussi bien la supposer immobile, on obtiendrait simplement une the"orie du mouve- menl des astres beaucoup plus compliqu^e et par suite beaucoup moins com- mode que celle qui a pris naissance a la suite des travaux des COPERNIC, des GALILEE et des NEWTON. Dans un autre ordre d'id^es, POINCARE, parlant dans la preface d? Electricite et Optique de Interpretation m^canique des lois de

r42 TROISIEME PARTIE.

I'£lectromagn6tisme, d6montre que « si un phenomena comporte une explica- tion m^canique, il en comporlera une infinite d'autres qui rendent ggalemenl bien compte de toules les particularity re've'le'es par Fexp^rience » et il semble se complaire dans cette ide"ede la multiplicity des explications possibles.

Que les fines analyses de POINCARE sur toutes ces questions de critique de la connaissance scientifique soient remarquables, qu'elles aient contribu6 a faire mieux juger ce qu'il y a d'arlificiel et de provisoire dans les images the'oriques que nous construisons, cela ne fait pas de doute et justifie pleine- menL la grande renommge de POINCAR£ comme philosophe scientifique. Cependant il nous semble que le <c nominalisme » de POINCAR£S congu par un esprit abstrait et puissamment critique, appelle quelques reserves. Son aboutissement naturel serait de conside'rer la Science comme une oeuvre artificielle, creation en grande partie de 1'esprit humain. POINCARE (Ha it trop fin pour tomber dans un tel exces et il a, dans La Valeur de la Science, consacre' d'int^ressantes pages a re"futer les opinions, a son avis exage^es, de M. fidotiard LE ROY sur le caractere purement conventional des v6rit(5s scientifiques. II s'est me"me indigne' qu'on ait pu conside'rer ses remarques sur le mouvement de la Terre comme pouvant justifier la condamnation de GALILEE. II n'en est pas moins vrai que le point de vue ultracritique de HENRI PoiNCARfi peut e"tre un peu dangereux en inspirant un- scepticisme non justifie' a 1'^gard des theories scientifiques. Quelques examples ne suffisent pas a prouver qu?il y a toujours une infinite de theories possibles pour rendre compte des m6mes fails exp6rimentaux et il nous semble certain que m£me, quand il y a un grand nombre de theories logiquement ^quivalentes, le phy- sicien peut a bon droit penser que Tune d'entre elles est plus conforme a la r^alit6 physique profonde, plus susceptible de generalisations, plus apte a nous r^v^ler des harmonies cache'es. Le scepticisme de POINCAR£ pourrait £tre d(5courageant et ste'rilisant. Peut-£tre, je Fai dit plus haut, l'avait-il lui-m^me un peu sterilise" dans ses recherches de Physique th6orique puisque, ayant une connaissance approfondie des difficultes de 1'filectrodynamique des corps en mouvement et pressentant le caractere general du Principe de Relativite, il n'a pas su apercevoir cette magnifique doctrine de la Rela- tivite' qui s'est impos6e brusquement a 1'esprit plus jeune et moins sceptique d' Albert EINSTEIN. Convaincu qu'on peut toujours, a 1'aide d'hypotheses approprie'es, conside'rer 1'espace physique comme euclidien, PomcARfi aurait-il pu, comme EINSTEIN le fit quelques ann^es apr&s sa mort en 1916, passer de

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. l43

la Relativity restreinte a la Relativite generalisee en consid^rant la metrique de 1'espace-temps comme non euclidienne, et tirer de cette intuition. geome- trique sur la nature de Pespace-lemps la magnifique interpretation des lois de la Gravitation qui est aujourd'hui classique ?

Je dois a Fobligeance d 'Albert RANG de m 'avoir signal^ un texte de POINCARIS qui montre clairemeiit a quel point son attitude hypercritique a pu parfois 1'egarer. Pronongant a 1'Academie des Sciences, en 1906, Peloge fun&bre de Pierre CURIE qui venait de succomber dans un deplorable accident, il disait, parlant de I'hypoth&se suivant laquelle les phenom&nes radioactifs s'accom- pagnent de transmutations des elements : « II est probable que les chimistes reussiront finalement a faire rentrer ces phenom^nes etranges dans les cadres qui leur sont familiers : on s'arrange to uj ours en effet et, si les elements sont par definition ce qui demeure constant dans toutes les transformations, il faudra bien qu'ils soient immuablos. » On est fort surpris, enlisant aajourd'hui ces lignes de voir un savant aussi clairvoyant se laisser emporter par un exc^s d'esprit critique et meconnaitre complement la portee de cette decouverte si capitale et si grosse de consequences qu'a ete celle de la transmutation des elements par radioactivite !

Mais, si Ton peut faire des reserves sur le commodisme et 1'attitude hyper- critique de Henri PoiNCARfi, on ne saurait oublier les profondes reflexions et les remarquables analyses qu'il a consacrees a la methode et au developpemeat de la Physique theorique. Tout en mettant nettement en evidence la valeur intellectuelle et 1'unite de la theorie, il n'en proclamait pas moins cette verite qu'aucun theoricien ne doit jamais oublier : « L'experience est la source unique de la verite : elle seule peut nous apprendre quelque chose, elle seule peut nous donner la certitude ». II discernait admirablement le caract^re ondulant des progr6s de la Science lorsqu'il ecrivait dans La Science et VHypothese (p. 176) : « Sans doute, si nos moyens d'investigation devenaient de plus en plus penetrants, nous decouvririons le simple sous le complexe, puis le complexe sous le simple, puis de nouveau le simple sous le complexe, et ainsi de suite sans que nous puissions prevoir quel sera le dernier terme ». Nul doute que ce ne soit la, en effet, le rylhme veritable du progr&s de nos connaissances. Deux pages plus loin (p. 178), il ajoutait cette profonde remarque : « Le physicien qui vient de renoncer a 1'une de ses hypotheses devrait &tre plein de joie, car il vient de trouver une occasion inesperee de decouverte. Son hypoth&se, j 'imagine, n'avait pas 6t6 adoptee a la

I 44 TROIS1EME PARTIE.

elle tenait complc do lous les facleurs connus qui semblaienl poavofr inter- venir dans le phe"nomene. Si la verification ne se fait pas, c'est qu'il y a quelque chose d'inattendu, d'extraordinaire : c'est qu'on va irouver de Finconnu et du nouveau ». On le sent dans cette fin de phrase, le mathe'ma- ticien oubliait son scepticisme pour fre^mir d'enthousiasme devant 1'inconnu qui va se re've'ler. Comme aimait a le faire Mme DE NOAILLES, il se fut volontiers e"crie" : « La Science, ce sont des voiles qui se de'chirent ».

Les citations que nous venons de faire, et bien d'autres que Ton pourrait ajouter, suffisent a mettre en lumiere la place de premier plan que POINCAR& a tenue dans la Philosophic scientifiqae de son temps.

Une question sur laquelle Henri POIKCARE est bien des fois revenu est celle

du de"lerminisme et corre'lativement celle de la conception du hasard que la

crojance au de"terminisme entraine. Aujourd'hui ou ces questions ont conside"-

rablement e'volue', il est tres inte'ressant de relire les textes de POINCARE.

Comme tous les savants ses contemporains, POINCARE ne parait jamais avoir mis

en doute que les phe'nomenes physiques jusqu'aux plus e"le"mentaires sont re"gis

par des lois rigoureuses, par un de"terminisme inflexible qu'expriment des

Equations diffe'rentielles dont les solutions sont enticement de'termine'es quand

on connait un nombre suffisant de donne"es initiales. Cette foi dans le de"ter-

minisme, qui lui £tait commune avec tons les savants de son £poque, 1'amenait

necessairement a prendre en face du probl&me du hasard 1'attitude qui avait ^t^

celle du grand LAPLACE dans ses Ouvrages fondamentaux sur le Calcul des

probabilitt^s. Pour POINCAR& comme pour LAPLACE, le hasard veritable n'exisLe

pas : s'il y a un hasard apparent dans certains phe:nom£nes, cette apparence

est due soit a notre impuissance de r6soudre un probleme trop ardu pour les

forces de notre esprit, soit a notre ignorance des donne"es n^cessaires a sa

solution. Parfois nous connaissons les lois des phe"nomenes et les Equations

difF^rentielles qu'il faut e'crire pour les exprimer, mais la complication du

probleme est telle que nous ne savons pas trouver les solutions; parfois aussi

ce qui nous manque, c'est une connaissance exacte des donn6es initiales qui

nous permettraient de choisir, parmi les inte'grales des Equations differentielles,

celle qui doit repre"senter le cours exact des tenements, et cette incertitude

sur les donne"es entraine 1'incertitude de nos provisions ; parfois meTne, notre

ignorance peut 6tre plus grave car nous pouvons ignorer la forme meme des

lois qui s'appliquent aux phe"nornenes e'tudie's, mais, suivant le point de vue de

LAPLACE et de POINCARB, nous devons toujours supposer que ces lois existent,

MANIFESTATIONS PARISIENNES EN MAI 1964. 1 45

qu'elles sont rigoureuses et qu'elles nous permettraient, si notre esprit etait assez puissant pour pouvolr toujours r^soudre les problemes math^matiques que leur application pose et si nous connaissions avec une parfaite precision les donn^es initiales ne'cessaires, de parvenir a une provision non moins rigou- reuse du cours inexorable de ces phenomenes. Dans presque tous ses Ouvrages de Philosophic scientifique, POINCAR£ est revenu sur cette question du hasard et il a illustre son point de vue par de pe'ne'trantes discussions et de nombreux exemples qu'il est toujours tres inte'ressant d'eiudier en relisant ses livres. Mais a aucun moment, POINCARE ne parait avoir eu 1'idee que les lois ultimes de la Physique pourraient avoir le caractere de simples lois de Probability ne comportant pas 1'existence de lois rigoureuses sous-jacentes et d'un deter- minisme cache. Souvent POINCAR& parait affirmer que, si la Nature n'obeissait pas a des lois rigoureuses, elle serait regie par le « caprice ». II nc lui apparait pas qu'entre la loi rigoureuse et le caprice, il y ait un intermediate qui serait precisement la loi de probability la loi purement statistique. Sans doute 1'illustre ge'ometre connaissait bien les lois de probability, mais pour lui elles n'avaient qu'un caractere en quelque sorte secondaire et ne faisaient que traduire notre incapacity de trouver la solution rigoureuse du probleme ou notre igno- rance des donnees ne'cessaires. Pour lui comme pour les fondateurs de la theorie cine'tique de la matiere, les mole'cules d'un gaz obeissent aux lois rigoureuses de la Me'camque de sorte que, si nous connaissions les positions et les vitesses initiales de toutes ces mole'cules, nous pourrions suivre en detail Involution ulte'rieiire du gaz et calculer exactementtous les chocs des mole'cules entre elles et contre la paroi. Si nous ne parvenons a trouver pour les gaz que des lois statistiques telles que la loi de MARIOTTE ou la loi de repartition des vitesses de MAXWELL, c'est que le probleme rigoureux est impossible a resoudre tant a cause de la complexity des equations qu'en raison de notre incapacity d'observer les conditions initiales de position et de vitesse a I'e'chelle mole- culaire.

Dans La Valeur de la Science POINCARE avait ecrit apres avoir constate 1'impossibilite d'interpreter les lois spectrales avec les anciennes theories : « De cela, on n'a pu encore rendre compte et je crois que c'est la un des plus importants secrets de la Nature ». II ne se trompait pas. Get important secret que Niels BOHR devait arracher a la nature un an apres la mort de POINCARE, c'est que la stability de la Matiere repose sur 1'existence des quanta : c'est

IL P. J 19

1 46 TROISlfcME PARTIE.

parce que les &als des atomes sonl quantifies que les lois spectrales ont la forme simple dont les anciennes theories de la Physique ne parvenaient pas a rendre compte. Ici encore PoiNCARfi a vu juste.

Aprts la mort de Henri POINCAR&, la Physique math&natique et th^orique a et<5 quelque peu d6laiss6e en France et ce pays qui avait au si^cle dernier tenu dans ce domaine, a Fgpoque des FRESNEL, des FOURIER, des AMP£RE, des POISSON, des LAMS, une place si 6clatanle a dans Pensemble assez peu parti- cip6 au grand mouvement qui a change depuis ans la face des theories physiques. La situation a ce point de vue commence a se redresser, notamment grace a 1'Institut de la Faculty des Sciences qui est plac<5 sous le patronage de 1'illustre savant.

A 1'heure ou est c6l6br£ le centenaire de la naissance de Henri PoiNCARfi, il est juste de marquer fortement la place qu'il a tenue dans le dgveloppement des theories de la Physique contemporaine. Ainsi apparait dans toute son i^tendue, I'immensit^ d'une ceuvre qui a apport6 de gfoiales contributions a tant de branches de la Science, ainsi se d6gage dans toute sa gloire Intel- lectuelle la noble figure d'un des plus puissants penseurs que la race humaine ait produitj d'un des plus grands savants dont la France ait le droit d'etre justement fifere.

QUATRIEME PARTIE

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI 1954.

A.- LE JEUDI 20 MAI 1954 A CAEN.

La Faculty des Sciences de Caen ou Henri POINCARE a fait ses debuts dans l'Universit<§, a voulu honorer la m^moire de celui qui y a enseign£ pendant deux ans. Aussi, le jeudi 20 mai avait-elle organist une stance dans un des amphitheatres de la nouvelle University pour 1'inauguration d'une plaque rappelant que c'est a Caen que Henri POINCARE a fait la d^couverte des fonctions fuchsiennes, et pour entendre une conference de M. Roger APERY, Professeur a la Faculty des Sciences de Caen sur 1'oeuvre de Henri POINCARE. On trouvera le texte de cette conference plus loin.

En presence de M. DAURE, Recteur de l'Umversit6 de Caen qui faisait les honneurs des nouveaux batiments de l'Universit6 de Caen, et de M. Albert CHATELET, venu tout expr^s de Paris pour pr^sider la stance, M. MOREAU, Doyen de la Facult6 des Sciences de Caen a d'abord d6voil6 la plaque et dit quelques mots sur le passage de Henri POINCARE en Normandie.

M. Roger APERY a fait ensuite sa conference avec beaucoup de chaleur, et M. CHATELET, apr&s Tavoir felicity de son brillant expos£, a rappefe que la ville de Caen avait encore des attaches avec Henri POINCARE en la personne de sa ni^ce Mme Pierre VILLEY, fille de fimile BOUTROUX. II a £voqu6 §. son tour le passage de Henri POINCARE a Caen et la d^couverte des fonctions fuchsiennes. Puis derri^re le savant il a montr6 1'homme qui savait se mettre a la port^e de tous, de ses collogues, de ses ^l^ves, de ses enfants, et, en terminant il a cit£ cette phrase de Guillaume BIGOURDAN aux obs^ques de Henri POINCARE :

« Ce prodigieux ^rudit, cet analyste impeccable savait sourire; il savait ignorer, iFsavait douter ».

1 48 QUATRIEME PARTIE.

CONFERENCE DE M. ROGER APERY

A CAEN.

En 1 855, un grand deuil frappaitle monde matht5matique ; la mort du prince des mathematicians Karl-Fried rich GAUSS : 1'ampleur du d<3veloppement dcs Math^matiques otait tout espoir de revoir un savant competent simultan^ment dans toutes les branches des Mathtjmatiques. Un tel savant £tait a Nancy 1'ann^e d'avant et se nommait Henri POINCARE, mais le monde 1'ignorait encore.

En 1878, le jury d'entrt^e de 1'ficole Poly technique se trouva plac<3 devantun cas de conscience delicat : un candidat de 19 ans, qui devait 6tre refus^ a cause de ses notes 6liminatoires en dessin et en gymnastique, avail un total de points tr£s sup^rieur a tous les autres candidats. Soucieux de ne pas renouveler 1'erreur qui, une cinquantaine d'anne'es auparavant, avail bris£ la carri&re d'fivarisle GALOIS, les examinateurs deciderent de laisser entrer avec le 1 le jeune Henri POINCARE.

Docteur &s sciences a 26 ans, il est nomm6 Mailre de Conferences a la Faculty des sciences de Caen pendant deux ans.

Cettc courte p^riode de sa vie fut la plus imporiante. Dans un M^moire public a 1'Acad^mie Nalionale des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen, il cr£e les fonctions fuchsiennes. Je m'excuse de ne pas expliquer ici ce que sont les fonctions fuchsiennes, les connaissances de la licence en Math^maiiques sont indispensables pour comprendre, m£me sommairement, les questions aux- quelles a rt§pondu POINCAR*I. Signalons settlement que Pilluslre WEIERSTRASS, Professeur a TUniversit^ de Berlin el maitre inconlest^ de 1' Analyse math^ma- lique a cette 6poque, dul reconnaiire que le flambeau des Math^maliques, si longtemps lenu par 1'Allemagne, passail a la France. POINCARE a Iui~m6me expliqu6 plus tard les circonslances de sa d^couverle :

<c Depuis quinze jours, je m'efforQais de d^montrer qu'il ne pouvaii exister aucune fonclion analogue a ce que j'ai appete, depuis, les fonclions fuchsiennes , j'^tais alors forl ignorant; tous les jours, je m'asseyais a ma table de travail, j'y passais une heure ou deux, j'essayais un grand nombre de combinaisons et je n'arrivais a aucun r^sultat. Un soir, je pris du caf6 noir, contrairement a mon habitude; je ne pus m'endormir : les id6es fourmillaient dans ma t^te, je les sentais comme se heurter, jusqu^ ce que deux d'entre elles s'accroch^rent,

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI ig54. l49

pour ainsi dire, pour former uiie combinaison stable. Le matin, j'avais £tabli 1' existence d'une classe de fonctions fuchsiennes, celles qui de'rivent de la s6rie hyperge'ome'trique; je n'eus plus qu'a re'diger les r^sultats, ce qui ne me prit qtie quelques heures.

« Je voulus eiisuite repr^senter ces fonctions par le quotient de deux series; celte id6e fut parfaitement consclente et re'fle'chie, 1'analogie avec les fonctions elliptiques me guidait. Je me demandai quelles devaient £tre les proprie'te's de ces se'ries, si elles existaient, et j'arrivai sans difficult^ a former les series que j'ai appele'es the'tafuchsiennes.

« A ce moment, je quittai Caen ou j'habitais alors, pour prendre^part a une course ge"ologique entreprise par 1'Ecole des Mines. Les pe'rip6ties du voyage me firent oublier mes travaux mathe'matiques; arrives a Coutances, nous mon- tames dans un omnibus pour je ne sais quelle promenade ; au moment ou je mettais le pied sur le marchepied, I'ide'e me vint, sans que rien dans mes pen- se"es ante'rieures parut m'y avoir prepare', que les transformations que j'avais utilise'es pour de'finir les foiiclions fuchsiennes e"taient identiques a celles de la Ge'ome'trie non euclidienne. Je ne fis pas la verification; je n'en aurais pas en le temps, puisque, a peine assis dans 1'omnibus, je repris la conversation com- menc(5e, mais j'eus tout de suite une entiere certitude. De retour a Caen, je ve'rifiai le re'sultat a t^te repose'e pour 1'acquit de ma conscience.

« Je me mis alors a 6tudier des questions d'arithme'tique sans grand re'sultat apparent et sans soupgonner que cela put avoir le moindre rapport avec mes recherches ante'rieures. De'gouLe' de mon insucces, j'allai passer quelques jours au bord de la mer, et je pensai a tout autre chose. Un jour, en me promenant sur la falaise I'ide'e me vint, toujours avec les me'm.es caracteres de brievete', de soudainete' et de certitude immediate, que les transformations arithme'tiques des formes quadratiques ternaires inde'finies e'taient identiques a celles de la Ge'ome'trie non euclidienne.

<c Ktant revenu a Caen, je r^fl^chis sur ce re'sultat, et j'en tirai les conse"- quences ; Fexemple des formes quadratiques me montrait qu'il j avait des groupes fuchsiens autres que ceux qui correspondent a la s6rie hyperge'ome*- trique; je vis que je pouvais leur appliquer la the'orie des se'ries the'tafuchsiennes et que, par consequent, il existait des fonctions fuchsiennes autres que celles qui de'rivent de la s6rie hyperge'ome'trique, les seules que je connusse jusqu'alors. Je me proposal naturellement de former toutes ces fonctions; j'en fis le siege syste'matique et j'enlevai Fun apres 1'autre tous les ouvrages avanc^s; il y en

l5o QUATRIEME PARTIE.

avail un cependant qui tenait encoie et dont la chute devait entrainer celle du corps de la place. Mais tous mes efforts ne servirent d'abord qu'a me faire mieux connaitre la difficult^, ce qui £lait d6ja quelque chose. Tout ce travail ftit parfaitement conscient.

« La-dessus, je partis pour le Mont-Val&rien, ou je devais faire mon service militaire; j'eus done des preoccupations tr6s diff^rentes. Un jour, en traver- sant le boulevard, la solution de la difficult^ qui m'avait arr<H6 m'apparut tout a coup. Je ne cherchai pas a 1'approfondir imm^diatement, et ce fut seulement apr6s mon service que je repris la question. J'avais tous les elements, jen'avais qu'a les rassembler et les ordonner. Je r^digeai done mon M&moire definitif et sans aucune peine ».

Maitre de Conferences a Paris en 1881, Membre de I'Acad^mie des Sciences en 1887, a 33 ans, Membre de l'Acad6mie Franchise en 1909, Membre de 34 autres Societ^s savantes, titulaire de nombreux prix internationaux, il imprime la marque de son g6nie dans tous les domaines : Fonctions analy tiques d'une et de deux variables, Equations diff^rentielles, Arithm^tique, Astrono- mic, Topologie, Probl6me des Marges, Propagation de la chaleur, Th^orie electronique, Potentiel, Cosmogonie, filasticit6, Calcul des probability, Th^orie des quanta, etc.

Le savant, £conome de son temps au point de refuser toutes les fonctions administratives, de refuser de corriger les £preuves de ses M^moires on d'en envoyer des tirages a part, ne manage pas son 6nergie quand de grandes causes sont en jeu ou quand il peut rendre service. En 1879, quand il est encore ing6- nieur des Mines, il n'h^site pas £ descendre dans un puits ou une explosion de grisou avait allum£ Tincendie. P^re de quatre enfants, il suivit de pr&s leur Education et cinq articles intitules Ce que disent les choses montrent qu'il savait oublier ses propres connaissances pour se mettre au service des jeunes cerveaux.

Ses travaux de Philosophic scientifique sont group^s dans quatre Ouvrages : la Science et VHypothese, la Valeur de la Science, Science et Methode, Dernier es Pensees.

Contrairement au grand public qui imagine souvent la Science comme un instrument au service dela technique etdu confort, il voit la technique comme instrument de la liberation de Fhomme qui lui permettra de consacrer son temps a la Science pure. Repondant a ceux qui opposent science et morale, il 6crit : « La Science est grande, elle est belle, elle est bonne. Ceux qui la cul- tivent pour elle-m£me se sentiront purifie's par ce culte d£sinteress£ »'.

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI ig54. l5l

II est passionne de musique et fiddle a la tradition hellenique qu'il defend dans un petit Ouvrage sur la Science et les Humanites. Fiddle a la tradition de PYTHA.GORE et de PLATON, il n'hesite pas a recourir au my the pour faire com- prendre la Geometric non euclidienne, qui, de son temps, n'est acceptee que d'un petit nombre de mathematiciens ....

<( Supposons, dit-il, un monde renferme dans une grande sphere el soumis aux lois suivanles :

« La temperature n'y est pas uniforme, elle est maxima au centre et elle diminue a mesure qu'on s'en eloigne, pour se reduire an zero absolu quand on atteint la sphere ou ce monde est renferme.

<c Je precise davantage la loi suivant laquelle varie cette temperature. Soit R le rayon de la sphere limile, soit r la distance du point considere au centre de cette sphere. La temperature absolue sera proportionnelle a R2 r2.

« Je supposerai de plus que, dans ce monde, tous les corps aient le marine coefficient de dilatation, de telle fagoii que la longueur d'une regie quelconque soit proportionnelle a sa temperaiure absolue.

« Je supposerai enfin qu'un objet transports d'un point a un autre dont la temperature est differente se met immediatement en equilibre calorifique avec son nouveau milieu.

<( Rien, dans ces hypotheses, n'est contradicloire ou inimaginable. Un objet mobile deviendra de plus en plus petit a mesure qu'on se rapprochera dc la sphere limitc.

<( Observons d'abord que, si ce monde est limite au point de vue de notre geometric habituelle, il paraitra infini a ses habitants.

<c Quand ceux-ci, en effet, veulent se rapprocher de la sphere limite, ils se refroidissent et deviennent de plus en plus petits. Les pas qu'ils font sont done aussi de plus en plus petits ; de sorte qu'ils ne peuvent jamais atteindre la sphere limite.

« Je ferai encore une autre hypoth&se, je suppose que la lumiere traverse des milieux diversement refringents, et de telle sorte que 1'indice de refraction soit inversement proportionnel a R2 r2. II est aise de voir que, dans ces condi- tions, les rayons lumineux ne seraient pas rectilignes, mais circulaires »,

II fut le precurseur des travaux d'EiNSTEiN et toules les considerations sur la relativite de 1'espace et du temps qui constituent, pour le grand public, la theorie d'EiNSTEiN, sont en r^alite de POINCAR£.

!52 QUATRIEME PARtlE.

Les considerations d'Henri POINCAR& sur la relativity du mouvement furent mal comprises. Certains milieux cri&rent victoire et Mgr BOLO (Scrivit dans le Matin du 20 fgvrier 1908 : « POINCARE, qui est le plus grand math^maticien du siecle, donne tort a Fobstination de GALILEE ». L'emprisonnement a vie de GALILEE et le bucher de GIORDANO BRUNO se trouvaient justifies.

PoiNCARfi ne tarda pas a rgpondre : « E pur si muove, Monseigneur » et resurna brillamment toutes les raisons modernes de justifier 1'obstination de GALILEE » : vents aliz^s, sens de rotation des cyclones, pendule de FOUCAULT, renflement de la Terre a 1'equateur, sans parler des ph<5nom&nes astronomiques.

II preVisa sa pensee sur le caractere ni vrai, ni faux, mais commode, des 6nonc6s scicntifiques. Cette commodity .porte sur 1'expression et non sur les fails que nous ne sommes pas libres de modifier. Pour prendre un exemple banal, si Ton decide d'appeler 4 ce que tout le monde appelle 2 et 2 ce que tout le monde appelle 4> il faudra dire que 4 et 4 font 2 ; il est done conven- tionnel que 2 et 2 fassent 4, mais cette formule exprime une v&rittS qui, elle, n'est pas conventionnelle. De m6me, il est conventionnel de dire que les droites r^elles sont euclidiennes ou non euclidiennes, mais a partir du moment ou on definit la droite par le rayon lumineux, c'est un fait physique de savoir si ces rayons sont ou non des droites euclidiennes. La convention ne joue que sur le fait de savoir ce qu'on appellera droites d'ou la fameuse formule de PoiNCARfi : « Les postulats sont des definitions d^guis^es ».

En 10,09, 1' University de Bruxelles, 1' unique University au monde doiit les professeurs et les etudiants sont group6s autour d'un principe commun : le libre examen, invite H. POINCAR&. Ce dernier, dans un expose magistral, pro- nonce entre autres les paroles suivantes qui devaient d^sormais figurer sur les murs de l'Universit6 de Bruxelles :

« La pensee ne doit jamais se soumettre, ni a un dogme, ni a un parti, ni a une passion, ni a un inte"r6t, ni a une id6e pr^congue, ni a quoi que ce soit, si ce n'est aux faits eux-m6mes, parce que, pour elle, se soumettre, ce serait cesser d'etre ».

II proteste contre les logisticiens qui veulent rgduire les Math6matiques a un simple jeu de symboles et defend la valeur de Fintuition contre le forma- lisme. Tout en declarant modestement qu'il n'entend pas le p^amin, il montre la faiblesse (BuRALi-FoRTi) de la definition du nombre 1 par liquation

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI ig54- 1 53

qui, au bout de 27 Equations permet de montrer quo 1 est un nombre ou de la definition du m£me nombre 1 (GOUTURAT) comme le nombre des elements d'une classe dont deux elements quelconques sont identiques.

H. PoiNCARfi fit une etude approfondie des lois du hasard. Pour lui, le hasard n'est que la mesure de notre ignorance, il montra par un calcul rigoureux que I'hypothese d'une loi elementaire inconnue et soumise seulement a des condi- tions de re"gularit£ mathe'matique suffit a expliquer les « lois du hasard ».

Les idees dominantes dans le monde savant, apres la mort de POINCARE, parurent lui apporter un dementi : les developpements de la theorie des quanta et la decouverte des celebres relations d'incertitude d'HEYSENBERGinclinerentles savants a penser que contrairement aux vues de POINCAR^, Pindeterminisme etait la loi profonde, le determinisme Fapparence. POINCARE s'etait-il tromp6 sur un sujet aussi grave ? J'ai entendu la r^ponse a la r^cente manifestation de Paris en 1'honneur d'Henri POINCAR^ ou le grand savant Louis DE BROGUE, charge d'ans et de gloire, Secretaire perpetuel de 1'Institut, n'hesita pas a declarer : « J'ai adopte, pendant longtemps le point de vue indetermmiste de BOHR et HEYSENBERG, je ne serais plus aussi affirmatif et les derniers resultats de la phy- sique semblent prouver que c'est POINCAR£ qui avait raison ».

Le 17 juillet 1912, un grand deuil frappait le monde mathematique, une embolie avait terrasse Henri POINCAR£, et cette fois, on ne revit plus de mathe- maticien universel.

B. - LA MATIME DU SAMEDI 22 MAI 1954 AU LYCEE DE NANCY.

La journee du samedi 22 mai etait celle des manifestations de la Ville, du Lycee, et de rUniversite de Nancy. Ces manifestations devaient commemorer a la fois le i5o° anniversaire de la fondation du lycee et le iooe anniversaire de la naissance de Henri POINCARE, dont le lycee porte le nom depuis 1918. Elles etaient toutes placees sous la presidence de M. Maurice LEMAIRE, Ministrc de la Reconstruction et du Logement7 ancien eleve du lycee de Nancy et de I'ficole Polytechnique.

H, P. 20

154 QUATRIEME PARTIE.

La Ville de Nancy ayant d6cid6 de donner le nom de Henri POINCARE a la partie de la rue Gambetia qui passe devant le lyc£e, M. LEMAIRE, avant de p6n<Hrer dans celui-ci, a coupe le ruban symbolique qui barrait la nouvelle rue Henri-Poincare, tandis que les plaques indicatrices 6taient d^voil^es. Aussitot apr&s a eu lieu Inauguration d'un m^daillon, du comme les precedents a Mme GUZMAN-NAGEOTTE. Dominant la porte d'lionneur du lyc£e, 1'image de Henri POINCARE parait placee la pour accueillir les nouvelles g£n6- rations d' Sieves.

C'est le Senaleur Raymond PINCHARD, Maire de la ville et President du Comit^ local d'organisation, qui a d£voil£ le medaillon et qui en a fait remise au Iyc6e de Nancy, ou Henri POINCARE a fait toutes ses 6tudes depuis la neuvi^me. M. Lt^on POINCARE, au nom de la famille, dit ensuite toute la gratitude de celle-ci pour rhommage rendu a la m^moire de son p&re, dont il a soulign^ la fid6lit6 a sa ville natale et a la terre lorraine. Un discours de M. Maurice LEMAIRE a clotur6 cette premiere partie des c£r6monies de Nancy, plus sp6cialement consacr6e a comm6morer le centenaire de Henri POINCARE.

L'accueil des 6l&ves pour leur ancien, le Ministre Maurice LEMAIRE, le d^p6t d'une gerbe devant les monuments aux £l6ves du lyc£e morts pour la France, la visite d'une exposition de souvenirs des anciens 6l&ves, et de travaux faits par ceux qui sont actuellement sur les banes du lyc^e, le banquet de FAsso- ciation des anciens £l£ves a FHotel de Ville de Nancy, se rattachent plutot au i5oe anniversaire de la fondation du lyc<§e.

Pour cet anniversaire, sous le litre :

Le Livre des Centenaires.

IDOC anniversaire de la fondation du lyc^e.

Centenaire de Henri POINCARE

1'Association des anciens d&ves du lyc^e de Nancy a public un Ouvrage qui 6voque la vie du Iyc6e depuis sa fondation et toutes les Stapes c< dans F£VO- lution des esprits et des mceurs », « des missions, des fagons de penser », qui ont marqu6 ces i5o derni^res ann6es. La seconde partie de cet Ouvrage, consacr^e tout enti&re a Henri PoiNCARfi, contient une £tude du Professeur Gaston JULIA que nous reproduisons en entier, apr&s avoir donn£ les "allo- cutions et le discours prononc6s devant le medaillon.

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI IQ54-

ALLOCUTION DE M. RAYMOND PINCHARD,

SENATEUR, MATRE DE NANCY, AU LYCEE DE NANCY.

MONSIEUR LE MINISTRE,

MONSIEUR LE PREFET,

MONSIEUR LE RECTEUR,

MONSIEUR LE PROVISEUR,

MONSIEUR LE PRESIDENT r>E L'ASSOCUTION DBS ANGIENS ELEVES,

MESDAMES, MESSIEURS,

En proc^dant & 1'inauguration du m6daillon qui orne d^sormais le seuil du Lyc^e Henri POINCAR&, il me semble qu'un hommagc plus digne et plus com- plet est enfin rendu a 1'homme illustre dont on a pu dire : « qu'il n'est, sur le globe, aucun savant digne de ce nom, qui ne se consid£re a quelque degr£ comme un de ses £l£ves ».

Je tiens a remercier publiquement le Comite National du Gentenaire qui a offert ce bronze : Que M. Gaston JULIA, President de ce Comit£ trouve ici P expression de notre reconnaissance pour son acte g£n£reux.

Ge devoir de gratitude rempli, je voudrais me faire Pinterpr&te de la volont£ commune du Gonseil Municipal et de la Ville de Nancy de s'associer pleine- ment a la solennelle manifestation de ce jour. En donnant a la rue que nous venons de parcourir le nom d'Henri POINCARE, nous avons cru r£pondre au sen- timent public de notre Cit£, justement fi^re de la c6l6biit£ de ses fils et tout particuli&rement du savant qui a enrichi, plus qu'aucun autre peut-6tre, le patrimoine de ses gloires.

Par le bronze, le statuaire a immortalis^ sa m^moire, mais c'est bien davan- tage encore dans les cceurs que vit le souvenir de cet enfant de Nancy, qui voici roo ans, naissait dans une maison de la Ville- Vieille.

Noble descendant d'un bourgeois lorrain « d'enti&re reputation et de bonne experience » suivant le mot de nos antiques ckartes, Henri POINCAR& a grandi dans une ambiance familiale ou se transmettaient des traditions de labeur, dc d^sinteressement, de simplicity et de droiture, bien propres a l'6panouissement d'une intelligence sup6rieure, aux dons exceptionnels.

Entr6 au lyc^e en neuvi^me, il devait y poursuivre toutes ses etudes jusqu'en

1 56 QUATRIEME PARTIE.

Math^matiques sp<3ciales. Partoul il prend la premiere place et se fait remar- quer par son esprit personnel, vif, facile, que ne rebutaient les 6l£ments d'aucune connaissance. Deja s'affirmail cette vaste intelligence qui, plus tard, devait les embrasser toutes. A sa vocation pour les Math^matiques r6pondait un e"gal amour des Lettres. Alliant une intuition remarquable a la force du rai- sonnement, il n'en t^moignait pas moins une 6gale maitrise dans Tart de la composition, un art qui, plus tard, devait se manifester avec un particulier bonheur dans 1'oeuvre du philosophe.

Esquisser a grands traits ce que ful sa jeunesse studieuse, c'est egalement dt^peindre cette delicate sensibility, cette simplicity et cette bontg qui firent d'Henri POINCARE un homme aimable et affectueux, souvent timide, toujours modeste, mais dont la ggngrositg du caracltsre <3tait sans 6gale.

Parmi toutes ces noblesses, il entretenait au fond de 1'ame, contenue mais ardente, la flamme d'un patriotisme r^solu. Jeune homme, il avait connu les horreurs de la d6faite et les servitudes de 1'occupation £trang£re. Ne disait-il pas lors de son discours de reception a I'Acad^mie Francaise : « qu'apr£s les Iieures sombres de la guerre, vint Fheure encore plus sombre de la paix, celle ou la France dut se r6signer a cette grande douleur, qui nous laisserait deux fois inconsolables, si jamais nos Ills semblaient s'en consoler ». Magniflque pens^e d'un Frangais que bientot le monde devait reconnaitre comme le plus grand savant du si£cle et Tun des maitres de la Pliilosophie moderne.

Sa vie tout entire ne fat que la floraison, comme spontande, d'un g&nie dont la puissance 6clata d&s F^veil de la vie consciente.

II lut, travailla, apprit, chercha, discuta, composa, professa, ecrivit, en apportant & cette intense activity ses dons in^galables qui 1'amenaient a tout comprendre, mais aussi a tout repenser en des traits fulgurants, a la Pascal. Et cependant, apportant des id^es nouvelles dans tous les ordres du savoir, il avait Tart, par des comparaisons prises aux choses de la vie quotidienne, de faire toucher du doigt en quelque sorte, de faire voir « avec les yeux » les plus abstruses v£rit£s : ainsi faisait d£ja DESCARTES.

Tenter d'exposer 1'ceuvre d'Henri POINCAR£ est une entreprise impossible tant il nous apparait comme Fincarnation m&me de la Science. Avec lui s'est ^teint un homme dont les facult6s d'entendement furent telles que la Nature, dans le cours des si&cles, n'en a produit qu'un tout petit nombre. Son esprit ^tait un foyer ou se donnaient rendez-vous et se confrontaient toutes les connaissances, si diverses soient-elles, qu'a pu acqugrir FHumanit^.

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI ig54. 167

Un esprit sup6rieur comme le sien, dont 1'ceuvre a ete profonde et originale, devait tot ou tard penetrer dans le champ de la Philosophic, et dans ce domaine il devait encore apporter une force et une penetration de pensee admirahle. Prenant la defense des humanites, il donnait le spectacle d'un scientifique n'hesitant pas a declarer qu'il etait redevable aux Lettres de sa maitrise, m£me dans les sciences, elpar lailproclamaitl'excellence d'une formation qui eduque le cceur de la jeunesse aussi bien que son esprit.

Pour la gloire'de son Pays, il a conquis Fadmiration des savants et des pen- seurs de tous les peuples ; il a etabli chez eux la domination du genie frangais.

Henri POINCAR£ nous a legue une oeuvre scientifique qui se rev&le comme 1'une des plus vastes, 1'une des plus originales qu'un homme ait jamais produite.

Lui qui s'etonnaifet s'attristait, en son ame aimante et sincere, qu'il y eut au monde des gens, disait-il, « qui semblent n'avoir d'intelligence que pour mentir et de cceur que pour hair », il nous a laisse comme philosophe un ensei- gnement essentiellement humain, nous apprenant que 1'esprit, sans lequel le Vrai et le Beau ne se congoivent pas, est une realite vivante et efficace, tandis que les principes de justice et de bonte sont, au m6me titre que la Science et en connexion avec elle, les fins qui s'imposent a notre activity.

Sa pensee et sa vie sont pour nous un module inimitable; il demeure un exemple a suivre, ne fut-ce que de loin. Puisse-t-il rappeler aux generations nouvelles de ce lycee pepini&re de nos grandes ficoles scientifiques, creusetou se forge Felite de la jeunesse lorraine que dans un monde parfois hostile et malveillant la priinauie intellectuelle de la France demeure intacte, et que c'est a elles qu'il appartient de se montrer dignes d'un de leurs plus illustres aines.

ALLOCUTION DE M. LfiON POINGAIUfi

AU LYC&E DE NANCY.

MONSIEUR LE MINISTRE, MESDAMES, MESSIEURS,

Si'je prends la parole aujourd'hui, c'est pour exprimer, au nom de lafamille de Henri POINCARE, les sentiments de gratitude qu'elle 6prouve devant rhommage solennel et emouvant qui est rendu a mon p^re ; c'est pour remer- cier les organisateurs des ceremonies du Centenaire, au premier rang desquels se place mon ami le professeur Gaston JULIA dont il est superflu de vanter le

!58 QUATRIEME PARTIE.

dynamisme et la volonte", mais dont il faut loner aussi le courage, le mot n'est pas trop fort pour celui qui, malgrS le handicap de sa gorge de"faillante, a voulu jouer son role completement, en d6pit des avis de la Faculle".

Mes remerciements aujourd'hui, vonL au President du Comit^ d'Organisa- tion de Nancy, M. le Recteur CAPELLE, et a rUniversite" dont il est le Maitre et qui veut bien nous accueillir tout a Fheure.

Us vont a la ville de Nancy, et a son Maire, M. le Se"nateur PINCHARD qui ont donn6 le nom de Henri POINCARE a cette grande artere qui passe devant le lyce'e.

11s vont au lycee de Nancy, et a son Proviseur M.DEPAIN qui ont tenu a ce que 1'effigie de celui dont le lycee porte le nom depuis 1918 domine la porte d'entre"e, comme s'il e"tait la pour accueillir ses jeunes camarades.

Us vont aussi a 1'Association des anciens Sieves et a son actif President le Ge'ne'ral BRAUN, qui tiennent le flambeau des traditions.

II me semble que je faillirais & mon devoir si j'oubliais d'envoyer aussi un message de gratitude aux organisateurs et aux orateurs des autres manifesta- tions, la grande stance de la Sorbonne samedi dernier, celle de Pficole Poly- technique le lendemain, celle de Flnstitut Henri POINCARE, et de 1'Institut de France le 17 mai. L'Union des Professeurs de Mathe'matiques, d'une part, la Socie"t£ des Inge"nieurs Civils de 1'autre ont consacre' une stance a Henri POINCARE. L'Universit£ de Caen enfin, ou mon pere a fait ses debuts d'universi- taire et ou il a invent^ les fonctions fuchsiennes, a voulu, elle aussi, rappeler le passage de Henri POINCARE en Normandie.

Si je sais ainsi tr&s bien a qui adresser mes remerciements je sais moins bien quelle forme leur donner. Les mots ordinaires ont 616 trop souvent re'pe'te's pour pouvoir servir a autre chose qu'a construire des formules polies mais fades et ici, a Nancy, il me semble que j'ai mieux a faire que d'essayer une nou- velle maniere de les assembler.

Lorsqu'une mere glorifie son fils, quelle plus belle recompense peut-elle esp^rer que d'entendre celui-ci, en retour, lui crier son affection filiale. G'est done le te"moignage de la Tidelite" de Henri POINCARE a la Lorraine et k sa ville iiatale que je voudrais vous apporter, et aussi celui de son amour de la France, et de la ve'rite'.

Car je voudrais que passant les portes de votre ville, mes remerciements aillent a tous ceux qui en France se sont de'pense's pour le succ&s des manifes- tations du Centenaire et aussi aux savants Strangers qui en ont rehausse" Te"clat par leur presence,

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI IQ54. 1^9

Homme et savant, Henri PoiNCAHfi a aime la verite universelle et son instru- ment, la Science, qui ne connait pas de frontikres. II a trouve maintes occasions de le dire, et il a proclame que la Science creait un lien entre les hommes : « Elle nous donne le sentiment », a-t-il ecrit, « de la cooperation necessaire, de la solidarity de nos efforts et de ceux de nos contemporains, et m&me de ceux de nos devanciers et de nos successeurs. . . . Nous sentons que nous travaillons pour 1'humanite, et 1'humanite nous devient plus ch&re ».

Francais, il a trouve pour parler de la Patrie des accents qui par tent du cceur, et dont certains prennent a posteriori un aspect prophetique. « Quand on nous demande de justifier par des raisonnements iiotre amour de la Patrie », dit-il, cc nous pouvons £tre trcis embarrasses; mais que nous nous repr6sentions par la pensee, nos armies vaincues, la France envaliie, tout notre cceur se soul&- vera, les larmes nous monteront aux yeux, ct nous n'ecouterons plus rien. Et si certaines gens accumulent aujourd'hui tant de sophism es, c'est sans doute qu'ils n'ont pas assez d'imagination, ils ne peuvent se representer tous ces maux, et si le malheur ou quelque punition du ciel voulaient qu'ils les vissent de leurs yeux, leur ame se revolterait cornme la notre ».

Depuis 1910, date a laquelle ces lignes ont ete ecrites, le malheur est venu deux fois. Et si en 1940? par son ampleur, il a pris figure de punition du ciel c'est peut-6tre parce que notre imagination s'etait assoupie, et que nous n'avions plus, comme en 1914? 1& blessure de FAlsace-Lorraine pour la maintenir en haleine. Mais, dans le grand sursaut de le Resistance, les ames de ceux qui paraissaient, jusque-la, considerer la Patrie comme un concept p^rime, sesont revoltees a l?6gal de celles des autres.

Je demande qu'on ne voie dans cette simple cons tata lion d'un fait aucun caract&re provocant. Le patriotisme de Henri POINCARIJ: n'avait rien d'exclusif, au contraire, pour lui, la mission de la France est essentiellement humaine. Apr6s avoir cite ce vers de SULLY~PRUDHOMME :

cc Et plus je suis francais, plus je me sens humain »

il dit c< peut-^tre aujourd'hui croirait-il necssaire d'ajouter que trahir la France, ce serait trahir 1'humanite ». Et quelques lignes plus haut il a cette formule cc G'est que la Patrie n'est pas un simple syndicat d'imer£ts, c'est le faisceau des idees genereuses, et m^me des genereuses folies pour lesquelles nos p&res ont combattu et souffert, et alors une France haineuse ne serait plus la France ». Lorrain et nanceen, s'il a moins parle de 1'amour pour la terre natale, c'est

l6o QUATRIEME PARTIE.

qu'il s'agit J'un sentiment encore plus subtil, qui ne peut, comme 1'amour de la Patrie, s'e'riger en regie de morale, puisqu'il doit ce'der le pas a celui-ci; c'est qu'il s'agit d'un sentiment qui est fait pre'cise'ment, pour partie, de toutes les souffrances que la petite Patrie a du endurer pour servir la grande, de tous les sacrifices qu'elle a du lui consentir; et ces choses-la une certaine pudeur re'pugne a les Staler.

Bien qu'on puisse en trouver la trace dans ses livres, au besoin en lisant entre les lignes, ce n'est done pas dans son ceuvre que nous chercherons le te'moignage de la fide'lite' de Henri POJNCAR£ a la Lorraine et a Nancy. Mais, si ee n'est pas £tre trop pre'somptueux, c'est en moi que nous le trouverons, c'est dans les sentiments que j'e'prouve et qui ne peuvent me venir que de 1'he're'dite' paternelle, ou de ce que mon pere m'a le'gue', par sa maniere de nous parler de Nancy, par ses r6cits, par son attitude, a moins que ce ne soit par je ne sais quel fluide que nous respirions aupres de lui.

Je suis a Paris, et Nancy ne repre"sente pas pour moi une vieille maison familiale ou vous attendent un grand-pere ou une grand'mere. Le premier £tait mort un an avant ma naissance, ma grand-mere 6tait venue s'installer a Paris a cdte" de ses enfants. Je crois bien n'avoir pas passe" une seule nuit a Nancy avant 1918, j'avais 20 ans; certes depuis Tage de 1 1 ans j'avais plusieurs fois traverse" votre ville, mais toujours en courant, entre deux trains; j'avais vu la place Stanislas et la place Carriere, je connaissais la rue des Dominicains et le Point central.

Mais cela ne suffit pas a expliquer cette sorte d'exaltation que je ressens en abordant vos valle'es et vos coteaux, en respirant votre atmosphere, cela ne suf- iit pas a expliquer pourquoi c'est cliez vous que je me sens chez moi. Non ce ne peut 6tre que le reflet des sentiments encore plus vifs que Henri POINCAR£ e"prouvait Iui-m6me, et c'est pourquoi je suis sur de pouvoir vous apporter le te'moignage que je vous avais promis.

DISCOURS DE M. MAURICE LEMAIRE

MINISTRE DE LA RECONSTRUCTION ET DU LOGEMENT

POUR I/INAUGURATION DU MfeDAILLON DE HENRI POINCARE

AU LYC&E DE NANCY,

C'est un grand honneur qui m'^choitaujourd'hui que d'inaugurer au nom du Gouvernem,ent 4e la Re'publique, en cette ville de Nancy, ce m^daillon a la

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me'moire de 1'illustre Lorrain, Henri PoiNCARfi, Pun des plus parfaits cerveaux de I'humanite', Fun des plus grands serviteurs de la Civilisation.

Ce grand savant nous de'passe de si haut qu'il eut e'te' pre'fe'rable sans doute de nous incliner en silence devant son souvenir pour mieux songer a la somme de ses travaux et des apports a la Creation dans les temps modernes.

Aussi pe'ne'tre's que nous le sojons de 1'ampleur de son oeuvre qui a marque' le monde dans tout le domaine de la Pense'e et dans toutes les Disciplines id^ales du Ge"nie qu'il s'agisse de la Mathe"matique, de la Philosophic ou de la Litte'rature, nous voulons tout d'abord retrouver la personnalite' infiniment humaine qui 1'incarne avant de rappeler a grands traits son ceuvre gigantesque, dont nous ne saurions pr^voir les consequences qui surviendront encore a coup sur jusque dans la vie de nos petits enfants.

Quand je dis qu'en tant qu'homme Henri POINCAR£ 6tait infiniment humain, ce n'est pas vous, mes chers compatriotes, qui me de"mentirez. Vous connaissez tous, 1'exemple familial de tendresse et de bonte' que fut sa vie prive'e, parall&- lement asa vie sociale qui elle, fut un exemple de de'vouement a la Science, a la Nation et a la cause incertaine de tous les peuples de la terre dont les guides attendaient les Oracles.

Je ne reprendrai pas sa biographic dans le detail. D'autres, naguere, ont fait mieux que je ne saurais pour vous en instruire. Certains de ses anciens condis- ciples du lyce"e de Nancy, certains de ses anciens camarades des Grandes lilcoles ou de ses anciens collegues de 1'Enseignement Supe'rieur, et surtout sa soeur, Mrae £mile BOUTROUX, qui nous fit present de M^moires fideles, vous ont cont£ de fagon precise et touchante cette existence d'une personnalite' hors de pair comme PHistoire en a peu a nous proposer.

Mais je ne re'sisterai pas au besoin d'e"voquer rapidement les grandes e'tapes de sa carriere prodigieuse avec la fierte' le"gitime d'exalter une pure gloire de chez nous.

II fut, vous a-t-on dit, <c uri enfant pre"coce et docile », un peu efface", r6fl6chi et parfois assez austere. Entr^'au Ijc6e de Nancy en neuvieme, au mois d'Octo- bre 1862, il y poursuivit ses eludes completes, jusqu'aux Mathematiques spe'- ciales, avant d'etre regu a la fois, la m^me anne'e, en 1878, a 1'ficole Normale Sup^rieure et a 1'ficole Polytechnique pour laquelle il opta. Son envoi vers les cimes de rintelligence, de la connaissance et de la d6couverte 6tait pris. Mais si haut qu'il dut s'elever par la suite, il revenait passer r^gulierement et modestement ses vacances ^ Arrancy, chez ses grands-parents maternels, ce H. P. ' 21

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qui montre la suret6 de ses affectueuses attaches a sa famille et a sa Lorraine natale dont il ne perdit jamais jusqu'a son dernier jour le sentiment ni le souci. II avait v£cu les affres de Poccupalion de 1870-1871 et partag^ les mis&res qui s'&aient ensuivi; il avail assist^ a Pexode d6scsp£r£ des Alsaciens refusant la condition que leur apportait la d^faite : autant de chocs, autant de sources de trouble et de douleur sur quoi s'enracina solidement son patriotisme fervent.

D'ailleurs, ce patriotisme qui Panimait du plus profond de Iui-m6me, il Phabitait du plus lointain des ages, Henri PoiNCARfi le tenait en effet, d'une lign£e magnifique de notables, cultiv^s et laborieux, ggalement distingues a titres divers et qui, depais le xvin6 siticle £tablis dans notre Pays, incarnaient les vertus de notre race. Ges verlus, quant a lui, il les poss^dait toutes; et la rigueur de son raisonnement, Pextraordinaire puissance de son estimation des valeurs, n'^taient peut~6tre que Pexpression g^niale du robuste bon sens des gens d'ici.

L'fecole Polytechnique Pamena a celle des Mines ou s'6panouirent encore, a Padmiration de ses maitres, les dons d'intuition et d'imperturbable m^moire qui Pavaient fait remarquer au cours de ses Etudes ant^rieures. Mais il commen- cait seulement a £tonner son entourage. Apr&s une br&ve activity administra- tive a Vesoul comme ing*6nieur ordinaire charg^ de Parrondissement min6ralo- gique, puis comme attach^ au contr6le de Pexploitation des Chemins de fer de PEst ou ses chefs constatent « son sang-froid exemplaire et son amour du devoir », il devient docteur 6s sciences mathtSmatiques apr^s avoir brillamment soutenu, a Paris, en 1879, une th&se : Sur V integration des equations au$ d£rivees partielles a un nombre quelconque tfinconnues] et c'est ainsi que le ier d^cembre de la m6me ann^e il est mis a la disposition du Minislre de Plns- truction Publique, pour 6tre charg^ du cours d'Analyse a la Facult6 de Caen. Puis, successivement nomm6 en 1881 Maitre de Conference a la Faculty des Sciences de Paris et en i885 charg^ du cours de M^canique physique, il sue- c^dait en 1886 a Pillustre Professeur LIPPMANN dans la Chaire de Physique math'dmatique et Calcul des probabilit^s. Alors, parall^lement aux lecons qu'il dispense avec la g6n6rosit6 qui le caract6rise, ilentreprend son ceuvre de savant qui embrassera les Math6matiques pures, la M^canique et PAstronomie, la Physique, la G^od^sie, la Philosophic et la Literature sous la forme la plus s&rieuse qui fut celle de PASCAL; et je ne citerai a ce propos qu'une pens^e de Henri PoiNCARfi qui, dans sa simplicity vaut et rejoint cellos de son prestigieux devancier : « Dans la lutte de la vie il fattt deux choses », a~t-il ^crit au sujet

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de la pr^tendue faillite de la Science : « des armes et du courage; la Science nous apromis des armes et elle nous les a donn^es; si nous n'avons pas le cou- rage de nous en servir, ce n'est pas elle qui fait faillite, c'est nous. . . ».

Ainsi 1'ceuvre dclatante d'Henri POINCAR& qui semble s'ordonner autour de la th^orie des Equations diflferentielles et des Equations aux d^rive'es partielles, recouvre en r£alit6 1'ensernble du domaine de la pens£e, en allant de la specu- lation th6orique aux applications les plus audacieuses du Calcul. En cela, seule « la recherche de la verity » Fa guid6 sans cesse; la recherche do la verity dont il a dit au d<3but de 1'introduction de son Ouvrage intitule : La Valeur de la Science, qu'elle « doit <Hre le but de notre activity eL 1'unique fin qui soit digne d'elle ». Car il est indispensable en eiFet, qu'en dehors de la foule qui ne con- coit que 1'utile, et m6me pour quo le salutde cette foule soit assur6, il y ait des hommes d'^lite qui conservent la tradition de la culture d(3sinl^ress6e. « Us y trouvent », formule encore POINCAR£, « des jouissances analogues a celles que donnent la peinture et la musique. Us adinirent la delicate harmonie du nom- bre et des formes, ils s'emerveillent quand une d^couverle Icnr ouvre des pers- pectives inattendues, et la joie qu'ils 6prouvent 'n'a-t-elle pas le caract^re esth^tique, bien que les sens n'y aient aucune part? » Mais si la Science n'a pas £t£ cr6ee uniquement en vue de 1'aclion, si la v6rit6 doit pr^c^der 1'utilit^, comme le pensait Henri PomcARfi, bien des entrep rises qui ne semblaient d'abord que des jeux abstraits de Fesprit n'en sont pas moins a Forigine des inventions qui ont boulevers<3 le monde.

Dans le temps que s'^difiait ce monument scientifique magistral, qui ouvrait a son auteur la porte du Bureau des Longitudes en 1898 apr&s son Election a FAcadfJmie des Sciences en 1887, il renouvelait la Philosophic par une s^rie de travaux justement c6l6bres r6unis aujourd'hui en quatre volumes : La Science et rHypothese ; La Valeur de la Science ; Science et M6thode; Derni&res pens£es qui le conduisirent tr^s naturellement ^ FAcad^mie Frangaise od il fut regu le 5 mars 1908 par Fr£d6ric MASSON.

Quiconque poss&de une bonne culture connait maintenant ces Ouvrages. A leur lecture on voit que le litt^raire, FeScrivain, n'ont rien a envier par la hau- teur des iddes et par la tenue du style, au mathe^maticien. De toute Evidence Henri POINCARB n'a point 6prouv£ la moindre difficult^ a ^crire. On sent qu'avant de naitre la phrase £tait en place dans sa pens^e qui n'6tait que clart6, et que la phrase £tait d6finiiiee.

Le style chez Henri POINGAR^ est simplement Fexpression raisonnable d'une

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connaissance ; si bien que le lecteur, m&me non competent, s'il ne le comprend pas c'est qu'il ne fait pas 1'effort elementaire que requiert tin minimum d'atten- tion en vue de comprendre n'importe qui. RENAN affirmait que les « vrais savants ecrivaient d'instinct un langage cliatie ». Combien les textes de Henri PoiNCARfi lui donnentraison ! Ges textes ou les mots sont autant de traits delies, autant d'evocations precises dont Pensemble constitue, en definitive, un chef- d'oeuvre d'harmonie. Et comme on comprend, en lisant POINCAR£, cette saillie de CCVIER qui disait : « Le savant n'est qu'un artiste qui s'ignore, mais un artiste qui, en plus, sait des choses » . . . .

Cependant, il ne faudrait pas que 1'ampleur de sa production scientifique, philosophique et litteraire fit oublier 1'ceuvre morale et sociale de Henri POIN- CAR£. Si a aucun moment il n'appartint a un parti politique, il avait ses idees arr£tees sur toutes les questions qui pouvaient se poser an Parlement ou au Gou- vernement.

Comme il n'avait pas de doctrine, precongue, non plus que de ligne d'inter- pretation etablie par une politique determinee, il arrivait que ses idees fussent d'accord tantdt avec les opinions d'un parti, tantot avec celles d'un autre. Les preoccupations p6dagogiques d'une importance capitale dans une democratic tiennent chez lui une place privilegiee, et les avis qu'il nous a kisses sur ce plan attestent les roles moral et social considerables qu'il a joues. Ainsi, au Musee Pedagogique, en 1904, il fit une conference sur Les definitions gene- rales en Mathematiques. Dans la Revue de FEnseignement il publia des quantites d'articles, dont un sur La Logique et un sur L1 Intuit ion dans FEn- seignement qui eurent des echos retentissants. Ce grand homme, cet bomme dont on dit peu en le qualifiant de superieur, ne manqnait jamais une occasion de donner un conseil, de developper une remarque par la parole ou par la plume au profit des Maitres de tous rangs, s'adressant s'il le jugeait utile aux instituteurs comme aux agreges ou professeurs de Facultes qu'il traitait vrai- ment en « collogues », sans distinction. En cela encore son obligeance et sa modestie triompbaient.

Tel fut ce penseur, ce savant, ce citoyen. Une vie exemplaire,-regulierement appliquee a la meditation, detendue par les joies de FArt, au sein d'une famille parfaitement unie qui s'appliquait a faciliter le travail barassant de son chef aime et respecte, etparmi des confreres, des collogues, des el&ves, des disciples tous fervents admirateurs d'une oeuvre impressionnante, d'un homme simple et bonr tout promettait a Henri PoiNCARfi une vieillesse longue et heureuse. Helas 1

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A la suite d'une intervention s^rieuse mais sans gravity une embolie terrassa le malade en pleine convalescence, le 17 juillet 1912. A la stupeur d6sesp£r£e du monde entier « le cerveau vivant des sciences rationnelles », g^mit alors PAINLEV£, « avail cess6 de vivre ».

Mesdames, Messieurs, que ce simple m^daillon tel qu'il Taurait aim£ et que nous devons au remarquable talent deMmoNAGEOTTE, perp^tuel'illustre m^moire de Henri PoiNCARfi dans les generations futures, tel est le vosu le plus clier que je forme aujourd'hui, de coeur avec vous, en un 6lan unanime de reconnaissance et d'admiration.

fiTUDE DE M. GASTON JULIA.

POUR I/ASSOCIATION DES ANCIENS EL&VES DU LYCEK DE NANCY.

Henri Poincare, sa vie et son ceuvre.

La Lorraine c6l&bre aujourd'hui la naissance d'un de ses plus illustres fils.

Henri POINCAR^ nait a Nancy le 29 avril i854, d'une famille qui a donn6 a la France plusieurs hommes ^minents. Son pere, neurologue et professeur a la Facult6 de M6decine, et son grand-p&re, pharmacien, ont Iaiss6 tous deux te souvenir d'esprits tr^js distingu6s. La souche maternelle est, elle aussi, pure- ment lorraine et Henri POINCARJ& reconnaissait en sa grand-m^re maternelle un don r£el pour les Math6matiques. Et Ton saitque 1'oncle Antoni POINCAR£, Ins- pecteur g6n6ral des Fonts et Chauss^es, eut deux fils : Raymond, Pr6sident de la R^publique et President du Conseil ; Lucien, physicien tr&s connu qui fut Recteur de l'Universit6 de Paris.

Henri PomcABjfc fut un enfant pr^coce et docile, Dou£ d'une vive intelligence, et devenu grand liseur apr&s une dipht^rie grave qui 1'immobilisa longtemps, il n'oubliait rien de ce qu'il lisait ou entendait, dans le cercle de savants, d'universitaires, de poly technfci ens qui entourait sa famille.

11 entre en neuvi&me au Iyc6e de Nancy au mois d'octobre 1862, apr£s avoir appris le rudiment de 1'Inspecteur primaireHiNZEUN. Ilyresterajusqu'en 1878, Fannie de son admission a 1'ficole Polytechnique, et il passera r^guli&rement ses vacances a Arrancy chez ses grands-parents maternels. II sera constamment un. ^l^ve exceptionnel et dominant son travail. Enfant, il fait ses devoirs dans le salon ou sa m&re regoit, et tantdt participe a la conversation, tantdt s'isole pour r^diger ses reflexions. D'un caract&re tr^s doux, il partage volontiers les

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jeux de ses camarades, mais ne re"ussit brillamment que dans ceux ou prime Intelligence. A 1 1 ans, au cours d'une excursion, il explique a ses camarades redho de Ramberchamps. II aime les charades, les petites saynetes, la danse.

Sa vocation mathematique se dessine en quatrieme et devient bientot impe'- rieusc, sans nuire a ses Etudes classiques au dire de son professeur de Rheto- rique. Le 5 aout 1871 , il est bachelier es lettres avec mention bien ; en novem- bre 1871, il est bachelier es sciences avec mention assez bien, apres avoir failli echouer a Pecrit pour sa composition de Mathe'matiques.

En Mathematiques elementaires, il montre ses exceptionnelles qualite's en enlevant le premier prix du concours general, et il est regu le a 1'Ecole forestiere en juillet 1872.

Octobre 1872, il entre en Spe'ciales, chez ELLIOT, avec Paul APPELL et GOLSON : ficoutons COLSON : « Des la premiere lecon, le nouvel eleve sortit de sa poche un fa ire-part d'enterrement en guise de cahier de notes. Nous crumes a un oubli ; mais les jours suivants nous le vimes avec stupefaction griffonner

quelques lignes sur la m&me feuille fividemment le nouvel e'leve n'etait

pas se'rieux. II fallait s'en assurer. Gar, enfin, il avait eu le premier prix au Concours ge'ne'raL On lui de'le'gua un vieil e'leve de quatrieme anne"e pour lui demander une explication sur un point qui avail paru particulierement obscur. PoiNCARfi la donna imme'diatement, sans r^flt5chir une minute, et partit en laissant son interlocuteur* et les te'moins dans un tel e"bahissement que Fun d'eux se demanda : comment fait-il ? ».

Et APPELL : « Des les premieres interrogations en classe, sa superiority apparut £clatante : il r^pondait aux questions en supprimant les raisonnements interm^diaires, avec une brievete" et une concision telles, que le professeur lui demandait toujours de d^velopper ses r^ponses ». Et ELLIOT dit a son ami LIARD : « J'ai dans ma classe, a Nancy, un monstre de Math6matiques, c'est Henri POINCAR£ ».

Apres la classe, longues de"ambulations pour* accompagner a Malz^ville ses amis, HENRY, HARTMANN, en passant par les portes de la Craffe et de la Citadelle, puis revenir chez lui, 6, rue Lafayette toujours accompagne' d'AppELL. Nancy etait occupee ; on vivait dans le souvenir de 1'Alsace-Lorraine perdue. Au debut de la guerre, Henri POINCARE, age de 16 ans, avait vecu Finvasion et ses hor- reurs, dans les ambulances d'abord, ou il accompagnait son pere ; plus tard au cours d'un voyage avec sa mere et sa sceur, il atteignit Arrancy, ptes de Saint- Privat, apres avoir traverse plusieurs villages incendies ; il y trouva les grands-

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parents souffrants dans la maison familiale devastee. . . . Jamais Henri POINCAR£ ne devait oublier ce voyage et 1'on comprend qu'il soil devenu le patriote conscient et ardent, 1'acharne travailleur qu'il fut toute sa vie. Mais, comme il fallait s'instruire et ne pas oublier, il apprit d'abord tout seul 1'allemand, pour pouvoir lire les nouvclles dans les seuls journaux qu'il eut a\ sa disposition.

II travailla enormement pendant son anne'e de Speciales, lisant et meditant Joseph BERTRAND, DUHAMEL, CHASLES, ROUCHK. Ses apercus synthetiques et ses solutions geornetriques etaient c6l£bres. Sa maladresse au dessin ne 1'etait pas moins, et 1'on connait les anecdotes plaisantes qu'AppELL nous a transmises a ce sujet.

En juillet 1878, il enleve le premier prix de matlie'matiques au Concours general, et voici ce que le correcteur, ROLLIER, declare a. son ancien professeur : « Vous avez a Nancy un thieve de Mathernaliques speciales extraordinaire; c'est moi qui ai corrige les compositions du Concours general de Mathematiques ; eh bien ! lors m6me que POINCARE cut fait des fautes de calcul, qu'il n'eut point acheve sa copie, je 1'aurais encore place" premier hors ligne. . . rien que pour la facon dont il avait pose' la question ».

Au concours de 1'ficole Polytechnique, il se classe icr sans difficulte, malgr6 des notes lamentables en dessin et en lavis, qu'expliquent en partie sa hate de quitter la salle pour assister a Fentree des troupes frangaises a Nancy le jour de la liberation.

Ses examens oraux sont rest^s c^bres : La salle 3tait comble .... II parlait lentement, s'arr^tant, fermant parfois les yeux, demandant la permis- sion d'interrompre sa demonstration pour en essayer une autre . . . , puis s'6criant : « non, decid^ment, j'en reviens a ma premiere demonstration, plus courte et^plus elegante ... ». L'examinateur etait emerveille. Chez TISSOT, sur une question de Geometric elementaire, il fournit coup sur coup trois solutions du probl^me et obtient le maximum.

A 1'ficole Normale Superieure, moins heureux, il ne fut classe que 5e, et nous le retrouvons a 1'ficole Polytechnique en octobre 1878.

II ne prend aucune note aux cours. Mais il ecoute; il reflechit, et il travaille en se promenant dans les couloirs. M^me aux recreations il peut s'isoler en pensee tout en deambulant bras dessus, bras dessous, avec ses camarades de Nancy. Des sa premiere annee, il publie dans les Nouvelles Annales de Math&matiques une elegante methode geometrique d'etude de la courbure des surfaces. II reste encore tr&s faible au dessin et aux exercices physiques*

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Et son habitude de n^gliger les interme'diaires lui vaut une note mediocre a 1'examen de sortie de Ge'ome'trie et Ste>6otomie, chez un examinateur moms perspicace que TISSOT.

Sorti 2e de 1'Ecole Poly technique, il enlrc a 1'ficole des Mines en octobre 1870; il s'y prepare consciencieusement au melier d'ingtoieur et il so classe a la sortie de 1'ficole en mars 1879. ^n 1'envoie a Vesoul du icr avril au ier de"cembre 1879. A cette date, il est de'tache comme charge de cours a la Faculte des Sciences de Caen, et, s'il continue de figurer sur les controles du Ministere des Travaux Publies, comme inge"nieur ordinaire, puis inge"nieur en chef (i8g3), puis inspecteur ge"ne"ral des Mines (1910), il deviendra en fait 1'universitaire ct le savant le"gendaires dont nous allons maintenant parler.

C'est que, durant sa scolarit6 a l'e"cole des Mines il a repris ses e"tudes et ses reflexions sur un plan plus eleve", il a pris conscience de sa vocation de savant.

Le re'sultat de ce travail, c'est sa these de doctorat Sur les proprietes des fonctioTis definies par les equations aux differences par tielles, qu'il soutient le ier aout 1879. « Ce qu'il faut admirer surtout dans ses debuts, dit DARBOUX, c'est la decision. , . 1'audace avec laquelle il s'adresse aux questions les plus e'leve'es, les plus difficiles et les plus ge'ne'rales. II va droit aux problemes les plus importanjts, les plus essentiels ».

11 revient a Paris comme Maitre de Conferences d'Analyse en octobre 1881. II est charg<5 du cours de Me"canique physique en mars i885 puis titiilaris6 dans la chaire de Physique mathe'matique et Calcul des probabilit^s en aout 1886. Apres la mort de TISSERAND en novembre 1896, il prend la chaire d'Astronomie math6matique et de M^canique celeste, qu'il occupera jusqu'a sa mort. II devient Membre du Bureau des Longitudes le 4 Janvier 1898. Re'pe'- titeur d'Analyse a 1'ficole Polytechnique de i883 ^ I897, puis Professeur d'Astronomie g6n^rale de 1904 a 1908, il assure b^n6volemeat le service de cette chaire pour qu'elle ne soit pas supprime'e. Depuis 1902 il occupe la chaire d'£lectricit6 th^orique de 1'ficole Sup6rieure des P. T. T.

Le 3 1 Janvier 1887, il est e"lu Membre de la Section de Ge'ome'trie de rAcade"mie des Sciences, qu'il pr£sidera en 1906. Le 5 mars 1908, il entre a rAcade"mie Frangaise.

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Une carriere aussi exceptionnellement brillante se jastifiait par une oeuvre eclalante, qui recouvre a peu pres tous les domaines des Mathematiques et de leurs applications et qui semble-t-il, s'ordonne autour de la theorie des equations differentielles, et des Equations aux derivees partielles.

Aussitot apres sa these, aimantee par les travaux remarquables, mais incomplets, que FUCHS vient de publier sur les Equations differentielles lineaires du deuxieme ordre, POINCAR£ s'attaque a V integration de toutes les equations differentielles lineaires a coefficients algebriques; et ce probleme, d'une gene>alite et d'une difficult^ encore insoupconne'es, il va le r^soudre completement. II commence par une generalisation des fonctions periodiques (fonctions circulaires ou elliptiques, dont SCHWARZ avait donne" un exemple particulier qui, probablement, retarda Felix KLEIN plus qu'il ne le servit dans la generalisation qu'il cherchait, lui aussi). POINCA.R£ ignore SCHWARZ, mais ajant compris toute la puissance de Fidee de FUCHS, elle-m&me inspiree de celle d'ABEL, il aborde la question par la voie la plus generate : il cons- truit a priori les groupes discontinus les plus generaux, et en homnaage a FUCHS, il les appelle groupes fuchsiens] il construit les fonctions me"ro- morphes invar iantes par les substitutions d'un tel groupe, les fonctions fuchsiennes , et il obtient (comme dans le cas particulier des fonctions elliptiques) la cle du monde algebrique, car :

deux fonctions fuchsiennes de m^me groupe sont lie"es par une relation algebrique ;

re"ciproquement, les coordonnees d'un point d'une courbe algebrique quelconque s'expriment par des fonctions fuchsiennes d'un m&me parametre;

1'integrale generale de 1'equation difFerentielle lineaire a coefficients algebriques d'un ordre quelconque s'obtient par les fonctions zetafuchsiennes.

Simultanement, il approfondit la nature et la forme des inte"grales reelles d'une equation differentielle a coefficients reels] il reconnait 1'importance fondamentale des points singuliers, qu'il classe en cols, nceuds, foyers, eventuellement en centres', il met en valeur le role primordial des cycles limites et des integrates fermees ou p&riodiques, qui reparaitront dans ses recherches ulterieures de Mecanique celeste et jusque dans la technique moderne des oscillations non lineaires.

Une telle osuvre justifiait d<5ja Fappreciation dc Canaille JORDAN : « elle est au-dessus des eloges ordinaires et nous rappelle invinciblement ce que JACOBI H. p. 22

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ecrivait d'AcEL, qu'il avail resolu des questions qu'avant lui personne n'aurait ose imaginer ».

C'est alors que le Roi OSCAR II de Suede, ayant mis au concours pour 1889, une etude sur le probleme des trois corps, H. POINCARE, bien prepare par ses propres travaux sur les Equations differentielles, attaque le probleme par des voies nouvelles, et WEIERSTRA.SS, couronnant son M&noire conclut : « ce Memoire. . . est sans contredit un travail de haute porte'e. . . ; il est d'une telle importance que sa publication ouvrira une ere nouvelle dans 1'histoire de la Mecanique celeste; . . . il comptera parmi les plus importantes productions mathematiques du siecle. . . ».

A partir de la, POINCAR^, dont la renomme'e gagne le grand public, ne cesse plus de s'interesser a la Me'canique celeste. Les nombreux cours qu'il lui consacre en Sorbonne, et dans lesquels les decouvertes essentielles ne se comptentplus (telles les equations aux variations^ les invariants integraux), aboutissent a ses Methodes nouvelles de la Mecanique celeste: puis a ses Lecons de Mecanique c&leste, a ses Lecons sur les figures d:equilibre d^une masse fluide, enfin a ses Lecons sur les hypotheses cosmogoniques. Dans le m6me temps, il n'est guere de domaine math^matique ou physique que POINCARB n'ait abord6, arme" comme il Test pour tout comprendre. G'est, par exemple, toute une s^rie de livres exposant ses cours de Physique mathe'- matique de Sorbonne : Calcul des probability, Thermodynamique, Elec- tricity, Optique, Elasticity, Th^orie de la lumi&re, Oscillations 6lectriques, Propagtion de la chaleur. Sur demande de 1'ficole Sup^rieure des P. T. T., il donne aussi plusieurs series de cours techniques sur liquation des L6l^gra- phistes, le r6cepteur t6l6phonique, la telegraphic sans fil.

C'est qu'il pense, avec Joseph FOURIER, que « 1'^tude appro fondie de la Nature est la source la plus feconde des d^couvertes mathematiques ». Et cette 6tude le conduit effectivement a la belle methode dite de balayage, pour la re- solution du probleme de DIRICHLET, puis a la demonstration de 1'existence de tous les harmoniques d'une membrane tendue, par une methode qui precede la ce- l&bre methode deFREDHOLM pour la resolution des equations integrates lineaires.

C'est aussi par ses recherches sur les equations differentielles et sur les solutions periodiques, et par ses recherches algebriques, que POINCAR^ est conduit a ses recherches fondamentales de Topologie, condensees en six Memoires sur V Analysis Situs dans lesquels il se montre un des pionniers les plus puissants de cette science nouvelle, actuelleraent en plein essor.

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Dans le temps que se construisait cette ceuvre scientifique si vaste, si solide et si variee, les meditations de POINCARE le conduisaient a renouveler la philo- sophie scientifique par une serie de travaux justement celebres, aujourd'hui reunis dans quatre volumes que tout le monde a lus : La Science et VHypo- these, La valeur de la Science, Science et Methode, Dernieres pensees.

Ces titres indiquent bien, en gros, le contenu de ces Ouvrages, ou se trouve en quelque sorte degagee et fixee la methode des sciences exactes, en particulier celle des Mathematiques, le sens et le role des postulats ou des axiomes de la Geometrie, 1'importance du raisonnement par recurrence, ou de 1'induction, la valeur et le role des hypotheses et des postulats en Meca- nique, en Physique.. '. . Le quatri&me volume, posthume, rev&le aussi les preoccupations morales qui ne furent jamais absentes de la conscience du grand savant. Ces quatre volumes, plus que toute son ceuvre scientifique pro- bablement, ont rendu familier au grand public le nom d'Henri POINCAR£.

Devant Fampleur d'une telle ceuvre (plus de 5oo Memoires ou Volumes) on peut se demander par quel miracle elle put £tre realisee en si peu d'annees. En realite, elle resulta d'abord de 1'active veritablement incessante de 1'esprit d'Henri POINCAR^, de son intuition prodigieuse, de la rapidite de son assimi- lation et de ses conceptions, mais aussi de la regularity exceptionnelle de sa vie, que son neveu Pierre BOUTROUX nous a fait connaitre dans une lettre a MITTAG-LEFFLER. « II pensait dans la rue lorsqu'il se rendait a la Sorbonne, lorsqu'il allait assister a quelque reunion scientifique, ou lorsqu'il faisait apr^s son dejeuner une de ces grandes marches a pied dont il etait coutumier. II pensait dans son antichambre, ou dans la salle des seances de 1'Institut, lorsqu'il deambulait a petits pas, la physionomie tendue, en agitant son trousseau de clefs. II pensait a table, dans les reunions de famille, dans les salons m6me, s'interrompant souvent brusquement au milieu d'une conver- sation, et plantant la son interlocuteur, pour suivre au passage une pensee qui lui traversait 1'esprit. Tout le travail de decouverte se faisait mentalement chez mon oncle, sans qu'il eut besoin, le plus souvent, de controler ses calculs par ecrit ou de fixer ses demonstrations sur le papier. II attendait que la verite fondit sur lui comme le tonnerre, et il comptait sur son exellente memoire pour la conserver ».

D'autre part « Au lieu de suivre une marche lineaire, son esprit rayonnait

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du centre de la question qu'il etudiait vers la pe'riphe'rie. De la vient que dans Fenseignement et m&me dans la conversation ordinaire, il etait souvent difficile a suivre ct parfois semblait obscur. Qu'il exposat une the'orie scientifique, ou qu'il contat une anecdote, il ne commencait presque jamais par le commencement, mais ex abrupto il langait en avant le fait saillant, Fe've'nement caract6ristique, on le personnage central, personnage qu'il ii'avait point me'me pris le temps d'introduire et dont parfois son inlerlocuteur ignorait jusqu'au nom )>.

« Cette tournure d'esprit explique comment la pense'e d'Henri PoiNCAiiti a pti £tre si agile et s'appliquer a tant d'objets diffe'rents, comment, par suite, il lui a et(3 possible de satisfaire une curiosite" presque universelle ».

« Habitue" a ne~gliger les details et a ne regarder que les cimes, il passait de Tune a 1'aulre avec une promptitude surprenante et les faits qu'il de'couvrait, se groupant d'eux-m^mes autour de leur centre, e"taient instantane'ment et automatiquement classes dans sa m£moire».

Une osuvre aussi puissante valut a Henri POWCAIU&, de son vivanl, les hommages les plus flatteurs du mondc scientifique tout entier. Apres 1'election a FAcade'mie des Sciences, apr6s le prix du Roi OSCAR II, c'est la me'daille d'or de la Socie'te' Royale Astronomique de Londre, la me'daille Sylvester de la Soci^te* Royale elle-merne, la me'daille Lobatchewsky de la Soci6t<5 Physico- mathe'matique de Kasan, le prix Bolyai de I'Acade'mic Hongroise des .Sciences.... Une longue suite d'Acade'mies on d'Universite"s (5trangeres 1'admettent a titre de membre Stranger, ou de correspondant, ou de docteur Honor is causa. C'est aussi toute une se'rie d'invitations de l'6tranger a exposer ses ide"es et ses travaux, dans un temps ou ces invitations e'taient rarissimes. Henri POINCAR^ les acceptait d'autant mieux qu'il fut un voyageur infatigable et qu'il savait tirer de ses voyages le plus grand profit

Une vie exemplaire, re"gulierement applique'e a la meditation, d^tendue par les joies de Tart, au milieu d'une famille parfaitement unie, s'appliquant a faciliter le travail de son chef; des confreres, des collegues, des eleves, fervents admirateurs d'une ceuvre magnifique et d'un homme simple et bon,

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI ig5/{. 178

tout semblait promettre a Henri POINCAR£ une longue el heureuse vieillesse. H^las !

Des ennuis de sant6 r£p6t6s ne pouvant £tre £cart£s qu'au prix d'une operation chirurgicale s6v£re, mais sans gravity sp6ciale, on la pratique avec succ£s le gjuillet, et le malade 6tait en pleine convalescence lorsqu'une embolie le terrassa le i^juillet 1912.

« Le cerveau vivant des sciences rationnelles » dit alors PAINLEVE, avail cesse de vivre. Et il ajoutait : « ... II a tout p£n6tr^, tout approfondi. Inventeur incomparable, il ne s'est pas born£ a suivre ses inspirations, a ouvrir des voies inattendues, a d^couvrir dans Funivers abstrait des MathtS- matiques mainte terre inconnue. Partout ou la raison d'un homme a su se glisser, si subtils, si h<5riss£s qu'aient £t£ ses chemins, qu'il s'agit de l£l&~ graphie sans fil, de ph^nom^nes radiologiques ou de la naissance de la Terre, Henri PoiNCARfi s'est gliss£ pres de lui pour aider eL prolonger ses recherches, pour suivre le pr^cieux filon ».

. « Avec le grand mathematicien francais disparait done le seul homme dont la penstie fut capable de faire tenir en elle toutes les autres pens^es, de comprendre jusqu'au fond, et par une sorte de d^couverte renouvel^e, tout ce que la pens^e humaine peut aujourd'hui comprendre. Et c'est pourquoi cette disparition pr6matur6e, en pleine force intellectuelle, est un d^sastre ».

L'Acad^mie des Sciences, en e"ditant ses oeuvres completes, a voulu lui Clever le seul monument qui fut digne de lui. Gette Edition, nous Fesperons, sera termin^e pour le centenaire de la naissance de 1'illustre savant. Elle attestera que Nancy et la Lorraine peuvent l^gitimemenl s'enorgueillir de le compter parmi leurs fils.

C.- L'APR£S-MIDI DU SAMEDI 22 MAI 1954 A L'UNIVERSITfi DE NANCY.

A la fin de Fapr&s-midi du samedi 22 mai, FUniversit^ de Nancy honorait la m6moire de Henri PoiNCARfi au cours d'une stance solennelle tenue dans la salle d'honneur de FUniversit6. Cette stance 6tait pr^sid^e, elle aussi par M. Maurice LEMAIRE, assist^ de M. le Recteur CAPELLE.

174 QUATRIEME PARTIE.

Apr&s quelques mots d'introduction dits par M. Gaston JULIA, qui a analyst les raisons qui avaient amen6 Henri POINCARE a se poser la question des fondements de la Science et de la valeur que, en toute rigueur, il fallait leur attribuer, M. Rene POIRIER, Professeur a la Sorbonne a fait une conference sur Henri Poincare et le probleme de la valeur de la Science qui constitue une etude tr£s poussee et tr&s profonde de la pensec de Henri POINCARE et des developpements qu'elle a suscites.

ALLOCUTION DE M. GASTON JULIA

A L'UNIVERSITfi DE NANCY.

MONSIEUR LE MINISTRE, MONSIEUR LE RECTEUR, MESDAMES, MESSIEURS,

Ce quij pour les scientifiques, donne du prix aux Etudes d'Henri POINCARE sur la Philosophic des sciences, c'est qu'elles sont le fait de quelqu'un qui a beaucoup pratique, et avec le plus grand succ6s, les sciences dites exactes. G'est pour la m6me raison que ¥ Introduction a la medecine experirnentale de Claude BERNARD est, dans un autre domaine, un document d'une inesti- mable valeur.

Essajons de comprendre pourquoi Henri POINCARE devait &tre amen^ a de telles Etudes.

II commence ses immortels travaux mathb'inatiques dans une p^riode ou s'eclaircit le myst^re de la Geometrie noji euclidlenne qui pr^occupe depuis si longtemps les ge'om&tres. BOLYAI et LOBATCHEWSKY, ignorant d'ailleurs les travaux non publics de GAUSS, ont donn6 des constructions logiques, et sans contradiction apparente, de G^omeHrie non euclidienne ou le postulatum d'EucLiDE n'est pas vrai; CAYLEY, KLEIN et RIEMANN en donnent des images representatives tr^s simples.

L'une de ces representations, qu'il a d'ailleurs fortement amelior^e, lui sert d'instrument fondamental pour la construction de ses groupes fuchsiens.

C'est aussi le temps ou Sophus LIE a pos6 les bases de sa theorie des groupes continus de transformation, et ou Felix KLEIN a montr6 que chaque type de Geometrie, c'est-a-dire d'etude d'une classe de proprietes des figures,

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI 1964. I?5

esll'&ude des proprieties de ces figures qui reslent invariantes pour les transfor- mations d'un certain groupe caracterisa?it la Geometric. La Geometrie projective, traitee par PONCELET, inde'pendamment de la notion de groupe, avail d'ailleurs familiarise les esprits avec ces ide'es et monlr6 le role fonda- mental de 1'invariant caracte'rislique appelt5 rapport anharmonique de quatre points en ligne droite.

D'autre part, la reprise, sur des bases logiquement plus siires et plus ge'ne'rales, de la construction d'EucuDE a de'ja provoqu^ de nombreux travaux, qui aboutiront \ers 1900 au livre fameux d'HiLBEirr sur les Fondements de la Geometrie.

En Analyse, les critiques, par WEIERSTJUSS et Du BOISREYMOND, des notions anie'rieurement admises par RIEMANN et d'autres, sur des bases, plus ou moins intuitiveSj provoqucnt une floraison de recherches, notammenlsurlej?ro&fc?7tt£ de DIRICHLET (ct celles d'Henrt POINCARE lui-me'me), jointes aux recherches sur la theorie des ensembles de CANTOR, de Gamille JORDAN, de leurs disciples francais BOREL, BAIRE et LEBESGUE ; toutes ces recherches ont affirm 6 une prise de conscience plus precise de la ne'cessit^ de reconstruirc les Mathe'matiques sur des bases logiques sures, a partir des 6l6ments el des resultats livrt^s par 1'exp^rience et 1'inluition.

En Aslromomie, POINCAR£ fait la critique des m^thodcs anciennes, jusqu7 alors pratiquement suffisantes, mais doui plus d'une est maih^maliqucment

Quant a la Physique, l'6poque 1870-1900 est, comme on sait, une de bouversements et d'essor constructif extraordinaire, ou les anciennes et nouvelles theories sont constamment remises en question et de"roilent pro- gressivement leurs points faibles a la lueur de fails nouveaux.

Get apergu a grandes lignes du climat scientifique dans lequel Henri PoiNCARfi accumule ses immortelles d6couvertes explique qu^il ait e'te' force', a chaque instant, de s'interroger sur la valeur des me'thodes employees, sur le role des hypotheses faites, et d'abord sur la mise sous forme explicite de ces hypotheses elles-m£mes, parfois implicitement ou confuse'ment admises, sur le role des postulats, des conventions, de la « commodity ». On s'explique ainsi qu'il ait ^t6 conduit a analyser les raisonnements employe's eux-m£mes, Tordonnance et le role des chaines de syllogismes dans la conduite d'une demonstration.

Les ide"es et les techniques qu'il a ainsi de'gage'es d'une pratique personnelle

176 QUATRIEME PARTIE

constante et infmiment heureuse de la recherche math^matique ou physique, et de la profonde comprehension qu'il eut des recherches des autres, sont celles qu'il a exposes dans ses livres de Philosophic scientifique, et c'est pourquoi nous attachons a ces livres un grand prix.

Sans doute, on a e"te", depuis 5o ans, beaucoup plus loin que lui dans la finesse des analyses et dans les constructions purement logiques de la Ge'ome'trie, de PAnalyse, et de FArithme*tique, qui d'ailleurs Finte*ressaient moins que Fe"tude des ph^nomenes de la Nature. Mais, d'une part c'est la destin^e des chercheurs d'etre d^pass^s par leurs disciples, et d'autre part c'est bien souvent en s'appuyant sur lui que Fon a pu le contredire ou le critiquer.

M. le Professeur POIRIER va nous dire ce qu'Henri POINCARE repr^sente, a Fheure actuelle, pour les philosophes. Pour les mathe'maticiens, il reste un maitre a peiiser que nous aimons a placer a cot6 de DESCARTES et de d' dans le Pantheon de ces philosophes qui ont rendu clairs a tous, les £l de pens^e inclus dans les me"thodes que nous employons tous les jours.

CONFERENCE DE M. R. POIRIER

A L'UNIVERSITE DE NANCY.

Henri Poincare 'et le probleme de la valeur de la Science.

II est a la fois facile et difficile de parler de la philosophic de Henri POINCARE. Sa pens^e est en effet si precise et si claire, elle s'appuie sur des exemples si lumineux et si frappants, dans leur simplicity, qu'a la r^exposer, on craint de Fabimer et qu'on pr^fererait souvent citer. Elle est, par ailleurs, dans F ensemble, demeur6e fiddle a elle-m6me; tout au plus a-t-elle £vit6 sur le tard certaines formules que des lecteurs enthousiastes avaient mal inter- pr^t^es. Elle est bien d6limit6e : Henri POINCARE a voulu s'en tenir a quelques sujets ou son autorit^ est incomparable : le raisonnement math^matique, la th^orie de Fespace, la valeur de la th^orie physique. Et il est malheureu- sement mort pr^matur^ment , alors que les grands crdateurs comme lui attendent souvent la vieillesse pour philosopher, au sens le plus large.

Ses theses sont avant tout critiques et mod£r6es, et Fon oublie parfois qu'elles sont de lui, tant elles semblent exp rimer la raison impersonnelle, ,

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI IQ54- 177

quJ se revile par la Science. Sur ce point, il fait a Henri BERGSON une rernarquable antith&se : c'est qu'il y a en Philosophic deux families de tr&s grands esprits. Les uns sont grands parce qu'ils representent avec une force et une audace extremes des problSmes, des methodes, des types de solutions, qui nous obsSdent, une aventure intellectuelle a laquelle nous ne pouvons renoncer, en depit d'eternels echecs, une sorte d'essence de notre inquietude et de notre ideal intellectuel. Us nous ouvrent la route vers les sources et, m£me si cette route se revile impraticable ou nous ram&ne en arri^re, leur explora- tion aura etc feconde, ils nous auronL ouvert un chemin que nous reprendrons tot ou tard, avertis par leur exemple. Nous pouvons rejeter leurs solutions, juger leur position intenable, leur souffle nous inspire et nous pensons par eux, alors m£me que nous croyons penser centre eux. On pent rejeter la liberty bergsonienne, la distinction des deux memoires, la percep- tion sur les choses, 1'intuition de la dur£e, le role d'ecran du cerveau, la gen&se ideale de la mali&re a partir de 1'elan vital, BERGSON reste vivant en nous, comme DESCARTES dont chaque theorie est vulnerable et dont 1'oeuvre est incomparable.

D'autres, au contraire sont grands parce qu'ils ont raison et ils constituent ces places fortes ou 1'esprit se replie, apr6s une aventure intellectuelle, et d'ou il pourra repartir. Ils representent en general un rationalism e critique et nous enseignent une verite definie, directe, solide a laquelle on ne peut reprocher en general que d'etre partielle. Tel fut Emmanuel RANT et, tout pr6s de nous, Henri POINCAR& lui-m&me. Nous voudrions montrer comment la doctrine de celui-ci reste valable pour nous et comment nous revenons toujours a elle. Nous consid6rerons ici ses id^es sur la valeur de la Science et principalement de la theorie physique.

Ces id^es se sont traduites, dans ses premieres etudes, en des formules bien connues : la verite-commodite, le caractt^re conventionnel des principes, les lois comme definitions deguis^es, Inequivalence des hypotheses et des theories.

Les theories physiques, dit-il, ne pretendent pas toucher la texture profonde de la realite, pas plus que nos jugements sur la couleur ou le son ne pretendent exp rimer la nature specifique et individuelle de nos sensations, et nous ne saurions atteindre la substance des phenom&nes, mais seulement leurs rapports objectifs et communicables. Elles reposent sur un ensemble d'hypoth&sesj constituant un langage dont les concepts sont le vocabulaire H. P. 23

1 78 QUATRIEME PARTIE.

et les lois de la syntaxe. Prises en elles-m£mes, ces hypotheses ne sont que des conventions, dont les plus fondamentales constituent, plus ou moins explici- tement, la definition m6me des objets theoriques qu'elles font intervenir. Prises, par contre, dans leur valeur objective, ellcs ne se justifient que soli'dai- rement, et par leur valeur experimental. Si Ton modifie 1'uiie d'elles, il faut correlativement modifier les autres, si bien qu'aucune d'elles n'est separement verifiable, ni vraie, mais qu'elle n'est pas non plus separement refutable, ni fausse.

La verification d'une theorie dans son ensemble est d'ailleurs loujours irnparfaite, car elle fait intervenir des hypotheses adventices, des simplifi- cations, des interpretations implicites, et, coininc savant, PorNCARfi s'est plu a montrer souvent que les raisonnements com me celui de LAPLACE sur hi vitesse de la gravitation, des interpretations comme celle de Fexperience de WIENER touchant le plan de vibration d'une lumiere polarisee ne prouvaient rien, en raison des hypotheses gratuites que Ton utilisait.

Nous n'attcignons done jamais que des probabilites en cette mature, mais cela est tout naturel, car une theorie n'est qu'un moyen d'ordonner et de prevoir des faits experimentaux, et ne se justifie qu'& posteriori par sa fecondite et sa valeur d'anticipation. Elle n'est done pas vraie au sens accoutume et dogma- tique, mais suggestive, utilc, en un mot commode.

Ce sont la des notations assez analogues a celles des pragmallstes. Mais, pour PoiiNCARE, la commodite n'est pas simplement adaptation aux previsions empiriques, elle est aussi commodite subjective, mentale. II y a des notions plus naturelles, plus simples, plus satisfaisantes pour Pesprit, et nous retrouvons ici une sorte de rationalite plus pragmatique que dogmatique, exprimant les desirs d'un esprit plus industrieux que legislateur.

Plusieurs theories peuvent exprimer les phenom&nes. Parfois elles y reussissent inegalement; 1'une traduit mieux certaines experiences, 1'autre certaines autres; elles ont alors chacune leur valeur, chacune leur verite. Parfois, au contraire, elles sont sensiblement equivalentes et nous ne pouvoiis choisir entre elles que pour des raisons theoriques.

Or, certaines hypotheses sont systematiquement preferees et erigees, par libre decision, en verites definitives : on les appelle des principes. Elles caracterisent des schemas theoriques que 1'on est decide a sairver au prix d'artifices convenables. Ainsi, la conservation de 1'energie est un. principe, parce que nous convenons implicitement d'introduire autant d'esp^ces d'ener-

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI 1964. 179

gies noirvelles qu'il en faudra pour qu'il se verifie en toule circonslance; le caraclSre euclidien de 1'espace est un principe, parce que nous interpreterons de parti pris les mesures donnant des resultats non euclidiens comme dues a une modification des corps materiels, au sein d'un espace immuable; la Constance m6me des lois de la Nature est un principe, puisque, d'une part, en ce qui touche le passe, c'est justement en la supposant que nous recons- truisons ce passe, d'autrc part, en ce qui louche 1'avenir, nous ferons toujours appel, au cas ou elle semblerait dementie, a des circonstances nouvelles et et a des facteurs caches qui la retabliront. C'est ici que le carael&re conven- tionnel de la Science se rev&le le plus nettement, etant donne qu'on ne saurait invoquer ici des exigences a priori de 1'esprit.

De telles pensees n'etaient pas, m^me a son epoque, entitlement propres a Henri PoiNCiRfi; elles traduisaient une sorle de doctrine commune, suggeree par le progr&s de la Physique et le conflil de 1'energetique et du mecanisme. Elles s'opposaient aux apriorismes anciens et aussi a I'esp6rance que 1'on peut appeler positivisie de remonter surement ct methodiquement des faits aux lois, par regression r6guli£re. Ce que Ton peut dire, c'est que 1'auteur de Science et Methods les a formulas avec une fermete et une profondeur si remarquables, les a illustrges par des exemples si convaincanls, que 1' expres- sion en semble definitive et porte a juste titre son nom.

Elles suscit^renl cependant une ex<5g6se et un debat dont il faut ici dire un mot.

Vers la fin du xixc si£cle, une reaction s'^lait produite contre le « Scien- tisme », suivant lequel la Science allait incessamment apporter une verite definitive touchant la Nature, fondle sur la seule experience, et resoudre, accessoirement, tous les probl^mes humains. Le mal&rialisme dogmatiquo de certains biologistes, les theories mecanistes de certains physiciens ofFraient deja leur fivangile. Assurement, ce n'etaient pas en general les tr&s grands savants qui defendaient ces theses, elles n'en avaient pas moins obtenu un grand succ&s. Inversement, leurs adversaires (et Ton songe a Particle de BRONETifiRE sur La faillite de la Science] port&rent la guerre sur deux terrains : d'abord sur celui des prolongements id^ologiques : Morale, Metaphysique, Religion, ou ils n'eurent pas grand'peine a montrer que les extrapolations de la Science positive n'allaient pas tr6s loin et n'etaient pas tr^s solides, ensuite sur celui de la Science elle-m&me, etilspretendirentprouver qu'elle n'obtenait pas les resultats proclames, qu'elle n'atteignaitpas cette verite dont elle se faisait

l8o QUATRIEME PARTIE.

gloire; et ici les arguments et m&me la bonne foi furent parfois beaucoup plus faibles. Cependant de grands esprits prirent parti en ce sens et voulurent limiter les droits et la valeur de la Science positive afin d'ouvrir, ou de rouvrir, d'autres chemins vers la verite. Qu'il me suffise de citer, en France, Pierre DUHEM et folouard LE ROY.

fidouard LE ROY, dans la flamme de sa jeunesse et de sa genereuse intel- ligence, donna aux formules de POINCARE une interpretation et une portee imprevues, inspire par la philosophic pragma tiste et bergsonienne, par le renouveau du spiritualisme chretien et par sa propre originalite. II prit au sens fort le mot de convention et, pour lui, toutes les lois physiques devinrent des definitions deguisees, si bien que, devenant irrefutables, elles cessaient ipso facto d'etre vraies. N'imporie quelle convention peut 6tre accordec avec Fexperience, puisqu'on peut toujours, par des hypotheses complementaires et des causes cachees, concilier la theorie et Fobservation. Les £tres de la Science theorique ne sont done pas imposes par les fails, ils sont librement choisis par 1'esprit et ne correspondent a aucune realite objectivement deter- minee : la Science, et surtout la Physique, est une construction artificielle, qui ne dit rien de vrai sur la Nature des choses. Elle est un discours sur cette Nature, et n'en est pas 1'image, et cela n'est pas vrai seulement des grandes theories sur la mati&re ou FUnivers, mais des faits les plus simples, les plus elementaires, qui sont petris de theorie, d'iiiterprelation, d'ontologie et sont par la fonci&rement relatifs a nos conventions de langage, a nos libres precedes de description. D'ou Faffirmation cel&bre : le savant cree le fait theorique et, comme tous les faits sont fonci£rement theoriques, il cree le fait scientifique.

La verite de la Science n'est done bien que commodite, mais le mot est pris cette fois en un sens etroit et pejoratif : la Science est commode pour prevoir, c'est-a-dire pour agir. Elle est un discours pratique, un formulaire d'action, un syst&me de recettes, elle n'a qu'une valeur d'efficience, elle nous permet de parler utilement des phenom&nes, non de les penser ou de les connaitre dans leur toe reel (d). II faut noter, d'ailleurs, que son artifice prolonge Fartifice m^me de Fintelligence, qui morc^le et solidifie le reel en le concep- tualisant et en laisse echapper la vie et la signification essentielle. Mais

(*) Nous retrouvons dans ces expressions sans doute excessives certaines formules de PIERCE et de ses successeurs, qu'il ne faut d'ailleurs pas prendre a la lettre ni confondre avec les outrances absurd es d'un PREZZOLINI

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI ig54. l8l

fi. LE ROY n'entend pas s'en tenir a une critique negative, et ce de"blaiement un pen brutal ouvre, dans son esprit, la voie a une nouvelle spirituality et un nouvel ordre du connaitre.

Henri PoiNCARfi s'inquie'ta cependant et exposa avec une parfaite clartE les reserves a faire touchant ce ne'o-nominalisme en m&me temps que les limites de ses propres theses.

Si Faction reussit, fit-il observer, c'est que les e'nonce's de la Science refletent une certaine structure objective des phenomenes et qu'ils' ont, dans leur ensemble, une espece de ve"rite. Les faits ele'mentaires proprement dits, par opposition aux theories (ou il fait entrer, il est vrai, la structure de 1'espace, 1'existence des aloraes et me'me la rotation de la Terre), sont effecti- vement v^rifiables, 1'accord est unanime a leur sujet, ils ne sont done en rien 1'ceuvre du savant; tout ce que celui-ci cre~e, c'est le langage dans lequel il les Enonce et qui ne change rien de plus au fond des choses qu'une traduction du frangais en allemand ne change au fond la pense"e de Fauteur. Les faits th6oriques eux-m6mes sont bien des constructions conventionnelles, mais ils doivent <Hre adapted aux faits expErimentaux et s'il y a quelque latitude dans 1'ajustement elle est fort redutte; en effet, il serait absurde pour sauver une convention d'introduire des hypotheses inutilement complique'es ou des causes dont 1'expe'rience nous montrerait 1'absence, ou si 1'on pre~fere, dont elle se refuserait a nous montrer la presence. Quant aux principes mis, par conven- tion, au-dessus du controle des faits, ils doivent e"tre accorded a ceux-ci par un rEseau de lois secondaires qui sont, clles, parfaitement de"termine"es, et ces principes, d'ailleurs rares en Physique, par cela m&me qu'ils sont irr£fu- tables, sont, pris isole"ment, tout a fait vains. II y a m6me une sorte d'antipathie de POINCAR^ a l'6gard des principes, que 1'on sauve trop ais^ment a coup d'hypotheses et d'un rafistolage des theories qui dispenserait d'une refonte to tale, ce qui n'est pas sans embarrasser parfois le lecteur. En fait, ajoute-t-il, s'il y a par ailleurs des hypotheses, des theories 6quivalentes au point de vue strictement logique et experimental, nous arriverons t6t ou tard a choisir entre elles pour des raisons de simplicity, d'unit^, de relativity, de f^condit^, de rationality diffuse : ainsi 1'espace euclidien, e"tant le plus simple, sera toujours pr^f^r^. Enfin, m6me dans le cas d'une Equivalence complete, les theories en apparence oppose*es diflferent par les mots qu'elles emploient et les images qu'elles eloquent, mais elles ont un element commun, infiniment plus important que le reste : les Equations mathe'matiques qui fondent nos

1 82 QUATRIEME PARTIE.

provisions et expriment les rapports essentiels qui sont, aufond, toute la verite connaissable du monde physique, si bien que, sous des apparences diverses, nous n'avons r6ellement affaire qu'a une seule theorie.

Y a-t-il eu Evolution a ce sujet dans la pensee de POINCAR&? Dans les expressions peut-£tre, mais dans la pensee non, semble-t-il. On a plutot le sentiment qu'il y a toujours eu en lui deux hommes : le pliilosophe qui formule des interpretations logiquement possibles, le savant qui juge certaines d'entre elles pratiquement infecondes et s'en desinteresse. Et, sans desavouer a proprement parler le philosophe, il redevient tr£s vite le savant. En tout cas, par ces rectifications, que peut-£tre je formule d'une mani&re un peu systema- tique, il s'etablissait sur une position extr£mement forte, mais beaucoup plus traditionnelle, et il faut avouer que s'il eut eie d'emblee mieux compris on Petit beaucoup moins invoque. Le mot convention, depouille de son apparence d'arbitraire defmitif, traduit plutot la demarche de 1'esprit qui invente ses theories et les propose au controle de 1'experience, au lieu de les extraire conlinument des faits. L'ceuvre du savant ressemble infmiment plus a celle d'un artiste qui dessine librement sur sa feuille et ne juge qu'apr&s coup de la ressemblance avec le module (qui 1'a tout de m&me inspire) qu'a celle d'un photographe ou d'un radiologiste qui, en perfectionnant leurs appareils et leurs methodes, obtiendraient des cliches de plus en plus parfaits et detailles.

Maintenant, on peut se demander si, dans ces conditions, la th6se de PoiNCARfi n'est pas a son tour a double tranchant ou, si Ton prefere, trop facilement gagnante. En effet, s'il y a des theories equivalentes, elle est confir- mee; mais elle ne 1'est pas moins si, au bout du compte il y a toujours une theorie qui 1'emporte.

11 faul avouer aussi que 1'on se sent un peu.perplexe, devant ce debat : est-ce que vraiment £. LE ROY pouvait contester 1'objectivite de la Science, definie en des termes aussi moderes? Ne s'agit-il pas, a certains egards, d'un probl6me de notations ou d'un debat quasi sentimental, qui ferait un peu songer, si 1'on osait &tre familier, a celui de 1'Irlandais et de 1'ficossais : 1'un se rejouit de ce que la bouteille soit encore a moitie pleine, 1'autre se desole de ce qu'elle soit deja a moitie vide, mais sur le fait ils sont d'accord.

II s'agit tout de m6rne de quelque chose de tr&s important.

Si, pour £. LE ROY, la Science reussit comme artifice, echoue comme verite, c'est qu'a ses yeux elle a pour fin naturelle une verite au sens fort et, chose curieuse, MEYERSON, si different de lui par ailleurs, lui donnerait sans doute

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI 1964. l83

raison sur ce point : un enonc£ scientifique fait toujours allusion a une structure ontologique; or, s'il en est ainsi, deux hypotheses logiquement et empiriquement gquivalentes peuvent tout de me'me signifier quelque chose de tres different, et ce n'esl pas rien, a cet e'gard, qu'une difference de langage. Nous ne savons pas ce qu'est une onde electromagn^tique ni d'ailleurs ce qu'est un photon, mais nous avons le sentiment que c'est quelque chose de distinct et, m£me si une idee a toujours quelque chose qui reste a elucider, elle n'en a pas moins des maintenant certains caracteres originaux. Un petit aimant et un petit courant circulaire sont Equivalents, mais n?y a-t-il aucun sens a se demander si les aimants ne sonl pas autre chose que de petits courants. Parler avec un homme, ce n'est pas lout a fait la me'me chose que parler avec un corps humain; dire que Tame ou Dieu existent, ce n'est pas tout a fait la m£me chose que de reconnaitre un ordre intelligent dans les gestes de notre corps ou le cours de 1'Univers. Autrement dil, les mots ont un sens qui de"passe 1'expe'- rience positive et les mesures effectives, ils font allusion a une re'alite', ils sont des prophetes d'une verity qui peut-6tre se preScisera. S'il en est ainsi, choisir un langage avec ses implications secretes, c'est bien faire une convention au sens fort, et, si diverses conventions restent possibles, c'est que la Science est, sinon irre"elle, au moins imparfaitemeni re"elle; ses succes sont immenses, mais a la surface du rnonde; un au-dela demeure, en profondeur, qui est essentiel et auquel nous nous rdferons in^vitablement. Or, la Science n'y atteint pas.

A ce d^sir de transcendance, Henri POINCAR& oppose un rationalisme plus posttif, plus confiant, plus modesto aussi; moins exigeant quanta I'ide'al de la Science, il est plus optimiste quant a ses resultats et 1'ceuvre humaine de la raison lui semble une destine"e suffisanle pour 1'espril; ce qui est e"chec pour E. LE ROY est victoire a. ses yeux, car, comme disait d<^ja MONTAIGNE, il s'agit de bien faire 1'Homme

Cette attitude non plus ne lui est pas personnelle. Peut~6tre la maniere dont il a servi la Science et la Pense'e humaine a-l-elle quelque ressemblance avec celle dont un autre homme illustre, qu'il est naturel d'^voquer aujourd'hui, en cette ville, et qui £tait son propre cousin, a servi la France dans 1' ordre juridique et politique : raiionalisme a tendance spiritualiste plutot que religieuse, humanisme et philosophic des lumi^res plutot qu'^lan m£ta- physique.

Beaucoup, en tout cas, ^taient de cceur avec lui, parmi ceux, savants ou

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philosophes qui cr^erent et animerent, a la fin du siecle dernier, la Revue de Metaphysique et de Morale, ou parurent ses Etudes les plus celebres. Pour les uns entail une attitute spontane'e, qu'ils n'e'rigeaient pas en systeme; tandis que d'autres tentaient de construire un idealisme aux formes diverses qui put juslifier en lui dormant sa charte ceL humanisme de la Raison inspire et informe'e par la Science. Et cette ge'ne'ration, celle de nos maitres, a e'te' incomparable.

Peut-elre la notre est-elle, dans Pensemble, me'taphysiquement plus inquiete. Elle chercherait volontiers en cette merveilleuse intelligence, curieuse de loutes les sciences, parlant tous les langages, chez cet homme si sensible, bien qu'il fut parfois g$n£ de le montrer, si musicien et connais- sant si bien PASCAL, un peu de nostalgic de I'&tre, un peu de soif du transcen- dant. Pourtant nulle phrase de ses oeuvres, nul trait de sa vie ne permettent de croire qu'il eut plus tard incline' a de tels soucis, a de telles pens^es. Dans sa belle conference sur la Morale et la Science, il montre bien comment la Science, par la pratique de certaines vertus, cre'e un climat moral, encore qu'elle soil aussi incapable de fonder une fithique que de s'opposer a elle; mais il semble admettre que cette morale se fonde d'elle-me'me et nait spontane'rnent de notre conscience. Ici encore, c'est a la Raison qu'il se confie et il ne fait m6me pas allusion a des sources transcendantes possibles et peut-6tre ne"ces- saires de la vie morale.

Qu'est-il advenu des theses de POINCAR£ ? Inspirent-elles 1'e'piste'mologie contemporaine, sont-elle confirme'es par elle, ou celle-ci s'oriente-t-elle vers d'autres voies ?

II est bien difficile, assure'ment, de parler de l'e"pist£mologie actuelle comme d'une doctrine de'finie et coh^rente; elle pr^sente cependant quelques traits g6n6raux qui, dans une cerlaine mesure, permettent de r6pondre a notre question.

Tout d'abord, il est un point sur lequel 1'accord est facile, c'est la descrip- tion meme du proce^ de pens^e, ce que Ton peut nommer le bond e'piste'molo- gique. On n'extrait pas de Fexp^rience les concepts et les lois the"oriques par une sorte de distillation intellectuelle, il faut poser, par convention, des hypotheses de moins en moins intuitives, de plus en plus formelles, et nos concepts tombent en d£faut quand on change l'e"chelle a laquelle ils ont e"t£ primitivement d^fmis. La th6orie physique va au-devant de Fexperience

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et ne se justifie que par son accord final el global avec pile. Loin de recons- truire, d'autre part, la Nature a 1'aide d'idees claires el distinctes, le savant multiplie les sch^mas math6matiques donl il identifie apr£s coup les variables a des grandeurs physiques, souvent d'une manure indirecte. Le sens el la raison de ses formules n'apparaissenl qu'apr&s coup, si bien qu'a une £pist£~ mologie classique du d<5veloppement progessif des notions on peut opposer une t5pist6mologie de 1'identiiication retrospective des jugements. Or, c'est la une chose tr&s importanle pour un philosophe, car cela correspond a une id<5e assez paradoxale, mais dont il est difficile de se passer : c'est qu'un £nonc6 peut etre vrai alors que le sens en est encore imparfaitement d^ter- min<3, ou que sa v£rit£ s'acLualisera au fur et a mesure que sa signification se pr6cisera, se d^finira. Ge qu'un auteur anglo-saxon ne manquerait pas de traduire en disant que Ton peut £tre dans le vrai sans savoir de quoi on parle. C'est la une maniere de revenir, contre DESCARTKS, a une certaine primaul6 de 1' existence sur 1'essence, dans 1'ordre m6me du connaitre.

Par ailleurs, la theorie physique ne se justifie que par des criteres impar- faits, experimentaux ou rationnels, nos inductions ne sont que probables et la logique de 1'induclion est une logique de la composition des arguments et des vraisemblables. En ce sens, toute I'^pisteanologie actuelle est bien conforme au pragmatisme de POINCAR£, suivant sa double norme d'exactitude empirique et d'esth6tique rationnelle.

Mais deux points m^ritent un examen particulier : 1'^quivalence des hypo- theses et la possibility des explications mtScaniques, les criteres de rationality et 1'ide'c m6rne de la raison scientifique.

Les theories nouvelles ont fourni au premier theme 1'occasion de develop- pements nouveaux. En particulier, les remarques de PoiNCinfi sur Find(§termi- nation Physique-G^om^trie s'appliqueiit exactement a la Relativiu§ g6n(5rale : on peut dire indiff^remment que 1'espace-temps se d(5forme et cesse d'etre euclidieii, ou que, dans un espace-lcmps euclidien immuable, les metres et les horloges sont modifies, ainsi que, les ph6nom6nes physiques qui sc r&glent naturellement sur eux : il n'y a la qu'un passage de langage riemannien au langage cayleyen. De m£me, en Relativit6 restreinte, il rcvient au m6me d'admettre un espace-temps absolu, et de dire que les espaces-temps propres des syst&mes en inertie correspondent a des mesures de lumiere, sur lesquelles se rSglent naturellement les ph^nom^nes observables, ou de dire qu'il n'y a pas

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d'espace-temps fondamental, et que tous les systemes propres sont non seu- lement indiscernables exp6rimenlalement, mais e"gaux, si j'ose dire, en dignity ontologique. Mathematiquement, c'est la m6me equivalence que celle des excentriques et des Epicycles, si connue depuis Fantiquite. Si 1'on pre"fere une hypothese a Fautre, c'est uniquement pour des raisons epistemologiques ou philosophiques, les m6mes qui ont alimente", an temps de NEWTON, les debats de LEIBNIZ et de CLARKE sur Faction a distance et Fespace absolu. Et, en fait, la Relativity restreinte ne fait qu:e"tendre aux phe'nomenes electromagnetiques, plus ge'ne'ralement aux phenomenes se propageant a vitesse finie, les conditions de Relativity que la Physique newtonienne avait e"tablies pour les actions me"caniques a distance.

De m6me, F experience nous contraint d'admettre une masse variable, si Fon conserve 1' expression traditionnelle de la Dynamique et la valeur de la force d'attraction electros tatique ou gravifique; mais la masse redevient invariable si Fon prend les de'rive'es par rapport a Fintervalle d'Univers, comme il est normal, ct si Fon donne aux forces Fexpression convenable.

On peut de m&me interpreter Fexpansion de FUnivers, suppos6e reelle, soit comme une expansion de Fespace me"me entrainant les nebuleuses (dont on se demande d'ailleurs pourquoi elles ne s'agrandissent pas en m£me temps que Fespace), soit comme une dispersion des nebuleuses a partir de Fexplosion initiale (les vitesses initiales etant alors la cause des distances). Sans parler de Fhypothese d'une alteration progressive du temps en general, au sens de DE SITTER, ou du temps propre aux atomes rayonnants, a la maniere de MILNE, et m£me des explications proprement physiques qui gardent malgre' tout des possibilites.

On a m£me pu r^ver de ge"n6raliser cette doctrine de F^quivalence et de Fappliquer syst<5matiquement a la fameuse duality dulangage ondulatoire et du langage corpusculaire. II eut <3t6 bien satisfaisant de trouver un principe de correspondance g^ne'ralise', un dictionnaire permettant d'exprimer toute pro- pri6te ondulatoire sous forme corpusculaire et inversement, si bien que le choix du langage exit eie une simple affaire d'opportunite", certaines proprie'te's se simplifiant, certaines demonstrations s'abregeant, les unes dans le langage des ondes, les autres dans celui des corpuscules, comme certains th6oremes g6om6triques s'expriment plus ais6nient en coordonne"es ponctuelles, d'autres en coordonn^es tangentielles. G'est ainsi que Fanalogie entre le defacement d'un corps et celui d'une energie de champ ou autre mene naturellement a

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envisagcr dans les deux cas un moment cinetique el, indirectement, a iden- tifier la masse propre du corps et l'6nergie au repos. Cependant, la Nature r&siste, et il y a parfois une veritable anlinomie entre les ph^nom&nes qui s'expriment naturellement dans unlangage etceux qui s'expriment dans 1'autre, et il faut alors refondre enti&rement les theories et trouver un autre point de vue. C'est ainsi que la Relativity restreinte est faite pour accorder 1'iirvariance de la vitesse de la lumi&re dans les systSmes propres Ites a diverses sources en mouvement relatif (loute naturelle dans 1'hypothfcse de remission) avec celle de la m£me vitesse dans le cas d'un systtjme unique, observant la lumikre £mise par diverses sources en mouvement relatif (toute naturelle dans Phypoth&se des ondulations).

La M6canique ondulatoire, de son col£, essaie de concilier les propri£t6s interferentieiles avec les propri^t^s quantiques des ph£nom6nes, mais, si, en apparence, elle semble donner une sorte de primaut6 aux corpuscules, dont on ne calcule plus que la probability de presence dans un certain domaine on un certain (Hat, cette probability elle-m6me suit une loi d'allure ondulatoire, dont on voit mal actuellement le fondement m(3canique : 1'onde de probability impose a des £l(5ments de type m^canique des modes de devenir provisoirement irr^ductibles.

Sera-t-il possible d'unifier ces aspects dans le cadre d'une thSorie d^termi- niste de type classique, c'est, on le sait, un probl&me actuellement fort contro- vers£ et fort important, car la solution de Tind^terminisme radical, dans la mesure ou elle est pensable, nous ram^nerait a des vues aristotdiciennes, entit;rement conlraircs a tout ce que la Science consid6rait jusqu^ ce jour comme acquis en mati^re d'epistemologie.

Et c'est ici qu'on voudrait avoir 1'aide de H. PoiNCARfi. II avail montr6 a plu- sieurs reprises que, lorsqu'un syst^mc d'^quations satisfait a certaines condi- tions, il est toujours possible d'en donner un module m^canjque, et m£me une infinite, sans entrainer toutefois la conviction de LANGEVIN, par exemple en ce qui concerne les lois de FElectromagmjtisme. II est probable qu'il eut admis la possibility de trouver un fondement m^canique, par introduction d'un infra- d^terminisme et de param&tres caches, aux lois de probability de la M^canique ondulatoire et sans doute eut-il, d^s le d£but, d^limite exactement les conditions et la port^e de la demonstration de VON NEUMANN, comme il avait, autrefois, montrd les hypotheses implicites qui grevaient celle de LAPLACE sur la vitesse de la gravitation. II est vraisemblable que les vues actuelles de M. L. DE BROGUE,

188 QUATRIEME PARTIE.

comme celles d'EiNSTEiN ou de SCIIIKJDINGER vonl plus que les autres dans le sens de POINCARE.

D'ime mani&re g6ne"rale, done, si, dans le premier enthousiasme d'une iiou- velle exeg&se, certains ont pu declarer que les positions de La Valeur de la Science (HaienU d<3pass£es, que la Relativity generate condamnait Fespace euclidien, la M^canique ondulatoire, le dtHerminisme ot Fexplication mecanique, une critique plus reflechie et moins enthousiaste montrc an contraire combien les vues de PoiNC.uifi ^taient soiides.

II esl, par contre, un point sur lequd. on serait tente, an premier abord, de fairo quclques objections a Henri POINCARK; c'estce quej'ai appelti toutaFlieure son optimisme rationaliste.

Arrivons-nous a donner une forme precise ct definitive a ces considerations d'invariance, de continuity, de simplicity, de relativity, de rationality an sens le plus large et le plus pragmatique, a ces principes g6n£raux quiguident notre choix entre les theories et fondent F&ventuelle unit6 de la Science ?

Henri POINCARB lui-m£me a longuement analyst ce qu'il nommait « la crise des principes » et en a montr6, a son 6poque, la gravitd, mais il parait avoir eu toute confiance en Favenir pour retablir Fordre et Funit^ rationnelle dans la Science, et sans doute a-t-il (He confirm^ en bien des points par cette refonte totale qu'il appelait et pnSvoyait : la thdorie relativiste.

Mais bien des irrationnels demeurent et se sont m6me ajout6s. Surlout, c'est la notion m^me de rationality qui chancelle. Le grave, ce n'est pas le conilit de nos d6sirs et de Fexp^rience, ou MEYERSON voyait le drame (5pist6mo- logique, c'est que nous ne savons plus bien ce que nous d^sirons et que la raison, a force d'etre plastique, devient insaisissable.

La Science a pris de nos jours Faspect d'un immense chantier et, sous tant d'(5chafaudages disperses, comment deviner si un Edifice unique et defmitif s'^tablira bientot?

Par exemple, nous sommes obliges de convenir que, si Finterpr6lation ontologique d'un espace-temps incurv6, au sens riemannien, ne s'impose pas logiquement, on ne peut dire inversement que la simplicity de Fhypoth&se euclidienne rende celle-ci universellement preferable et pratiquement in6bran- lable, et sur ce point H. POINCARE s'est sans doute un peu avanc£. L'enthousiasme m^me avec lequel beaucoup de jeunes physiciens et quelques philosophes avertis ont cru voir dans Femploi d'un ds* non euclidien etdans la substitution

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d'une application g£om6trique, par inertie g6ntiralis6e, a une explication phy- sique par Faction des forces, un progr&s extraordinaire de Fintelligence et un type nouveau et d6finitif de rationality montre que la simplicity, la rationality d'une hypoth&se sont des notions bien fragiles et que la conscience des prin- cipes intellectuels est aussi incertaine que la conscience morale. II y a certai- nement beaucoup d'illusion dans cet enthousiasme et 1'on s'etonnera sans doute un jour qu'un philosophe aussi profond qu'inform^ ait vu dans la Rela- tivite' gt5n£rale la solution definitive du probl&me de Faction physique et du probl&me cosmologique, et FEvangile du dernier age de Fintelligence, comme nous nous eHonnons des espoirs de REN AN, il y a un si&cle, lorsqu'il croyait atteindre par la philologid Forigine des croyances humaines, le secret de Fesprii liumain et la promesse de Fesprit futur. Mais le fait n'en est pas moins instruc- tif, car il nous montre la relativity de nos principes rationnels el de notre esth^tique intellectuelle.

INFELD pretend que nul math^maticien n'hgsitera, du point de vue rationnel, entre un Univers sph^rique etun Univers euclidien et qu'il choisira le premier. Je crains bien que cettc preference toute parm^nid^enne ne soit un peu affaire de mode, et qu'en Lout cas elle s'applique mal a FUnivers elliptique, commu- n^ment admis, mais il est clair que Faffirmation inverse de PoiNCARfi n'est pas plus decisive. Est-il un exemple plus significatif a ce sujet que celui de la constante cosmologique qu'EiNSTEiN avait d'abord introduite dans sa loi de gravitation el qu'il a abandonee comme irrationnelle d&s que les travaux de FRIEDMANN et de LBMAITRK lo lui ont permis. Pendant ce temps, EDDINGTON eL d'autres grands savants se refusaient 6nergiquement a un Lei abandon, la Constance cosmologique correspondant a leurs yeux a ce qu'il y a de plus pro- fond et de plus rationnel dans la th^orie.

Nous vivons a une 6poque singuli^re ou les statues les plus v6n6rables sont abattues ou se fendent d'elles-m6mes, dans la Science comme dans les arts.

Le principe de conservation de F&nergie, en absorbant celui de conservation de la masse, en s'adjoignant celui de conservation du moment cin(itique, sem- blait avoir conquis la place supreme, et symbolisait le d^sir d'invariance qui caract(5rise Fesprit; des hypotheses comme celle de BOHR, KRAMERS et SLATERS, qui le meltaient en d^faut dans des circonstances tr&s particuli&res et tr&s provisoires, n'avaient pas £t6 retenues par leurs auteurs; et voici que des cosmologistes comme HOYLE et d'autres proposent comme une chose naturellc une creation continue d'^nergie et de mature, sans se croire obliges d'en

jgo QUATRIEME PARTIE.

ciser les conditions et les causes, simplemenl parce qu'ils ont besoin de ce terme pour maintenir une uniformity locale au cours de Fexpansion de 1'Univers.

Ce n'est pas le seul cas ou, apres avoir rdduit un principe a exprimer une exigence de 1'esprit, un parti pris d'interpretation des ph6nome-nes, au prix d'un nombre suffisant d'hypoth&ses accessoires, nous en arrivons a nous demander si nous y tenons tellement. Pendant longtemps on a consider^ comme exprimant une exigence fondanientale de la raison le principe de NJRRNST, suivant lequel une theorie satisfaisante de 1'Univers doit rendre possible et m6me pr^visible le retour eternel, si bien qu'a un Univers historique, jouant sa desiin^e une seule fois a partir d'une seule origine", comme celui delapens6e chr^tienne, s'opposerait un Univers cyclique, conforme a ce genre d'<Hernit6 dans le renouvellementqui etait famili^re aux Grecs. Etc'est ce dernier Univers que la Science, pr^tendait-on, a naturellement pour ideal, la raison r^clamant la reversibility, comme dit MEYBRSON. Les cosmologies traditionnelles s'effor- gaient done, sans grand succ6s d'ailleurs, par 1'artifice statistique des fluctua- tions ou par quelque autre comme le r&ve d'un temps ferm£, de trouver une gen&se de 1'Univers, a partir d'un etat indiff6renci(^, destin6 a se r6g^n<5rer lui- m6me. Comment tourner le principe de CARNOT, tel <^tait leprobl^me, Mais que d£sirons-nous au juste aujourd'hui ? En fait, cet antihistorisme, cet anticr^a- tionnisme s'appuyait sur une image du temps et de 1'espace homogtines, ind6- finis, illimit^s, mais, celle-ci abolie ou pouvant 1'eHre, nous sommes en face d'un conseil sans grand fondement theforique et qui, chose grave, n'est m6me plus a la mode. Aussi voyons-nous surgir des univers non statiques, en expan- sion, et des cosmologies pseudo-cr^ationnistes,

Le principe m6me de raison suffisante est traits avec d^sinvolture, sinon dans son 6nonc6 gt§n£ral, au moiris dans les formes particuli&res qui seules lui donnent un int^r<5t pratique. La simple position temporelle ne pouvait autrefois alt^rer la marche d'une horloge, etnous consid^rons comme possibles des effets de vieillissement, en nous contentant d'une Equivalence des moments du temps quant aux perspectives temporelles, et encore I Nous ne jugeons pas absurde, a priori, que deux ph£nom&nes isol^s, de nature diflferente, soient synchron.es a Torigine et cessent ult^rieurement de 1'dtre, comme il se passe dans la theorie de MILNEU

Quant au principe de continuity, il subsiste en ce sens que la M^camque oudulatoire est un artifice pour concilier la continuity de nos m^thodes math.3-

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the'matiques avec la discontinuity des faits physiques ele'mentaires, mais il ce'derait aise'ment si nous trouvions un langage mathematique simple exprimanl commode'nient une discontinuity de 1'espace et du temps, qui determinerait toutes les discontinues proprement physiques.

Le principe m6me de simplicite est a bien dcs egards une exigence nalurelle de 1'esprit, soit qu'on 1'interprete a la maniere de MACII comme visant a une simple e'conomie de pensee, soit qu'on lui donne une signification esthetique ou m&me me'tapliysique, qu'on en fasse une perfection au sens leibnizien. Mais cette simplicity est une notion bien fragile, elle depend en general de Tetat de notre langage mathematique, qui se modifie perpetuellement, parfois de simples conventions d'e'criture (les conventions d'emploi des indices, notamment les indices muets, pour les tenseurs ont e"te de nos jours aussi fecondes que celles de DESCARTES pour la notation des variables) et aussi de certaines exigences de rigueur.

Si bien qu'il y a un r6sullat assez paradoxal, c'est que le plus solide parmi les principes dont le contenu est assez pre'cis pour 6tre efficace, c'est le prin- cipe de relativit6, auquel Henri POINGARE attachait d'ailleurs un prix tout particulier, mais qu'il est bien difficile de conside'rer comme propremenl rationnel. S'il s'agit de la relativity de la position spatiotemporelle, nous sommes en face d'un principe d'e'qui valence des origines spatiotemporelles, d'une homoge'ne'ite', au sens r6duit, de 1'espace et du temps, telle que nous la trouvons, par exemple, proclame"e par MILNE sous le nom de principe cosmo- logique, et admise en fait a peu pres universellemenL S'il s'agit de la relativite de la grandeur, la solution est moms e>idente, puisque ce principe qui ne vaut que pour les proprie'te's purement ge'ome'triques, dans un espace admettant des figures semblables, risque fort d'etre mis en d(5faut dans un Univers a rayon fini, ou s'introduit une unite' absolue de longueur, et peut-e"tre m6me e'ventuellement une p^riode temporelle finie. Quant a la relativity du mou- vement, la signification n'en est plus tres claire. Autrefois, en effet, elle c^tait li^e a un proc^de' g^nt^ral de description du monde suivant lequel le mouvement purement ge'om6trique ne pouvait alte'rer aucune grandeur ni aucune force, toute variation apparente exigeant 1'intervention de forces et de causes nou- velles proprement physiques, a substrat et a nie'canisme mate'riels, susceptibles d'etre mis en evidence par 1'expe'rience. Or, sous cette forme, le principe ne joue plus et est remplace' par un principe de reciprocity des apparences et d 'equivalence des systemes de r^fe'rence, valable seulement pour le mouvement

1 92 QUATR1EME PARTIE.

uniforme relalif, et il eslsolidaire d'une affirmation proprement experimental : il esl impossible de mettre en Evidence le mouvement absolu uniforme. Et sans doute, avant me"me les experiences de MICIIELSON ou de THOUTON et NOBLE, on s'attendait a ce qu'il fut verifie, mais sans pouvoir dire exactement pourquoi. Par ailleurs, il ne saurait £tre dementi, puisque tout mouvement mis en Evi- dence pourrait &tre consider^ comme relatif non a Fespace, mais a Father (quelque nom qu'on lui donne), ou a Fensemble des masses materielles. Enfin, si Fon accepte des accelerations absolues d'une part, des grandeurs absolues de Pautre, on voit mal pourquoi la Raisonimposeraitla relalivite des mouvements imiformes. II s'agit done la, semble-L-il, d'un principe empirique de meTne nature que Fegale vitesse de la lumiere et de la gravitation ou du caractere de limite de celte vitesse. Le plus curie ux est qu'il reussisse !

On comprend done comment bcaucoup de savants peuvent aujourd'hui se desinteresser dans une certaine mesure et sans doute provisoirement de Funite ralionnelle de la Science et peuvent completer, retoucher, transformer leurs formules sans un souci excessif des exigences theoriques ou m^me d'une cohe- rence logique rigoureuse. Us remettent a plus tard les syntheses harmonieuses, sans e"tre tout a fait surs qu'elles soient possibles. Ce sonl des pragmatistes et des ingenieurs en theorie physique.

Nous pouvons done conclure sur ce point, en disant que, provisoirement, la crise des principes continue et que dans la peiisee quelque pen antithetique de PoiNCARfi le theme de Inequivalence des theories Femporte son vent sur celui de la raison unificatrice.

Si maintenant, cessant de nous interroger sur la raison scientifique, nous passons au theme de la valeur de la Science, de larealite objective de la thtforie physique, nous sommes en presence d'une sorte de paradoxe lie au progres de la Science.

D'une part, les theories physiques sont de plus en plus precises, de plus en plus profondes, et se verifient en leurs moindres details, au moins dans les cas favorables. Ge n'estpasseulement Fexistence des atomes ou des electrons, rnais les particularity memes des structures de Fatome ou de la molecule, que les anciens chimistes jugeaient souvent purement allegoriques, qui apparaissent comme figurant la realite r non seulement Fatome de BOHR, mais le carbone tetraedrique avec ses angles caracteristiques, les chaines de valences de la Chimie, les liaisons moleculaires avec leur etalement plan, correspondent, au-

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dela de toute esperance, a une rt5alit£ experimental . Les formes de nos sch^mas traduisent bien, dans certaines conditions d'observation, les formes m£mes de la Nature.

Mais, d'autre part, jamais nous ne nous sommes sends aussi loin d'atteindre les elements des choses et 1'intelligence profonde de la Nature. La correspon- dance entre les formes est certaine, mais ce qui se dispose suivant ces formes est irrepr^sentable, la substance du rttelnous echappe et 1'on se demande m6me si ce mot a un sens : il y a des variables dont la nature physique nous est inconnue et dont nous ne saisissons que les distributions spatiales et les varia- tions de grandeur; et c'est en ce sens que 1'on a puparler d'unretourau pytha- gorisme par-del& le cart^sianisme; la substance des £tres physiques devient purement mathe'matique, c'est-a-dire qu'elle disparait. Tout element simple requiert une structure complexe et ainsi a 1'infmi, et cliaque d<Herminisme reclame un infrad6terminisme. On dirait que nous transportons avec nous une loi d'intelligence des faits qui nous oblige a refaire Finconnu avec du connu, qui, a son tour, devra 6tre refait avec un autre inconnu, imite de lui-m£me, et nous savons bien que ce ne sont la que des images virtuelles, projet^es dans une suite de miroirs et que ce qui est au fond de F experience ne ressemble efFectivement pas a celle-ci. On a m£me pu nier que cette re"alit6 fut une chose d(Hermin($e, ce qui la rend presque impensable physiquemeiit.

Rien en tout cela qui puisse surprendre ou e'mouvoir Henri POINCARE, car les explications intuitives ne le touchent que mddiocremcnt et il parle avec quelque de"dain de ceux qui veulent faire ^prouver a Dieu devant les atomes les senti- ments d7un joueur de billard devant ses boules. Son relativisme se satisfait d'une connaissance purement formelle, pourvu que cette forme s'exprime math^mathiquement, car elle est encore foncitirement rationnelle et resume inline toute la rationality possible du monde.

II nous faut done, pour finir, consid^rer ce qu'on peut appelcr le matb^ma- tisme de POINCAR£ et chercher d?abord si les proc6d£s monies de la construction math^matique actaellement utilis^e par les sciences physiques nous satisfont enticement; en second lieu, si la math6matique a gard6 ce prestige de ratio- nality cette signification spirituello que lui attribuaient un PLA.TON, un DESCARTES et m^me un KANT.

Le math&matisme . Le premier point donne beaucoup £ r6fl£chir. En effct, si 1'efficience de nos sch^mas math^matiques s'est ^trangement accrue, si H, P. 25

ig/j QUATRIEME PARTIE.

des correspondances, des symetries formelles ueuves el profondes donnent a certaines theories une beaule extreme et sunt line juie extraordinaire pour 1'esprit, cette joie n'esl cependant pas sans melange. D'abord parce que les moindres equations sont desormais a pen pres insolubles autrement que par drs methodes d'approxiuiations el cle perturbations; mais cela ne fait a vrai dire que generalise!* une diffimlle classique et nous est une occasion d'admirer, une fois de plus, combien la Nature se soucie pen des diffieultcs analytiques [suivant le mot qu'on prete tanlot a FHKSNKI, et lantot a FOUHIKR], et comme elle resout aisemenl le probleiue des // corps tit les equations de SCHRODLNGKK. Ge qui est plus grave, c'est que nous n'a\ons plus de methodes generates directes, naturelles, pour ecrire ces equations, et c'est en ce sens que le reve de DESCARTES, si profondement qu'il traduise Tintention de 1'esprit humain, n'est guere en voie de se re^aliser, et Ton a pu parler avec raison d'une episte'- mologie non cartesienne. Loin de partir de quelques idt5es claires, et d'en determiner directement les lois exacles, individualists, nous partons de variables a sens indetermine etnous les enserrons dans des r^seaux de formules elles-m^mes partiellement indeterm inches, et de sens indetermine'. C'est ainsi qu'en Relativity g(5nt5rale, nous cbercbons par tatonnements un ds- qui se plie aux Equations d'EixsTEix, et qui redonne, en premiere approximation, les forces cle NEWTOX. Est-il m6me bien satisfaisant de mettre au premier plan des Equa- tions aux dt^rivees partielles, complt^t^es par certaines conditions aux limites, qui ne decrivent pas directement les phenom^nes, mais constituent plutot une forme generate, dont le sens physique est sans doute moins clair intuili- vement que celui de la loi de LAPLACE~POISSOX ?

De m6me, en th^orie quantique, nous avons bien une m6thode pour trans- former c\ Paide de certains operateurs les hamill^oniens classiques et entirer les equations d'ondes. Mais njest~il pas singulier qu7on doive partir des expressions d'une Me"canique et d'une Physique traditionnelles, dont on rejettera ensuite les concepts les plus fondamentanx : on aimerait arriver au vrai autrement que par le faux. Par ailleurs, ces transformations sont difficiles a interpre'ler, ne serait-ce que par Pusage qu'on y fait des operateurs complexes. Dans le choix des solutions e^fmentaires, et surtout dans celui des combinaisons Iin6aires applicables aux ph6noni6nes, il y a bien du conventionnel ; le sens physique m^me des fonctions d^ondes, et surtout de l'6l£ment proprement sinusoidal, pose bien des probl&mes. Si bien que la MtScanique ondulatoire constitue un pen nn miracle ^pist^rnologique perp^tuel, qui a certainement un sens, mais

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encore obscur. Les efforts monies qui sont fails incessamment pour substituer aux equations d'ondes classiques des equations d'ordre suptSrieur, toutes les variantes que Ton en conslruit par tatonnements et complications successives montrent assez que 1'edifice actuel n'est pas considere comme realisant, m6me de loin, un ideal rationnel definitif.

Assurement, il ne s'agit ici que d'une science en construction, et peut-6lre 1'avenir nous el6vera-t-il un edifice plus conforme a notre ideal traditionnel de la raison et a ses vieilles proportions, et je le croirais volontiers.

Assurement aussi, nous pouvons fairc contre mauvaise fortune bon cceur, et <Sriger en lois de la .raison nos propres deceptions. Quelques formulesy suffisent parfois : pourquoi n'opposerions-nous pas, par exemple, a la methode cart<5- sienne, ou 1'on superpose progressivement des id£es simples et vraies, comme ces architectes qui construisent des Edifices en pierres de taille en hissant celles-ci, 1'une apr£s 1'autre, grace a un elevateur assis sur la partie deja construite, une methode nouvelle, qu'on pourrait appeler celle du ciment arme, celle ou 1'on uliliserait les theories classiques comme un coffrage a couler le be ton ? Apr&s quoi on enl£ve le coffrage et 1'architecture definitive apparait.

De m^me, il suffirait de proclamer avec energie que toute force doit, a partir d7une certaine distance, se transformer en une force de sens oppose, avec un etat d'equilibre median, et d'en faire un principe dialectique, empliatiquement profere, et erige en dogme, pour que ce qui semblait paradoxal devint 1'image m^me de la raison : on choisirait sjstetnatiquement des lois de force dualistes, ou la force primitive se renverserait, ce qui eviterait des forces supplementaires. De m^me que la repulsion cosmique, avec certains ds^, apparait dans le prolon- gement de 1'attraction gravifique, une repulsion an contact pourrait egalement apparaitre, et 1'impenetrabilite ne serait plus, a son tour, que 1'envers de la gravitation, et la valeur de tout cela dependrait d'un accident du langage mathematique, d'une heureuse invention (1). Peut-^tre arriverons-nous ainsi a rationaliser, ou si 1'on veut a deguiser sous une expression rationnelle, la pre- vision la plus inaccep table en apparence : celle d'un arr6t progressif des phenom^nes au bout d'un temps fini, et un renversement du devenir, par retournement des conditions finales, rien n'etant change dans les lois locales

(x) La transformation tensorielle du champ 61ectromagn6tique, permetlant de g6om6triser F^lectrodynamique des corps en mouvement, correspond ^ un precede" quelque peu homologue, qui introduit par ailleurs des difficulte's epist6mologiques du m6me ordre que la th£orie newtonienne des actions & distance.

196 QUATRIEME PARTIE.

apparentes. Cela supposerait un temps forme et coining circulaire, donl le lemps experimental no serait qu'une projection diametrale; mais, jusqu'ici, nous n'arrivons jjjuero a definir le sens ellectif d'une hypothec do ce genre, ni la nature d'une telle projection.

Tout cela est ires Lien, mais nous aimeriuns tout de me" me mieux construire les phe"nomenes et leurs lois directement, intrinsequement, de proche en proclie, et, si une theorie nous permeliait cle le laire, nous nous precipiterions sur elle. II y a des femmes quo Ton n'aime que par depit, et si une autre revient, et est libre, on pent parier pour un divorce. De meme si 1'interdiction de PAULI on 1'equalion de SCHRODINGER pouvaient elre justifies par des raisons de forme classique, en partant d'hypoth&ses sur une structure infra e'le'mentaire, qui ne s?en rejouirait, et qui pre'fe'rerait conserver comnie axiomes ultimes les formes acluelles ? L'e'piste'mologiste ne doit pas s'inspirer a I'oxcfes de fables trop conmies, comme celle du Renard et des raisins, ou du Renard a la queue cou pee.

Reste le second probl&me : une mathematisatioii acheve'e nous permettrait- elle de « penser )> TUnivers d'une mani(jre totalement rationnelle et nous dis- penserait-elle de toute autre recherche. ATous devons ici prdciser certains aspects de la pens('4e de PorNCARfi lui-mt'me.

Quant on prononce son nom, on songe aussilot au raisonnement par recur- rence, donl trop d^tudiants lui attribuent 1'invention, ou dont ils font trop souvent runique raisonnement des mathe'matiques. Ce qui est certain, c'est que PoiNOARfi a mis en lumi^re Paspect essentiel, irre'ductible, par lequell'infini s'introduit en Math(5matiques et par ou le mot tons, naturellement indefini, exprime spe"cifiquement 1'infini nurnerique. II le cousiderait comme une ve'rite' intuitive, alors que les axiomaticiens en font un postulat formel, en apparence semblable aux autres ; mais ce n'est pas un hasard si, m^ine de ce point de vue, c'est sur lui qu'^chouent les demonstrations de non-contradiction, si c'est lui qui figure Finfini sous sa forme exhaustive et si 1'on ne peut le justifier qu'en se donnant une intuition mathe'malique e'quivalonte a celle de la suite des iiombres naturals.

Mais le point qui nous touche est de savoir si la logicisation actuelle des Math^matiques leur laisse tout leur prestige de rationalite*.

Henri PoiNCARfe s'est occup6 a diverses reprises de cette question, sans for- muler & ce sujet une doctrine syst^matique. II a plutdt caracte'rise' des attitudes

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI ig54. 197

et indique ses preferences. 11 n'est cerlainement pas tres favorable a la reconstruction purement logique dcs Mathematiques, y compris 1'Arithmetique, telle qu'elle avail £te entreprise a son epoque par FREGE, SCHRODER, PEANO, RUSSELL, d'abord parcc qu'il y presscnt des appels dissimules a Fmtuition, notammenl dans la definition du norabre naturel, ensuite parce que la mise en forme puremenl logique, pour convaincante qu'elle soil, laissc echapper quelque chose d'essenliel, qu'exprime par example 1'opposition entre verifi- cation et demonstration proprement dite : la signification rationnelle des enonces, la realite mathemalique au sens fort.

On irail, je crois, dans le sens de sa pensee en disant que le logicien est com me 1'ingenieur qui cxplique par quels concours de forces mecaniques et suivant quelles lois une cathedrale ticnt debout, mais qui neglige Hdee qu'elle represcntc, sa signification religieuse ou esthetique. De meme les mathema- tiques ne sont pas un simple calcul logique, mais un edifice rationnel, corres- pondant a des idees.

Tel est bien, semble-t-il, 1'arriere-pensee de beaucoup de grands mathema- ticiens, mais il n'est, pas facile d'expliciter cette intention idealiste, de dire en quoi consisle cetle realite au-dela du logique : les uns se referent a 1'usage intuitif et physique qu'on pent faire des notions abstraites, d'autres a la per- fection formelle de cerlaines notions, a la « fermelure » de certains systemes d'etres, et a la possibilite d'une classification naturelle des objets matbema- tiques, d'autres a certaines apparences dialectiques, a un certain rythme methodologique, a des antitheses de m6thodes et de proprietes qui se retrouvent dans les doniaines les plus divers, d'autres enfin a 1'existence d:un domaine privilegie, celui des nombres naturels ou celui des ensembles intuitifs, a 1'inte- rieur duquel on tente de « realiser » toutes les constructions axiomatiques. Henri PoiNCARfi est malheureusement demeure tres discret et tres prudent sur ce point, m£me dans ses expressions ; il semble que la realite a laquelle il songe soit d'ordre arithmetique d'une part, d'ordre esthetique plutot que metaphy- sique de 1'autre. II n'a pas explique en quel sens les ma them a tiques, parce qu'elles exprirnent une certaine realite, peuvent rendre foncierement intelli- gible une Nature, alors m^me qu'elles n'en figurent rationnellement que les rapports

Le problemerestetoujours vivant: mais il semble que, depuis un demi-siecle, 1'accent ait ete mis sur le formalisme, surlapreuve des enonces, par verification purement logique , et que, bon gre mal gr6, les Mathematiques se presentent

I $8 QUATRIEME PARTIE.

comme une rombimitoire puremeut formelle, un calcul ({'expressions symbo- liques, ayant uniquemenl pour sens les rifles op^ratoires qui en permettent les transformations. Elles sont une eybernelique de symboles, ou si Ton veut un immense jeu d'echecs, dont Festhelique ne serait pas d'une autre nature que celles cle cos parties dont les commentateurs exaltent lyriquement la beaute et les initiatives gtiniales. Au fond c'est un relour a la conception de HOBBES.

Dans ces conditions, comment s'appliquent-elles an inonde ? Elles sont une sorle de panlin meeanique, merveilleusement articule et complique, dont les gosles miinent et permettent de prevail* ceux des (Hres reels, c'est un immense schema imitafif, que Ton pent revelir d'intuitions, ce qui lui donne une appa- rence plus vivante, mais qui n'exprime pas une emprise originale de 1'esprit sur la realite, qui ne rationalise pas autremenl la Nature que les sch^mas du mecanisme traditionnel. On fait un dessin, un module des ^v^nements phy- siques avec des mots ou des variables, avec des phrases et des Equations, comme on en taistui avec des liges articulees ou des fils elastiques. Logiciser n'est pas rationaliser au sens fort et les neonominalistes contemporains croiraient ais^ment que ce dernier niot n'a aucun sens.

Bien entendu, toutle probleme de Pesprit et de PaclivittS crt^atrice et inter- pre^tatrice des MalhtSmatiques demeure, mais il est au-dela d?elles; quant a 1'analogie purement formelle des symboles et du monde des phenom^nes, elle ne repond pas tout a fait a I'id&d primiiif de 1'mtelligence de la Nature et il est difficile de la presenter comme le terme unique et d^finitif de toute recherche.

S'il en est ainsi, deux themes intellectuels ne se trouvent-ils pas rehabilitees Ol remis en lumi^re ?

D'abord, celui des figurations intuitives de la Nature, concues non pas seu- lement comme un artifice guidant et aidant le savant dans ses dexouvertes (toute la Physique se construit £ coup d'images, parfois incoh6rentes el impar- faites), mais comme un instrument d'intelligence. Ce que la Science nous prouve, c'est qu'on pent parler des choses sans en p6n<3trer la nature, et d'une manure purement formelle. Notre Physique est vraie, notre Math£matique est vraie alors que le sens de leurs objets nous £chappe. Mais cette v^rit6 formelle recouvre sans doute une Y^rit6 mat^rielle, il ne suffit peut-£tre pas de parler du inonde, il faut essayer de le penser, et la mani^re la plus naturelle de le penser n?est-elle pas dele faire par des allegories sensibles, de reconstruire intuiii- vemenl le r^el inconnu £ Pimage du connu, suivant une loi implicile de corres-

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI 1964. 199

pondance entre les niveaux de la realil^. N'cst-il pas naturel que les lois des . £l<5ments refltjtent celles de notre perception, les formes d'appr^hensioii du monde sensible r£g6n(5rant, par une sorte d'harmonie pr^.tablie, celles de la r6alh(3 ultime, Fimagination restiluant la r^alite. Les theories intuitives sont peut-elre un my the, mais ce mythe n'est-il pas n(5cessaire, en Physique commc en MtHaphysique, toute ontologic n'est-elle pas negative ou analogique, pour parler comme les th6ologiens ?

Ensuile celui de la recherche d'un au-dela. Et 1'on peul dire que la Science contemporaine marque moins de repugnance que celle d'il y a un demi-si&cle a certains prolongements cosmologiques on m£me m^taphysiques et la Philo- sophic des sciences est moins strictement epist^mologique et critique.

Parce que les savants actuels sont moins sensibles que leurs ain£s a la per- fection rationnelle ou m6me a Funite' logique de leurs theories, ils sont volon- tiers plus audacieux dans leurs projets. II est vrai que PoiNCARfi a consacre aux hypo th e-ses cosmogoniques un de ses derniers Ouvrages, mais c'est en fait une 6tude mathtSmatique des hypotheses relatives a la formation du syst^me solaire. An contraire nous passons hardiment de 1'evolution des 6toiles a la formalion des n6buleuses, a la forme et a Pexpansion de 1'espace total, a Porigine de 1'Univers, a la creation continue de 1'^nergie, c'est un nouveau Traite du Monde, dont les hypotheses sont sans doute v&tues de math^matiques et tentent de se raccorder a quelques faits exp6rimentaux, mais qui, sous ce v£tement, sont moins des corps vivants et £quilibr6s que des mannequins parfois singuliers. II n'en reste pas moins que ces cosmologies, si a la mode, r^int^grent dans la Science des regions autrefois dedaigneusement laiss^es aux philosophes.

Dans un autre ordre, celui de la profondeur ontologique, certains doctri- naires parfois illustres de I'indgterminisme ont reconnu un sens au probleme de la liberty, a partir du moment ou ils ont cru pouvoir le r<3soudre eux-m^mes ; ils ont renouvel6 celui de la nature du monde physique, en r6tablissant, avec des probability pures de presence comme stade ultime de la connaissance, quelque chose qui, rnalgr(5 qu?on en ait, ressemble fort aux puissances aristot£- liciennes. Ils ont m&me cru pouvoir donner aux organismes biologiques le moyen de rompre les liens de Firr£versibilit6 et du deuxi£me principe.

De telles vues sont audacieuses et parfois, sans doute, bien fragmentaires et fragiles. II est douteux en effet qu'on puisse poser de tels problemes hors d'un contexte m^taphysique d'ensemble. On voit malla libert^ humaine intervenant

•200 QUATRIEME PARTIE.

a Fechelle infraatomique comme un Itoinme qui pousseraitdu doigt les aiguilles tl'ii no horloge, un bien jouanl au De?twn de MAXWELL. Si Ton en fait un petit gnome, le difficile n'est pas de savoir comment, sa decision prise, il pourrait agir sur la maliere, et d'ailleurs une telle action irouverait tout aussi bien sa place dans la Physique classique; mais toutes les difficultes, toutes les anti- nomies de la liberle so rassemblenl aulour de 1' existence m6me et de la nature de ce petit etre, qui n'est que Fimage en miniature de tout Findividu psycho- organique, et en inclut lous les ]>aradoxes. Que signifie pour lui e"tre libre, par rapport a Fensemble de FKtre, par rapport a son propre passe, et comment peut-il tMre mtelligemment sa propre origine, son propre cre'ateur? Dans cette liberte huinaine cristallisent les obscurites de la liberte divine, et ce n'est pas une formule nouvellc des lois physiques qui nous en affrancbira.

De meme il n'y a, semble-t-il, pas grand sens a poser le probleme de la re'alite pliysique, detertninee ou non, en debors decelui de la representation sensible, dans son individualite, en dehors de celui de Fame et du corps, de celui de Funite des esprits et de leurs experiences. Le probleme cosmologique, sous sa forme courante, ost sans doute un pseudo-probl&me, comme en serait un de se demander si la voute du ciel est effectivernent spbe'rique : il faudrait d7abord preciser quel genre de realite nous pouvons attribuer a FUnivers physique commun de Faction, des experiences et des niesurcs, qui n'est ni Fun des Univers sensibles individuels ni, vraisemblablement, FUnivers re"el qui deter- mine ceux-ci par le me'canisme psychophysique de la perception. Onnesaurait coustruire separ(5ment une ontologie purement physique.

Et pourtant, nous voyons ainsi renaitrc, au coeurm6me de la Physique, Fid^e qu'il doit y avoir une autre figure d'intelligibilite' de FUnivers et que nos hypo- theses de structure ne nous donnent qu'une face des choses. Par la nous rejoi- gnons un theme aussi obscur qu'il est ancien, auquel tant de biologistes reviennent aujourd'hui, souvent malgre eux, au terme de leurs longues enqu6tes : c'est qu'il y a dans la Nature organised un aspect dont le simple enchainement des causes physicochimiques ne rend pas raison, un element de finalite" qu'on ne peut definir par aucun caractere proprement objectif d'adaptation, de per- fection, de totality dominante, mais seulement par la similitude de notre vie mentale, avec ses routines et ses clairvoyances emme'le'es, ses automatismes et ses inventions divinatrices, ses hasards et ses intentions, ses tehees et ses succfes, ses absurdite"s et ses merveilles, ct avec les m&mes paradoxes : comment, Thypoth^se presque inevitable du parallelisme, un determinisme psychique

MANIFESTATIONS EN PROVINCE EN MAI 1964. 201

se superpose-t-il a un terminisme materiel, en lui conferant une signification ? Comment le present pcut-il 6trc Pceuvre de Pavenir, ce qui est cle ce qui n'est pas ? Comment un £tre peut-il se chcrcher avant meme d'exister, et aller au- devanL de soi-rn6me "?

II semble qu'ici encore le dtHerminisme materiel de la phylogenese on dc Pontoge"nese joue le m£me role que le determinisme cerebral de iiotre psychisme, il nous doniie I'enchaincment ne'cessaire, logique des e'venemeiits, non leur sens rationnel, leur signification profonde. La Science nous donne, par ses lois, 1'entrecroisement, la connexion des ills a 1'envers de la toile el nous explique la solidite du tissu. Mais Pendroit signifie bien quelque chose, et Panalogie de Pesprit humain, si obscure qu'clle soit, est encore le meilleur Element d'un my the de la finalile.

Le philosophe doit-il se re'jouir de cette situation ? Oui el non.

Oui, sans doute, parce qu'on se satisfait mal d'une science qui s'isolerait de'daigneusement des problemes de PUnivers et de PHomme, et de la profon- deur d'un Re"el, dont elle explore merveilleusement la suri'ace. Apres la phase mate'rialiste, puis la phase critique, comment voir sans plaisir s'annoncer une phase, disons ide"aliste ou spiritualiste.

Non, peut-6tre, parce que certains des physiciens, m£me illustres, qui consentent ^ s'occuper de tels problemes les re' sol vent parfois d'une maniere un pen rapide et brusque, par des extrapolations un peu simples, sans se soucier de donne'es gnose'ologiques qu'un philosophe un peu averti saiteHre essentielles. Us n'acceptent de philosophies que celles qu'ils construisenteux-m6mes, comme des allie's qui apportent avec eux, dans un pays, tons leurs moyens de subsis- tance. Si bien que les contacts avec les philosophes sont plutot de courtoise diplomatie. Chose curieuse, la Philosophic des sciences passe par une crise, alors que tout le monde en fait.

Nous sommes en tout cas bien loin de Pe'piste'mologie critique de H. POINCAR£ et de sa prudente reserve.

On ne voit m6me pas bien a quelles doctrines sa sympathie serait alle'e, parmi celles qui n'acceptent pas d'ontologie au-dela de la Science. Eut-il e'te' satisfait du ne'opositivisme de Pficole de Vienne ou de ses e'mules anglo-saxons, pour qui tout probleme ayant un sens se revere, par des artifices de langages, a. des jugements e'le'mentaires d'expe'rience, constituant PUnivers unique et fondamental de ve'rite', a des mesures con5ide'r6es comme des absolus e'piste'- mologiques, ne supposant aucune re'alile' qu'elles-m^mes, si bien que Pobjet H. P. 26

20U QUATRIEME PARTIE.

n'est rion que ce qu'on le mesure. [1 me semble qu'il cut senti la pauvrete et 1'arbitrairc de cetle me'trohUrie et de cet atomisme <5pistemologique, aussi vain saus doute que Fatomisme psychologique du siecle dernier, et centre lequel portent si fortement les critiques de DCHICM on de LE ROY.

Eul-il adhere a Fidealisme brunschvJcgien, qui, en affranchissant les rela- tions de leurs termes, les rapports de leurs supports, Fexpe'rience de toute substance onlologique, tente de remplacer la philosophic de Fe"lre par une philosophic de Fesprit crcaleur de sa propre experience, et la informant lui- mGme, averti par les chocs, les dementis qui lui sont inflige's par quelque chose qui n'est pas un etre. II s'en fut sans doute quelque peu defie', bien qu'il fut souvent invoque comme caution par Fauleur de la Modalite du jugejnent.

Au fond, il semble qu'il ait toujours raisonne dans les cadres du realisme du sens commun, avec le sentiment que tout eflbrt pour le definir etait vou£ a la sterilite, comrne Fetait tout effort pour resoudre le probl^me du fondement de Tinduction.

Sans doute la sagesse est de son cote, cette sagesse qui, ce sont ses propres paroles, repose sur un demi-scepticisme et se detourne du souci de la certi- tude et de la realite" absolues parce que dans notre monde relatif toute certitude est mensongc et que la realite est fantome. La vie liumaine n'est-elle pas remplie paries laches fe"condes du savant et ne suffit-il pas d'une vue d'ensemble de Fharmonie et de la beaule des pensees humaines aulieu des luttes contre les moulins a vent de Fontologie, et n'est-il pas, a cet e'gard, le plus sur des maitres, Fexemple de ce qu'il faut chercher et de ce a quoi il faut renoncer ? Le salut n'est-il pas d'etre geometre ? Et c'est pour cela qu'il ne sc croit pas oblige de fonder la Science et de justiiler sa confiance en la raison, qu'il ne s'inlerroge pas, au moms publiquement, sur la nature des choses, la liberte', la signification de Fhomme, de son origine et de sa mort.

Pourquoi faut-il, pense-t-on cependant, qu'il ait disparu pr&natur&nent? En ces vingt ans de vie auxquels il avait encore droit, peut-6tre eut-il simplement enrichi la Science d'autres de'couvertes physiques ou math^-matiques, et se serait-il <5teint en toute serejoite", conscient d'avoir fait son devoir d'homme. Mais peut-^tre aussi se fut-il d^tourn^ du monde des faits et des raisons logiques pour se pencher sur le monde inteTieur, sur les problemes de Fesprit et tous les au-dek de la Science, et c'eut e"t£ pour nous une legon incomparable.

CINQUIEME PARTIE

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE.

A.- CL0TURE DE LA. PREMIERE ETAPE DES CMMONIES

DU CENTENAIRE.

Avec les ceremonies de Nancy, la decade des grandes manifestations destinies a cel^brer le centenaire de la naissance de Henri POINCAR£ a pris fin. Le Comit^ d'Organisation espere avoir donn<5, dans les pages qui pr^c&dent, une id£e de 1'ampleur de ces manifestations, ampleur qu'il aurait voulu plus grand e encore. II s'excuse des oublis qui auraient pu 6tre faits dans les r^cits de ces journ^es, et il remercie tous ceux qui ont contribu^ a leur succ&s, a quelque titre que ce soit, qu'ils aient pris une part active a leur organisation, ou que, comme les digues Strangers, ils en aient rehauss^ 1'^clat par leur presence.

Mais la date du 22 mai 1964 n'a pas, pour autant, mis un point final aux manifestations provoqu^es par le iooe anniversaire de la naissance de Henri PoiNCARfi. Le monde entier, en effet, a voulu rendre un t6moignage a la memoire de Fillustre savant, et en France £galement d'autres temoignages se sont produits et se produiront encore.

C'est ainsi que la soci6t6 des Radiodectriciens, r^unie le 19 juin 1964 a la Sorbonne, a entendu la lecture d'une notice de M. Edouard PICAULT, ancien president de la soci6l6, ing6nieur g^n^ral des T^communications, sur « la contribution de Henri POINCAR& a la radio^lectricit^ et aux t6l£communi- cations ».

Mais le Comit£ d'Organisation devait se limiter a une certaine date, faute de ne pouvoir jamais consid^rer sa tdche comme termin^e, et de retarder inde'finiment la publication de ce Livre du Centenaire. Ou plutot il devait conside>er cette date comme ^tant la fin d'une premiere 6tape, car il n'entend pas se d^sinteresser maintenant de ce qui louche a Henri

CINQUIEME PARTIE.

B. - U JOURNEK INTERNATIONALE HENRI POINCARE

A LA HAYE.

A Tissue du Congres International des Math^maliques, qui s'est tenu a. Amsterdam au debut de septembre icp4, une « Journe'e Internationale Henri Poincare' » a ete organises aux Pays-Bas, au cours de laquelle sixconferenciers, ont cherche a « mettre en lumiere le developpement des ide'es de Henri POINCAR£, dans le domaine special )>, qui leur titait propre.

C'esl a La Haye, a la « Rolzaal » que cette manifestation a eu lieu. Deux seances, une le matin, une Fapres-midi, ont t§t6 tenues le samedi 1 1 sep- tembre IQ54- Le Professeur Gaston JULIA, President du Comite" du Cenlenaire, a ouvert cette journee par une allocution dont on trouvera le texte plus loin, puis les six confe"renciers ont pris successivement la parole; ils se sont tons exprim^s en francais.

M. Andre WEIL, de 1' University de Chicago, sur Poincare et VArith- metique.

M. Hans FREUDKNTHAL de I'Universit^ d'Utrecht sur Poincareet les f auctions « automorphes ».

M. Laurent SCHWARTZ de la Sorbonne sur Poincare et les equations diffe- rentielles de la Physique.

M. Jacques Lfivv, Astronome a TOLservatoire de Paris sur Poincare et la Mecanique celeste.

M. Paul ALBXANDROY, de FUniversite' deMoscou sur Poincare et la Topologie.

M. Evert W. BETH, de FUniversite' d'Amsterdam sur Poincare et la Philosophic.

Tous ces textes ne nous ^tant pas encore parvenus, nous nous excusons de ne pas donner ci-apres la totality de ces conferences.

Son Excellence M. P. J. GARNIER, Ambassadeur de France a. La Haje, a bien voulu assister £la stance de Fapr&s-midi, et c^est lui qui a cldture' cette journe'e

HOMMAGE DE I^ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 2C>5

Internationale en prononcant les quelques mots que nous reproduisons ci-apres, pour a f firmer avec Henri PoiKGARfi que, si les theories et les ide'es qui nous guident passenl, il subsiste toujours quelque chose de ce qu'elles ont apporte', et que les efforts de ceux qui les ont soutenues n'ont pas e'te' inutiles au progres.

Pour terminer cette soire"e du samedi n septembre 1934? 1'Ambassadeur de France a offert, en sa residence Princessegracht 28, a La Haje, une brillante reception, pour remercier les Congressistes d'avoir bien voulu prolonger leur se"jour en Hollande, pour marquer en commun d'une facon particuliere le centenaire de la naissance de Henri POINCAR£.

ALLOCUTION DE M. GASTON JULIA,

POUR L'OUVERTURE DE LA JOURNEE INTERNATIONALE HENRI POINCAR& A LA HAYE LE 11 SEPTEMBRE 1954.

Le Comite' d'Organisation du Congres des Mathe'maticiens, re'uni a Amsterdam en 1964, a voulu comme'morer par une reunion spe'ciale le cente- naire de la naissance d'un des savants qui ont le plus illustre" et enrichi la science mathe'matique.

Henri POINGAR^ est n6 a Nancy le 29 avril i854- Par sa naissance, par sa vie et par sa mort, il appartient a la France, et dans la semaine du i5 au 22 mai derniers nous lui avons rendu, a Paris, a Caen, a Nancy, Thommage national qu'il me'ritait. Mais par son ceuvre, Henri PoiNCARfi appartient aussi a 1'huma- nite" tout entiere, et c'est Phommage de tons les mathe'maticiens que nous aliens lui rendre aujourd'hui.

II nous a sembl6 que Fhommage qui convenait le mieux a un ge'nie de cette envergure, c'e'tait encore de passer en revue les principaux aspects de son ceuvre et les principaux progr&s qu'elle a suscite's. MM. KOKSMA, LOONSTRA, FREUDENTHAL et VISSER, a qui j'^tais joint en complete union de pens^e, ont> d'une part, prepare" toute la partie technique de la pr6sente reunion, et, d'autre part, dress6 un projet de six courts exposes destines, non a embrasser 1J en- semble de l'ceuvr,e de POINCAR^ (c'e'tait impossible!), mais a en esquisser les traits principaux.

Six confe'renciers, choisis parmi les plus distmgue's du domaine mathe'ma- tique ou ils travaillent, out bien voulu r6pondre a nos vues et accepter la charge

•>o6 CINQUIEME PARTIE.

d'un travail rendu plus difficile par la concentration el la concision qu'il exigeait des exposes. Que nos six eonferenciers rccoivent des maintenant Texpression de notre gratitude.

Je veux aussi remercier toutes les, personnes qui se sont jointes a nous pour la commemoration d'aujourd'hui : toutes les personnalile's nderlandaises qui, par leur presence, nous inarquent l'int6reH bicnveillant qu'elles apportent aux manifestations de la pense"e; tons les maihtfmaticiens Strangers enfin, qui, malgre des difficult^ de toute sorte, ont bien voulu prolonger leur voyage pour joindre au ndtre leur hommage.

Permettez-moi encore quelques mots pour r^sumer a grands traits la vie d'Henri PoiNCAitfi. Apres avoir fail ses classes an lyctie de Nancj, il enlre a TEcole Polv technique en i8j3, lo premier de sa promotion. II en sort le second, en 1876, a cause de sa faiblesse en dessin. II entre alors a Pficole des Mines et il en sortira ingenieur ordinaire pour aller, a ce litre, travailler a Vesoul. En 1879 commence sa carri&re mathematique. A Caen, puis a Paris, il est successivement professeur d'Analyso, de M^canique celeste, de Physique mathematique. Dans une activite incessante et toujours novatrice, il parcourt tous les domaines math^matiques et physiques connus de son temps, il en de"gage aussi les principes philosophiques, il dtScoinre enfin bien d'autres champs de recherches, si bien qu'il n'est peut-etre pas un des domaines mathe'matiques d'aujourd'hui qu'il n'ait fecond6 et ou il n'ait Iaiss6 sa marque. II meurt en 1912, d'une embolie consecutive a une operation chirurgicale, et ce fut une grande perte pour Thumanite.

MM. Andre WEIL, Hans FRECDKNTHAL, Laurent SCHWARTZ, Jacques LEVY, Paul ALEXANDROV, Evert BETH vont successivement nous presenter leurs exposes. Je m'empresse de leur ceder la parole.

CONFERENCE DE M. A. WEIL

A LA HATE.

Poincar<§ et rArithmStique.

Qu'il me soit permis avant tout d'adresser mes remerciements a nos collogues hollandais, organisateurs de cette journ^e consacr^e i Henri POINCARE, pour leur aimable invitation. J'ai accueilli celle-ci avec plaisir, car elle va me donner

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 207

1'occasion d'auirer 1'attention sur des aspects pen connus de 1'ceuvre de PoiNCARfi, dont je suis persuade qu'on trouverait profit a reprendre Petude.

Malheureusement les limitations de temps qui nous sont imposes aujourd'hui n'ont laisb^ aucune place pour un expose, si bref ful-il, des Iravaux de POINCAR^ sur la geometric algebrique et sur les fonctions abeliennes; je ne puis nean- moins me dispenser ici d'en signaler 1'irnportance capitale et la profonde influence sur le ddveloppemont que ces branches des Malh^matiques onl pris depuis lors.

Les Perils de POINCARK qui louchent a PArithmetique occupent un volume enlier (tome V des OEuvres}. On ne saurait nier qu'ils sont de valeur inegale. Certains n'ont gutjre d'aulrc interet que de nous fa ire voir combieii attenti- vemeni POINCAUE a ses debuts a etudie loute 1'ceuvre d'HERMiTE et comme il s'en est assimile les metbodes et les r<3sultats. On a dit parfois que POINCARE lisait peu; ce qui frappe dans le volume de ses QEuvres dont il s'agit, c'est surtout qu'il s'y montre fort peu instruit des travaux en langue allemande; sans doute ne lisait-il Pallemand qu'avec beaucoup de peine. Mais il ne donne certes pas 1'impression d'un ignorant ni d'un autodidacte.

C'est sous P influence d'HERMiTE, bien evidemment, que POLXCARK a consacr6 plusieurs de ses premiers travaux a la theorie alg^brique et aritlim^tique des formes, et particuli^remcnt des formes cubiques ternaires et quaternaires. Ses reflexions sur ce sujet Pont aments en particulier a une demonstration et a une extension du tbeor&me de JORDAN d'aprtjs lequel il n'y a qu'un nombre fiiii de classes de formes alg^briquement (5quivalentes a. une forme donn^e de discri- minant non nul (OEuvres, t. V, p. 2gg-3o5); cette question, loiigtemps negligee, m6riterait certainement d'etre reprise, par example aim d'etendre le tli£or&ine de JORDAN aux corps de nombres alg^briques; sans doute conviendra- t-il pour cela d'avoir recours a PoiNCARfi.

Mais laissons la parole a notre auteur. Voici comme il parle de ses premieres recherches, dans son c6l6bre r^cit de la decouverte des fonctions fuchsiennes (Science et Methode, p. 5a) :

« ... Je me mis alors a 6tudier des questions d'Arithm^tique sans grand r^sultat apparent "et sans soupgonner que cela put avoir le moindre rapport avec mes recherches ant6rieures (sur les fonctions fuchsiennes). D^goute de mon insucc^s, j'allai passer quelques jours au bord de la mer, et je pensai a tout autre chose. Un jour, en me promenant sur la falaise, Pid6e me vint,

yntS CINQUIEME PARTI E.

tun jours avee ICN intent's caraeteres de brie\i'te. de soudainete el do certitude immediate, que Irs transformations arilhmetiques des formes quadratiques ternaires indefmies etaient ideiitiques a celles de la Geometric non euclidienne. a Elant revenu a Caen, je reflechib sur ce resultat, et jVn tirai les cons6- quences; Fexemple des tonnes quadratiques me montrait qiTil J avail des groupes fuchsiens autres que ceux qui correspondent a la serie hyperge'ome'- trique; je vis que je pourrais leur appliquer la lh*5oric des series thtSta- fuchsiennes .... w

Ainsi PoiNCARfi, an moment dont il parle, venait de decouvrir le premier example de groupe discontinu et de functions aulomorphes deTmis par des movens arithmetiques. On connait assez la tres vastc extension de ces r^sultats a la theorie des fonctions automorphes de plusieurs variables, extension qui est avant tout Feeuvre de SIEGEL. S'appuyant sur cet exemple (ainsi que sur celui qu'il avail tinS de Felude de la s6rie hypergeometrique)7 PoiNCARfi ne tarda pas a odifier unc theorie gen^rale, d'allure surlout gt5omt5trique, de tous les groupes fuchsiens et des fonctions automorphes qui leur appartiennent; notons en passant que nous n'avons rien d'analogue jusqu'ici en ce qui concerne les fonc- tions de plusieurs variables; nous n'avons m6me aucun proce'de' g^n^ral de construction de groupes discontinus donnant naissance a de telles fonctions en dehors de ccux que fournit FArithmetique.

Mais Finter^t des fonctions automorphes litres a la theorie des formes quadra- tiques ternaires indefmies n'est pas seulement historique et anecdotique. Ces fonctions ont une propritHS qui, d<5couvcrte par la suite par POINCARJ&, Fa vivement frapp^ : c'est de donner lieu a unc ge'ne'ralisation de la the'orie de la transformation des fonctions modulaires. Ce point nitrite un expos^ plus

Soit F une forme quadratique indeTmie a coefficients r^els a trois variables X, Y, Z. Dans le plan projectif, liquation F = o repr^sente une conique re'elle C; C admet une representation param(5trique ou X, Y7 Z s'<5crivent comme polynomes du second degr6 a coefficients rebels en un para- mStre r^cl T. Soit T le sous-groupe du groupe lin^aire unimodulaire r^el ^ trois variables X> Y, Z qui laissc F invariante. Toute substitution S de F trans- forme C en elle-m6me et induit sur le parametre T une substitution homogra- phique rt^elle S; la correspondance entre S et S est un isomorphisme entre I et groupe tomographique r6el F. Soit G le sous-groupe de T d'indice 2 form£

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des substitutions qui laissent invariant le sens de parcours sur C; soit G le sous-groupe correspondant de F; G est Fensemble des substitutions homogra- phiques reelles sur T qui transforment en Iui-m6me le demi-plan superieur du plan de la variable complexe T, et peut 6tre considere suivant PoiisCARti comme groupe des deplacements non euclidiens dans ce demi-plan.

Supposons maintenant que F soit a coefficients entiers; soient G' et g les sous-groupes de G forme's respectivement des substitutions de G a coefficients rationnels et a coefficients entiers; soient G' et g les sous-groupes corres- pondants de G. De la representation parametrique, en general biunivoque, de G, connue sous le nom de « transformation de CAY LEY », il resulte que G' est partout dense dans G. Distinguons deux cas, (A) et (B), suivant que G admet ou non une representation parame'trique a coefficients rationnels; pour qu'on soit dans le cas (A), il faut et il suffit que C ait un point rationnel, ou encore que la forme F « repre"sente zero », c'est-a-dire que F = o ait une solution en nombres entiers; alors, pour un choix convenable du parametre T, les substitutions de G' seront a coefficients rationnels.

Comme on 1'a vu, POINCARE avait clecouvcrt tres tot que g est un « groupe fuchsien ». Plus pre"cise"ment (cf. OEuvres, t. V, p. 267-274)? dans le cas (A)^p est commensurable au groupe modulaire si 1'on convieiit avec POINCARE de dire que deux groupes sont commensurables lorsque leur intersection est d'indice fini dans chacun d'eux. On se trouve alors ramene' en principe a la theorie des fonctions modulaires. II est a noter qu'en ce cas ^ contient n<5cessairement des substitutions paraboliques, done que pour un choix convenable de T les fonc- tions invariantes par ce groupe sont des fonctions pe'riodiques, admettant par consequent des developpements en s^riede FOURIER. On sait quelle est 1'impor- tance fondamentale de ces developpements dans la theorie des fonctions modu- laires j usque dans ses aspects les plus arithme'tiques, et par exemple dans Fceuvre de HECKE.

Dans le cas (B), au contraire, ~g ne peut contenir de substitution parabolique et a done un domaine* fondamental compact (loc. cit., p. 272). Du point de vue de la pure theorie des fonctions, cela rend en principe son etude plus simple. En revanche, on ne peut plus developper en serie de FOURIER; c'est peut-£tre la ce qui explique Fignorance profonde ou nous sommes encore au sujet des fonctions automorphes appartenant a de tels groupes.

Dans un cas comme dans Fautre, soit S une substitution appartenant a G'; on peut Fecrire sous la forme a-1T, ou a est un entier et T une substitution H, p. . 27

?IO CINQUIEME PARTIE.

a coefficients eatiers. Si U est une substitution quelconque a coefficients entiers, il suffil, pour que S"1 US soit aussi a coefficients entiers, que Ton ait U == i (modD), i designant la substitution unite et D le determinant de T. Couime 1'observe PoiscARfi, il resulte aussitut de cette remarque que les Croupes g et S~Lg'$ sont comrnensurables pour tout S dans G'. L'applieation des principes generaux de la theorie des fonctions uutomorphes montre alors hnmediatement que, si /est une fonclion fuchsienne de groupe g, il y a une relation algvbrique etitre f et sa t ransformee par toute substitution S deG'. Le groupe "g qui laisse /invariants est done contenu dans un groupe G' beau- coup plus vaste, et m£me partout dense dans G, transformant/en une fonctioii liee a /par une relation algebrique. Dans le cas (A), ce resultat est essentiel- lement celui qui donne naissance a la theorie de la transformation des fonc- lions modulaires et des «. correspondances modulaires » ; la-dessus repose par exemple toute la theorie de HECKE, avec les consequences qu'on n'a pas fini d'en tirer. Est-ce faule de 1'instrument fourni par la serie de FOURIER que les problt'ines analogues pour le cas (B) n'ont m£me pas <5tt5 effleur^s jusqu'ici, en dt^pit de Pinsistance apporttSe par PoiNCARfi a attirer 1'attention sur eux? II est certainement a souhaiter qu'on s'j attaque au plus tot, peut-£tre a la lumi^re des connaissances recemmeut acquises sur les correspondances enlre courbes algebriques.

Le deruier travail arithmetique de POINGAR£ (QEuvres^ t. V, p. 483-548) a evidemment aussi son origine dans les premieres reflexions de POINCAR£ sur la theorie des formes. Mais a ses debuts il ne s'etait pas ecarte des principes de la th^orie traditionnelle, dominec par le groupe lin^aire. Par la suite, ses travaux sur les fonctions fuchsiennes et Finfluence de KLEIN l'amen£rent a etudier Fceuvre de RIEMANN, ou domine la notion d'invariance birationnelle. 11 ne pouvait done manquer de s'apercevoir que certaines des proprietes essentielles d'ime forme ternaire F(X, Y, Z), par exemple celle de pouvoir repr^senter zt5ro, sont en r^alite des proprietes intrins^ques de la courbe F(X, Y, X) = o, invariantes non settlement par rapport aux transfor- mations projectives mais par rapport aux correspondances birationnelles a coefficients rationnels. C'est sur ce sujet qu'il publie en 1901 un Memoire qui est, dit-il, « plutdt un programme d'etude qu'une veritable theorie ».

Passons sur ses r^sultals sur les courbes de genre zero, qui en realite n'etaient pas nouveaux et que nous savons aujourd'hui deduire tr&> facilement de la theorie des courbes algebriques a corps de constantes quelconque. L'impor-

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tance et Poriginalite du M^molre tient a 1'tkude qui y est faite des courbes de genre i, et particuli&rement des cubiques, sur le corps des rationnels C'est ici que PoiNCARfi inlroduit la notion de rang d'une telle courbe ; ce rang est a peu pr&s le plus petit nombre de points rationnels sur la courbe a partir desquels on puisse obtenir tous les autres par addition des arguments elliptiques attaches a ces points lorsqu'on uniformise la coorbe par des fonctions elliptiques. D'une manure precise, le rang se definit comme rang du groupe des points rationnels sur la jacobienne de la courbe. POINCAR£ a-t-il conjecture que le rang est toujours fini? C'est ce que son texte ne permet pas de decider avec certitude; en tout cas un theor^me c£l6bre de MORDELL nous assure qu'il en est bien ainsi. La demons Iration de MORDELL repose sur la descente infinie au moyen de la bisection des fonctions elliptiques. Une partie des calculs de POINCAR£ equivaut a une 6tude de la trisection, qui, poussee jusqu'au bout, aurait en principe pu conduire au m&me r^sultat, au prix de beaucoup de complications supple'men- taires; mais POINCAR^ n'en tire rien de d^cisif, et ce n'est qu'a la lumi&re du travail de MORDELL et des recherches ult^rieures qu'on apercoit la port^e v£ri- table de ces calculs. La notion de jacobienne d'une cubique de genre i sur le corps des rationnels se trouve aussi implicitement dans le travail de POINCAR£; mais il est difficile de 1'y apercevoir si on ne la poss&de deja, ejt en effet il n'y a aucun lien entre ce travail et les recherches r^centes qui ont dtifinitivement precise cette notion, non seulement pour les courbes de genre i mais pour les courbes de genre quelconque, sur un corps de constantes arbitraire.

Sur tous ces points, I'inl6r6t du M^moire de POINCARE est d'ordre historique; on peut en dire autant de ses remarques sur les courbes de genre sup^rieur a i , ou en somme il 6tend a ces courbes la notion de rang qu'il a introduite aupa- ravant pour le genre i. Que ce rang soit toujours fini, non seulement sur le corps des rationnels mais sur tout corps de nombres algt&riques de degr-6 fini, c'est ce que j'ai d£montr6 dans ma th&se en m'inspirant de la demonstration de MORDELL pour le genre i ; ce r^sultat a regu r<5cemment une tr&s vaste et importante extension dans la th&se de N£RON. Mais, m6me en ce qui concerne les courbes de genre i, nos connaissances demeurent tr&s incompl^tes au sujet de celles de ces courbes qui n'admettent aucun point rationnel et ne sont done pas birationnellement 6quivalentes a leur jacobienne. Sans doute y a-t-il int£r6t a consid^rer, pour ces courbes, les extensions non ramifi^es, c'est- a-dire en langage classique, les courbes qui se deduisent de la courbe donm3e par « transformation » des fonctions elliptiques correspondantes. Or PoiNCARfi

212 CINQUIEME PARTIE.

considere justemeiit des cubiques d<5duilcs d'unc cubique donnee par une transformation du troisi&mo ordre. II se pent done qu'une <Hude plus attentive de son Mernoire puisse encore conduire a de nouveaux resultats. Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, j'esp&re vous avoir montre que 1'oeuvre de PoiNCARfi n'appartient pas seulement a Thistoire de notre science; elle appar- tient aussi a la plus vivante actual! te.

CONFERENCE DE M. H. FREUDENTHAL

A LA H\YE.

Poincare et les fonctions automorphes.

Les fonctions « fuchsiennes » que nous avons Phabitude cPappeler « auto- morphes », sont le premier chapitre de 1'oeuvre scientifique de POINCARE, precede seulement par sa these et un petit nombre de travaux qu'on pent n6gliger dans 1'oeuvre totale sans faire tort a son auteur. C'est le premier chapitre et c'est aussi celui qui, apr£s un developpement de quelques dizaines d'ann^es, atteignit le premier cet 6 tat ou Ton dira d'une th<5orie math^matique qu'elle est « d^ja classique ».

Puisse cette reflexion vous r^concilier avec le choix d'un conferencier qui^ sur le theatre des fonctions automorphes, s'est loujours content^ du role de spectateur int^ress^, choix fort contestable, mais qui s'imposa quand, il y a 1 5 jours , une lacune s<5rieuse vint menacer 1'harmonie de cette comm^mo- ration ! Permettez done que je traite mon sujet en historien, qui se plonge dans un pass£ revolu, pour vous peindre 1'image d'une 6poque qui se termine au moment ou ce chapitre de Fceuvre de PoiNCARft est devenu classique.

Vous connaissez bien la place qu'occupent les fonctions automorphes cr6£es parPoiNCARfi en 1881 dans 1'histoire de 1'analjse : elles 6taient pour lui-m^me et pour Fdix KLEIN 1'outil puissant pour attaquer le probl&me de 1'uniformi- sation des fonctions alg^briques ou m^me analytiques et des surfaces de RIEMANN. On sait aussi que leurs altaques hardies et admirables, mais insuffi- samment pr^par^es n'ont pas r^ussi a vaincre le probl^me, mais qu'elles ont pr^par^ la resolution definitive, un quart de si^cle plus tard.

Voila un abr^g^ de Phistoire des fonctions automorphes qui est formellement

213

correct, mais qui pourtant doii creer des id^es fausses sur tous les points essentiels. L'hisloire a toujours ete plus compliqu6e que la post£rit6 ne le pense.

Preincrement, quand PO'LNCARE faisail ses debuts en 1880-1881 , il n'y avail pas de probl&me d'uniformisalion, ou platot, s'il y en avail, ii 6ta.il r^solu depuis longtemps. Oui, c'est une conslalation paradoxale qu'il faut juslifier.

Le premier probl&me non trivial d'lmiformisation a 6\.6 r6solu par ABEL et JACOBI. G'titail celui de la fonction alg^brique d6finie par

(i) w-= R(^),

ou R est un polynome du troisieme ou quatrieme degre; 1'int^grale elliplique de premiere espece

(2)

rds

u = /

J w

est une fonclion multivalenle qui posscide deux p^riodes, son inverse est une fonclion doublement pdriodique, qui trans forme le plan u univoquement dans la surface de RIEMANN (5, (v). Par cette transformation z et w deviennent des fonctions uniformes de u : la relation (i) parait uniformis6e par I'introduction du param^tre u,

Si le degr6 de R(^) est plus grand, par example 5, tout esl moins simple. L'int6grale (2) poss&de alors quatre p^riodes, son inverse serail une fonction quadruplement pt^riodique, dont le caracl^re paradoxal a plong(§ JACOBI dans la perplexit^, la multivalence de cette fonclion n'a ^t^ comprise que grace aux notions de la th^orie riemannienne des fonctions complexes. Quoi qu'il en soit, au cas hyperellipticjue, 1'int^grale (2) ne pouvait pas effectuer 1'uniformi- sation de la relation (i).

JACOBI trouva Tissue. II op(5ra sur la puissance /?I6mc topologique de la surface de RIEMANN (de genre/?) et en fit Funiformisation par p integrates de premiere esp&ce MI, . . . 5 Up, grace au th6orfeme d'ABEL. Si xi: . . . , xp est un syst^me variable de p points de la surface, les congruences

(3) Ui(Xi) H-. ..-h Ui(xp) = ci mod. per. (i = i, ...,/?)

possSdent une solution unique, les a £tant des valeurs donn^es g6n£rales.

JACOBI n'avait trait^ que le cas hyperelliptique de genre 2 et il n'avait pas encore d£montr£ 1' uniformity de la solution, mais sa m£thode resta definitive

2i { CINQUIEME PARTIE.

pendant un demi-sieele. RIEHANN Fa elendue a des fonctions algebriques quel- conques clans ses Iravaux ibndameiUaux sur ies fonctions abeliennes.

Telle e~lail la situation quand PoiMuuf; avail 27 ans : le problfcme de 1'unifor- misation des tbnclions ulgebriques etait bien resolu et personne n'aurait pu y ajouter une idee essentielle. II cst vrai quo cello uniforraisaiion s'effecluait au moyen de p fonctions de p variables [cclles qui apparaissenl dans (3)], mais a cause du paradoxe de JACOBI on lie pouvail pas s'atlendre de s'en tirer a nieilleur eomple.

Et pourlanl POINCAH£ reussit a t'aire re (our de force. On ne pourrait imagmcr une illustration plus frappante de cc que Poixc.infi affirmera au Congr&s dc Home (I, 1908, p. i;3; : « II n'y a plus des problemes resolus et d'autres qui ne le sonl pas, il y a seulement des problemes plus ou moms resolus. . . ». Ce qu'on a cru impossible pendant im demi-si6cle, runiformisation des relations algebriques quelconques par des tbnclions (Tune seule variable complexe, est d'une simplicite enfantine, en tout cas beaucoup plus simple que toute la tht»orie d'inversion a laquelle JACOBI et RIKMANN avaient donn^ tant de soin. Mais pour en venir a bout, on ne devail pas se laisser aveugler par des int<5- grales de premiere esp{ice; on devail inventer ces nouvellcs iranscendanies que PoiNCARfi appelail tuclisiennes.

Comment expliquer ce gesto auclacieux. d'un jeune liomme de 27 ans qui rompt brusquenient avec une tradition d'un demi-si^cle? Son ggnie dtait siirement une condition necessaire, mais qui ne suffisait pas. II y avait un secret, un secret memorable ei etonnant : quand en 1881 PoiNCAiifi attaqua a sa maniere le probleme de runiformisation, il nc savail pas qu'il etait deja resolu par une mdthode canonist clepuis un demi^siecle. G'ost a son insu qu'il brise celte tradition v<5n(?rable.

Me soupgonnex-vous d'exageralion et de vous raconter des histoires fantas- tiques? Si c^laient vraiment des fantaisies, elles resteraient toujours consid6- rablement au-dessous de la reality. La r^alit6 est que PoiNCARfi ignorait non seulement le probl^me d'inversion de JACOBI-RIEMANN, mais presque tout ce qu'il y avait de remarquable a cette ^poque dans la theorie des fonctions. Son instruction mathe^matique elait des plus pativres.

On en trouve Ies preuves dans ses premiers travaux, mais il en a t6moign6 lui-m^me dans Fanalyse de son ceuvre r£dig6e 20 ans plus tard. II y mentionne le principe de DIRICHLBT et il continue : « Je ne connaissais pas ce principe a cette $poque? mais l'euss^-je connu, que je ne m'en serais pas servi. . .

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 2l5

(Acta Math., t. 38, 1921, p. 45)- Si POINCARE n'a pas connu le principe de DIRICHLET, il est absolument sur qu'il n'avait jamais lu RIEMANN el les auteurs qui ont continue sa the"orie. M6me la notion de la surface de RIEMANN semble avoir e"t6 inconnue de POINCAR& et en lout cas la definition topologique du genre etait nouvelle pour lui, a Fepoque ou il echangeail ses premieres leltres avec KLEIN (Acta Math., t. 39, 1928, p. io5).

Je vous avals promis de iraiter mon sujel en historien, mais m6me pour un historien il doit 6lre difficile de se Iransporler a une epoque ou un jeune malhe"maticien de 27 ans qui va devenir un des plus grands de son siecle, ne connail pas les travaux fondamenlaux de ses pre'de'cesseurs de 20 ans plus tot. II est vrai que PomcAiifi e"tait Feleve d'HERMiTE, analyste d'une habilete admi- rable et ressemblant aussi peu que possible a RIEMANN et guere plus d'ailleurs a POINCARE, esprits intuiiifs et ge"ometres. Reconnaissons qu'a cette epoque les jeunes savanls n'avaienl pas encore pris 1'habitude de parler plusieurs langages et de voyager entre les centres ou les sciences florissaient et que les relations personnelles se bornaient toujours a Fe"change de correspondance, pourlant quelque trait dans le caractere de POINCAR^ doit &tre responsable de cette ignorance merveilleuse. On y reconnait sans peine 1'homme tel que ses amis Font deem, retir6 du monde extt^rieur, introverli et en general ne sachant pas ce qui se passe autour de lui, mais qui, des qu'il le saisit, r^agit avec une inten- sity qui rappelle une Eruption. La premiere de ces Eruptions scientifiques a eu lieu dans ces annees 1881-1882, ou il a publi6 une s(§rie de 20 Notes dans les Comptes rendus et quelques Me"moires Ires 6tendus.

Le point de depart de POINCAIIE n'a pas ete le probleme de runiforinisation des fonctions algebriques. Vous savez que pendant toute sa vie ce sont presque toujours les applications qui Font inspire". Rien n'e'lait plus Stranger a son esprit que d'uniformiser une fonction alg6brique au moyen de fonctions trans- cendantes, petit jeu intellectuel qui r^duit le simple an complique". Sur la route qu'il pensait prendre, ce n'e"tait qu'une traverse moins importaiite. Qu'elle en soil devenue le but principal, c'est une vicissitude, qui n'est plus caract^ristique de Freuvre de POINGAR^.

PoiNCARfi s'e'tait pos6 un probleme tout a fait pratique : Fint^gration effective d'e'quations diff^rentielles ordinaires lin^aires a coefficients algebriques. II cherche des possibilite"s d'exprimer leurs solutions au moyen de transcen- dantes bien de*finies, par exemple par des series de MAC LAURIN toujours conver- gentes. A ce moment il a formula a son insu le probleme de Funiformisation

i'lfi CINQUIEME PARTIE.

des solutions iTuquations diHerentielles, donl celui de runilbrmisalion des functions algebriques n'esl qu'un cas special.

Au commencement de mai 1880, PoixcARfi lit un travail de FUCHS qui va uccuper son esprit. Le 28 mai il presume au concours d'un prix de PAcademie u n Memoirc ou le travail de FUCHS est analyst et continue (Acta Matli., t. 39, Hj2,:>, p. 58 j. Aux mois de juin et de juillet il y a eu uchange de correspon- daiice avec FICHS (Acta Math., t. 38, 1921, p. 183-187), qui refuse de recon- naitre les graves erreurs que POIXCAR& a de'couvertes dans son travail. Dans la Iroisieine lettre PoixcARfi parle de la fonction fuchsienne, dans la quatrieme ce mot figure deja au pluriel. En fevrier 1881 la premiere Note stir les fonctions fuchsiennes dans les Comptes rendus fait voir que le plan general de cette theorie qui, dans les OEuvres de POINCAKE, remplira presque un volume, est deja bien trac^ dans Tesprit de Tauteur.

L'ide*e est assez simple. FUCHS avait cherche" des conditions, pour que le quotient de deux integrates d'une Equation a coefficients rationnels

soit Finverse d'une fonction meromorphe. Un sysl^me fondamental d'inte"- grales subit une transformation lineaire, quand on tourne autour d'une singu- larite des coefficients, leur quotient se transforme de maniere projective et son inverse se reproduit, si Ton applique a sa variable ind^pendante cette projec- livite. Ainsi PoixcARfi est conduit a chercher des fonctions « fuchsiennes », qui satJsfont a des Equations fonctionnelles

ou S parcourt les substitutions d'un groupe de transformations

az •+- b

,

z =

a coefficients i^els (ou conservant le cercle-unit^). Ce groupe doit £tre discontinu. POIKCARS en construit ce qu'on appelle alors le domaine fonda- mental. Inversement, il se donne un polygone fondamental horde* par des cercles orthogonaux & 1'axe r6el et par des morceaux de cet axe et pourvu d'identifications de frontiere, et il trouve les conditions ne'cessaires et suffi- sautes pour que ce polygone appartienne a un groupe discontinu. Enfin il parvieat aux fonction^ automorphes par le proce'de' le plus simple du monde.

HOMMAGE DE LJETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 217

A partir d'une fonction rationnelle H(^) il forme la « s£rie de

qui dans la substitution z -> Sz du groupe est multiplied par ( ~r ) ]

le quotient de deux series avec le merne m est done automorphe. II etudie spe"cialement le cas ou le groupe est engendre par des rotations autour d'un

nombre fini de points a1? . . ., an+i] si les angles respectifs sont —-, Fimage

de'crite par la fonction automorphe F est une surface de RIEMANN ramifi6e aux points F(a/) de degre's respectifs AV. L'inverse d'un F bien clioisi est done une uniformisante de cette surface de RIEMANN. Pour uniformiser une surface de RIEMANN quelconque a un nombre fini de ramifications (pre'alablement re'elles), il faut varier les a/ de telle maniere que les F(a±)j . . ., F(an+i) parcourent tous les systemes possibles de valeurs. Ce probleme est r^solu par le principe fameux dit de continuity : si I'oii transforme biunivoquement une varie'te' compacte M (celle des systemes ait . . . , a/l4.i possibles) dans une autre M; de la meTne dimension (celle des surfaces de RIEMANN d?un type de ramifications donne"), 1'image couvrira tout M'. Ce m^me principe est applique", pour effecLuer une autre « inversion » : £tant donn6 un groupe, trouver I'e'quation de FUCHS qui y appartient. Enfin 1'ensemble des groupes admis est e'tendu; aux groupes kleine'ens, c'est-a-dire groupes de transformations line'aires ration- nelles quelconques (pas seulement re'elles), POINCARE applique toutes ces me'thodes, dont la fe'condittj avait apparu dans le cas fuchsien. II n'oublie jamais son point de depart; il retourne toujours aux Equations diffe'reiitielles , dont la solution effective reste son probleme principal.

Le de'veloppement que je viens d'esquisser se d6roule comme un. enchai- nement logique et naturel d'ide'es simples et intuitives. Mais je dois avouer franchement que j'ai trich^ un peu. J'y ai introduit illicitement une id6e qui provient de KLEIN. POINCARE n'a jamais lie' 1'uniformisation des fonctions alg^- briques a ces groupes spe""ciaux engendr6s par des rotations, qu'il a trait6s si longuement. Au moment ou il a fini toutes les preparations n6cessaires et ou seul le re'sultat devrait 6tre formula, il change de route et par une me"thode diffe'rente il parvient au the'oreme de 1'uniformisation. II admet des valeurs /r^^noo, c'est-a-dire qu'il s'occupe de polygones a angles ze"ro et des fonctions automorphes (gen^ralisant les fonctions modulaires) qui Jrans- forment le demi-plan dans la surface de RIEMANN recouvrant un plan dont on a H. P. 28

1U8 CINQUIEME PARTIE.

ott* n -f- i points. Grace an priueipe do continuite il peut localiser ces points justement aux. ramifications de la ibnction alg^brique domiee, qui sera unifor- misee au moyen de celte function automorphe.

Pourquoi ce detour mysterieux? Avait-il des raisons que nous ne connaissons pas, ou est-ce simplement une iaiblesse d'un auteur qui se noie dans la mer dc ses idees e! qui avec une \Hesse incroyable produit des travaux, clairs dans tons les details, mais rhaotiques dans leur composition? En tout cas, il a laisse a KLEIN riionneur de signaler le premier la voie plus clirecte, et si je ne me trompe pas, c'est le seul point essentiel ou KLEIN, dans les reclicrches sur les tbnctioiis automorphes, a depasse POINCUIK.

Des les premieres notes que POINCAUK publiail, KLEIN avail saisi 1'importance de scs idees. Tout le monde etait stupefait, mais le seul, dont 1'admiration e^tait fondle sur une comprehension plus proibnde, etait KLEIN. La notion de la ibnction automorphe lui etait familiere, quoiqu'il ne Peut rencontre^e que dans des cas tres spe'ciaux. KLEIN aimait la beaut6 idjllique des probltimes sp^ciaux, la « nature uiorte » telle qu'il la peint dans ses cours sur 1'icosa^dre. Si PoiNCARfe n'etait pas intervenu, KLEIN aurait developpe les fonctions auto- morphes, passant d'une generalisation a la suivante sans manquer aucun degr^ de 1'echelle. Embrasser un probleme dans toute sa generalite, ce ii'etait pas la maniere de KLEIN. I/apparition de POINCARJ& lui imposa des methodes qui n'etaienl pas les siennes. KLEIN se trompe, quand il compare cette concurrence a uue course ou paribis 1'un, parfois Tautre est en te"te. Des le debut POINCARE a une avance que KLEIN no peut plus rattrapper.

Vingt-six Ictlres out etc (5changees eiitre KLELN et PoiNC.vRft sur les fonctions automorphes. KLEIN en a (5crit la premiere, apr^js la partition de la troisi&me Note de POINCAR&. Dans cette correspondance POINCAR£ est 1'^vc, qui pose des questions, et KLEIN est le maitre, qui en toute since>it6 et loyauttS guide son e"l£ve et lui fait combler les lacunes t^normes de son erudition matht5matique. II n?y avait qu'un seul diff^rend : KLEIN d^sapprouvait la denomination de fonctions fuchsiennes que PoiNCARfi avait choisie, ignorant les m6rites des mathtaaticiens de Pe^cole de RIEMANN, mais POINCARE y tenait. En parlant de fonctions automorphes on a accept^ le point de vue de KLEIN.

Qui peut mesurer les sentiments provoqu6s chez KLEIN par les progr&s ^normes et instantantte que POINCAR^ fit sur une route ou eux, KLEIN et ses 6l&Yes, n'avaient avanc6 que pas a pas? Plus on saisit cette situation, plus on doit admirer Tattitude irr6prochable de KLEIN.

HOMMAGE DE LJETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 21 9

Ni KLEIN, ni POINCAR& n'aboutirent a cette 6poque. II y avail des lacunes serieuses dans leur raisonnements, beaucoup plus serieuses chez KLEIN que chez PoiNCARfi. Entre aulres le principc de continuity donna lieu a de graves objections. Ni la r6gularit6 topologique des varies M et M7 ni le principe mtiine n'etait assur^. Un quart de siScle doit s'^couler avant que les connais- sances acquises ne soient consolid^es et que les fondements ne soient soumis a une revision critique. HUBERT cite 1'uniformisation dans sa liste fameuse de probl&mes. En 1907 KOEBE rtisout le problSme, suivi par PoiNCAufi lui-m&me. La surface de rev^tement, dispositif d6ja propose par SCHWARZ et essay^ par POINCAR& en 1 883, parail etre Facets veritable ajla th^orie.

Je ne poursuivrai pas 1'histoire des fonctions automorphes. En revanche, je vais signaler trois consequences de ces rechercbes, qui peuvent 6Lre appr6ci6es par tout math^maticien, m6me par ceux qui ne s'int^resseraient gu^re aux fonctions automorphes :

La construction du domaine fundamental d'un groupe discontinu, qualifi^ de hardie par KLEIN, et extraordinaire a une 6poque ou 1'on n'utait pas accou- tum6 a des m^lhodes directes et non analydques.

La d(3couverte de la connexion qui existe entre les transformations r^elles Iin6aires et rationnelles d'une variable complexe et celles de la G6om6trie non euclidieniie, c'est-a-dire du module de POINCAR£ de la G^om^trie noneuclidienne.

Le principe de continuity et la notion de vari^te topologique ont attir^ Pattention de BROUWER, qui a su alors crt^er par sa demonstration de Finva- riance du domaine les m^thodes indispensables et fondarnentales dont la Topologie s'est servie depuis lors jusqu'aujourd'hui.

CONFERENCE DE M. L. SCHWARTZ

A LA HATE.

L'ceuvre de PoincarS : Equations diff 6rentielle s de la Physique.

a fait d'importants travaux en Physique proprement dite : polari- sation de la lumi&re par diffraction, th^orie de LORENTZ, ondes hertziennes, etc. Nous ne parlerons ici que de ses travaux de Math^matiques appliqu^es a la Physique, et sp^cialement de trois M6moires tr^s importants :

Sur les Equations aux d&rivees partielles de la Physique math&ma-

•jt«>(> CINQUIEME PARTIE.

tique (American Journal of Mathematics^ 1890); ce Memoire contienl la intHhode du balayage pour la solulion du probleme de DIRICHLET.

Sur lex equations de la Physique matliematique (Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo. 1^9/1); ce Memoire etudie 1'equation des membranes vibrantes, el iruuve loulos les valeurs propres.

,'»° La mclhnde de Neumann et le probleme de Diriehlet (Ada MalJte-

(.les irois Memoires so trouveiit dans le tome IX des OEuvres de POINCARH.

Le probleme de Diriehlet. Ce probleme a etc uu des probl&mes centra ux de la Physique mathematique, et dans line grande inesure il le reste encore, mais poar des cas plus g(5neraux qu?inilialement.

Prenons le cas le plus simple, ou ce probleme consisle a trouver une fonc- lion U hannonique dans tin domaine ^ born6 de Fespace euclidien, ayant des valeurs limites continues donnees sur le contour S de Q.

La premiere solulion, donnt^e par RIEMANN (i85i), e"tait fausse. Elle consistait

a prendre pour U la Ibnction mininiisant 1'integrale //•••/ z (~r~) d%->

J.' JQ ~* \ (**EI /

parmi toutes les tbnclious derivables ayant au contour S les valeurs prescrites. Or s'il esl vrai quo cette integrate a bien une borne inferieure puisqu'elle est >• o, rien ne dit que cette borne soit realistic pour une tbnction U. Quand en 1869 WEIKRSTHASS eleva cette objection a la demonstration de RIEMANN, ce fut un veritable choc dans le monde math^matique, et devant 1'impossi- bilite ou 1'on se trouva d5 « arranger » cette demonstration de facon qu'elle devint rigoureuse, force fut bien d'en trouver d'autres. Les premieres solutions correctes furent celle de NEUMANN, valable seulement pour un contour convene (1877) et celle de SCHWARZ (1869) (m6thode altern^e, de"veloppee dans le cas de deux dimensions, valable dans une dimension quelconque mais avec de difficiles ajustements; cette methode permet de re"soudre le probleme pour un domaiue i2 reunion de deux domaines ou la solution est connue). La solu- tion de POINCARE, donn^e dans le Memoire not6 i°, est beaucoup plus g6n6rale que les pre"ce"dentes, et d'une tr^s grande originality. Exposons le principe de cette solution, bas6e sur la methode dite du balayage. Si la valeur donn(5e sur le contour S est assez r6guli6re, elle peut se prolonger en une fonction deux fois continument differentiable dans tout 1'espace, qu'on pourra toujours supposer nulle en dehors d'un ensemble compact; ce prolongement est alors

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 221

un poteiitiel UP d'une couche de density continue p, qu'on peut toujours supposer ^ o,' en la decomposant au besoin en difference de deux couches ^ o ; dans le langage moderne, UP est surharmonique (le cas ou la valeur au contour est seulement continue se ramene au cas parliculier traite par un passage u la limite).

En quoi consiste le balayage? Soilf/. une distribution de masses ^o dans mi domaine co borne de frontiere reguliere s. Balayer tu sur s c'est irouver une nouvelle distribution v^o ported par s telle que le potentiel Uv soit e"gal au potentiel UP dans le complementaire de co, et major£ par U^ dans co. Ge pro- bleme est a peu pres equivalent au probleme de DIRICHLBT. Supposons par exemple qu'on puisse balayer sur la frontiere S la portion JJLQ de la masse p. de densiie p portee par £2, sans toucher aux masses exte'rieures a £2; la nouvelle

distribution v, portee par I £2, aura un potentiel Uv harmonique dans £2, et e'gal a UP dans I £2 ; s'il est possible de montrer que U est une fonction continue,

on aura U^— Uv sur S, et Uv resoudra le probleme de DIRICHLET pour &. Mais e>idemment on ne sait pas effectuer un tel balayage pour Q et c'est pre"cise"ment ce qu'on va tacher de faire. Si co est une boule ayantpour frontiere une spheres, on sait r^soudre le probleme de DIRICHLET et celui du balayage; le noyau de POISSON K(m, /?), m w, p €<?, donne la density superficielle de la distribution balay^e sur s de la rnasse-unitg au point m de w. On va alors recouvrir Q, par une suite de boules BI, B^, . . . , B/J3 . . . , et appeler co1? co2, . . . , oaa, . . . , cette suite parcourue de telle maniere que chaque boule B/t soitnomm^e une infinite de fois : BI, B2, B1? B2, B3, B4, B2; Ba, B4, .... On ope"rera alors les balayages suivants : p0 p. p; |JLA s'obtient en balayant sur $i la portion de ^o porte'e par oo4 sans toucher a la portion exte"rieure a Wi, . . . , yLtt s'obtient en balayant sur sn la portion de p./i-i port(5e par oo/0 sans toucher a la portion ext<5rieure a &);i. II est bon de remarquer que chaque operation de"truit partiellement la pr^c^dente : si par exemple cort_1 et M}I out une intersection jiion vide, le nibmQ balayage envoie toutes les masses port^es par co^ sur la frontiere sn, et aucune portion de $n ne s'en trouvera d^munie, de sorte que la portion de sn situe"e dans co/z_1 contiendra des masses, alors que la (n i)16me operation Ten avait d<3barrasse"e. Ainsi chaque fonction U^n est surharmonique, harmonique dans une region qui contient wn, mais qui ne va pas en grandissant. Cependant on voit aise'ment que la masse situe"e dans une partie compacte de ^ va en de'crois- sant et tend vers z^ro, et c'est la Fessentiel; la limite U sera harmonique mais

222 CINQUIEME PARTIE.

liiaite de functions qui mj le sonl jainais parloul. Plus preeisement la suite U'J'" est dticroissante, <lonc a une limite L" pour n -> oo ; conime dans toute bouJe B/. il y a une infinite de foneliuns LJ:J'" qui soul Iiarmoniques, L est harmoniquc dans B/,, done dans ft. An fond la inetliode employee ressemble singulierement u une methode altern<3e, permetianl de parser d'une boule a un domaine quel- eonque reunion de boules ; si ft esl une reunion de deux Louies B1? B2, la suite des fow est Bt, B-j, BI, Bo, . . . , et nous retombons sur la methode de SCIIWARZ. La fonclion U resoudra alors le probleme de DIIUCIILKT pour la donnee UP au contour, si Ton peut dtfmontrer qifelle est continue au contour, puisqu'on a U = LTP en dehors de ft. Pour verifier celle continuity en un point aeS, supposons qu'il existe un domaine I2fDft, de frontiere S' contcnant le point a de S, et supposons que pour ftf le probleme de DIRICHIKT, resolu par exernple par la mdme methode du balayage, aboutisse pour la dounee initiale UP (qui, rappelons-le, est suppos^e definie dans tout 1'espace), a une solution U', continue en //eS'. On a les iiu^alites UP^U^^U' d'ou

lorsque ^€ft lend \ers a, U? et l; out par bypothese la m6me limite, clone aussi U. Or le domaine complementaire d'un demi-cone de revolution donne lieu i\ une discussion possible pour la continuity de U;, d'ou Ton dt^duit que si, au voisinage de aeS, il existe un demi-cone de revolution enti^remeiit ext6- rieur a ft, la fonction U est bien continue en a, a est regulier pour le probl&me de DIRICIILKT comme on dit aujourd:hui. On voit pour la premiere fois inter- venir une discussion aussi fine sur le contour. Neanmoins ce n'est encore la que scrupulo d'analyste; quoique le cas traits ne couvre pas le cas general, PoiNCARfe ne soup^onne pas qu'il puisse y avoir des points irr^guliers, c'est LEBESGUE qui le montrera, et saura en tirer parti. On peut quand m6me dire que les notions modernes de points reguliers et irr^guliers, le fait que a€$>

est irregulier si I ft est « effil<5 » en a, tirent leur origine de la discussion de

PoiNCARfi. Naturellement ces m^thodes modernes permettent de poser le probleme de DIRICHLET en des termes que POINCARE n?eut pas imagines, puisque ft est un ensemble ouvert arbitraire de 1'espace euclidien, de frontiere (ferm^e) S quelconque.

Mais revenons sur le balayage Iui-m6me. Un point est tout a fait remarquable. PoiNCARfi a balay6, par un precede alterntS, la portion p.& de /i portcse par ft, sur la frontiere S, il obtient U, mais ne s'occupe pas du tout de la masse v limite des f% et dont U est le potentiel Uv. II est done dans une certaine

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 223

mesLire pass6 a cote du balajage proprement dit 1 C'est DE LA VALLEE-POUSSIN qui le premier a eu Fidee d'examiner ce que devenaienl les masses a la suite de ces balajages successifs. Voici ce qu'il dit dans son Mtjmoire de 1981 sur 1' extension de la miHhode du balajage de POINCARE et le probl&me de DIRICHJLET (An?iales de VInstitut Henri Poincare^ : « 11 semble bien cependant que Fillustre mathematician n'ait pas attache a sa methode 1'importance qu'elle meritait, et qu'il n'en ait pas reconnu la puissance. II ne s'occupe eu effet que des polentiels et neglige les masses. Ni lui, ni ses successeurs ne se sont clemancl6s ce que deviennent les masses transposes par le balajage. x> On sail toot le parti que DE LA VALLfiE-PoussiN et, a sa suite, les theoriciens modernes du potentiel, ont tir6 de cette consideration des masses. La technique de 1'espace de HILBERT et le theorem e de projection sont venus fournir le mojen d'avoir le balajage d'un seul coup pour £2, et par la m£me de r^soudre le probl^me de DIRICIILET, sans passer par 1'intermediaire des spheres, d'un proced^ alterne et d'un passage a la limite. La ruesure v, obtenue en balayant sur S la portion p.Q de JUL portee par £2 sans toucher au resle des masses, est la distribution portee par | Q dont la distance a /j. est minima, au sens de la « norme ^nergie ». II faut cependant reconnaitre que si cette m^thode est absolument directe, elle utilise le proc(5d6 transcendant qu'est le th^orSme de projection dans 1'espace de HILBERT, qui, pour Evident qu'il soit devenu aujourd'hui, n'utilise pas nioins lui aussi une suite minimisante, c'est-a-dire un passage a la limite. Mais les m^thodes de 1'espace de HILBERT ne servent pas qu'au balajagel HILBERT en 1900 a montrg qu'elles permettaient de rendre rigoureuse la m^thode initiale de RIEMAXN condamn^e par WEIERSTRASS, et actuellement, dans les Equations elliptiques d'ordre sup^rieur, comme dans les probl&mes aux limites les plus g^n^raux. pour les Equations hjperboliques, c'est cette m^thode de RIEMAJNN qui donne les meilleurs r^sultats.

II ne faudrait pas terminer cette analjse de la m<3thode du balajage sans dire quelques mots du M^moire de 1896, nott^ au dt^but. POINCAR& ne donne pas ici une nouvelle m(5thode. II est oblig£ de supposer ant^rieur-ement d^montr6 le th6or£me d'existence. II montre alors que la s^rie de NEUMANN, qui avait servi a ce math^maticien pour d^montrer le principe de DIRICHLET dans le cas d'un contour convexe, converge n^cessairement et r^sout le probl^me pour un contour r^gulier simplement connexe quelconque. On voit l^i que POINCARE, matli^maticien mais aussi phjsicien, n'hesite pas a consacrer tout un M£moire a indiquer une m^thode de calcul. C'est d'ailleurs dans ce M^moire qu'il

•»>4 CINQUIEME PARTIE.

introduit d'unr fa roa syMemaliqiu* la notion tic valeurs propres, donl nous allons parlor maintenant.

Lex ralears propres et Inclination f/es membranes vibrantes. Nous examinerons les iravaux tie POLNC.UU: sur les valeurs propres plus rapidement.

L'equalion (let* membranes vibrantes esl -> -7-7 AM = o. Si Ton recherche i v- (Jt-

ponr u nne solution stationnaire, tie la forme // = U(#, ;}') cos u£, LI doit salisfaire a Fequation elliptique AC -{-).?/.= o, X = ~; de plus on impose en

general a w, done a L, certaines conditions aux limites; nous prendrons le cas de la membrane a hord fixe, done U o an bord. Les valeurs possibles de X

sent les valeurs propres du probieme; les frequences correspondantes N = ~

srmt les frequences propres de la membrane, frequences diles du son fonda- meutal (pour la plus petite) et de ses harmoniques. La nature physique du probieme montre a priori Fexistence de cette suite de valeurs propres. D'autre part le parametre A a lui aussi une origine physique. La recherche de ces valeurs propres a suscite de nombreux travaux. C'est SCHWA RZ qui a trouv6 la premiere (la plus petite) en 1880 ; PiciRDa trouv6 la seconde en 1898 trouvti » an sens mathematique : montre Texistence). PoiNCARfi, dans son Me'moire not(i au debut, montre Texistence de toute la suite discrete de ces valeurs propres. II cherche pour cela a r^soudre Fequation AU + XU +/= o, avec valeurs de U nulles au contour. On cherche a de'velopper LI suivant les puis-

X

sances de A; TJ= N A;/L'/Z, et pour trouver chaque U,^ on a a r£soudre un

;r— 0

probieme de DIRICHLET. Une majoralion simple des Un montre alors que cette se"rie est convergente, et r*5sout le probleine qu'il se pose, si | A | est assez petit. Mais ensuite? en multipliant la solution trouve'e par un polynome en X a coefficients inde'termine's, il montre qu'on peut choisir le degr6 et les coefficients de ce polynome de fagon a rendre la se'rie convergente pour n'importe quelle valeur de X donne"e a Favance. Ainsi s'introduit une fonction me'romorphe de la variable complexe X: dont les poles (avec leurs ordres de mulliplicite') donneront les valeurs propres cherchees. Ceci fait en toute rigueur, Tauteur donne divers de'veloppements non rigoureux de nature heuristique : les valeurs propres pour d'autres conditions au contour en particulier. D'autre part il ne parvient pas a rnontrer que les fonctions propres forment un « systeme complet » de fonctions orthogonales.

HOMMAGE DE I/ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 225

Dans le Memoire des Acta (not£ 3°), la question des valeurs propres se pr^sente de facon entierement diflferente. II n'y a aucune raison physique de les introduire. Le param&tre A, qui plus tard fera fortune, est ici assez artiiiciel. II est introduit par POINCARE uniquement pour pouvoir r£soudre a la fois les probl&mes de DIRICHLET int^rieur et ext^rieur, en faisant A = i dans le premier et A = + i dans le deuxi&me. D'ailleurs POINCARE ne parvient pas a montrer 1'existence de ces valeurs propres dans le probl&me qu'il s'est pos£. 11 se contente de sugg^rer leur existence et le moyen de les obtenir. 11 monlre alors comment ce r^sultat, s'il est vrai, permet de montrer pourquoi la s^rie de NEUMANN est convergente; et il d^montre de fagon entierement rigoureuse la convergence de cette s£rie de NEUMANN (en supposant d£montr6 par ailleurs le principe de DIRICHLET) sans se servir de ses conjectures sur les valeurs propres. II a manqu6 de peu les d^couvertes qui seront faites quelques ann^es plus tard par un autre, FREDHOLM (1908) : noyaux it6r£s, determinant de FREDHOLM, fonction holomorphe enti^re de A dont les z6ros donnent les valeurs propres, dtSveloppements en series de fonctions propres, etc. Du moins a-t-il accueilli la d^couverte de FREBHOLM avec Fenthousiasme qu'elle m^ritait, et a-t-il public de nombreux articles sur les Equations de FREDHOLM. II est aussi permis de penser que les recherches qu'il a faites sur les valeurs propres des membranes vibrantes, recherches couronn^es de succ&s, et celles moins fructueuses qu'il fit ensuite a propos de la s£rie de NEUMANN, ont 6t£ pour beaucoup dans la d^couverte de FREDHOLM et toute la th^orie ult6rieure des spectres des op^ra- teurs compl&tement continus.

CONFERENCE DE M. J. LfiVY

A LA HAYE.

PoincarS et la Mecanique celeste.

Depuis qu'en 1909, G. DARWIN, remettant a Henri POINCAR£ la m^daille d'or de la Soci£t£ Royale Astronomique de Londres, analysait son ceuvre astrono- mique, celle-ci a fait Fobjet de plusieurs exposes d6taill6s, notamment celui de VON ZEIPEL, qu'on trouve dans les Acta mathematica de 1921, et celui de J. CHAZY, r^cemment paru dans le Bulletin astronomique, en 1961.

Dans un autre esprit que celui de ces exposes, je vais ici consid^rer moins H. P. 29

•»?<» CINQUIEME PARTIE.

rasped leeliriique quo 1'aspect historique de lYjeuvre, tenlant de situer les travaux »lc POLNCAUE, d'examiner l<js conditions dans lesquelles ils onl e'te' eilectues el les consequences qu'on a su en tirer.

Ces travaux se groupent aulour do trois questions fondamenlales : figures d'equilibre d'une masse iluide, theorie des marees, theorie des mouvements des corps celestes.

En 1881, PoiMuufc est charge1 du cours de Me'canique a la Sorbonne. Ensei- guani la Mecanique des fluides, il constate les impre'cisions et les imperfections de la theorie des masses fluides en rotation. En i<385, il publie le re^sultat de ses recherches dans un Me moire des Acta mathematica devenu ctfl&bre; le problems qu'il pose et resout est le suivant : quelles sont les figures d'equilibre rclatif que peul affeeter ime masse fluide homogtjne dont toutes les molecules s'altirent conformement a la loi de NEWTON et qui est anim<3e autour d'un certain axe d'un mouvement de rotation uniforme, quelles sont les conditions de btabilit£ de cet equiiibre? On sait la facoii magistrate dont il conduit son analyse : les auteurs precedents avaient recherche des solutions isol^es du probleme; lui, par continuite, parvient jusqu'a Fultime figure qui soit d'un seul tenant, celle qu'il a appelee piriforme. Le sujet a <H6 suffisamment vulgarise pour qu'il soit inutile d'iiisister, mais il convient de souligner les difficull&s auxquelles s'est heurt^e la recherehe de Involution ult^rieure du fluide, au-dela de la figure piriforme. POINCAR& ci^ojait primitivement a la stabilite de celle-ci; mais cette figure limite ne se pr&te pas a Tapplication du principe general de I'^change des stability, ainsi que ScHWARzscniLDle constate dix ans plus tard. POINCAR£ fait alors le plan des calculs d^taill^s qu'il y aurait lieu d'exe'cuter, DARWIN se charge de ces calculs et conclut a la stability, en 1902. Mais en 1900, LIAPOUNOFF, par une voie diff'erente, obtient un r^sultat opposed En 1910, J. JEANS reprend le calcul de DARWIN, prolonge ses d^veloppe- ments, des tormes neglige's sont retrouve's. le rc5sultat de LIAPOUNOFF est confirm^. Done la figure piriforme est instable; elle 6volue par une scission en deux masses distinctes au moins? dont on sait que 1'orbite relative est hyper- bolique par les travaux de E. CARTAN (1924) et H. JEFFREYS (1947). On voit comme il peut &tre malais^ de combler une br£che lorsqu'il en existe dans Tceuvre de POINCAR^.

En 1892, appel3 a la chaire de M^canique celeste, POINCAR^ est amen6 a s'inte'resser au probleme des marges. Le traitement maihe^matique des obser- vations par Panalyse harmonique, introduit par Lord KELVIN et mis au point

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 227

par, DARWIN, ne laissait guere a desirer. Mais pour le probleme general des marees, c'est-a-dire la recherche de la forme de 1'onde-maree sur loute la surface d'un ocean, aucune solution n'etait proposee. LAPLACE s'etait place dans des conditions elementaires non susceptibles de generalisation, ses successeurs egalement. La theorie que POINCAR& a etablie permel assez simplement de concevoir la solution d'ensemble du probleme. Mais la complication de la forme des continents et de la surface interieure des bassins oceaniques est dans la nature des choses ; la construction effective de la solution ge'ne'rale etait inabordable jusqu'a present; il n'est pas certain qu'il en soit encore ainsi, maintenant que Ton dispose du secours des calculatrices electroniques. II y a lieu de noter que la me'thode de POINCAR^, qui date de 1896, repose sur la reso- lution d'une Equation qui n'est autre que liquation de FREDHOLM; les premieres recherches de celui-ci ne paraissent que quelques annees plus tard.

Les travaux que je viens de ciler, sur les masses fluides en rotation etsur les marges, appellent une observation. L'article des Acta est de i885; le sujet est traite dans Loute son etendue ; les me* thodes sont expose'es avant d'etre employees ; le texte est d'une lecture ais6e. Aussi non seulement les resultats obtenus sont exploites, mais en outre les precedes nouveaux, que POINCAR£ introduit profu- senient ici comme dans tous ses Merits, se diffusent. J'en cite un; les petits mouvements des figures d'^quilibre sont £tudie"s de la facon suivante : le fluide est solidifie", soumis a une deformation homogene, et le probldme est ramene a la recherche d'une fonction harmonique satisfaisant a certaines conditions aux limites dans le petit volume balayt; au cours de la deformation. On sait que les probl&mes pratiques les plus divers ont depuis e^e" r^solus par cette methode.

L'article fondamental sur les marges parait dix anuses plus tard. II est trop dense pour que les non-sp^cialistes s'y attardent; aussi la theorie des equations integrales qui y aurait trouve sa source naturelle va se constituer de fagon independante. D'autre part la theorie complete des marees ne sera jamais mise au point par POJNCARE; le Tome III des Lecons de Mecanique celeste est en fait constitue par des notes de cours mises en ordre. II ne semble pas non plus que POINCAR& ait jamais eu le loisir de traiter 1'ensemble des probl&mes simples dout la reunion aurait permis Fapplication, sinon au probl&me general, du moins a des cas concrets. II est vrai que differentes contributions ont 6te apportees au sujet, notamment par 1'Amiral FICHOT qui Fa par ailleurs expose de fagon tout & fait remarquable en 1988 dans un Memoire ou 1'on ira desor-

228 CINQUIEME PARTIE.

mais plus volontiers puiser que dans POiivrage original. Mais c'est P effort de plusieurs generations cle chercheurs qui esl ntfcessaire lorsque POINCAR& limite le sien a PeHablissement des prineipes d'une theorie.

Peut-etre y a-t-il lieu de regretter que des cetle epoque les charges de plus en plus lourdes qu'il aecepte avec conscience ne lui accordent plus le temps de parfaire ses riMivreb. C?est aux innombrables academies, associations, conseils et comites qui ont sollicite la favour de Paccueillir qu'il donne une part du ineilleur de lui-me"me. II se depense a des laches qui ne sonL pas a sa mesure. C'cst ainsi que, president de la Commission charged d'organiser la revision de Tare de meridien de Quito, il (era lui-rneme, de 1900 a 1900, tous les rapports sur le sujet. En 1900, il discute des economies pouvant titre realises sur Pachat des mules de Poxpedition; en 1902, des mesures a prendre pour rem^dier a la destruction syste"matique des signaux geodesiques par les Indiens; en 1900, de la reproduction par planches colorizes des insectes recueillis par P expedition.

Or en 1905, il possexle tous les elements physiques et cinematiques de la theorie de la relativite; mieux, il prepare alors un cours sur les limites de la loi de NEWTON (cours inedit, mais donl le texte, recuelli, a ^16 public en 1968 dans le Bulletin astro nomique)\ dans ce cours se irouvent exposes a peu cl'intervalle : et les principales divergences entre Pobservation et la loi de NEWTON, et les formulas de LORENTZ, et ses propres travaux sur la dynamiqtie de P^lectron. N?est-il pas permis de penser que si la synth^se n'en a pas ete faite, c'est que ce rapprochement ne s'est jamais materialise sur sa table de travail, encombre'e par les lourds rapports sur les -operations geodesiques de PEquateur?

Encore s'agit-il la d'uneactivite secondaire pour lui, certes, mais scientifique. PoiNCARfi en avait beaucoup d'autres. Sa notorie"t6, et Pattrait que les choses du ciel exercent sur les foules, lui attirait continuellement les journalistes a court de copie. G'est ainsi qu'en 1910 Pann6e avait t5t6 exceptionnellement pluvieuse. On ne pouvait pas encore incriminer les explosions nucle'aires, on ne pouvait plus, comme a la fin du xvm° siecle, .s'en prendre aux d^boisements intensifs, aussi la presse invoqua les cometes de Panned. Apr^s, mais apr^s seulement, on s'inquieta aupr^s de lui de Pexactitude de cette hypothese. POINCAR& dut la combattre & diverses reprises, employant des arguments a la porte^e du public, comme celui d'apr&s lequel la tradition rattache a Papparition des cometes Pabondance du bon vin plutdt que celle de Peau.

En cette m£me ann^e 1910, il professe un cours sur les hypotheses cosmo- goniques, mine de tr^sors a peinc prospect^e; les hypotheses sont p^rime^es,

HOMMAGE DE L/ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 229

ma is la parure que POINCARE leur a donnee en les pr<5sentant a garde tout sou e"clat. Le theoreme du viriel, que JEANS j a lrouv6, est un des fondements de la dynamique stellairc. Jc rappelle aussi qu'on j rencontre un magistral expose" de la theorie cinetique des gaz.

Dans les travaux de PoiiscARfi sue les mouvcmenls des corps celestes, le sujet qui domino esl le probleme des trois corps, probleme demeurtS au premier plan de ses preoccupations duraiiL toule sa carriere. Le premier article ou il 1'eludie date de juillet i883 et coiicerne les orbites periodiques. A la veille de sa mort, il enonce la proposition connue sous le iiom de « dernier theoreme de POINCARE » dont 1'objet est encore d'elablir 1'existence d'une classe de solutions periodiques; (la justification de ce theoreme, que POINCARE pressentait n'avoir plus le temps d'efFectuer, est due a G. BIRKHOFF).

Lorsqu'en i885 le Roi de Suede OSCAR II institue un concours internaliona ou le probleme des n corps est propose, POINCARE y voit Foccasion de preciser ses recherches. II se trouve ainsi, d'ailleurs pour la seule fois de son existence, devant la ne'cessite' de presenter, en un temps limite, un travail s'achevant par cles conclusions definies. Ces circonstances contribuent a la perfection du Memoire elabore, intitule Sur le probleme des trois corps et les equations de la dynamique. Ce Me'moire, qui emporla le prix, est non seulement le chef- d'oeuvre de POINCARE, niais un des sommets de la pensee mathematique de tons les temps.

Les Equations difFereiitielles du probleme des trois corps, inaccessibles a une resolution formelle, (Haient aborde"es depuis LAGRANGK au moyen de developpe- ments en serie de natures diverses ; Pexperieiice avait conseill(5 la recherche de de'veloppements purement trigonometriques par rapport au temps, ou plutot des premiers termes de ces de'veloppements. D'autre part en 1878 HILL avait obtenu une solution pe"riodique dans un cas tres particulier du probl&me des trois corps. POINCAR£ comprit que c'est par 1'intermediaire des solutions p^rio- diques, pour lesquelles le probleme de la convergence ne se pose pas, que la convergence e'ventuclle du developpement general pouvait 6tre e'tudie'e. On sait qu'il y parvint et conclut a la divergence, ou plus exactement a 1'impos- sibilit6 de la convergence uniforme dans un domaine si petit soit-il de 1'espace des conditions initiales. Mais en chemin, il avait de"couvert 1'existence de trois classes de solutions periodiques, imaging la the'orie des exposants cai'acte'ris- tiques, introduit pour leur recherche la notion nouvelle d'^quation aux varia- tions, decouvert 1'existence des solutions asymptotiques, cr^e la notion et la

!>3o CINQUIEME PARTIE.

theorie des invariants integraux, pose la premiere pierre de la th6orie ergo- dique, sans compler d'autres requitals essentials,- comme la preuve de la non- existence d'integralc analylique uniforme autre que les integrates connues, ou encore Fexlension du theoreme de CIUCIIY relatif aux Equations diffe"rentielles, extension d'apres laquelle la solution est fonction holomorplie non seulement de la Narioble independanle mais encore des parametres, c'est-a-dire, pour les problemes de dynamique, des conditions initiales.

(En ce qui eonceme les iuvarianls integraux, il s'agit bien d'une creation, et non d'une extension de ^invariant de volume de LIOUVILLE-BOLTZMAXN, ou alors il faul considerer dans le me" me esprit que la theorie des determinants est une extension des iravaux de YIETK, qui savait r6soudre un sysl&me de deux Equa- tions lineaires a deux inconnues au moyen de Palge-bre symbolique.)

Lorsque POLNCAR& enseignera la Mecanique celeste, il intensifiera ses recherches, qui n'avaient pas cesse. Ses r<5sultats seront d^sormais group^s dans les trois tomes des Mvthodes nouvelles de la Mecanique celeste (et accessoiremenl dans les deux premiers de ses Leco7is de Mecanique celeste). On y trouve la generalisation de certains resultats du M^moire couronn(5 qui ne s'appliquaient qu'au probleme restreint des trois corps (une des masses est nulle, le mouvement relatif des deux autres est circulaire et uniforme), I'^tablis- sement de Pexistence de solutions doublement asymptotiques. On y trouve aussi diffe" rentes transformations des equations du proble-me au moyen de variables canoniques nouvelles et une discussion critique des m^thodes d'inte- gration en usage. Les Methodes nouvelles sont d'une exploration difficile; le texte reste clair, mais la coherence manque, les notations changent fr^quem- ment, les notions sonL disperses, conditions qui ont retard^ et retardent encore Fexploitation des richesses que FOuvrage contient. Mais cette exploi- tation est en cours; par les resultats deja d<§gag^s de ces recherches, on pourra appnkier leur ported .

Le probteme des trois corps a deux aspects : Tun est relatif £ la possibility de pr^voir le mouvement des planeies, c'est~a,-dire d'efTectuer le calcul des ephe- m^rides; Pautre est thdorique, il concerns la stability du syst&me solaire. Les fondateurs de la Mecanique c6leste s'inqui^taient de ces deux aspects; le c6l&bre th^or&me sur Pinvariabilit^ des grands axes est contemporain de la mise en Aquation du probleme par LAGRANGE, et n'a pas pen contribu<5 a la gloire de LAPLACE. Bien que ce th£or&me ait <*t<§ Pobjet de diverses extensions, il n'y sjagissait jamais que de constater, dans les premiers termes des develop-

HOMMAGE DE L/ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. f>3l

pements des grands axes des orbites, 1'absence de termes seculaires. Aucune conclusion definitive ne pouvait 6tre altendue de cette methode, la seule dont on disposait. A la fin du xixesiecle, deux evenements remettaient la stability du systeme solaire en question. Dans uu developpement assez pouss6, un terme seculaire mixte etait decouvert (par un calcul qu'un travail tout recent a fait reconnaitre errone, sans d'ailleurs que la conclusion qualitative soit modifiee). On pouvait encore esperer que c'etait par la nature du precede de develop- pemeiH choisi qu'on introduisait ce terme seculaire, et que de.s calculs conduits dans un autre esprit permettraient de 1'eviter. Feu apr&s, en etablissant la divergence de.s series de la Mecanique celeste construites avec le temps com me variable independante, POINCAR£ ruinait cet espoir. L'allure finale du mouve- ment ne pouvait £tre abordee que par une voie toute differente. Les decouvertes successives de nouvelles multipliers de solutions periodiques etasymptotiques ont jalonne la carri^re de POINCARE ; elles lui ont permis d'accumuler un materiel considerable auquel sont dus tous les progres moclernes realises dans 1'etude du probl^rne.

D^JS 1912, Karl SUNDMAN avait trouve la variable independante qu'il convient de substituer au temps pour r^gulariser le syst&me, c'est-a-dire permeltre le calcul des inconnues et du temps sous la forme de fonctions holomorphes. On a pu dire que le probl^me des trois corps etait r6solu; en fait? la convergence des series, par ailleurs de construction difficilement concevable pour une application pratique, est si lente qu'il lie saurait 6tre question de les uti- liser.

A 1'aide de cette variable regularisante et de la theorie des invariants inte- graux, J. GHAZY a demontre que Fensemble des trajectoires issues des points d'un certain volume de 1'espace a 12 dimensions des coordonn^es etdes vitesses presente la stability a la POISSON, les elements redevenant ainsi une infinite de Ibis tres voisins des elements initiaux; toutes les autres trajectoires poss^dent la propriete de reversibilite, c'est-a-dire que le mouvement relatif de deux quelconques des corps est de la m&me nature pour les valeurs du temps infi- niment grandes de Fun ou 1'autre signe. A l.'aide de ces proprietes et de 1'etude des points singuliers du systkme, on obtient une classification et une localisa- tion relative de toutes les trajectoires possibles dans le probl£me des trois corps, Cette analyse, outre qu'elle n'a pas d'equivalent parmi celles qu'on a pu faire au sujet d'autres syst£mes differentiels d'ordre eleve, conduira tr^s vraisemblablement ^. une conclusion precise quant £ la stabilite du syst&me

232 CINQUIEME PARTIE.

solaire. La prineipale lacune a combler est peut-<Hredes maintenant a la ported des speeialibtes de lu theorie ergodique.

II iiVst pas inutile do pre'ciser que le probleme enjeu estpurementth^orique : il eoueerne reventuelle slabilite des solutions du probleme des irois corps lursque It's masses son! poncluellos et oflrent des conditions initiates qu'on rcneonlre die/; les corps du sysleme solaire. On ne peut plus penser aujourd'hui que les problemcs rosm<>»oiiiques puissent se trailer en faisant abstraction de leurs aspects physiques, lesquels nous sont d'ailleurs partiellement inconnus. I/iuteivl capital attache a un probleme iheoriqae qui a suscit6 des efforts aussi lirandioses n'eu est pas moms thident.

De 1 88^ a sa inert, par pres de 100 Articles etOuvrages couvrant 5ooo pages de texte, POI.NGAIIE a consacrt5 une importante fraction de son activity a la Mecanique celeste et a TAstronomie. C'est par cette part de son ceuvre qu'il a rec.ii du grand public ljhommage d'une popularity universelle, telle qu'aucun savant n'en a cunnue depuis. C'est aussi dans ce domaine qu'il a fait preuve du plus profond de son genie. Pourtant, aujourd'hui, il est possible de faire un cours d'Astronomie on d'ecrire un traile sur le calcul des orbites sans in£me meiilionner son nom. Ses travaux ne sont pas incorpor(3S aux notions classiques qui ferment le bagage du praticien. Us le seront un jour. La Mecanique celeste est demeuree a Tetat empirique de ses debuts. En traitant les probl&mes dans toute leur generalite, PoiNUARfi a ouvert la seule voie possible au progr&s.

CONFERENCE DE M. E. W. BETH

A LA HAYE.

Poincar6 et la PliilosopMe.

Lorsque Louis COUTURAT prononca, en 1904, son verdict sur la philosophic des math&natiques de RANT, ses auditeurs avaient bien des raisons de se rappeler que ce fut le centenaire de la mart de KANT qui pr^senta 1'occasion de son discours. Le fait que nous ce"l6brons aujourd'hui le centenaire de la naismnce de Henri POINCAR& souligne fort heureusement la vitality etl'actualite de son oauvre, y compris sa philosophic. Ce caractere vivant de la philosophic de POINCARJ&, d'autre part, nous permet et nous oblige m6me de la consid^rer de fa^on critique, etnonpas sous un angle purement historique et r^trospectif.

HOMMAGE DE L^TRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE, 233

II est utile de distinguer dans 1'ceuvre philosophique de POINCARE trois Clements, a savoir :

philosophic gene'rale, morale et sociale; philosophic des sciences de la nature; philosophic des mathe'matiques.

La premiere partie, bien que caracte'ristique du penseur et irnportante a bien des points de vue, demanderait cependant pour 6tre discute'e que nous sortions du cadre impose* a cette calibration. Dans la deuxieme partie, la pens£e de POINCARE se rattache a celle de bon nombre de ses contemporains DUHEM, MACH, PEARSON et autres en sorte qu'il ne serait pas juste de la presenter se'pare'ment. D'ailleurs, les vues g6n6ralcs de'fendues par ces penseurs ont fortement influence' le de'veloppement des sciences de la nature on sait que POINCARE partage avec EINSTEIN Fhonneur de la d6couverte de la the'orie spe'ciale de la relativite' et elles ont obtenu aujourd'hui une acceptation quasi universelle.

II ne reste done que la philosophic des mathe'matiques de POINCARE quo je me propose de discuter un peu plus a fond et que je voudrais confronter a la pense'e mathe'matique moderne dans son ensemble et plus particulierement aux conceptions actuelles au sujet des fondements des mathe'matiques. Les grandes tendances dans ce dernier domaine peuvcnt &tre caracte'rise'es par trois termes : abstraction; axiomatisation et formalisation (*). Je veux de'crire ces trois tendances et discuter 1'attitude de POINCAR& par rapport a chacune.

La tendance abstraite consiste a ce qu'on fasse abstraction des repre'sen- tations intuitives qui se rattachent de fagon traditionnelle a des concepts tels que nombre, somme, point, droite, etc. Cette tendance se manifeste d6j£ dans la creation de la Ge'ome'trie analytique par FERMAT et DESCARTES; elle s'impose, toutefois, si Ton accepte la tendance axiomatique et les me'thodes dont 1'intro-

(J) On me reprochera peut-etre de ne pas mentionner, dans ce contexte, 1'intuitionisme de 1'ecole de BROUWER. Or, il ressort de la these de BROUWER (1907) que mon celebre compatriote fut sans doute stimuli par les id6es de POINCARE mais qu'il ne les accepta guere sans reserves; autant que je sache, POINCAR& n*a jamais publi6 ses opinions concernant les vues de BROUWER. L'idee d'une revision integrale des mathematiques qui amena BROUWER, en 1918, a construire une mathematique purement intuitioniste a c6t^ des mathematiques classiques ne se trouve pas chez POINCAR£ qui se limita toujours a combattre certaines conceptions, selon lui erronees, concer- nant les fondements des math6matiques classiques.

H. P. 3o

</J4 CINQU1EME PARTI E.

duet ion resulte tie son acceplion. Mcnlionnons en particuiior la methode des modules qui fut appliquee par PoiNCAUfi des 1882 dans nn celtibro Memoire sur la Thcorie des groupes fuchsicns.

La tendance axiomatique consists a ce qu'on tasse un effort pour effectuer UIIG enumeration complete de loute.s les presuppositions qui sont a la base d'une theorie niathematique donn^e pour etablir leur non-contradiction et leur independanee niuUielle. Celle tendance s'est introduce a la suite des recherches sur les geometries euclidienne et non euclidiennes et des efforts pour fonder Tanaljse infinilesimale sur une base solide. Elle s'est accentuee en vertu de 1'ave-nemenl de la tendance abstraile.

La tendance formaliste n'est, en somine, qu'une consequence ineluctable des tendances abstraite et axiomatique. Si, dans nos deductions, nous ne devons plus nous faire guider par nos intuitions, il faut bien que nous sachions exactement quelles deductions seront admises; egalement, une enumeration complete des axiomes ne sert a rien si elle n'est pas doublee d'une enumeration des r&gles de deduction.

En effet, imaginons que deux mathematiciens M et :N soient d'accord sur un *y steme d'axioraes A pour la geometrie absolue, 1'ensemble des theor&mes communs aux geometries euclidienne et non euclidiennes; supposons que M n'admette que les regies de deduction conformes a Fusage etabli, tandis que N admet une regie de deduction supplementaire pennettant de deduire de I'axiome Ai en tant que premisse le postulat des parall^les en tant que conclu- sion. Alors, N pourra deduire en partant de A lous les theoremes de la geometric euclidienne.

Get exemple est, peut-£tre, assez trivial; mais il se presente, de fait, des cas analogues mais plus subtils. En effet, soit A un syste-ine d'axiomes pour TArithmetique. Alors, il peut arriver que N admette une re-gle de deduction qui corresponde au raisonncment par recurrence, tandis que M se refuse a admettre ce raisonnement a titre do methode autonome. II se demande alors, si peut- ^tre ce type de raisonnement se reduit aux axiomes et regies de deduction qui sont admis par M; et cette question ne saurait elre entamee tant que nous ne disposons pas d'une enumeration complete des regies de deduction qui sont admises par M . Mais il est connu qu'une telle enumeration n'est guere possible tant que le langage de la theorie en question n'est pas formalise.

Je u'ai pas encore mentionne la tendance logiciste qui ne se rattache

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 235

point aussi 6lroitement au developpement autonome des mathematiques mais qui derive en partie de 1'influence de certaines conceptions philosophiques. D'autre part, elle est en pleine harmonie avec les tendances abstraite et axioma- tique et elle se sert volontiers de la formalisation comme instrument de travail.

II s'agira maintenant de caracteriser Fattitude de POINCARE par rapport aux tendances que je viens de d^crire. Or, on serait tente de dire simplement que PoiNCARfi s'est oppose" a toutes ces tendances. II serait sans doute facile de trouver dans ses ceuvres des textes qui paraissent confirmer une telle interpre- tation, et il est patent que, en France, son influence s'est surtout manifested dans ce sens.

Pourtant, il me semble que cette interpretation ne peut pas 6tre acceptee comme definitive. En effet, elle est injuste, et par rapport a POINCAR& lui-m£me, et par rapport au developpement ulterieur des differentes tendances. 11 sera utile de mentionner les travaux relevant de POINCAR£ par ordre chronologique.

1894 * Sur la nature du raisonnement mathernatique (R.M.M., vol. 2; reproduit dans La Science et VHypothese, Paris, 1902).

1905-1906 : Les mathematiques et la logique (R.M.M., vol. 13 et 14; reproduit, avec des changements, dans Science et Methode, Paris, 1908).

1906 : Apropos de la logistique (JR. M. YJ/., vol. 14).

1908 : Les derniers efforts des logisticiens (dans Science et Methode).

1909 : La logique de Vinfini (R.M.M., vol. 17, reproduit dans Dernieres pensees, Paris, 1913).

1912 : Les mathematiques et la logique (dans Dernieres pensees).

De'ja dans son article de 1894? POINCA.R& defend le caractere sjnthetique du raisonnement par recurrence, qui implique 1'impossibilite' de se passer, en Mathematiques, de tout appel a des donnees d'ordre intuitif. Dans ses pole- miques ulterieures avec COUTURAT et RUSSEL, qui etaient 1'un et 1'autre des partisans du logicisme, ce point est toujours appuj6 et il parait que nous trouvons la, en effet, le point faible dans tout effort pour etablir les mathema- tiques d'une fagon purement logique. II serait, bien entendu, premature de denier pour cette raison toute valeur aux recherches de 1'^cole logiciste et je ne crois pas que POINCAR& lui-m^me ait jamais pense qu'une telle conclusion serait justifiee.

H. P 3o.

Vjft CINQUIEME PART1E.

Je crois que la situation telle qu'elle se presente aujourd'hui peut £tre decrite de la maniere suivante. On peut etablir d'une facon purement logique une grande partte de P Analyse elementaire, y compris PArithmetique, a condition rTadmettre, a cote de certains postulats logiques, un certain nombre de postulats, dont le earactere logique est douteux, a savoir : (i) un axiome de PinGiii, qui consists a admeltre Insistence d'un nombre infmi d'elements individuels; (2) des axiomes concernant Pexistcnce de certaines classes, qui ne peuvent etre detinies qu'au moyen de defmititions impre"dicatives; les definitions de ce genre se caraclerisenl par le fait qu'elles font intervenir des operations infinies sur un doaiaine de variation qui contient Pentite dgfinie. Pour de'montrer certains theoremes de Panalyse supi^rieure, il faut que Pon ias^e en outre uppel a (3) Paxiome du choix.

Si Ton accepte les axiumes (i) el (2), on peut justifier Papplication et la <it''finitioii par recurrence.

II se clemande alors si Ton pent justifier Pacceplation Jes axiomes (i) et (2). Et a cette question on ne pent re'pondre qu'avcc bien des reserves, a cause de certaines ditBcult^s qui en partie ont dejaete signaleespar PoiNCARfi. L'admission. des definitions impre"dicatives pre'sente un certain risque, 6tant donn6 que ce sent des definitions de ce genre qui ont donne lieu aux fameux paradoxes de la logique et de la theorie des ensembles. II est vrai que RUSSEL et ZERMELO et les successeurs de ces deux savants ont trace' certaines zones de s^curite', mais le seul fait qu'on sait comment e>iter les paradoxes connus ne constitue pas une garantie solide contre la decouverte de paradoxes nouveaux.

Demandons-nous comment on pourrait trouver une telle garantie. A premitjre vue, se pr^sentent les possibility's suivantes :

II se pourrait que Pexistence des classes spe"ciales dont on a besom s'avere ^vidente. Cependant si Pexistence de ces classes gtait ^vidente, on n'aurait pas besoin de definitions impr<5dicatives pour les d^finir.

On peut essay er de d^montrer la non-contradiction des axiomes (i) et(2). PoimURfi a de"j£ remarqu^ qu'une telle demonstration demanderait probablement un appel k la m^thode du raisonnement (et de la definition) par recurrence, et presenterait done un cercle vicieux. En outre, GOIDEL (ig3i)ademontre qu'une telle demonstration demande de toute fa^on un appel § des presuppositions plus fortes m6me que celles qui sent repr6sentees paries axiomes (i) et (2). D'autre part, une coixtradiction dans un syst&me formalise presente un probl&me

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 287

beaucoup plus serieux qu'un paradoxe dans un syst&me non formel, puisqu'elle ne pent pas £tre supprimee par un simple appel au sens commun ou a Fintuition.

On peut essayer de remplacer les definitions impredicatives pair des definitions predicatives. Mais d'apres des resultats de -recherches recentes de MOSTOWSKI et de HAO WANG, qui se rattachent au theor&me cite de GODEL, il y a certaines definitions impredicatives qui ne peuvent pas &tre remplacees par des definitions predicatives.

II parait done qu'aucune des possibilites indiquees n'ouvre une issue, en sorte que Fedifice des Mathematiques pures construit conformement aux idees de 1'ecole logiciste de FREGE, E.USSEL et COUTURAT reste depourvu d'un fonde- ment solide (la m£me conclusion s'applique a une construction des Mathema- tiques pures partant de la theorie generate des ensembles selon CANTOR et ZERMELO). Cette conclusion n'offre-t-elle pas une justification complete des idees de POINCARE, interpr^tees comme un rejet des tendances abstraite, axioma- tique et formelle et notamment des constructions logicistes et ensemblistes ?

Je crois que non. En effet, la construction logiciste, en depit de Fabsence d'une garantie absolue de son bien-fonde, resle debout et presente une unifica- tion fort imposante des Mathematiques pures contemporaines dans leur ensemble; cette unification presuppose certaines conceptions fondamentales dont la valeur ne serait pas affectee m&me par la decouverte de nouveaux paradoxes.

En outre, la tendance logiciste ne constitue, comme nous Favons montre, qu'une version radicale d'une certaine fusion des tendances abstraite, axioma- tique et formaliste. M^me Feffondrement total du logicisme ne constituerait done pas un echec de ces tendances, qui de ce fait ne resultent que de certaines tendances immanentes au developpement moderne des mathematiques pures.

Des resultats comme celui de GODEL ne seraient pas possibles si Fon n'avait pas effectue une formalisation des theories deductives auxquelles ces resultats se rapportent. II serait d'ailleurs incorrect de n'attribuer a de tels resultats qu'une portee purement negative : tout au contraire, ces resultats rev&lent certaines proprietes profondes des structures deductives qu'on n'aurait guere decouvertes par une voie differente. A litre d'exemple, je cite les recherches de CHURCH, ROSSER, POST, MARHOW et autres sur les probl&mes insolubles et les theories non decidables et, dans une direction opposee, les resultats positifs de

'/•S8 CINQUIEME PARTIE.

TiRSKi eoneernant le pruhlrme de decision pour certaiues theories inathe- matiques.

Aussi il me parait injuste d'interpreler les id<*es de PoiNCAftfi sur les fonde- ments des mathematiques exclusivement, comme il arrive trop souvent, dans ii n sens negatif, comme une serie de tentatives pour re filter les tendances aLstraite, formaliste, logiciste et ensembliste. A men avis, il est plutot juste de dire quo PoiMURfi a prevu certaines complications auxquelles le dtiveloppement de ces tendances devait ulterieurement donner lieu; ce qu'ila voulu r^futer, ce sont certaines conceptions trop simplistes et certaines esp^rances exag6r^es. Mais il ne parait pas que la critique cle Poi>CARfi ait atteint ce qui est essentiel dans la logique et la rectierche des fondements contemporaines; et je ne crois pas que POI.NGAR£ ait jamais voulu atteindre cet 6lt5ment essentiel qui n'est au fond que l'id<§e rn^me d'une science malhematique pure.

ALLOCUTION DE M. J.-M. GARNIER,

AMBASSADEUR DE FRANCE

POUR LA CL&TURE DE LA JOURNEE INTERNATIONALE HENRI POINGARE

A LA HAVE.

MONSIEUR LE PRESIDENT, MESSIEURS,

II mTa &t£ particulitirement agr^able de me trouver associ6 a 1'hommage que vous venez de rendre a notre illustre compatriote Henri POINCARE en lui consacrant cette journ^e commemorative,

La meilleure tradition des Pays-Bas apparait dans votre geste : celle de Puniversalit6 de 1'esprit htimain et de la Science qui ne connait pas de fronti&res, celle d'un pays libre et hospitalier dont le climat intellectual a permis la maturation des g^nies de DESCARTES et de SPINOZA.

II n'est pas de langage qui plus que celui des math&matiques permette a Fglite scientifique du moude entier de se mieux comprendre, afin de progresser djun m^me pas dans les chemins ardus de la Science. Aussi bien n'est-il pas surprenant qua de grands math^maticiens aient ^t^ aussi de grands penseurs,

Henri PomcARfi a, apr^s beaucoup d'autres, enrichi le doniaine qui vous appartient. Je ne me risquerai pasr Messieurs, a la moindre incursion dans la

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 289

partie purement mathe'matique de son oeuvre. Sur ce terrain, les experts que vous £tes possedent assez d'e'lements d'appre'ciation, sans qu'il soit besoin de m'j aventurer.

Mais il est un ouvrage d'Henri POINCAR& qui s'adresse a un public plus large que 1' elite des mathe'maticiens que vous represented ; les grandes ide"es qu'il contient font de leur auteur un des maitres de la pense'e francaise contempo- raine. J'ai trouv6 pour ma part dans La Science et V Hypo these de grandes lecons et une philosophic optimiste de laquelle notre e'poque peut tirer profit. De m6me que les theories scientifiques e'mises depuis des siecles pre'sentent, dans le cadre de 1'histoire de la pense'e scientifique, un caractere e'phe'mere qui amenerait un observateur superficiel a proclamer une fois de plus la faillite de la Science, de m£me les grandes constructions politiques et e"conomiques de notre e'poque n'ont pas toujours un destin positif. Cette constatation pourrait nous conduire a un funeste immobilisme en incitant les liommes de bonne volont6 a « demeurer sous la tente ». Or Henri POINCARS est la pour nous donner une grande lecon de courage : conservant une confiance in6branlable dans la Science, il affirme que, de chaque the"orie qui passe, quelque chose subsiste, qui entre dans 1'acquis des connaissances humaines. C'est ce message d'Henri POINCAR£ qu'il me plait de rappeler car il peut, amon avis, valablement s'appliquer a la vie politique contemporaine. To us les efforts de sjn these ont leur valeur : ils ne permettent pas seulement de mieux mettre en lumiere tel ou tel rapport entre les fails, mais aussi de mieux pe'ne'trer la r6alit£ des choses. Et les gains ainsi obtenus sont un acquis permanent pour la pense'e humaine, done pour 1'action future.

Je vous remercie, Messieurs, d'avoir tenu a reconnaitre la grande contribution d'Henri POINCARE au patrimoine commun de la Science en comme'morant aujourd'hui le iooe anniversaire de sa naissance.

Permettez-moi, en terminant, de vous inviter a clore cette journ^e dans les salons de TAmbassade de France ou j'aurai tout a Fheure le grand plaisir de vous accueillir.

CINQUIEME PARTIE.

C. - ALTRES MANIFESTATIONS A L'ETRANGER.

Le Comite a tit£ heureux d'apprendre que, en dehors des articles de presse on de revues, plusieurs pays eirangers ont marque le 100° anniversaire de la naissance de Henri POL\CAR£ par une cere'monie particuliere. La R.e'publique de Pfiquateur, File Maurice, PU. R. S. S., le Venezuela el la Yougoslavie sonl du nombre.

La premiere en dale de ces ceremonies parait avoir e'te' celle de Caracas ou PAcademie des Sciences physiques mathematiques et naturelles a tenu le 29 nvril 1904, le jour m£me du iooc anniversaire de la naissance de Henri PoiNCVRfij une stance spe'ciale au cours de laquelle ont et6 pre'sente's quelques volumes de Henri POINCARE, des photographies, la me'daille de PRUDHOMME et une leltre autographe de Henri PoixcARfi.

M. F. J. DLARTE, Membre de PAcadthnie des Sciences a fait ensuite une conference sur La vie et Voeuvre de Henri Poincare a laquelle assistail son Excellence M. Pierre ARNAL, Ambassadeur de France au Ve'n^zue'la.

A rile Maurice, M. Pierre SORNAY, Ing^nieur chimiste, a fait a la radio une causerie d'une vingtaine de minutes sous le litre Henri Poincare et son ceuvre.

En U. R. S. S., c'est PAcadeinie de Moscou qui a f^te' le centenaire de la naissance de Henri POINCARE.

En Yougoslavie PInstitut de Math^matiques pr^s 1'Acad^mie des Sciences de Serbie a consacr^ sa stance ordinaire du 22 juin a la commemoration du centenaire de la naissance de Henri POINCARS. M. K.ASANJN, directeur de cet Institut, et le Professeur SALTYKOV, de PUniversit^ de Belgrade et Membre de PAcad^mie ont fait Pun et Pautre une conference.

La Re-publique de Pfiquateur n'a pas oubli6 que le nom de Henri est attach^ dans une certaine mesure aux travaur de la Mission ge'ode'sique

HOMMAGE DE L'ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. Z^l

frangaise qui a eflectue, de 1901 a igo5, une nouvelle mesure de Pare de meridien de Quito. De la part de M. Pierre RICARD, Vice-President du Conseil National du Patronat Francais, son Excellence M. Pierre DENIS, Ambassadeur de France en fiquatetir, a remis a M. J. M. VELASCO IBARRA, President de la Republique Constitutionnelle de FJfiquateur, quelques souvenirs de Henri PoiNCARfi, en particulier le tome VIII des OEuvres qui contient quatre rapports presents par Henri POINCARE a 1'Academie des Sciences pour montrer d'abord I'inter£t scientifique et politique du projet de revision de Tare de meridien de Quito en 1900, et pour tenir ensuite 1'Academie au courant du developpement des operations. Henri POINCARE avait ete nomme, en effet, rapporteur .de la Commission chargee du controle scientifique des operations g£odesiques de 1'fiquateur, et il n'a pas cesse d'j porter un tr6s vif intent. C'est sans doute pour preparer un de ces rapports qu'il avait note de sa main la chronologic detaillee des travaux effectues et des difficultes rencontrees sur une feuille volante qui a ete retrouvee dans ses papiers, et dont une copie photographique a pu 6tre remise aussi a M. le President J. M. VELASCO IBARRA.

D. - AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE.

A 1'Institut Henri Poincare a Paris, s'est tenu du 18 au 27 octobre 1904, un Colloque Henri Poincare, organise par la Faculte des Sciences de PCJniversite de Paris, avec 1'appui de la Direction Gen£rale des Relations culturelles et du Centre National de la Rechercne Scientifique. De nombreux savants etrangers etaient venus a Paris a cette occasion. Nous nous bornerons a reproduire ici par ordre alphabetique la liste des 17 conferenciers qui ont presque tous donne deux conferences :

M. Enrico BOMPIANI, Professeur £ 1'Instituto matematico Universita, Rome :

Sur les theories unitaires de la Relativite.

Sur V instability de certaines substitutions.

M. J. L. DOOB, Professeur a 1'Universite de Tlllinois :

Deux conferences sur : Approche probabiliste du probleme de Dirichlet pour les equations aux derivees partielles paraboliques, et des problemes aux limites qui s'y -r attachment .

242 CINQUIEME PARTIE.

M, Lars GAUGING, Professeur a rUniversile de Lund :

,S'«r lea integrates d'energie pour les equations hyperboliques.

M. Lucieu GODEAUX, Professeur a I'Universite' de Liege :

Theorie des involutions ap par tenant a line surface algvbrique et applications.

M. HARISII-CIUMUU. Assistant- Professeur a Columbia University, New- York :

-- The connection between the Curtan subgroups of a nemisimple Lie group and its irreducible unitary representati ns (en anglais). Sqtiare-integrahte representations of sernisimple Lie groups (en anglais).

M. F. E. P. HmzEiwuni, Professeur a Plusthute for adv. Study, Princeton :

(hi the characteristic cohomology classes of differentiate manifolds (en anglais;.

Thtf Theorem of Riemann-Roch. Applications to special classes of algebraic manifolds (en anglais).

M. E. R. KOLCHIN, Professeur a Columbia University, New-York:

Deux conferences s>ur : Corps dijferentiels et varietes de groupe.

M. George W. MACKEY, Professeur a Harvard University :

Deux conferences sur : Les representations de dimension infinie des extensions des groupes.

M. Suuuders MAC LANE, Professeur a I'Universite de Chicago :

Constructions simpliciales acy cliques.

Comparaison des constructions homotopiques.

M. Tadasi NAILVYAMA, Professeur a Nagoya University :

Structure of Algebras with vanishing n-Cohomology Groups (en anglais).

Cohomology of Frobenius Algebras (en anglais).

M. Georges DE RHAM, Professeur a I'Universite de Lausanne :

Solution elementaire relative a Voperateur - - H-...H ; ... ; -•

dx\ dx-p Oxp+i ()oc'n

M. Luis A. SANTALO, Professeur a PUniversite de Buenos-Aires :

Sur quelques problenies de geometric integrale.

Geometric differentielle affine et corps convenes.

M. Benjamino SEGRE, Professeur & Pfstituto Alta Matematica, Rome :

Aspects geometriques et arithmetiques de la theorie des spineurs.

Questions de realite liees & la theorie des algebres.

M. Francesco SEVERI, Professeur a PIstituto Alta Matematica :

Problemes anciens et problemes nouveaux dans la geometrie enumerative.

La theorie generale des correspondances entre varietes algebriques.

M. John L. SYNGEJ Professeur au Dublin Institute for advanced Studies :

Deux conferences sur : La Geometric elementaire de Vespace fonctionnel avec des applications a la Physique classique.

M. J. H. G. WHITEHEAD, Professeur & PUniversite d'Oxford :

Deux conferences (en anglais) sur : S-Theory.

M. Kentaro YANO, Professeur & PUniversite de Tokyo :

Deux conferences sur : Les groupes de transformations dans les espaces de Riemann et dans les espaces a connexion affine*

HOMMAGE DE I/ETRANGER ET AUTRES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 243

\pres Parmement francais, 1'industrie hydroelectrique a voulu egalement honorcr la memoire de Henri PoiNCARfi. La Cornpagnie Nationale clu Rhone a decide en effet de donner le nom de Henri POLNCAR*; a la Centrale de Chateauneuf du Rhone (ame'nagement de Montelimar).

Aussi en liaison avec le Comhe du Centenaire etPAssociation des Ingenieurs des Ponts et Chausse"es et des Mines, la Compagnie Nationale du Rhone a-t-elle convie un grand nombre de personnalites de la Science et de PIndustrie a une stance qui a eu lieu le vendredi 17 decembre 1904 a la Salle d'lena. An cours de cette seance Pinfluence de Henri PoiNCARfi sur les techniques de Pingenieur, particuli&rement aux points de vue hydraulique et electrique, a ete traitee par trois conferenciers,

M. Gaston JULIA, Membre de PInstitut, President du Comite' du Centenaire, pr(5sidait la se'ance. Apres avoir dit quelques mots pour se feliciter de cette nouvelle manifestation destinee a honorer Henri PoiNC.iRfe et a montrer la port^e pratique de certaines parties de son oeuvre, il a donn6 successivement la parole aux trois conf6renciers.

M. PIng6nieur ge"n^ral du G(§nie Maritime BARRILLON, Membre de PInstitut, constatant que les travaux de Henri PoiNCARfi 6taient insuffisamment connus et exploit^s dans le monde des ing&iieurs, a cKerche' a en dSgager les causes. Une representation graphique, une sorte de visualisation, ainsi que des tables pour les applications, faciliteraient grand ement la penetration des travaux des mathematiciens, et leur application a la resolution des probl^mes quiseposent aux ingenieurs.

M. AILLERET, Directeur des etudes et recherches a PElectricite de France a constate que le « temps de reponse » des electriciens, en ce qui concerne les travaux de Henri POINCAR£, avait ete beaucoup plus court que chez les hydrau- liciens ou les hydrodynamiciens. La formation que Henri PoiNCARfi a regue a Pficole des Mines, les relations amicales qu'il a continue a entretenir avec ceux de ses camarades qui avaient embrasse des carri^res d'ingenieurs sont proba- blement cause de Porientation de certains de ses travaux. Pour 1'filectricite, Henri POINCAR& par ses Ouvrages sur la theorie de MAXWELL a certainementfait beaucoup pour le progres et le developpement de Pfilectrotechnique.

M. PIngenieur en chef des Mines GIBRAT, Professeur a I'ficole Nationale

244 CINQUIEME PARTIE,

superieure des Mines, parlant de Teludc des stations maremotriccs, a trace un hisloriquc des explications successives qui out (He donnees du pli6nom6ne des marges. II en a rappele les anomalies, et il a soulign6 la complexity du probl£me que Henri PoixcARfc est arrive a rt^soudre d'une manure complete. Mais a Tepoque ou Henri PoixcARfi commeneait, et poursuivait son £tude des marges, la connaissance que i'on avail du phtJnomene, malgnS son cottf un peu empirique, elait suffisanle pour repondre aux n^cessites des navigateurs ou des ports. C'est done par pure curiosite de Tesprit, par besoin d'expliquer par une th^orie rationnelle ce que nous apprend 1'exp^rience, que Henri PoiNCARfi a travaill^ pendant plusieurs annfSes. II ne se doutait pas alors que sa th^oriedes marges deviendrait le livre de chevet des ing^nieurs charges de F^tude des stations maremolrices. Geux-ci, sans elle? ne pourraient mener leur tache a bien; les perturbations que la presence m^me de ces stations introduiront dans le regime des marges, ne peuvent 6tre pr^vues que par Papplication d'uneth^orie complete,

Puis Monsieur BOLL VERT, President de la Compagnie Nationale du Rhone, annoncant officiellement la decision du Gonseil d'Administration de donner le nom de Henri POINCAR^ a la Centrale de Chateauneuf du Rhdne, a justifi^ cette designation en rappelant, par des citations prises dans les ceuvres de Henri PoiNGARfc, le role que celui-ci attribuait a Texp^rience dans le d^veloppement de nos connaissances, et la place qu'il reconnaissait a 1'Industrie.

A Tissue de cette stance, la Compagnie Nationale du Rhone a fort aimablement regu, dans les salons d'ltSna, les personnalit^s pr(5sentes et celles qui, retenues par leurs occupations, n'avaient pu assister a la premiere partie de cette manifestation.

SIXIEME PARTIE

PHOTOGRAPHIES ET DOCUMENTS.

On irouvera ci-apres les reproduclions (Tun certain nombre de photographies et de documents, qui ont ete" classes, aulanl que faire se pouvait, par ordre chronologique.

Les photographies se rapportenl a 1'enfance el a 1'adolescence de Henri PoiiscARfi, a sa vie inlime, et comprennenl aussi les derniers instantanes qui ont pu 6lve pris de lui.

Les documents proviennent des papiers de famille, sauf quelqucs pieces tirees des archives de 1'Ecole Poljtechnique. Us comprennenl des carnets de notes, des cahiers de cours cm des carnets de voyage, des lellres de nomination, des manuscrits de m^moires, articles, discours, des lettres aulographes de Henri PoiiNCARfi, ainsi que deux lettres autographes de Fucns relatives aux fonctions fuchsiennes. On y trouvera aussi le rapport prt^senle au Roi OSCAR II de Suede et de Norvege par la Commission charge'e d'attribuer le prix que celui-ci avail fonde" pour son 6oc anniversaire. II s'agit de la traduclion francaise, calligraphi(5o par u n secretaire, telle qu'elle a (He" envoyee a 1'epoqne a Henri POIKCARJ& par le Ministre de Suede a Paris.

H. P.

PREMIERE ENFANCE (l854-l865).

247

LA. MAISON NATALE DE HENRI POINCARE (1854) [k 1'angle de la rae Ville-Vieille ct de la rue de Guise (autrefois rae Saint-Pierre), k Naacy].

PREMIERE ENFANCE ( l85/i-l865. )

LA PORTE D'ENTREE BE LA MAISON NATALE (1854) [ Sur la rue de Guise (autrefois rue Saint-Pierre)].

PREMIERE ENFANCE ( I 854-1 865.)

249

^^^^^^^^3 Les parents de Henri Poincare.

Henri Poincare ct sa sceur Aline.

Henri Poincare a 7 ans. Henri Poincare premier communiant.

L'ENFANCE DE HENRI POINCARE (1854-1865)

PREMIERE ENFANCE (' 1 85 j-l865 ).

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NOTES OBTENUES PAR HENRI POINCARE EN GLASSE DE NEUVIEME (1862-1863).

PREMIERE ENFANCE (l854-l865).

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PREMIERE ENFANCE (l854-l865).

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NOTES OBTUNUES PAR HENRI POINCARE EN CLASSE DE NEUVIEME (1863).

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ARRETE NOMMANT HENRI POINCARE ELEVK

A L'ECOLE NORMALE SUPP1RIRURE (1873).

(Regu & TEcole Normale, Henri PoixcA.R6 a opte pour TEcole Polytechnique ou 11 etait regu icr). H. P. 32

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CONCOURS DES GRANDES ECOLES (1873).

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NOTES OBTENUES PAR HENRI POINCARE A L'EXAMEN D'ADMISSION A L'HCOLE POLYTECHNIQUE (1873).

(Le classement des douze premiers etait le suivant

iec POINCARE 3 go5 points

2' BELLEVILLE 3 65 1 »

3- APPEL 3563 »

4 e CORPS 3 5oi »

RUAULT S^Si »

6e MORAND 3 479 »

DEBRAY 3 464 points

MESSIER 8899 »

JACOTOT 8876 »

BONNEFOY 3370 »

PICQUET 3368 »

PETITDIDIER 3 365 »

APPEL regu .premier a Pfecple Norrnale Superieure et PICQUET devaient demissionner avant d'entrcr b 1'Ecole Polylechnique.)

256 ELEVE A L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1873-1876).

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PREMIERE LETTRE DE HENRI POINCAR^ A SON Plk APR^S SON ENTREE A L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1873).

ELEVE A L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1878-1875).

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UNE LETTRE DE HEi\RI POINCARE A SES PARENTS PENDANT SA PREMIERE ANNEE A L'EGOLE POLYTECHNIQUE (1874).

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ELEVE A L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1878-1875).

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NOTES OBTENUES PAR HENRI POINGARE PENDANT SA PREMIERE ANNEE A L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1873-1874)

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NOTES OBTENUES PAR HENRI POINGARE PENDANT SA SECONDE ANNEE A L'tiCOLE POLYTECHNIQUE (1874-1875).

ELEVE A L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1873-1875).

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LISTE DE GLASSEMENT DE LA PROMOTION 1873 A LA SORTIE DE' L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1875).

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ELEVE A L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1873-1875).

Vers Case de 18 ana.

Eleve a VEcole Poly technique.

JSleve a I'Ecole Poly technique. Ingenieur des Mines a VesouL

HENRI POINGARE JEUNE HOMME (1872-1879).

ECOLE DES MINES ET DEBUT DE CARRIERS (1875-1879).

263

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LETTRE NOMMANT HENRI POINGARE ELEVE INGKNIEUR A L'ECOLK DES MINES (1875).

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ECOLE DES MINES ET DEBUT DE CARRIERS (1870-1879).

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ECOLE DES MINES ET DEBUT DE CARRIERS (1875-1879).

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Voyage en Norvege 1878.

PAGES DES GARNETS DES NOTES PRISES PAR HENRI POINCARE AU COURSVDE VOYAGES D'ETUDES (1877-1878).

66

ECOLE DES MINES ET DEBUT DE CARRIERE ( 187:1-1879 >

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ECOLE DES MINES ET DEBUT DE CARRIERE (1876-1879). 267

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UN RAPPORT DE HENRI POINCARE, INGENTEUR DES MINES (1879).

Premiere page d'un cornpte rendu d'enquete sur un accident survenu dans une mine

de son arrondissement quand il 6tait a Vesoul.)

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ECOLE DES MINES ET DEBUT DE CARRIERE (1875-1879).

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DERNIERE PAGE DU RAPPORT PRECEDENT.

ECOLE DES MINES ET DEBUT DE CARRIERE (1876-1879;.

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MANUSGRIT D'UNE NOTE DE HENRI POINCARE A L'AGADEMIE DES SCIENCES (1879).

( Avant cette Note Henri POINCARE avait prdsente k 1'Academie une premiere Note le n aout 1879.)

H. P.

ECOLE DES MINES ET DEBUT DE CARRIERE ("1870-1879).

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ARRftTE NOMMANT HENRI POINCARE CHARGE DE COURS A LA FACULTfi DES SCIENCES DE CAEN (1879).

FONCTIONS FUCHSIENNES (1880-1882). 271

Le :>9 mai 1880 Henri POINCARE, jeune professeur encore inconnu, ecrit au Professeur FUCHS de Gottingen qui avail peut-etre le double de son &ge, une lettre dans laquelle il souleve quelques objections sur un Memoire que celui-ci venait de publier au Journal de Crelle. II termine sa lettre ainsi : « Je dois vous avouer, Monsieur, que ces reflexions m'ont inspire quelques doutes sur la generality du resultat que vous annoncez, et j'ai pris la liberte de vous ecrire, dans 1'esperance que vous n'aurez pas de peine & les eclaircir ».

Le 5 juin 1880, FUCHS lui repond par la lettre suivante :

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BAPTfiME DES FONGTIONS FUCHSIENNES (1880).

FONCTIONS FUCHSIENNES (1880-1882).

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Le 12 juin 1880, Henri POINCARE repond a FUCHS en faisant de nouvelles objections et en presentant de nouveaux developpernents, et il lui demande dans les termes reproduits ci-apres, Tautorisation de donner le nom de « fuchsiennes » aux nouvelles fonctions qu'il dtudiait.

« Dans le cas ou ces points singuliers ne sont qu'au norabre de deux, je trouve que la fonction que vous avez defmie jouit de proprietes fort remarquables, et, comme j'ai 1'intention de publier les resultats que j'ai obtenus, je vous demanderai la permission de lui donner le nom de fonction fuchsienne, puisque c'est vous qui 1'avez decuuverte ».

BAPTEME DBS FONGTIONS FUCHSIENNES (fin).

FONCTIONS FUCHSIENNES (1880-1882).

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PREMIERE NOTE A L'ACADEMIE DES SCIENCES SUR LES FONCTIONS FUCHSIENNES (1881).

FONCTIONS FUCHSIENNES (1880-1882).

Henri Poincare ct sa fiancee.

Oue/gues annees plus tard.

HENRI POINCARl'i FONDE UN FOYER.

(Le 20 avrii 1881, Henri POINCAHE a epouse Mlle Louise POULAIN d: .arriere petite-fille de Etienne GEOPFBOY SAINT-HILAIRE. )

FONCTIONS FUCHSIENNES (1880-1882). 276

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APRKS UNE NOTE DU PROFESSEUR KLEIN LE PROFESSEUR FUCHS R^AGIT VIGOUREUSEMENT (1882).

(Lettre en frangais ecrite ^ la suite chine Note de KLEIN qui critiquait les designations donnees par Henri POJNCARE aux nouvelles fonctions, et mettait en cause ie Professeur FUCHS.)

FONCTIONS FUCHSIENNES (1880-1882).

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LETTRE DE HENRI POINCARE - POUR JUSTIFIER LES DESIGNATIONS QU'IL AVAIT CHOISIES (1882).

( Voir note page suivante.) H. P.

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FONCTIONS FUCHSIENNES (1880-1882).

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SUITE DE LA LETTHE PRECEDENTE.

(Lettre adress6e au Professeur KLEIN pour les lecteurs dcs Mathemati&che Annalen, et publi6e par KLEIN dans cette revue. On remarque les annotations de Ja main cle KIKIN, destinies a Tcditeur, et le renvoi ajoutc au bas de la premiere page.)

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FIN DE LA LETTRE PREGEDENTE.

280

MEMOIRES SCIENTIFIQUES DE 1^83 A l8S5.

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PREMIERE PAGE DU MEMOlRE SUR LES GkOUPES KLKINEENS (1883).

MEMOIRES SCIENT1FIQUES DE l883 A 1886,

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MEMO1RES SCIENTIF1QUES DE l883 A l885.

PAGE DE FIGURES DU MEMOIRE

SUR LES GROUPES DES EQUATIONS LINEAIRES (1883). (de la main de Henri POINCARE.)

MEMOIRES SCIENTIFIQUES DE l883 A l885.

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UNE PAGE DU MANUSCRIT SUR L'EQUILIBRE D'UNE MASSE FLUIDE ANIMfeE D'UN MOUVEMENT DE ROTATION (1885).

ACADEMIE DES SCIENCES ET PRIX DU ROI OSCAR ( 1 886 ET 1889).

HENHI POINGARE CANDIDAT A L'ACADKMIE DES SCIENCES (1886).

(Extraits d'une letti-e dans laquelle Henri POINCARE raconte k sa femme ses visiles de candidature.)

ACADEMIE_DES SCIENCES ET PRIX DU ROI OSCAR (i860 ET 1889). 285

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SUITE DE LA LETTRE PRECEDENT E.

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PROCES-\ERBAL ETABLI PAR LE JURY D'ATTRIBUTIONiDU PRIX DECERNE PAR LE ROI OSCAR H DE SUEDE ET DE NORVEGE (1889).

ACADEMIE DES SCIENCES ET PRIX DU ROI OSCAR (1886 ET 1889).

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ACADEMIE DES SCIENCES ET PRIX DU ROI OSCAR (1886 ET 1889).

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CONFERENCES ET DISCOURS, ACADEMIE FRANCAISE (1900-1909).

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MANUSCRIT DK LA CONFERENCE SUR LE ROLE BE L'INTUITION ET DE LA LOGIQUE EN MATHEMATIQUES FAITE A PARIS (19(

CONFERENCES ET DISCOURS, ACADEMIE FRANCAISE (1900-1909).

291

UNE PAGE DU JVIANUSCRIT DU DISGOURS SUR LA PART DES POLYTECHINICIE1XS DANS L'OEUYRE SCIENTIFIQUE DU XIX- SIECLE (1903).

(Allocution prononcee par Henri POINCARE en presidant la 36e Assembled gdnerale de la Socidle de secours des ancieus eleves de l*Ecole Polytechnique.)

CONFERENCES ET DISCOURS, ACADEMIE FRANCAISE

A Longuyon en igo5

(assis avec a sa droite une sceur el un frere cle sa mere el a sa gauche sa cousine germaine Mrae Albin HALLEU et sa fern me).

Henri Poincare et Albin Haller. HENRI POINCARE EN VACANGES EN LORRAINE

CONFERENCES ET DISCOURS, ACADEMIE FRANCAISE (1900-1909). 098

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UNE PAGE DU MANUSCRIT DU DISCOURS DE RECEPTION

A L'ACADEMIE FRANCAISE (1 909). H. P. 37

'294

SOUVENIRS DE igiO.ET

HENRI POINCARE A BUDAPEST EN 1910.

(Henri POIXGARE clesigne comme rapporteur de la Commission d'attribution du prix, Bolyai, siege a Budapest avec MM. Jules KONKJ president, Gustave RADOS etGosta MITTAG- LEPFLER le 18 octobre 1910. )

SOUVENIRS DE 1910 ET igil.

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SILHOUETTE DE HENRI POlNCARfi SUR LA PLAGE PENDANT L5ETE 1911.

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SOUVENIRS DE 1910 ET

LETTRE DE HENRI POINCARE A G. B. GUGGIA PUBLIKE DANS LES « RENDICONTI DEL CIRCOLO MATEMATICO DI PALERMO » (1911).

FIGURES D'UNE PREMIERE REDACTION DU MEMOIRE « SUR UN THEORBME DE GEOMETRIE » ANNONGI^ DANS LA LETTRE PREGEDENTE (1911),

(A defaut d'une^ solution gen6rale Henri POINGARE avait eritrepri^ T^tude systematique d^ solutions particulieres.)

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SOUVENIRS DE 1912.

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MANUSCRIT DE LA CONFERENCE SUR LA LOGIQUE DE L'INFINI FAITE A LONDRES LE 3 MAI 1912.

SOUVENIRS DE 1912.

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DEUX PAGES DU MANUSCRIT DE LA CONFERENCE FAITE A LA SEANCE

INAUGURALS DE LA LIGUE D'ENSEIGNEMENT MORAL LE 26 JUIN 1912.

(G'est la derniere fois que Henri POINGA.RE ait parle en public.)

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SOUVENIRS DE 1912.

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DERNIER MEMOIRE PUBLIE DE HENRI POINCARE (1912).

(Ce Memoire a et6 public dans les Annales de la facult& des Sciences de Toulouse apr£s la mort de Henri POINCARE. )

H. P. 38

SOUVENIRS DE

5

DERNIERE LETTRE ECRITE PAR HENRI POINCARE (1912).

Le 7 juillet 1912, le jour meme oii il entrait i-i la clinique dans laquelle il devait succomber dix jours plus tard a une embolie, Henri POINCARE mettait lui-meme k la poste la lettre ci-dessus, et le Memoire qui precede, a Tadresse de M. !CosSERAT, Directeur de 1'Obser- vatoire de Toulouse.)

EPILOGUE.

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UNE PAGE D?UNE RENDITION DE LA TRADUGTION JAPONAISE DE « LA SCIENCE ET L'HYPOTHESE » (1950).

3o.{

EPILOGUE.

UN ASPECT DE L'EXPOSITION HENRI POINCARE A L'ECOLE POLYTECHNIQUE (1954).

ERRATA

Page 177, 9C ligne, au lieu de ouvert, lire trace.

» 178, irc » supprimer de (4e mot). » » 12° » aw //ew de les, //re des.

» 179, u(l » au lieu de ici, //re sur ce point.

» 181, 3e « ajouter a e/zZre ct un. » » 22* » aw //ew oe accordes, //re raccordes.

» 1 85, 61' » aw //ew a*e progessif, //re progress!*'. » w iie » aw //ew a*e ou, //re et. » » 18° » au lieu de des, //re du.

» » 19° » az£ Z/ew <fe vraisemblables, ///^ vraisemblable. o » 3ie » t^M lieu de de, //re du,

» 1 86, 6(t » ^w //ew ^ les de'bats, //re le de'bat.

)) 187, ire »• au lieu de un moment cinelique, lire une quantite de mouvemeni. » » i3e » supprimer la virgule entre niais e^ si.

» 188, 6|J » remplacer la ligne par la suivante : euclidien et la Mecanique

ondulatoire le determinisme et 1'explication me'canique.

» 189, ire » «w //ew de application, lire explication. w » 17° » aw //ew de Je crains bien, //re On peut craindre. » » 25C » aw //ew a'e Constance, lire constante. u « 28e » aw //ew flfe arts, lire Arts.

» » 3oe » au lieu de du moment cine'tique, lire de la quantite de mouvement.

» 190, aie » aw //ew a*e appuyait, //re appuyaient. » » 23° et 24e llgnes, aw lieu de , chose grave, n'est plus a la mode, lire ne nous

touclie plus beaucoup.

» 191, i9e ligne, aw lieu de spatiotemporelle, lire spatio-teiaporelle. w » aoe y aw lieu de spatiotemporelles, lire spatio-temporelles.

» 193, 34° » supprimer Le mathematisme. H » 35C w apres efficience, ajouter physique.

» 198, i6e » aw //ew r/e neonominalistes, lire neo-nominalistes.

» 201, 1 8e » supprimer, disons.

PARTS. IMPRIMERIE G AUTHIER-VILL A RS

147833 Quai des Grands-Augustins, 55

DepcH legal, Imprimear, 1955, 1019 Dep6t legal, Editeur, 1955, 031.

Acheve d'imprimer le 14 ociobrc 1955.

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